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Se forma

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Se former
Pour enseigner
Patrice Pelpel
3ème édition
Entièrement revue et argumentée
DÉFINIR DES OBJECTIFS PEDAGOGIQUES
15
De jouer la même partition ! C'est le domaine de l'interprétation, de la diversité, des priorités et des choix de l'enseignant. Le plus souvent, lorsqu'on
lui demande de préciser ses objectifs, ce sont ses intentions qu'il annonce :« Faire aimer Victor Hugo aux élève », « leur apprendre à faire une dissertation
» ou « leur faire comprendre les causes de la Révolution française » ...
Si, à ce niveau, une certaine différenciation est possible, on ne se trouve pourtant pas dans le domaine de l'arbitraire et de la pure fantaisie
: son action doit tendre à réaliser les buts de l'enseignement ; il lui appartient donc de les connaître, et de mettre en œuvre les moyens qui
lui semblent les plus adaptés pour les atteindre. Sauf à devenir schizophrène ou paranoïaque, son projet ne peut être opposé à celui de
l'institution : c'est en ce sens qu'il est professeur de français, de mathématiques ou d'éducation physique.
L'enseignement est pavé de... bonnes intentions
Les choses paraissent donc simples, alors que c'est pourtant là qu'elles se compliquent, cor l'enseignant n'est pas un simple engrenage qui démultiplie au niveau des
élèves les buts de l'éducation sans les modifier. Par le fait qu'il est une personne, il a une part de libre arbitre, une zone franche qui constitue son aire de liberté, mais
comporte aussi, par là-même, un risque. Cette indétermination qu'il introduit dans le processus d'enseignement se développe selon trois axes principaux :
- il s'agit d'abord de la zone trouble qui sous-tend ce que D. Hameline (1982) décrit comme l'intention d'instruire et le désir d'aider ; c'est la manière personnelle dont
l'individu investit le fait même d'avoir à enseigner, avant d'enseigner ceci ou cela. Ici déjà tous les enseignants ne sont pas sur le même plan, ni par rapport au savoir
que représente leur discipline, ni par rapport à l'institution, ni par rapport aux élèves ;
- ensuite, l'intention de l'enseignant s'analyse à plusieurs niveaux qui peuvent entretenir entre eux des rapports complexes et parfois contradictoires ; on peut distinguer
classiquement ce qu'il voudrait faire, ce qu'il pense faire et ce qu’il fait réellement. L'intention peut n'être que velléité, tourner à l'obsession ou dégénérer en fantasme
;
- enfin, pour que l'intention aboutisse, et qu'elle puisse se formuler, une compétence professionnelle est nécessaire. Il ne suffit pas de lire le programme
! Si c'était le cas, les élèves pourraient à coup sûr s'auto-enseigner. L'enseignant doit acquérir une double compétence : dans le domaine disciplinaire
des contenus qu'il aura à enseigner, et dans le domaine pédagogique au sens large (qui va de la connaissance de soi-même à celle de l'élève, en passant
par l'apprentissage des méthodes et des procédures de l'enseignement (cf. infra, Annexes 1 et 2).
1.2 Rendre les objectifs opérationnels
Passer des intentions à la définition des objectifs opérationnels, c'est passer du domaine des projets de l'enseignant
et de ce qu'il fait pour les mettre en Œuvre, à la définition des effets attendus chez l'élève et à leur mesure. Sans
doute l'enseignant s'attend-il, lorsqu'il fait un cours, à ce que les élèves en tirent quelque profit, comprennent une
notion ou retiennent certains éléments. Sinon, ce serait simple manière d'occuper le temps, pur divertissement, et
non pédagogie ! Mais le plus souvent, cette attente reste informulée, latente, comme allant de soi ; ou alors elle est
formulée de manière tellement générale et floue qu'on ne peut pas se représenter clairement le produit attendu ou
qu'il est possible d'en proposer plusieurs qui correspondent tous à la formulation de départ ; cette indétermination
est à la fois préjudiciable l’enseignement, à l'apprentissage et à l'évaluation. Voici deux exemples d'objectifs
inutilisables, faute de précision suffisante :
- l'élève devra savoir se servir d'un ordinateur : que veut dire «se servir » ? Est-ce brancher l'appareil et utiliser
le clavier, est-ce pour faire un jeu ou de l'EAO, ou encore s'agit-il de programmer ou de « surfer » sur Internet ?
