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Audit des marchés publics :
professionnalisme et démarche, gages de la
transparence
Public procurement audit:
professionalism and approach, guarantees of transparency
Mustapha BENHOUMANE
Chercheur à l'Université Ibn Tofail, ENCG Kénitra Maroc
Expert-comptable - Commissaire aux comptes
Résumé
Une des nouveautés de la réforme des marchés publics
introduite depuis 1998, confirmée par celles de 2007 et
puis de 2013 est l’introduction de la notion d’audit en
tant que forme novatrice de contrôle des marchés publics.
Néanmoins, les techniques, les outils et la démarche, qui
devant distinguer l’audit des autres formes de contrôles
avoisinants, n’ont pas eu toute l’importance qu’ils
méritent
L’objectif de cette contribution à caractère
instrumentaliste, est de dégager, à partir de certaines
normes professionnelles l'ossature autour de laquelle
devrait se construire une approche d’audit des marchés
publics.
Abstract
One of the novelties of the public procurement reform
introduced since 1998, confirmed by those of 2007 and
then 2013 is the introduction of the notion of audit as an
innovative form of control of public procurement.
However, the techniques, tools and approach, which
should distinguish the audit from other forms of control in
the field, have not been given the importance they deserve.
The objective of this instrumentalist contribution is to
identify, on the basis of certain professional standards, the
framework around which an approach to auditing public
procurement should be built.
Mots-clés : Audit marchés publics contrôle
risques
Keywords: Audit public procurement control
risks
Laudit : une re-conformation du dispositif
de contle a posteriori des marchés publics
Il est évident que le dispositif du contrôle
des marchés publics avec ses différentes
facettes (ex-ante, ex-post, interne ou externe)
existait depuis toujours. Toutefois, ce
contrôle, était orienté plus vers l’examen de
la régularité de l’utilisation des moyens que
vers l’appréciation des résultats, moins
encore des impacts. En effet, la démarche
de contrôle semblait être marquée
substantiellement par une approche
d’inspection et de vérification.
Pourtant la manière dont sont gérés les
marchés publics (tel qu’il a été développé à
travers les autres contributions) est devenue
une question très pressante, dans la mesure
dune part, les contestations de la
légitimité des dépenses qu’ils engagent, sont
parfois radicales et d’autre part, les marchés
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350 Revue d’Études en Finances Publiques©|ISSN-E: 2820-736X| Vol. I, N°2Avril 2021
publics constituent de facto un indicateur
de taille du niveau de transparence et de
performance de l’action publique.
Dès lors, le système de contrôle public ne
peut se contenter d’observations
superficielles ou de actions étroitement
« juridicisites », en prévision d’un contrôle
ou plus particulièrement d’un audit à la
mesure de l’ampleur et des enjeux que
présentent les marchés publics.
C’est dans cet ordre de logique que le
législateur a créé un revirement remarquable
dans la réforme précédente de 1998, en
disposant dans le décret n° 2-98-482 du 30
décembre 1998, article 81 : « Les marchés et
leurs avenants sont soumis, en dehors des contrôles
institués par les textes généraux en matière de
dépenses publiques, à des contrôles et audits internes
définis par décisions du ministre concerné. Ces
contrôles et audits internes peuvent porter sur la
préparation, la passation et l'exécution des marchés.
Les contrôles et audits sont obligatoires pour les
marchés dont les montants excèdent cinq millions
(5.000.000) de dirhams et doivent faire l'objet d'un
rapport adressé au ministre concerné ». La même
disposition a été reprise par la nouvelle
réforme apportée par le Décret n° 2-12-349
du 20-03-2013 relatif aux marchés publics
(art. 165), avec des légères nuances. Les
contrôles et audits sont obligatoires pour les
marchés dont les montants excédant cinq
millions (5.000.000,00) de dirhams, toutes
taxes comprises, et pour les marchés
négociés dont les montants excèdent un
million (1.000.000,00) de dirhams, toutes
taxes comprises.
Par ailleurs, pour les collectivités, ces
contrôles et audits font l'objet de rapports
adressés, selon le cas, au ministre concerné
ou au directeur de l'établissement public
concerné.
L’objectif de l’audit interne prévu par le
décret des marchés publics est le
renforcement du dispositif de contrôle
interne des achats publics entachés, parfois,
d’irrégularités et de pratiques malsaines
encouragées par l’absence dun dispositif de
contrôle cœrcitif.
Ceci étant, seul un audit opérationnel mené
par des professionnels maîtrisant aussi bien
la règlementation des achats publics que les
techniques d’audit peut déceler ces
pratiques.
