Journal Identification = ABC Article Identification = 1235 Date: May 15, 2017 Time: 12:20 pm
260 Ann Biol Clin, vol. 75, n◦3, mai-juin 2017
Synthèse
Le diagnostic de l’insuffisance cardiaque tel que présenté
dans l’algorithme de la Société européenne de cardiolo-
gie (ESC) repose sur un ensemble de tests diagnostiques
intégrant l’électrocardiogramme (ECG), la radiographie du
thorax, l’échocardiographie (ECGr) et le dosage des pep-
tides natriurétiques [1]. L’ECGr reste le gold standard pour
affirmer la présence d’une insuffisance cardiaque en per-
mettant d’objectiver les volumes de remplissage, la fraction
d’éjection, l’épaisseur ventriculaire et la fonction valvu-
laire [2]. L’ECGr est la méthode d’imagerie préférée pour
des raisons d’exactitude, de disponibilité, de sécurité et de
coûts. Cependant, l’ECGr nécessite une certaine expertise
et n’est pas disponible en toutes circonstances. Ainsi, le
dosage des peptides natriurétiques a été proposé comme
aide diagnostique et se trouve dans les recommandations
de l’ESC depuis 2005 [3, 4]. Les mises à jour des dernières
recommandations de 2016 sont présentées sur la figure 1 [1].
Utiliser les peptides natriurétiques avec un seuil diagnos-
tique pour inclure une insuffisance cardiaque n’est pas
recommandé [1]. En effet, les valeurs prédictives positives
ne sont pas parfaites et peuvent conclure à un diagnostic
erroné. Ces seuils d’inclusion, fonction de l’âge pour le
NT-proBNP, ont été déterminés dans l’étude monocen-
trique PRIDE publiée en 2005 [5] et confirmés par une
étude multicentrique en 2006 [6]. Même si la concen-
tration en peptides natriurétiques est supérieure au seuil
d’inclusion, l’ECGr devra impérativement être réalisée
pour poser un diagnostic formel (figure 1). En effet, doser
les peptides natriurétiques est surtout intéressant en vue
d’exclure une insuffisance cardiaque de par sa très haute
valeur prédictive négative [2]. À l’instar des recomman-
dations européennes, le National institute of health and
care excellence (NICE) ne recommande pas l’ECGr si
le dosage en BNP ou NT-proBNP est inférieur au seuil
décisionnel tellement la valeur prédictive négative est éle-
vée (https://www.nice.org.uk/search?q=BNP). Bien qu’il
existe au moins 6 peptides natriurétiques différents (le
peptide natriurétique de type A (ANP), le peptide natriuré-
tique de type B (BNP), le peptide natriurétique de type C
(CNP), le peptide natriurétique dendroaspis (DNP), le pep-
tide vasonatrine (VNP) et l’urodilatine d’origine rénale)
[7], les dernières recommandations de l’ESC [1] et de
l’American college of cardiology [8] ne se basent presque
qu’exclusivement que sur l’usage du BNP et du NT-proBNP
(voire du MR-proANP) pour exclure une insuffisance car-
diaque aiguë [9]. Doser les peptides natriurétiques aide donc
les cliniciens au diagnostic d’une insuffisance cardiaque
aiguë ou chronique (classe 1 niveau A en aigu et chronique)
mais peut également aider le clinicien à poser un pronos-
tic (classe 1 niveau A en aigu et chronique). L’utilisation
de ces peptides en vue de guider la thérapeutique est de
plus en plus débattue dans la littérature, mais des études
supplémentaires sont attendues afin d’atteindre un niveau
de preuve supérieur (classe 2a niveau B en chronique et
classe 2b niveau C en aigu) [8].
Les peptides natriurétiques :
synthèse et effets biologiques
En 1980, De Bold et son équipe ont injecté des extraits auri-
culaires de rats à d’autres rats et ont mis en évidence une très
forte réponse natriurétique, une diminution de la pression
artérielle ainsi qu’une augmentation de l’hématocrite [10].
Le premier peptide natriurétique à avoir été isolé est l’ANP
en 1984 [11] suivi du BNP (brain natriuretic peptide car
isolé du cerveau de porc) en 1988 [12]. L’ANP, le BNP et le
CNP présentent une structure cyclique de 17 acides aminés
grâce à la présence d’un pont disulfure stable en circulation
[13]. L’ANP (28 aa), le BNP (32 aa) et le CNP (22 aa) se
distinguent sur base de la longueur de leurs chaînes N- et C-
terminales prolongeant la partie cyclique. L’ANP et le BNP
sont synthétisés dans les oreillettes (surtout ANP) et les
ventricules (surtout BNP) à partir de précurseurs codés par
des gènes différents. Le pré-pro-BNP est clivé en proBNP
(libération d’un peptide signal de 26 aa) lui-même clivé
entre les acides aminés 76 et 77 par la furine et/ou corine
libérant ainsi le NT-proBNP (76 aa, inactif) et le BNP (32
aa, biologiquement actif) (figure 2). La formation de l’ANP
suit la même logique : le pré-pro-ANP est clivé en proANP
avant de former le fragment N-terminal NT-proANP (98 aa ;
inactif) et le fragment C-terminal ANP (28 aa ; biologique-
ment actif) [14, 15]. Leur synthèse répond à une ischémie
myocardique et/ou à une augmentation de la pression trans-
murale appliquée sur les cardiomyocytes. L’ANP est stocké
sous forme de pro-peptide dans les granules auriculaires
avant d’être sécrété dans la circulation alors que la libéra-
tion du BNP dans le sang fait suite essentiellement à des
modulations de la transcription génique et n’est pas stocké
dans les granules des ventricules. Il faut dès lors un certain
laps de temps avant de voir leurs concentrations augmenter
dans le sang [16, 17]. Les peptides natriurétiques se lient
à deux récepteurs membranaires : le NPR-A (récepteur du
peptide natriurétique de type A) sur lequel viennent se lier
l’ANP et le BNP, et le NPR-B (récepteur de type B) où se
fixe le CNP. Une fois l’un de ces peptides lié au récepteur
de type A ou B, il s’en suit la production du second messa-
ger GMPc (guanosine monophosphate cyclique) en regard
d’une activation de la guanylate cyclase. Un troisième type
de récepteur, le NPR-C, existe également. Ce dernier lie
à la fois l’ANP, le BNP et le CNP mais contrairement au
NPR-A et B, il n’engendre pas de transduction du signal.
Une fois lié, le peptide est dégradé en intracellulaire. On
parle dès lors d’un récepteur de clairance ou de dégradation
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un utilisateur anonyme le 20/06/2017.