Etc. ;
- l'élève devra être capable de nager 25 mètres : en quelle nage, est-ce chronométré, peut-on s'aider d'une bouée,
comment s'effectue le départ ? Etc.
À quelles conditions un objectif est-il opérationnel ? Et d'abord, que signifie le terme opérationnel ? Il possède deux
significations qui éclairent déjà la notion même d'objectif :
Un objectif est opérationnel d'abord en ce sens qu'il est utilisable, c'est-à-dire communicable en des termes non
ambigus ; il doit en particulier pouvoir faire l'objet d'une communication sans sous-entendu ni malentendu entre
celui qui organise l'apprentissage et le plus souvent l'évalue (le professeur) et ceux qui le réalisent (les élèves) ;
Mais il est opérationnel aussi, dans la mesure où ce qu'il décrit, est une opération que l'apprenant doit être capable
d'effectuer, cette opération étant attestée par un comportement qui en est le résultat.
On peut donc définir un objectif opérationnel (certains auteurs disent aussi spécifique, ou encore opératoire) comme
une compétence acquise par l'apprenant, au cours ou au terme d'un apprentissage. Il ne s'agit plus de savoir ce que
le professeur a fait, fera ou a voulu faire, mais de définir ce que l'élève doit être capable de faire et dont il n'était pas
(ou moins) capable auparavant. Il ne s'agit plus de « faire le programme », mais de tenter de définir ce que l'élève
doit en faire à son tour.
.
Encore faut-il le faire en des termes - et nous revenons aux conditions-qui permettent à l'objectif d'être effectivement
opérationnel. Ces conditions sont au nombre de trois, qui sont suffisantes, plus quelques autres qui peuvent être
nécessaires pour parvenir à une meilleure précision.
A Trois conditions essentielles
1. L'objectif est toujours formulé en fonction de celui qui apprend (l'apprenant) et non en fonction de celui qui enseigne
(l'enseignant) ; si ce n'est pas le cas, il ne peut s'agir que d'une intention ou d'un but. La formulation d'un objectif
commence donc toujours par : « l'étudiant, l'élève, l'apprenant, sera capable de...x, car c'est à lui que l'on s'intéresse et
à la capacité nouvelle qu'il doit acquérir. L’objectif se propose de définir la valeur ajoutée par l'apprentissage ;
2. Ensuite, l'objectif doit être spécifique, c'est-à-dire que la capacité en question doit être exprimée par un verbe qui ne
permette pas diverses interprétations, qui soit univoque ; il doit être suffisamment précis pour que fous ceux qui en
prennent connaissance (en particulier les professeurs et leurs élèves) se représentent le produit attendu. Sous-la même.
Forme. Comprendre, savoir, apprécier, lire, etc. Sont bien des comportements, mais ils ne sont pas suffisamment
spécifiques pour pouvoir donner lieu à la formulation d'un objectif exploitable sur le plan pédagogique.
3. Le résultat attendu doit être décrit sous la forme d'un comportement observable et, dans certains cas, (mesurable ;
s'il s'agit de comprendre quelque chose (cf. plus bas ce qui concerne les niveaux taxonomiques), il faut décrire le
comportement qui va manifester-que l'élève a compris, qui va indiquer -et d'abord à lui-même - qu'il a atteint l'objectif.
Pour être plus complet, en particulier pour aller jusqu'à la problématique de l'évaluation, on peut ajouter deux autres
conditions :
- 4. Préciser les circonstances dans lesquelles le comportement en question doit se produire : conditions de temps,
conditions matérielles, etc.
