Eglise et théologie cathare

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Cahiers de Fanjeaux
Églises et théologies cathares
Raoul Manselli
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Manselli Raoul. Églises et théologies cathares. In: Cathares en Languedoc. Toulouse : Éditions Privat, 1968. pp. 129-176.
(Cahiers de Fanjeaux, 3);
https://www.persee.fr/doc/cafan_0575-061x_1968_act_3_1_941
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Raoul
MÀNSELLI
ÉGLISES
ET
THEOLOGIES
CATHARES
Le
problème
de
l'hérésie
cathare
en
Languedoc
n'est
pas
un
problème
exclusivement religieux;
il
a
eu
les
répercussions
les
plus
profondes
dans
les
directions les
plus
diverses,
et
spécialement
politiques,
en
sorte
que
l'on
peut
dire,
sans
crainte
d'exagérer,
que
tout
le
destin
historique,
du
Languedoc
aurait
été
en grande
partie
changé
s'il
n'y
avait
eu
l’action
et
la
présence
des
Cathares
(1).
Tout
ceci
impose,
à
qui
parle
de
cette
question,
une
rigueur
de
méthode
plus
grande
encore
qu'à
l'ordinaire
et
un
effort
d’érudition
exhaustive
pour
mieux
comprendre
les
formes
et
les
modes
du
catharisme
en
ses
manifestations;
son
inser¬
tion
exacte
dans
la
réalité
historique;
et
enfin
la
diffusion
et
la
profondeur du
mouvement.
Ainsi
sera-t-il
possible
d'éviter
des
jugements
apologétiques
stériles
ou
des
condamnations
hâti¬
ves,
au
bénéfice
de
la
seule
exigence,
qui
soit
au
vrai
néces¬
saire,
celle
d'une
intelligence
plus
vivante
et
complète.
C'est dans
ce
but
qu’il
nous
semble
opportun
de
préciser
d’abord
pour
désencombrer
le
terrain
d'une
possible
équivo¬
que
:
on
est
depuis
longtemps
habitué
à
parler,
au
moins
pour
la
commodité
du
discours,
du
Catharisme
comme
d'une
réa¬
lité
unifiée;
or,
s’il
est vrai
que
les
Cathares,
en
face
des
polé-
130
R.
MANSELLI
mistes
catholiques
et
des
poursuites
de
l’inquisition
se
sont
présentés
et
ont
résisté
de façon
cohérente,
il
ne
l'est
pas
moins,
comme nous
en
ont
avertis
clairement
les
contempo¬
rains
que
l'on
songe
à
Raynier
Sacconi
(2)
qu'ils
étaient
profondément
divisés
entre
eux,
ainsi
qu'il
en
sera
du
Pro¬
testantisme,
qui
se
présentera
en
groupes
et
églises
bien
dis¬
tinctes,
mais
à
l'intérieur
d'une
commune
opposition
à
l'Eglise
Catholique.
On
ne
peut
non
plus
pleinement
se
satisfaire
de
la
distinc¬
tion,
sans
doute
très
ancienne
puisqu'elle
remonte
aux
pre¬
miers
polémistes
catholiques,
entre
dualistes
radicaux
et
dualistes
modérés
(3)
:
si
elle
est
commode
en
fait
pour
les
controversistes dans
leur
démonstrations,
et
plus
encore
pour
le
chercheur
qui
trouve
un
cadre
utile
pour ses
analyses,
il
faut
constater,
d'un
point
de
vue rigoureusement
historique,
qu’en
fait
ont
existé
seulement
des
églises cathares,
groupes
de
fidèles
adhérant
au
même
complexe
de
mythes
et
ayant
le
même
comportement
religieux.
En
revanche
chez
tous
fut
commune,
semble-t-il,
la
pratique
pénitentielle
et
liturgi¬
que
(4).
De
vient
la
difficulté
fondamentale
pour
l'étude
du
mou¬
vement
cathare,
celle
de
caractériser
avec
précision
les
diffé¬
rentes
églises
et
d'en
recueillir
l'esprit
authentique
et
profond
qui
les
anima.
Trop
souvent,
en
effet,
on
a
exposé
les
doctri¬
nes
cathares
en
mettant
ensemble,
comme
s’il
s’agissait
d'une
seule
et
identique
réalité,
des
informations
qui
venaient
des
lieux
et
des
temps
les
plus
divers.
Par
exemple
on
a
fondu
des
indications
provenant
dTik-
bert
de
Schônau,
fragmentaires
et
incertaines
comme
je
crois
l'avoir
démontré
ailleurs
(5)
et
d'une
époque
à
la-
qelle
le
mouvement
cathare
en
était
à
peine
à
ses
débuts,
avec
d'autres
éléments
puisés
dans
Moneta,
qui
est bien
informé,
mais
préoccupé
seulement
de
démonstration théologique
et
qui
écrit
au
milieu
du
xne
siècle,
alors
que
l'hérésie
avait
déjà
EGLISES
ET THEOLOGIES
CATHARES
131
atteint
le point
culminant
de
sa
puissance
(6),
ou
avec
d'au¬
tres,
venus de
Dollinger,
qui
n’a
fait
qu'ajuster
qu’on
me
pardonne
ce
mot
sévère
mais
le
seul
qui
réponde
exactement
à
la
réalité
des
fragments
de
tout genre
et
de
toute
époque.
