62 Du regard a la parole : la relation soignant-soigné en psychiatrie
de signifiants modernes, importées du management des res-
sources humaines, qui risque de dénaturer la relation humaine.
Cette logique est liée à des questions financières de la santé pu-
blique, questions certes bien réelles, mais où le facteur humain
et relationnel est de plus en plus oublié. L’infirmier(e) se re-
trouve assigné à des tâches nouvelles, administratives, et n’a
plus de temps à consacrer au soigné. Du fait de ces change-
ments, une certaine perplexité s’installe, qui peut faire regretter
les fonctionnements d’antan. Les réflexions et questionnements
sur la relation soignant-soigné, chers à la psychothérapie ins-
titutionnelle, semblent révolus. Ils sont repris dans la « gestion
des pôles », mais celle-ci se fondant sur un modèle général de
fonctionnement hospitalier, la psychiatrie s’en trouve rigidi-
fiée. Or, les réflexions institutionnelles, collectives, servaient
de poumon à des agents confrontés à un objet difficile et an-
goissant, qui ne peut être mis sur le même plan qu’un trouble
somatique. Pour aller de l’avant, une redéfinition des missions
du soignant en psychiatrie s’avère aujourd’hui nécessaires.
Sur le terrain, en France, la profession infirmière a elle aussi
subie des bouleversements. La disparition du diplôme d’Infir-
mier Spécialisé en Psychiatrie a contribué à l’inclusion de la
psychiatrie au rang d’une discipline médicale comme les autres,
ce qu’elle ne peut être du fait de son objet. Les jeunes Infir-
mier(e)s Diplômé(e)s d’État arrivant dans les services géné-
raux de psychiatrie, souvent pleins de bonne volonté et du désir
d’aider, se retrouvent confronté(e)s à des pathologies diffici-
les, où la violence côtoie la misère sociale, pathologies qui ont
elles aussi suivies les mutations de nos sociétés. Démunies face
à ces malades, les jeunes IDE rencontrent le doute, voire
l’angoisse, ce qui peut les conduire à la fuite ou à l’établisse-
ment de mécanismes de défense qui empêchent une position
soignante. Bien souvent, ces nouveaux soignants butent dans
la compréhension et l’appréhension de ces malades. On cons-
tate une perte de sens des pratiques, dissoutes dans les tâches
administratives, le nursing, la gestion des lits. Les temps plus
courts d’hospitalisation introduisent une autre temporalité qui
rend difficile les réflexions théorico-cliniques. Par là, la prati-
que n’est plus élaborée, pensée. Et, en lien avec une disparition
de la spécificité psychiatrique, les pathologies ne sont plus
décodées, le positionnement soignant est mis de côté. Essayons
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 26/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 78.221.186.17)
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