-5. Préciser les critères d'acceptabilité de la performance, c'est-à-dire le niveau de réussite à partir duquel on considérera
que l'objectif est atteint.
Pour pouvoir utiliser réellement le concept d'objectif en pédagogie, il convient d'ajouter à ces éléments de définition
quelques termes nouveaux qui lui permettent de mieux s'adapter à la réalité.
D'abord, la notion d'étape : on doit distinguer, dans un apprentissage, les objectifs terminaux et les objectifs
intermédiaires : les premiers marquent le terme de l'apprentissage, alors que les seconds en constituent les étapes. C’est
une distinction importante pour l'enseignant, car c'est à lui qu'il appartient, compte tenu du temps dont il dispose,
d'organiser les apprentissages des élèves tout au long de l'année scolaire ou d'un cycle de formation.
Ensuite, la notion de prérequis : si un objectif se définit par son terme (la capacite qui doit être acquise par
l'apprenant), il se définit aussi par son point d’entrer, c’est-à-dire par des capacités qui doivent être déjà acquises pour
s’engager utilement dans l'apprentissage. En termes d'apprentissage, les prérequis, concernent l'avenir, et, pour les
définir, il suffit de connaître les Objectifs (chronologiquement, ils ne peuvent être définis qu'après les objectifs) ; par
contre, les acquis réels des élèves concernent le passé, et correspondent plus ou moins aux prérequis nécessaires à un
moment donné de l'apprentissage. Le fait qu'il puisse exister un décalage entre les prérequis nécessaires et les acquis
réels des élèves, ou de certains d'entre eux, peut justifier en début de séquence un contrôle et/ou un rappel des prérequis.
On voit toute l'importance de la vérification des prérequis dans le cadre d'un enseignement différencié qui tienne compte
du niveau réel de chacun et non du niveau supposé de tous.
Début
<< l’apprenant sera capable de…>>
S’adresser à l’apprenant
(1)
Choisir un verbe d’action
(2)
Eviter les verbes mentalistes : comprendre
Savoir, apprécier…
Utiliser des verbes concrets : identifier,
Que fera
l'apprenant
Comportement non observable
Définir, classer, résoudre
Absence de comportement
Comportement observable
(3)
Décrire le produit de l’action
En restant dans les limites fixées par le
Contenu de la formation
Etant donné …
Préciser les conditions de réalisation
(4)
En utilisant…
Avec…/ Sans …
Pourcentage /Quantité
Fixer les critères de performance
(5)
Proportion/ Seuil d’acceptabilité
Durée
Précision
Fin
Figure 1.1
Définir des objectifs : une démarche structurée
Enfin, bien que nous y revenions plus loin dans une perspective critique, il faut introduire dès maintenant une
distinction entre les différents types d'objectifs. Qui sont susceptibles d'être utilisés dans l'enseignement.
Trois types d'objectifs
1. Les objectifs de maîtrise : ce sont ceux qui, portant sur un domaine que l'on
peut facilement circonscrire, permettent une description complète, exhaustive,
univoque du comportement attendu. Exemples : appliquer les règles d'accord du
participe passé ; écrire un texte sans faute d'orthographe, etc.
2. Les objectifs de transfert : ici, il s'agit d'utiliser des connaissances ou des
compétences pour résoudre un problème nouveau ; il ne s'agit plus de reproduire,
mais d'appliquer (cf. chap. 2) ; il y a sans doute plusieurs solutions possibles et
une personnalisation de la réponse. On ne peut prédire d'avance toutes les
situations. Exemples : résoudre un problème de mathématiques qui admet
plusieurs solutions ; proposer une solution à un problème technique, etc.