On
oublie encore que,
du
début
à
la
fin,
les
Cathares,
de
toute
région
et
de toute
église,
ont
toujours
évité
d'exposer
de
façon
organique
et
complète
leur
foi;
ils
ont
toujours
caché
leur
secretum.
Il
ne
nous
est
parvenu,
dans
les
archi¬
ves
de
l'inquisition,
que
celui
des
Cathares
de
l'église
ita¬
lienne
de
Concorezzo, mais
qui
vient
du
monde
bogomile
et
est
en
substance
étranger
à
la
foi
albigeoise
(7).
Le
Liber
de
duobus
principiis en
revanche,
qui
est
d’un
intérêt
exception¬
nel
pour
nous
montrer,
au
sein
du
catharisme, une
veine
spé¬
culative
et
théologique,
modeste
mais
non
insignifiante,
alors
qu'il
nous
donne
des
éléments
importants
pour
la
connais¬
sance
des
divisions
entre
Cathares,
ne
nous
dit
rien
des
mythes
fondamentaux des églises
attachées
au
dualisme
radi¬
cal;
de
nombreux
éléments
nous
poussent
à
supposer
que
le
Liber
voulut
en
triompher
en
s'efforçant
de
poser
en
termes
philosophiques
et
théologiques
le
problème
du
mal
(8).
Tout
ceci
veut
dire
en
somme,
que
si
nous
disposons
aujourd'hui
d'une
masse
d'informations
sensiblement
plus
riche
et
variée
que
celle
sur
laquelle
Schmidt,
Hahn,
Gieseler,
Dollinger
ont
construit
leurs œuvres,
nous
devons
être
beau¬
coup
plus
précautionneux
et
prudents
qu’ils
ne
furent,
pour
tenter
une reconstruction
de
l'histoire
et
de
la
foi
cathare,
qui
soit
scrupuleusement
fidèles
à
la
fois
aux
sources
et
à
la
réalité
des
faits.
Cela
vaut
en
particulier
pour
l'hérésie
cathare
en
Languedoc
sur
laquelle
on
a
des
documents
très
riches,
mais
non
encore
suffisamment
médités.
Il
sera alors
opportun
de
redire
que
le moment
central
de
cette
histoire
fut
le
concile
de
Saint-Félix
de
Caraman,
car
il
marqua dans
ces
régions
la
fin
d'une
première
époque,
moins
organisée,
moins
assurée
doctrinalement,
et
le
passage
au
vrai
132
R.
MANSELLI
et
propre
albigéisme,
comme
l’a
montré
d'une
façon,
sur
laquelle
il
n’y
a
aucune
réserve
à
faire,
le
Père
Dondaine
(9).
Apparus
au
milieu
du
xne
siècle
et
justement
en
Languedoc,
ces
premiers
Cathares
y
furent
appelés
Ariens
comme
en
Germanie
«
Cathares
»
et
en
Flandre
Pifles
;
évidemment
le
rapetissement
du
Christ
en une
créature
de
Dieu qui
ne
lui
était
pas
consubstantielle,
fit
davantage
impression
que
le
dualisme.
Et
ceci
parce
que, comme
j’ai
eu l'occasion
de
le
montrer
ailleurs, chez
ces
Ariens
Dieu
est
le
créateur
soit
du
monde
spirituel,
soit
du
monde
matériel,
alors
que
Satan
est
seulement
l'ordonnateur
de
la
matière
et
non
un
principe
sem¬
blable
et
opposé
à
Dieu
lui-même
(10).
En
ce
fait
je
crois
trouver
la
preuve
sans
équivoque
que
tout
le
premier
catharisme
européen
en
Languedoc
comme
ailleurs
n’avait
pas
connu
la
forme
radicale,
réussissant
par
même
à
échapper
à
l'attention
du
clergé
et
de
la
hiérarchie
catholiques,
qui
ne
parvint
pas
à
se
rendre
compte
à
quel
point
était
décidément hérétique
la
doctrine
des
Ariens;
saint
Bernard
fut
le premier
à
le
comprendre,
pour
la
première
fois
peut-être,
quand
venu
à
Toulouse
pour
y
combattre
le
moine
Henri,
il
vit
se
lever contre
lui
une
opposition
hétérodoxe
beaucoup
plus
dangereuse
et
répandue
que
celle du prédicant
nomade
contre
lequel
on
l'avait
appelé
(11).
Quoi
qu'il
en
soit,
il n’y
a
pas
à
mes
yeux
une
seule
manifes¬
tation
certaine
de
dualisme
radical
avant
ces
années
en
les¬
quelles
on
a
coutume
de
fixer
le
concile
de
Saint-Félix.
Il
faut
donc
aussi,
pour
cette
première
phase
de
l'hérésie
en
Langue¬
doc,
souligner
le
fait
déjà
de divergences profondes.
Cependant
que
saint
Bernard
ne
trouvait
en
fait
rien
à
redire
aux
pratiques
rituelles de
ces hérétiques
ni
de
ceux
de
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