DÉBATS DANS L'ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE DE LA GRAMMAIRE

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DÉBATS DANS L'ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE DE LA GRAMMAIRE
Armand Colin | « Le français aujourd'hui »
2011/5 n°HS01 | pages 129 à 138
ISSN 0184-7732
ISBN 9782200274801
DOI 10.3917/lfa.hs01.0129
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2011-5-page-129.htm
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DÉBATS DANS L’ENSEIGNEMENT-
APPRENTISSAGE DE LA GRAM MAIRE
Toute réfl exion en didac tique de la gram maire implique d’envi sa ger
conjoin te ment la dimen sion de l’ensei gne ment (rela tions entre théo ries et
métho do logies) et celle de l’appren tis sage (obs tacles et réus sites dans
l’appro pria tion sco laire) ainsi que le rôle de cette dis ci pline dans l’inter ac -
tion ensei gnant/appre nant au sein de la classe de langue. Sur ces dif fé rents
aspects, les tra vaux cen trés sur la didac tique de la gram maire en langues
étran gères, par ti cu liè re ment en fran çais langue étran gère (FLE) (cf. Besse
et Porquier 1984 ; Moirand, Porquier et Vivès 1989 ; Cuq 1996 ; Ger main
et Seguin 1998 ; Puren 2001) croisent cer taines des pré oc cu pa tions du fran-
çais langue mater nelle (Chartrand 1995 ; Grossmann et Vargas 1996 ;
Chiss et Meleuc 2001). L’optique adop tée ici pri vi lé giera la concep tion, le
rôle et la place de la gram maire en FLE sans négli ger l’apport du français
langue maternelle (FLM), ne serait- ce que pour dis po ser d’élé ments propres
à envi sa ger les rela tions entre langue étran gère et langue mater nelle.
Situa tion actuelle de l’ensei gne ment de la gram maire
Les avan cées en didac tique du fran çais langue mater nelle et langue étran-
gère peuvent aujourd’hui repo ser sur un double consen sus pour ce qui
concerne la gram maire, étant entendu qu’on se pro nonce moins à par tir
des réa li tés empi riques des classes, tou jours dif fi ciles à appré hen der, que
des direc tions actuelles de la didac tique comme dis ci pline de réfl exion et
d’inter ven tion.
Il s’agit d’abord de ne pas reconduire les caté go ries et modes de pen sée
de la gram maire tra di tion nelle qui se main tient, de fait, dans de nom -
breuses classes de langue mater nelle mal gré les ins truc tions offi cielles du
col lège en France (1995-1998), en par ti cu lier la tri par tition gram maire de
phrase/gram maire de texte/gram maire de dis cours dont l’appro pria tion par
les ensei gnants n’est pas évi dente et qui ne règle pas, de toutes façons, la
ques tion des conte nus de la gram maire de phrase (Chiss et Meleuc 2001).
On pour rait même s’inter ro ger, dans les pro grammes de l’école pri maire
fran çaise (2002), sur les orien ta tions de la rubrique « Obser va tion réfl é chie
de la langue fran çaise » qui conduisent, de notre point de vue, à une forme
de régres sion vers les caté go ries de la gram maire tra di tion nelle en aban don-
nant la des crip tion en termes distributionnels de la phrase fran çaise.
En FLE, un exa men de cer taines méthodes s’ins pi rant de l’approche
commu ni ca tive montre une ten dance à la marginalisation de la gram maire
sous la forme d’appen dices gram ma ti caux et s’il y a « retour de la gram -
maire », après une phase d’aban don, il s’agit le plus sou vent du retour des
« règles » de la gram maire tra di tion nelle. On peut voir ici le symp tôme
d’une croyance encore lar ge ment par ta gée : il y aurait une contra dic tion
entre le but attri bué aujourd’hui à l’ensei gne ment d’une langue étran gère
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– à savoir la compé tence de commu ni ca tion et l’ensei gne ment de la gram-
maire, alors que l’accent sur les formes et la rela tion forme/sens – qui est
au centre du tra vail gram ma ti cal est, en réa lité, indis pen sable pour acter
la pro duc tion/récep tion des énon cés.
Il nous semble que l’éloi gne ment de la gram maire dans l’optique commu-
ni ca tive peut être, en pre mier lieu, attri bué à la pri mauté de fait de l’oral
alors que la gram maire était répu tée cen trée sur l’écrit et utile priori tai re -
ment pour la lec ture-écri ture. Dans ce dis po si tif, le manque de didacti-
sation des tra vaux sur la gram maire du fran çais parlé a joué un rôle néga tif.
Pour quoi, dans les gram maires péda go giques et par fois dans cer taines gram-
maires de réfé rence, après un siècle de lin guis tique, la ques tion de la dif fé -
rence des marques lin guis tiques à l’écrit et à l’oral n’est- elle pas inté grée ?