3. Les objectifs d'expression : l'accent n'est plus mis sur le produit, qui est
largement imprévisible et ne peut donc être décrit d'avance, mais sur la situation
qui doit lui donner naissance. Ils sont plus vocatifs que prescriptifs. Au niveau
des résultats, on ne recherche pas l'uniformité, mais plutôt la diversité. Exemples
: créer une forme à trois dimensions, à l'aide de fil de laiton et de pâte à papier ;
réaliser un travail dans le cadre des TPE, etc.
Des exercices scolaires classiques et complexes, comme la dissertation de
philosophie, se réfèrent à la fois à des objectifs de transfert et d'expression.
Cette ébauche de différenciation des objectifs renvoie à
des problèmes de domaines et de niveaux que nous
aborderons maintenant par le biais des taxonomies1.
2 TAXONOMIES, RÉFÉRENTIELS,
CURRICULUM
Définir des objectifs pédagogiques, c'est essayer de
dépasser la simple description des contenus de
l'enseignement, pour mettre en évidence les opérations
auxquelles ceux qui apprennent doivent être capables de
se livrer à propos de ces contenus. Or, ces opérations, à
propos d'un contenu donné, sont multiples : elles peuvent
varier en niveau, c'est-à-dire être simples ou complexes,
ou situées quelque part sur un continuum qui va du
simple au complexe. Elles peuvent appartenir à des
domaines différents, par exemple au domaine des
activités intellectuelles abstraites ou à celui de la
créativité de l'individu ; ou encore intégrer les deux
aspects.
Reprenons un exemple tiré du programme d'histoire : «
La Révolution française » que les élèves traitent
plusieurs fois au long de leur scolarité et qui peut, de
temps à autre, figurer au programme de concours
postbac. Par rapport à un tel sujet, on peut attendre de
l'élève la capacité de citer quelques noms, quelques
dates, quelques événements de cette période ; ou bien la
capacité d'articuler ensemble certaines causes et certains
effets ; ou encore celle d'interpréter telle ou telle décision
prise par un personnage de l'époque ; on peut lui
demander enfin de prendre position, et de s'impliquer
personnellement dans un jugement porté sur l'ensemble
de cette période et sur ses conséquences.
20
On s'aperçoit dès maintenant que ce type de
clarification des objectifs de l'enseignement est d'une
importance fondamentale :
- pour la définition du contenu même de l’enseignement
: il ne sera pas le même selon que l'on cherche à
atteindre tel ou tel des niveaux précités ;
- pour la définition des critères qui vont servir à
l'évaluation. Portant sur le même sujet, un travail d'élève
ne sera pas apprécié de la même manière selon qu'il s'agit
d'une copie de baccalauréat ou d'une composition
d'agrégation. C'est d'ailleurs à partir de cette
problématique de l'évaluation que s'est élaborée la
première taxonomie d'objectifs.
2.1 Un enseignement plus rationnel : les taxonomies
C'est en effet en 1948, participant à une réunion
d'examinateurs et constatant la divergence des points de
vue que l'américain B.S. Bloom eut l'idée d'essayer de
clarifier, et de faire exprimer par écrit les attentes
possibles des examinateurs par rapport à des productions
d'étudiants. Cette première réflexion aboutira en 1956 à
la publication aux États-Unis d'un ouvrage B.S. Bloom
(traduction française du canadien M. L’avalée en 1968).
Ce fut un double point de départ : d'abord en ce sens que
l'ouvrage fut suivi de deux autres, l'un, Domaine affectif,
cosigné de Bloom et de Krathwohl (1976), l'autre signé
de Harrow, Domaine psychomoteur (1977) ; ensuite
parce que, à partir de cette première taxonomie connue
sous le nom de « taxonomie de Bloom », de nombreuses
autres ont été proposées.
Bien qu'elle soit la plus ancienne, c'est pourtant sur
celle de Bloom que nous allons nous arrêter : étant la
première, elle a été amenée à bien motiver sa démarche ;
elle permet donc de comprendre ce qu'est une taxonomie
en général. De plus, celles qui sont venues ensuite se sont
20
souvent constituées par rapport à elle, soit pour la
simplifier, soit pour la modifier sur tel ou tel point.
