J’ai un poème pour vous. Ce poème concerne trois d’entre nous. La première
est une jeune fille de douze ans, une de ces réfugiés de la mer qui traversent
le Golf du Siam. Elle a été violée par un pirate et après cela, elle s’est jetée
par-dessus bord. La deuxième personne, c’est le pirate qui est né dans un
village perdu de Thaïlande. Et la troisième personne, c’est moi. J’étais très en
colère, bien sûr, mais je n’ai pas pu prendre parti contre le pirate. Si j’avais
pu, cela aurait été plus simple, mais je n’ai pas pu. J’ai compris que si j’étais
né dans son village et que si j’avais vécu une vie semblable – économique,
éducative, etc. – il se pourrait que je sois maintenant ce pirate. Donc, ce
n’est pas facile de prendre parti. Ce poème émane de ma souffrance. Je l’ai
appelé ‘’Je vous prie de M’appeler par Mes vrais Noms’’, car J’en ai beaucoup
et si vous M’appelez par l’un d’eux, Je dois dire oui.
Ne dites pas que Je partirai demain –
Aujourd’hui même, J’arrive encore.
Regardez bien ! A chaque seconde,
J’arrive sous la forme d’un bourgeon sur un rameau printanier,
Celle d’un oisillon aux ailes encore fragiles,
Et J’apprends à chanter dans Mon nouveau nid,
Celle d’une chenille dans le cœur d’une fleur
Ou celle d’un joyau dissimulé dans une pierre.
J’arrive encore,
Pour rire et pour pleurer,
Pour craindre et pour espérer.
Le rythme de Mon cœur est la naissance et la mort du vivant.
Je suis l’éphémère qui se métamorphose à la surface de l’eau
Et l’oiseau qui fond sur l’éphémère.
Je suis la grenouille qui barbote joyeusement dans l’eau claire de la mare
Et la couleuvre qui épie silencieusement la grenouille.
Je suis l’enfant africain qui a la peau sur les os
Et des jambes comme des allumettes