Atelier lecture
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force du malheur dont la poigne lorsqu’elle s’abat
sur un homme ne le lâche plus.
Marthe restait seule. La dernière. Elle qui était
venue du plat pays. Elle de l’enfance sans toit,
transbordée de maison en maison dont aucune
jamais n’avait été la sienne. Elle, la sans-toit, la
sans-terre, un jour elle avait atterri dans ce pays
de cailloux et de soleil. Et voilà qu’elle avait pris
racine, Marthe, la déracinée, dans ce sol dont
même ceux d’ici n’avaient pas voulu. Elle avait
trouvé une terre et un toit. Une terre qui sonnait
sous le pied. C’était, sous le sable et la pierre, de
la terre franche. Marthe avait aimé ce pays blanc
de lumière. Petit à petit, elle n’avait plus eu pour
horizon que les trois monts et la dentelle des peu-
pliers. Et voilà que ce pays lui avait tout pris : sa
jeunesse, son homme. Aujourd’hui, il s’était mis
dans l’idée de lui prendre le peu de courage qui
lui restait. Pourtant, elle était encore là, Marthe-
d’on-ne-sait-où, Marthe l’étrangère. Les autres
étaient partis. Ils avaient beau crâner, on aurait dit
qu’ils étaient plus pressés les uns que les autres de