DÉFINIR DES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES
21
Vous avez dit : taxonomie ?
Qu'est-ce qu'une taxonomie ? II s'agit simplement d'une
classification d'objets, quel que soit le principe de
classification, et quels que soient les objets : il peut s'agir
d'êtres vivants, de minéraux... ou d'objectifs. Il ne s'agit
pas pour autant d'une classification quelconque, et elle
doit comporter trois caractéristiques pour être utilisable :
- elle instaure un ordre entre les objets, c'est-à-dire
qu'elle met en œuvre un principe de classification, une
loi ;
- elle est exhaustive, c'est-à-dire que, dans le domaine
qu'elle considère, rien ne doit lui échapper. Tous les
objets dudit domaine doivent pouvoir trouver leur place
dans l'une ou l'autre de ses catégories, aucun ne doit être
inclassable ;
- les catégories qu'elle utilise doivent être mutuellement
exclusives, c'est-à-dire qu'un objet ne doit pas pouvoir
appartenir à deux catégories à la fois ; il ne doit pas y
avoir de chevauchement possible entre les catégories.
On peut comparer une taxonomie à un classeur à tiroirs,
dans lequel chaque tiroir porte une étiquette : si le
nombre de tiroirs est suffisant et le libellé des étiquettes
précis, il devient facile de ranger un élément nouveau
dans le tiroir qui convient, ou de retrouver rapidement un
élément déjà classé dans le tiroir ad hoc.
La taxonomie de Bloom utilise deux modes de
classification : d'abord une classification par domaines
(entre lesquels il n'y a pas de hiérarchie), et l’intérieur de
chaque domaine, une classification par niveaux, qui va
du plus simple au plus complexe. Les notions de simple
et de complexe ont ici une signification psychologique et
pédagogique : le simple est en même temps le plus
élémentaire sur le premier plan, et le plus facile à
atteindre sur le second. Les trois domaines dont il est
question ici sont :
- le domaine cognitif, qui concerne les différents modes
d'acquisition des connaissances et les différentes
manières de les mettre en relation et de les utiliser ;
le domaine affectif, qui concerne la manière de réagir
de l'individu par rapport à son environnement, ses choix,
ses préférences et ses rejets, ses goûts;
- le domaine psychomoteur, qui concerne la maîtrise du
corps et l'apprentissage du geste.
Il va de soi que la distinction e ces trois domaines a
essentiellement une signification pédagogique : car tout
individu, quelles que soient les circonstances, se
développe en même temps dans les trois domaines : il
acquiert et il
SE FORMER POUR ENSEIGNER
Utilise des connaissances, il manifeste sa personnalité par
des goûts, des préférences et des attitudes, il maitrise
progressivement son corps et son environnement. L'individu
forme bien un tout, et il ne s'agit donc pas d'un clivage
existentiel. Par contre, sur le plan pédagogique, on peut
mettre l'accent sur tel ou tel domaine et, à l'intérieur de
chaque domaine, chercher à ment la définition d'un
comportement, mais d'un comportement partiellement ou
totalement nouveau, qui fait l'objet d'un apprentissage.
Pour préciser ce qu'est une taxonomie, et pour susciter la
curiosité d'aller plus loin, voici le résumé de celle de Bloom
; nous ne retenons dans chaque domaine que les titres de
chacun des niveaux (chaque niveau se trouvant divisé luimême en un certain nombre de sous-rubriques) complétés par
quelques commentaires explicatifs :
-
Domaine cognitif
1.Connaissance
: il s'agit ici du rappel de faits particuliers
ou généraux, de méthodes ou de processus. C'est
essentiellement la mémoire qui est concernée.
2. Compréhension : ici, on met l'accent sur la manière dont
l'individu est capable d'organiser des matériaux pour obtenir
un certain résultat, soit en découvrant un nouveau matériel,
soit en utilisant un matériel déjà connu.
