« double contrainte1 », énoncé dont les termes mettent le récepteur dans l’impossibilité
de choisir la bonne solution (« pour obéir, je dois désobéir ») et sont pathogènes. La
réaction de l’individu va influer sur l’émetteur du message, et créer un phénomène de
cercle vicieux qui pourra être brisé par la méta-communication.
IV – Analyse
L’ouvrage étudie les formes de communication pathologiques, sources de troubles. Il
s’appuie sur l’approche systémique de l’école de Palo-Alto, certaines pathologies étant
celles du système familial et non de l’individu. La stabilité du système familial peut
reposer sur la maladie d’un membre, visiblement « malade » mais pas toujours le plus
atteint, et si son état s’améliore, cela peut avoir des répercussions catastrophiques sur
l’équilibre familial. Il convient d’aider la famille, car le comportement de chacun des
membres dépend de celui des autres. Souvent, le symptôme d’un individut a un rôle
protecteur sur l’autre, aussi son changement positif est anxiogène pour l’autre, ce qui
peut expliquer pourquoi des relations pathologiques perdurent.
La double contrainte, forme meurtrière de communication, repose sur le paradoxe et
met les deux partenaires dans une situation intenable, source de pathologies. Mais
paradoxalement, elle peut être utilisée par un thérapeute sous forme d’injonctions
paradoxales pour permettre à un patient de sortir du cercle vicieux, en lui prescrivant le
symptôme, qui perd alors son statut de symptôme : le patient ne peut que s’y soumettre,
sortant ainsi de son jeu sans fin et accédant au changement.
V – Point de vue
Ouvrage passionnant, que je reprendrai pour bien le comprendre, car je l’ai trouvé très
scientifique, supposant des pré-requis supérieurs à ceux du recrutement du DU.
J’ai découvert que la double contrainte pouvait être utilisée de manière thérapeutique
avec efficacité, et que le concept d’homéopathie2 pouvait s’appliquer à des soins
psychiques, même si je déplore l’utilisation d’un même terme à deux usages opposés.
Il me donne à réfléchir sur la Langue des Signes Française que j’ai apprise : est-elle
analogique ou digitale ? Page 60, les auteurs écrivent que toute communication non
verbale est analogique, mais suggèrent page 63 que le langage analogique ne permet
pas d’équivalent pour certains éléments comme « ou bien ou bien », ni d’exprimer des
concepts abstraits ou le « non », de distinguer le passé du présent ou de l’avenir. Or la
LSF, langue gestuelle, possède tout cela3.
Autre sujet de réflexion : la communication verbale, digitale, n’est pas adaptée à la
relation sans la communication analogique (p. 64). Le malentendu n’est-il pas alors le
fondement des rencontres par internet, ce qui expliquerait en partie les nombreux
échecs ?
Cet ouvrage m’a permis de classifier beaucoup d’expériences, y compris dans la
littérature ou les média, par exemple la dispute en boucle du couple symétrique ou la
double contrainte, selon Claire Brétécher4 ; la rupture d’une relation conjugale, dont
l’homéostasie reposait sur l’alcoolisme du mari, lorsque celui-ci devient abstinent5.
1 Issu de la théorie de la schizophrénie développée en 1956 par l’anthropologue Gregory Bateson.
2 Similia similibus curantur.
3 Christian Cuxac, Fonctions et structures de l'iconicité des langues des signes. Analyse descriptive d'un idiolecte parisien
de la langue des signes française, Thèse de doctorat d'Etat de Linguistique soutenue à l'Université de Paris V en 1996, par
laquelle il s’inscrit en faux des grands théoriciens de la linguistique et démontre la valeur de véritable langue de la LSF au
même titre que les langues verbales.
4 Claire Brétécher, Les Frustrés, T. 1, B. Diffusion, Paris, Recueil de publications dans le Nouvel Observateur entre 1975 et
1977 : « La Gueule » p. 37 et « Corinne », p. 61.
5 La Femme de ma vie, 1986, film de Régis Warnier avec Christophe Malavoy, Jane Birkin, Jean-Louis Trintignant,
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Femme_de_ma_vie.