L’audit opérationnel est une activité qui
applique en toute indépendance des
procédures cohérentes et des normes
d’examen en vue d’évaluer l’adéquation et le
fonctionnement de tout ou partie des
actions menées dans une organisation par
référence à des normes d’évaluation qui
sont les objectifs et les politiques que la
direction est tenue et/ou souhaite appliquer
à l’entité.
Un audit conduit conformément aux
normes qui seront développées ci-après
permettra de déceler certaines pratiques
contraires aux principes de bonne
gouvernance, mais ne garantira pas la
découverte de toutes les fraudes, de tous les
abus et de tous les actes illégaux ayant pu
être commis.
Afin d’appréhender la question de l’audit
des marchés publics dans toutes ses
dimensions, nous traiterons, d’une manière
nécessairement synthétique, trois questions
sous-jacentes : les préalables d‘une mission
d’audit (1), les risques spécifiques aux
commandes publiques (2) et le processus
d’audit des marchés publics (3).
1. Préalables dune mission d’audit
1.1. La maîtrise de l’environnement
juridique des marchés publics
Les normes à vérifier par l’auditeur sont, en
soi, issues de la réglementation régissant les
marchés publics.
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Toutefois, il n’en demeure pas moins que
cette réglementation est marquée par son
caractère épars, faute d’un « Code »
agrégeant les différents textes relatifs aux
achats publics notamment le décret du n°2-
06-388 du 5 février 2007 fixant les
conditions et les formes de passation des
marchés de l’État, le décret n° 2-99-1087 du
04 mai 2000 approuvant le cahier des
clauses administratives générales
applicables aux marchés de travaux et le
décret 2-01-2332 du 4 juin 2002
approuvant le cahier des clauses
administratives générales applicables aux
marchés de services portant sur les
prestations d’études et de maîtrise d’œuvre.
D’autres textes subsidiaires (arrêtés,
décisions, instructions du premier ministre,
du ministre des finances ou à caractère
ministériel) portant application de certains
dispositions, intéressant, à titre d’exemple,
la révision des prix, la dématérialisation des
procédures, les marchés reconductibles, les
contrats de droit commun, etc.. font partie
du référentiel d’audit des marchés publics.
Des textes dits connexes, relatifs, à titre
d’illustration, aux règles de la comptabilité
publique, au paiement des intérêts
moratoires et au nantissement des marchés
publics font partie, également, des normes à
vérifier.
1.2. La maîtrise du circuit des acteurs
impliqués
Le circuit des marchés fait intervenir
plusieurs acteurs et partenaires que
l’auditeur doit maîtriser quant à leur nature,
leur qualité et à leurs spécificités respectives.
Ils peuvent être au nombre de trois :
-
Le marché et les autorités
administratives gestionnaires :
les
marchés peuvent être distingués selon
leur prix mais aussi selon leur mode
d’exécution (les marchés cadre ; les
marchés reconductibles ; les marchés à
tranches conditionnelles ; les marchés
allotis). Quant aux autorités
administratives, Il s’agit notamment
de :
l’autorité de conclusion (maître
d‘ouvrage ou maître d’ouvrage
délégué) ;
l’autorité d’approbation (ministre
de l’intérieur pour les collectivités
locales, les services centraux pour
l’Administration d’État
déconcentrée, etc.) ;
l’autorité de visas réglementaires
préalables (contrôleur des
engagements des dépenses,
contrôleurs financiers)
l’autorité de gestion budgétaire
(ordonnateur, ordonnateur délégué,
sous-ordonnateurs) ;
-
Les auditeurs:
Il s’agit des personnes
et instances susceptibles de procéder à
des audits des marchés publics. Elles
relèvent de trois catégories principales :
les auditeurs externes fonctionnaires de
l’État notamment la Cour des comptes
et l’inspection générale des finances ;
les auditeurs internes et inspecteurs
relevant directement de l’acheteur
public ; l’auditeur expert-comptable,
professionnel exerçant à titre libéral.
-
Les commanditaires de l’audit et les
destinataires de ses résultats
. Le
commanditaire de l’audit des marchés
publics, est l’entité représentant la
personne publique contractante. Cette
dernière étant la personne morale de
droit public qui conclut le marché avec
son titulaire.
Les instances commanditaires de l’audit des
marchés publics pourraient être :
- Le ministre, pour les marchés engagés
par son département,
- La direction de l’établissement public ;
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352 Revue d’Études en Finances Publiques©|ISSN-E: 2820-736X| Vol. I, N°2Avril 2021
- Le conseil d’administration ou le comité
de direction ;
- Le ministère de tutelle technique;
- Le ministère de tutelle financière ;
- Le comité d’audit;
- Bailleurs de fonds.
Quant aux clients potentiels des résultats de
l’audit, ils différent selon les
commanditaires de la mission d’audit.