3. Application : c'est la capacité à utiliser des
représentations abstraites et/ou générales pour traiter des cas
concrets et/ou particuliers.
4. Analyse : c'est la séparation d'un tout en ses parties
constituantes qui a pour but d'expliciter le tout lui-même. Par
exemple, à propos d'un texte : le séparer en différentes
parties, distinguer les différentes idées, etc.
5.Synthèse : c'est au contraire réunir ensemble plusieurs
éléments sans relation entre eux auparavant, de manière à en
faire un tout cohérent. Par exemple, produire une œuvre
personnelle, mettre au point un projet, etc.
6. Évaluation : c'est le niveau le plus complexe, dans la
mesure où il suppose que l'individu mobilise toutes ses
ressources. (Connaissances et capacités), de manière à être
capable de formuler un jugement en utilisant des critères
internes ou externes par rapport à un objet. Exemple :
reconnaître les paralogismes dans un raisonnement ou
choisir un processus de fabrication à partir d'un cahier des
charges.
Domaine affectif
Rappelons que l'on peut définir ce domaine comme étant le
registre des différentes attitudes possibles de l'individu, celui
de l'évolution de ses intérêts et du choix de ses valeurs.
1. Réception : il s'agit de la capacité (plus ou moins grande) à
être attentif à une situation, à un événement ou à une personne.
L'individu est réceptif et son comportement indique qu'il
accepte le stimulus.
23
2. Réponse : non
seulement l'individu est réceptif, mais il
manifeste un comportement-réponse par rapport à une
stimulation extérieure. Il s'investit plus ou moins dans
cette réponse (du simple assentiment à la satisfaction).
3. Valorisation : il s'agit d'un comportement plus structuré
qui se manifeste par les choix que fait l'individu en
fonction de certaines valeurs. C'est l'adhésion à ces
valeurs qui motive le comportement. Cela va de la simple
croyance à l'intime conviction qui suscite un engagement
de la personne. Non seulement apprécier le jazz, mais se
rendre à un concert.
4. Organisation : c'est la mise en système des valeurs que
l'on adopte dans un domaine donné : par exemple
l'esthétique ou la politique. Cette systématisation influe
sur le comportement de l'individu dans le domaine
considéré. C'est un « fan » ou un militant.
5.Caractérisation par une valeur ou un système de valeurs
: c'est la généralisation de l'attitude précédente au niveau
de laquelle un individu établit une hiérarchie entre les
valeurs qu'il adopte et recherche une certaine cohérence.
Le point le plus achevé en est constitué par ce que I'on
pourrait appeler une « vision du monde », une «
philosophie de la vie », au niveau de laquelle l'individu
dépasse et transforme les normes qu'il a intériorisées.
- Domaine psychomoteur
Il comprend les différentes capacités que l'individu peut
acquérir dans la maîtrise de son corps.
1.Mouvements réflexes : gamme de mouvements nonappris que possède l'individu au départ et qui sont la base
à partir de laquelle s'élabore la suite.
Mouvements réflexes pouvant être utilisés dans des
mouvements volontaires (exemple : sucer son pouce).
3.Aptitudes perceptives : c'est là que commencent
véritablement les apprentissages ; développement de la
sensibilité et de la discrimination perceptive (à gauche, à
droite, près ou loin, etc.).
4.Aptitudes physiques : Même processus que plus haut,
mais sur le plan des capacités physiques (force, souplesse,
agilité, dextérité).
5.Habiletés motrices : leur acquisition dépend des niveaux
précédents. Maîtrise du geste qui permet d'obtenir certains
résultats particuliers (exemple : taper à la machine, se
servir d'un outil, jouer au tennis).
6.Communication non verbale : c’est le niveau le plus
élevé, et le plus son corps comme un moyen d'expression
pour communiquer aux autres un sens. Exemples :
expression corporelle, danse, mime.