Dès 1970, J. Peytard avait alerté les ensei gnants de fran çais sur cette ques -
tion en pre nant pour exemples l’accord des adjec tifs ou la pré sen ta tion des
conju gai sons… La seconde rai son de la dis tance prise vis- à-vis de la gram -
maire tient sans doute à l’assi mi la tion ances trale de cette dis ci pline à la
connais sance des règles et à leur ver ba li sa tion : de ce point de vue, un débat
oppose ceux qui (comme Cuq 2001) consi dèrent que les règles, à cause de
leur carac tère nor ma tif, sont un fac teur d’insé cu rité pour l’appre nant et
ceux qui (comme Wilmet 2001) esti ment au contraire que les règles sécu -
risent, donnent confi ance aux appre nants de langue étran gère. Si l’on attri-
bue d’autres rôles à la gram maire dans l’appro pria tion lin guis tique, alors la
ques tion de la règle nor ma tive se rela ti vise au pro fi t du rai son ne ment et de
l’inté riori sa tion des fonc tion ne ments.
L’autre facette du consen sus au sein de la recherche en didac tique consiste
désor mais à refu ser la reconduc tion des trans po si tions hâtives de cer taines
théo ries lin guis tiques. Ce point est par ti cu liè re ment déli cat car, au delà de
la gram maire, il pose un pro blème cen tral pour toute la didac tique des
langues. En langue mater nelle, tout un cou rant a cri ti qué, à juste titre mais
par fois de façon exces sive ou incan ta toire, l’applicationnisme, en par ti cu -
lier le trans fert direct de pro cé dures des crip tives de la lin guis tique struc tu -
rale et géné ra tive à l’ensei gne ment du fran çais (les fameuses des crip tions
sous forme d’« arbres » par exemple). En langue étran gère, la cri tique de la
lin guis tique appli quée a tou ché les domaines de la pho né tique, du lexique
ou de la syn taxe mais, de manière en appa rence curieuse, semble avoir épar-
gné d’autres « appli ca tions », à notre sens tout aussi mas sives, par exemple
celles de la théo rie des actes de lan gage, pour le coup carica
tu rée dans de
nom breuses méthodes de FLE où le concept s’est dilué par exten sion illi mi-
tée. La ques tion, très géné rale, est sans doute d’inver ser le mou ve ment en
sub sti tuant une logique ascen dante à la logique des cen dante : par tir d’une
dif fi culté, d’un pro blème didac tique pour sol li ci ter sur des bases pré cises,
telle ou telle théo rie lin guis tique.
Les conte nus et la méta langue
C’est à par tir de ce double pré sup posé (refus symé trique de la gram maire
sco laire tra di tion nelle et de l’appli ca tion des lin guis tiques) qu’il faut poser
le pro blème des « conte nus » gram ma ti caux à ensei gner, toute gram maire
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d’ensei gne ment devant réfl é chir à la consis tance de ses savoirs, à leur orga -
ni sa tion, à leur dis po si tion sui vant une pro gres sion, ainsi qu’à l’effi ca cité
de ses tech niques. On peut, par souci d’exem pli ca tion, énu mé rer quelques
dif fi cultés clas siques :
Les fron tières sou vent dis cu tables entre caté go ries gram ma ti cales alors
même que les gram maires se pré sentent depuis l’Anti quité comme des
« typo logies » de « par ties du dis cours », par exemple celles entre adjec-
tif et par ti cipe passé (Pierre est fati gué/C’est un homme fati gué), entre
adverbe et conjonc tion (adverbe de liai son/conjonc tion de coor di na -
tion). Le but pour l’appre nant est- il de typologiser avec sureté et avec
le méta lan gage adé quat ou bien de comprendre les phé no mènes de
coor di na tion/connexion ? Faut- il qu’il iden ti fi e les appo si tions ou qu’il
sache reconnaitre et employer les construc tions déta chées ?
La ques tion de la consis tance de cer taines caté go ri sa tions : le « temps »,
le « mode », l’« aspect » mais aussi les pro noms per son nels, avec le pro-
blème de l’hété ro gé néité interne de cette der nière caté go rie (noms
personnels-pro noms du dia logue, etc.).
La ques tion de la per ti nence rela tive des défi ni tions : « par titif » comme
par tie d’un ensemble n’explique rien contrai re ment à la prise en compte
des traits séman tiques des noms (par exemple, comp table vs non comp -
table).
La répar tition et la déno mi na tion sou vent fos si li sées dans la culture
sco laire gram ma ti cale : les tri par titions poten tiel/irréel du présent/irréel
du passé ; style direct/indi rect/indi rect libre ; les trois groupes de la conju-
gai son aux quels on pour rait sub sti tuer les bases mor pho lo giques des
verbes. Les solu tions sont tout autant dans le regrou pe ment d’élé -
ments sous une caté go rie géné rale (le déter mi nant) que dans le
dégroupement d’élé ments dis pa rates homo gé néi sés à l’inté rieur d’une
caté go rie, celle d’adverbe par exemple.