D’une manière générale les destinataires
peuvent être :
- Conseil d’administration ;
- Ministre commanditaire de l’audit des
marchés engagés par son département ;
- Comité de direction ;
- Comité d’audit ;
- Ministère de tutelle technique ;
- Ministère de tutelle financière ;
- Juridictions financières ;
- Inspection générale de finances ;
- Bailleurs de fonds ;
2. Analyse des risques spécifiques aux
marchés publics
L’analyse des risques porte sur
l’identification pour chacune des phases
d’un marché public de facteurs soit internes,
soit externes à l’acheteur public facilitant
l’occurrence de risques.
Les normes de travail exigent l’orientation
préalable des travaux d’audit : à partir de la
prise de connaissance générale de l’entité et
du marché à auditer, il est possible
d’élaborer une stratégie d’audit adéquate
permettant d’identifier les domaines et les
systèmes significatifs pour couvrir les
risques y afférents.
La phase de prise de connaissance générale
permet à l’auditeur de définir les domaines
et systèmes significatifs et d’identifier les
risques.
Les risques peuvent être classés en trois
grandes catégories : risques de non
contrôle ; risques inhérents à l’achat public ;
risques liés à l’auditeur.
2.1. Risques de non contrôle :
C’est le risque que le système de contrôle
interne n’assure pas la prévention ou la
correction des anomalies. Les principaux
risques sont :
- non-respect des dispositions du
décret des marchés publics,
- cumul des tâches,
- fractionnement des opérations,
- risques liés à la qualité du
management,
- risques liés aux membres et au
fonctionnement de la commission
d’étude des offres,
- risques liés aux modalités
d’exécution des marchés,
- absence ou inefficacité de la
fonction d’audit interne ou
d’inspection.
2.2. Risques inrents à l’achat public :
C’est le risque qu’une erreur significative se
produise compte tenu des particularités de
la réglementation des achats publics, du
maître d’ouvrage, de ses activités, de son
secteur, de son environnement et de la
nature de ses opérations. Les risques
peuvent concerner notamment :
- la prévision des achats publics,
- la détection des besoins,
- la décision d’approvisionnement,
- la procédure de passation du
marché,
- les critères d’attribution,
- l’importance des marchés,
- l’objet du marché,
- les marchés de travaux.
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2.3. Risques liés à lauditeur :
C’est le risque que les procédures mises en
œuvre par l’auditeur ne permettent pas de
détecter les erreurs et anomalies
significatives. La compétence et le profil
adéquats conditionnent, bien évidemment,
la réussite et la qualité de la mission d’audit.
3. La conduite du processus daudit des
marchés publics
Nous pouvons décomposer la mission en
trois étapes : planification ; exécution ;
rédaction du rapport.
3.1. La phase de planification
La phase de planification comprend :
- la connaissance de l’entité à
vérifier le marché objet de l’audit ;
- l’organisation de la mission qui
comprend l’organisation humaine
de la mission et l’organisation
dans le temps (intérim et final) ;
- l’identification des questions
d’importance qui consiste à
déterminer les points clés à
contrôler après une
compréhension de tout le
processus d’achat.
La note d’orientation générale constitue la
synthèse de la phase de planification.
3.2. Exécution de la mission daudit
La phase d’exécution consiste à :
- apprécier les systèmes et les
procédures de la fonction achat
(évaluation du contrôle interne),
- accumuler les preuves suffisantes
pour exprimer un avis sur la
conformité, l’économie et
l’efficacité des opérations
effectuées dans le cadre du marché
public. Le programme de travail
comprend les tests de contrôle à
faire à cet effet.
Évaluation du contrôle interne de la
fonction achat
Après la description des procédures ou la
récupération du manuel des procédures, le
cas échéant, l’auditeur procédera à des tests
de conformité et de permanence pour
s’assurer de l’exactitude et du
fonctionnement des procédures d’achat
recueillies.
L’examen du contrôle interne doit prendre
en considération aussi bien les risques
pouvant exister que les éléments recueillis
lors de la prise de connaissance.
L’auditeur appréciera notamment les
aspects suivants :
- organisation et structure des achats ;
- définition et agrégation des besoins ;
- passation des marchés ;
- gestion financière et budgétaire des
achats ;
- gestion économique et technique des
achats.
Le programme de travail
Le programme de travail détaillé comprend
les tests de contrôle à faire pour répondre
aux objectifs d’audit d’un marché public.
Il s’agit, pour l’auditeur de s’assurer que
l’emploi prévu des fonds est justifié à tous
les niveaux du marché à savoir :
1- planification,
2- passation du marché,
3- exécution,
4- règlement.
Nous présentons ci-dessus, par phase, les
objectifs d’audit ainsi que les tests de
contrôle qui en découlent.
Pour les questions ayant trait à la
réglementation, le décret des marchés
publics, les CCAG ainsi que les autres textes
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