24
SE FORMER POUR ENSEIGNER
Domaine cognitif
Domaine affectif
* Le niveau réflexe n'est ici pas pris en compte dans la
mesure où il précède l'apprentissage proprement dit.
Figure 1.2
La pyramide de la taxonomie de Bloom1
Nous ne présentons pas les trois volets de cette taxonomie
comme des modèles : ils sont critiquables de différents points
de vue, soit dans leur contenu, soit dans leurs possibilités
d'utilisation. À la suite de Bloom, d’autres auteurs ont
proposé des taxonomies et on en trouve une bonne synthèse
accompagnée d'un point de vue critique dans l'ouvrage de
V.et G. de Landsheere (1978).
Domaine cognitif
Domaine affectif
Domaine psychomoteur
·Connaissance
·Attitudes
·Mouvements sans
·Compréhension
·Appréciations
objets ni outils
·Opérations
·Intérêts
·Mouvements avec
·Stratégies
objets et outils
Tableau 1.2
La taxonomie de Burns
Voici deux exemples qui illustrent, chacun à leur manière,
l'évolution des taxonomies d'objectifs pédagogiques :
- le premier va dans le sens d'une simplification : il conserve
la distinction des trois domaines retenus par Bloom, mais il
diminue dans chaque domaine le nombre de niveaux. On peut
citer ici la taxonomie proposée par Burns2;
DÉFINIR DES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES
25
- le second exemple, au contraire, est celui d'une
taxonomie qui tente de préciser davantage certains des
domaines retenus. Elle multiplie les catégories et, en même
temps, en propose une approche plus dialectique. On peut
citer ici celle de J.-P. Guilford' qui, élaborée à partir de
travaux sur l'intelligence, décrit de la manière suivante le
domaine cognitif : elle permet de distinguer les opérations,
qui sont les processus intellectuels principaux, les produits
qui en sont le résultat, et les contenus qui spécifient les deux
premières catégories auxquelles elles s'appliquent. Chaque
opération peut théoriquement s'appliquer à n'importe quel
type de produit et à tous les contenus possibles. Ce qui
donne 120 combinaisons possibles, que l'on peut
représenter par la matrice suivante (cf. figure 1.3).
OPÉRATIONS Jugement
Production divergente
Production convergente
Mémoir
e
Cognitio
n
PRODUITS Unités
Classe
s
Relation
s
Système
s
Transformation
s
Implications
CONTENUS Figuraux
Symboliques
Sémantiques
Comportementaux
Figure 1.3
La matrice de Guilford
Au-delà de cette diversité d'approches, et des
imperfections relatives de chacune d'elles, quel est l'intérêt
de l'entreprise, en quoi concerne-t-elle I ‘enseignant ?
1 The Nature of Human Intelligence, New York, Mac Graw-Hill, 1967.
SE FORMER POUR ENSEIGNER
Les taxonomies concernent l'enseignant à trois niveaux :
- d'abord, au niveau de l'organisation et de la mise au point
d'un enseignement, ou de ce que nous appelons plus loin un
référentiel, ou un curriculum : lorsque l'on définit des
objectifs pour un enseignement particulier, on doit préciser
leur niveau taxonomique ; car c'est lui qui permet de définir
la nature et le niveau de l'enseignement lui-même, et qui
permet ensuite de respecter une certaine cohérence entre
l'enseignement dispensée l'évaluation. On doit le faire avec
le souci d'une certaine variété : on ne peut jouer seulement
sur un domaine, ni toujours sur les mêmes niveaux ;
Ensuite, cela en est la conséquence, une amélioration des
pratiques d'évaluation ne peut faire l'économie d'une
réflexion approfondie sur les taxonomies : c'est seulement
après une définition précise de la performance escomptée
que l'on peut définir des critères pertinents d'évaluation.
