implique) la croissance de l’économie du pays considéré - pas de développement sans
croissance7. A ce titre, la définition que P. Bairoch [1990] propose du développement - «
l’ensemble des changements économiques, sociaux, techniques, et institutionnels liés à
l’augmentation du niveau de vie résultant des mutations techniques et organisationnelles
issues de la révolution industrielle du 18ème siècle » - est relativement consensuelle. Cette
définition comprend implicitement une vision du lien entre le développement et la croissance,
si on assimile cette dernière à « l’augmentation du niveau de vie » ; ou plus précisément, si on
retient qu’une telle augmentation est le signe distinctif d’une économie en croissance (c’est à
dire d’une économie qui est le siège d’un développement progressif, à s’en tenir au sens
général du terme rappelé en introduction). Elle est relativement consensuelle parce que la
nature de ce lien n’est pas explicitée. Mais aussi parce qu’elle est tout à fait générale, tout en
n’ayant d’actualité que pour les pays du Sud.
Le PIB (à prix constants) comme indicateur unidimensionnel de la croissance
Dans le même temps, les travaux de comptabilité nationale fournissent une évaluation dans le
temps de la richesse produite à l’échelle d’une économie, via la mesure à prix constants du
PIB (ou encore celle du revenu national à monnaie constante). Dans certains pays, dont la
France, l’objectif poursuivi est avant tout de donner une bonne description du circuit
macroéconomique keynésien comme outil au service de la politique économique ; en
conséquence, aucun flux monétaire fictif (tel une « production des administrations ») n’est
pris en compte. Mais le système des Nations Unis, dont l’objectif est d’abord de permettre des
comparaisons internationales, finit par s’imposer : il retient de comptabiliser (en monnaie)
toutes les « richesses » produites en ajoutant à la valeur ajoutée tirée des productions vendues
(le PIB marchand) une valeur ajoutée fictive des productions non vendues (le PIB non
marchand). L’idée s’impose alors que l’évolution en volume du PIB global est un indicateur
de la croissance : une économie croit si cet indicateur est en augmentation. Cela revient à
considérer que le niveau de vie s’élève lorsque le PIB en volume augmente. Il s’agit du niveau
de vie global ; on doit le rapporter à la population pour savoir si cette augmentation globale se
traduit ou non en moyenne pour chaque habitant par une augmentation. Il devient alors
courant de retenir que le PIB par habitant est un indicateur du niveau de développement d’un
pays8.
Du développement sans qualificatif à la triade « économique/social/humain »
Il va sans dire que le développement dont parle Bairoch est celui que certains qualifient
d’économique, en s’en tenant à la vision classique du champ des « richesses » ; à savoir, ces
objets matériels que l’homme produit en exploitant la nature et qui ont pour lui une valeur
d’usage (ils répondent à un besoin de consommation finale). Sous l’impulsion du courant
humaniste, l’idée s’impose progressivement que le développement économique n’est pas le
tout du développement. On doit aussi s’intéresser au développement social (au sens où on
parle de sécurité sociale ou de prestations sociales) ainsi qu’au développement humain. Le
premier implique un élargissement de droits effectifs en égalité d’accès ou de chances (ex :
réduction des inégalités en matière de revenu disponible), tandis que le second met en jeu
7 Les divergences se manifestent à propos de la relation inverse, les partisans de la « mono-économie »
considérant que la croissance vaut développement, tandis que les « structuralistes » retiennent le plus souvent
que la croissance ne suffit pas pour qu’il y ait développement. On y revient dans la seconde partie, en prenant en
compte l’apport critique de François Perroux.
8 On laisse de côté la question relative aux taux de change qu’il faut prendre en compte pour pouvoir réaliser des
comparaisons de PIB par tête à l’échelle internationale.
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