BO / SA 2009, Sociologie de l’action collective 2
a) La thèse de l'organisation professionnelle
La mobilisation des ressources déplace définitivement la question fondatrice de l'analyse des
mouvements sociaux. Il ne s'agit plus, comme dans le modèle de comportement collectif
(collective behaviour), de se demander pourquoi des groupes se mobilisent, mais comment se
déclenche, se développe, réussit ou échoue la mobilisation. La position de John D.
McCarthy et Mayer N. Zald présente, par son radicalisme même, le mérite de la clarté: il y a
toujours dans n'importe quelle société assez de mécontentements pour engendrer des
mobilisations, ils peuvent même être "définis, créés et manipulés par des entrepreneurs de
causes et des organisations". La bonne question est donc de saisir les déterminants de leur
essor ou de leur refoulement.
De ce parti pris découle une approche dynamique des mouvements sociaux, pensés comme un
processus de construction d'un rapport de force et de sens. Dans ce modèle, les groupes –
classes ouvrières, militants des droits civiques– n'apparaissent jamais comme des données,
des objets trouvés, mais comme des construits sociaux. Une question centrale est donc de
comprendre ce qui fait qu'un groupe "prend", tandis que d'autres tout aussi plausibles –les
vieux, les téléspectateurs, par exemple– n'accèdent pas à une existence mobilisée. Souvent des
unités sociales durables sont ainsi formées, avec des dirigeants, des loyalismes, des identités
et des buts communs. De cette problématique découle une attention centrale donnée à
l'organisation comme élément qui structure le groupe, rassemble les ressources pour la
mobilisation7. Les organisations jouent un rôle central dans les mouvements sociaux,
démultiplient l'efficacité. Un simple processus d'agrégation des ressources n'est pas suffisant,
il faut les organiser en fonction du temps et de l'argent. Logique du Top vers le Down, souvent
un mouvement qui part d'en bas n’aboutit qu’à de l'émeute.
b) le modèle politique (Anthony Oberschall)
Dans son ouvrage classique: Social Conflict and Social Movements8 l'auteur affiche l'ambition
d'étudier moins les causes du conflit social ou les sources des mécontentements que les
processus de passage à l'action. Bien qu'il affirme sa proximité théorique avec les travaux
6 OLIVER P., MAXWELL G. & RUY T., “A Theory of Critical Mass : Interdependence, Group Heterogeneity and
the Production of Collective Action” in American Sociological Journal, Vol. 91, November 1985, pp. 522-556.
7 NEVEU E., Sociologie des mouvements sociaux, Paris, Éditions La Découverte, Collection Repères, no 207,
2002, p. 53.
8 OBERSCHALL A., Social Conflict and Social Movements, Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1973. Pour une
présentation en français des problèmes posés par les théories de la mobilisation, CHAZEL F., "La mobilisation
politique, Problèmes et dimensions" in Revue de science politique, 1975, p. 502 et suiv.; LAPEYRONNIE D.,