Sans doute l’effort de reconstruc tion et de ratio na li sation est- il à la
mesure d’une situa tion mar quée par l’infl a tion des fonc tions gram ma ti -
cales depuis le XIXe siècle et l’incroyable abon dance du méta lan gage
(Chervel 1977) qui per dure encore aujourd’hui. Une enquête menée par
J.-P. Cuq (2001) sur les pro grammes offi ciels de FLM et les méthodes de
FLE fait apparaitre en France la pré sence de 373 lexies, 252 au Québec,
186 en Belgique et seule ment 66 en Suisse mais ce der nier résul tat peut
être rela ti visé si l’on admet qu’on y uti lise sou vent des méthodes de FLE
fran çaises. Il faut aussi inté grer à cette réfl exion la rela tion du fran çais ensei-
gné comme langue étran gère aux autres langues. D. Willems (1999), dans
un article prô nant une uni ca tion terminologique, met en évi dence les
non- recouvrements entre les ter mi no logies lin guis tiques euro péennes :
attri but dans la tra di tion gram ma ti cale ger ma nique serait notre épi thète et
notre attri but serait appelé pré di ca tif ; alors que la bipar tition fran çaise
entre objet indi rect et objet direct repose sur la pré sence/absence de la pré po-
si tion, la gram maire anglaise dis tin gue rait complé ment direct, complé ment
indi rect et complé ment prépositionnel la pré po si tion est obli ga toire. Il
semble qu’il s’agit là d’un point nodal dans la didac tique sco laire des
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langues car il importe de savoir si l’on peut s’appuyer, au plan méta lin guis-
tique, sur la langue mater nelle et selon quelles pro cé dures.
Dans le pro ces sus de sélec tion des « conte nus » pré cé dem ment évo qué
et en par ti cu lier pour le FLE, il faut encore insis ter sur la prise en compte
de la réelle diver sité des struc tures de la langue. On attend évi dem ment
d’une gram maire, comme d’un dic tion naire d’ailleurs, qu’ils rendent
compte de l’attesté, c’est- à-dire de la plu ra lité des caté go ries gram ma ti -
cales appe lées à occu per la fonc tion sujet, de la diver sité des construc tions
rom pant avec l’ordre cano nique SVO (sujet- verbe-objet) : les imper son -
nels, les présentatifs, les struc tures inver sées (À cela s’ajoute quelque chose.
Au milieu de la pièce trô nait le sapin de Noël), les struc tures avec dis lo ca tion
(la terre, c’est beau), avec déta che ment (Il fait beau, à Paris)… De ce point
de vue, on fait l’hypo thèse qu’un appre nant de FLE a plus besoin d’un
inven taire des construc tions ver bales du fran çais que d’un lis ting des
complé ments du verbe avec le raf ne ment de leurs déno mi na tions (Supra).
On pour rait d’ailleurs, à ce pro pos, extra po ler du domaine gram ma ti cal
vers le domaine lexi cal en notant que la ques tion des construc tions ou des
for mu la tions est sans doute plus fon da men tale que la notion de stock lexi-
cal, tra duite dans l’ensei gne ment par les listes de voca bu laire orga ni sées
thématiquement ou même mor pho logique ment. En FLE à l’évi dence,
mais aussi en FLM, tout ce qui est de l’ordre de la locu tion, de la col lo ca -
tion, du syn tagme est par ti cu liè re ment impor tant, s’il est vrai que le
pas sage de la compé tence lin guis tique à la compé tence de commu ni ca tion
se fait à tra vers la maitrise – rela tive – de l’« idiomaticité ». Les asso cia tions
ritua li sées par fois deve nues cli chés ou quasi- citations font par tie inté grante
de la « gram maire » que l’appre nant doit inté riori ser, qu’il s’agisse des asso-
cia tions verbes- adverbes (on dis serte lon gue ment, on applau dit fré né ti que -
ment) ou noms- adjectifs (de la défaite cin glante et du tra vail achar au
céli ba taire endurci). Prendre en compte ces élé ments, c’est encore poser la
ques tion de l’enseignable, des choix à opé rer dans les « conte nus lin guis -
tiques ».
Entrer dans la gram maire
Le pro blème des conte nus ne peut être séparé du débat sur les « entrées »
en gram maire et sur la rela tion formes/sens (Leeman 2001). On a cou -
tume, sur tout en FLE, d’oppo ser les entrées for melles aux entrées notion -
nelles (séman tiques). C’est là une approche métho do lo gique, didac tique,
qui ne porte pas sur le réel de la langue où sens et forme sont indis so -
ciables. On peut ainsi ima gi ner des « gram maires » à double entrée qui
per met traient le va- et-vient entre les deux ordres de pré oc cu pa tions. Il ne
s’agit pas, pour l’ins tant, d’élar gir radi ca le ment le cadre de l’ana lyse au delà
de la phrase vers le texte ou le dis cours. Certes les néces si tés d’une
cotextualisation et d’une contextualisation peuvent s’impo ser et s’imposent
de fait dans la démarche péda go gique. Mais il faut d’abord sou li gner qu’au
sein même de la phrase – dans la variété de ses réa li sa tions, les énon cés
existe la dimen sion énon cia tive et séman tique. C’est pour quoi on peut,
pour les mêmes conte nus, « entrer » par la notion de « type de phrase » où
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