Rappelons que c'est à partir d'une réflexion de ce type que
Bloom a été amené à mettre au point la première taxonomie
pour tenter, notamment, de réguler les divergences entre
correcteurs dans les examens ;
-enfin les taxonomies, dans leur diversité même,
apparaissent comme des outils précieux d'analyse de
l'enseignement. On peut en déduire de véritables grilles qui
permettent de mettre en évidence les objectifs réels d'une
activité pédagogique. Pour se limiter à un exemple, la
simple utilisation de la distinction entre le cognitif, le
psychomoteur et l'affectif est riche d'enseignements : on
s'aperçoit que la part respective de chaque domaine n'est pas
la même dans les différents niveaux de l'enseignement (par
exemple le primaire et le secondaire): que certaines
méthodes pédagogiques ont tendance à bien séparer les trois
domaines, alors que d'autres tentent au contraire de les
intégrer (c'est une des approches que l'on peut faire de la
différence entre les méthodes traditionnelles et les méthodes
nouvelles),etc. On peut, comme le propose D'Hainaut
(1983), situer une pratique pédagogique ou un cours
quelque part sur un sommet, le périmètre ou à la surface d'un
triangle dont chacun des sommets représente un domaine
pur, et de ce fait, assez improbable :
Figure 1.4
Un triangle taxonomique
DÉFINIR DES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES
27
S'il est vrai que l'enseignement scolaire tend à hypertrophier
le domaine cognitif au détriment des autres, il ne peut
cependant ignorer le domaine affectif (pour obtenir, au
minimum, quelque chose qi est de l'ordre de l'intérêt, voire de
la motivation); et si certaines disciplines, comme l'EPS font
une large place aux apprentissages psychomoteurs, elles
comportent aussi une dimension cognitive(qui fait l'objet d'une
évaluation spécifique).
2.2 Un enseignement plus homogène :
Référentiels et curriculum
Pour clore cette approche de l'enseignement par la définition
des objectifs, deux notions restent à définir et à illustrer par des
exemples : celle de référentiel et celle de curriculum.
À partir du moment où l'on ne se contente pas du programme
comme ensemble de questions à traiter par le professeur, et que
l'on tente de définir des objectifs opérationnels pour
l'enseignement, il est logique d'essayer de définir l'ensemble
des capacités que doit posséder l'élève dans la discipline
considérée pour un niveau donné. Un référentiel apparaît donc
comme la description de l'ensemble des capacités et des
compétences qui correspondent dans une matière à un niveau
de formation ou de qualification.
Capacités et compétences
Capacité, compétence, sont des termes couramment utilisés
dans le domaine pédagogique, notamment en ce qui concerne
la définition des objectifs (l'apprenant doit être capable de...) et
l'élaboration des référentiels. Ils apparaissent maintenant dans
la terminologie des nouveaux programmes pour toutes les
disciplines, mais sont souvent utilisés l'un pour l'autre ou de
manière incohérente. Il est possible d'en préciser le sens en
s'appuyant sur le mode de présentation des référentiels :
- une capacité désigne un ensemble d ' aptitudes
susceptibles d'être mises en œuvre dans un nombre indéfini
de situations. Elle n'est donc, en elle-même, ni observable, ni
évaluable et comporte un aspect virtuel tant qu'elle n'est pas
déclinée en compétences. Pour prendre l'exemple du
référentiel cité ci-dessous (cf. tableau 1.3), toutes les entrées
(Communiquer, Analyser, Concevoir, Définir, etc.) sont des
capacités ;
- une compétence, en revanche, désigne la maîtrise d'un
ensemble de savoirs et de savoir-faire dans un domaine
particulier. Elle peut faire, à ce titre, l'objet d'un apprentissage
et d'une évaluation. Par exemple, la capacité « Communiquer
» peut s'analyser en un certain nombre de compétences aussi
variées que : « rédiger un rapport », « gérer une communication
téléphonique », « faire un exposé oral », etc. C'est à partir de la
définition des compétences qu'il est possible de définir des
objectifs d'apprentissage.
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