– 5 –
Mais que Périgueux ait été bâti par Japhet lui-même, ou
par son petit-fils Pétrogorius – comme le veulent d’aucuns se
prétendant mieux informés – ce qui est beaucoup plus sûr et
certain, c’est que la famille susdite venait de ce Charbon-
nière, dont parle Brantôme, qui, au siège de Mussidan, l’an
1569, assis derrière une canonnière du rempart, tirait sans
cesse de trois arquebuses que sa femme et un valet char-
geaient. Ce fin arquebusier, qui ne perdait guère sa poudre,
tua, entre beaucoup d’autres, le seigneur de Pompadour et le
cruel comte de Brissac : aussi, naturellement, fut-il pendu
après la prise de la ville par l’ordre du duc d’Anjou, dont le
couteau de frère Jacques Clément fit plus tard justice.
Heureusement, peu avant le resserrement de la ville, la
femme de ce Charbonnière avait porté un sien petit enfan-
çon chez sa propre mère, à elle, qui habitait devers Saint-
André, dans les bois de la Double. Si la brave femme n’avait
été aussi bien avisée, son rejeton eût péri avec elle dans le
massacre des huguenots qui suivit la capitulation de la ville,
selon les us du bon vieux temps. Ce cas échu, Jean-Jacques-
Daniel Charbonnière, lequel vient en droite ligne de ce gar-
çonnet, serait resté dans le néant ; de sorte que son histoire
ici narrée ne l’eût jamais été – ce qui eût été dommage, mais
petit.
Il serait oiseux de dénombrer par le menu tous les an-
ciens Charbonnière nommés sur les feuillets de garde d’une
vieille bible de famille in-folio. Il suffit de dire que c’étaient
de braves gens du commun, paysans pied-terreux, charbon-
niers, bûcherons et autres pauvres hères, impécunieux
jusqu’au grand-père de Daniel qui, ayant gagné quelques
sols dans le négoce des bois, acheta en Double une terre où
il trouva de vieilles futaies avec quantité de belles pièces