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FONCTION PUBLIQUE versus ENSEIGNEMENT PUBLIC problème supposé et solution proposée

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FONCTION PUBLIQUE versus ENSEIGNEMENT PUBLIC
Problème supposé et solution proposée
Mustapha HMIMOU
Le nouveau ministre de l'Éducation nationale, a déclaré que 77% des apprenants
dans l'enseignement primaire ne maîtrisent pas la lecture d'un texte en arabe composé de
80 mots, tandis que 70% d'entre eux ne peuvent pas lire un texte en français composé de
15 mots. C’est ce que rapporte la presse. Et ce, après voilà huit ans de la mise en œuvre de
vision stratégique de la réforme 2015-2030 : pour une école de l'équité, de la qualité et de
la promotion. Et rebelote, avec la feuille de route 2022-2026 pour une école publique de
qualité. Dans l’intérêt des élèves, des étudiants, de leurs parents et du pays tout entier nous
lui souhaitons sincèrement plein succès, mais hélas sans grand espoir. Pourquoi ?
Selon le projet de décret n°2.23.819 du nouveau statut unifié des enseignants,
récemment approuvé en conseil du gouvernement et dont nous disposons de la version
arabe, il n’y a apparemment pas grand-chose de changé. Il reprend les mêmes critères pour
la promotion dans la carrière des enseignants et des cadres. Critères qui n’ont rien à voir
avec l’amélioration du rendement voulue comme premier objectif de toute nouvelle
réforme efficace. Selon l’article 48 ladite promotion demeure liée à l’ancienneté de tant
d’années dans le grade ou l’échelon et aux examens d’aptitudes professionnelles qui n’ont
tous deux absolument rien à voir avec le rendement. En ce qui concerne l’ancienneté en
général, l’enseignant ou le cadre avec l’âge a certes assez d’expérience dans le métier mais
peut aussi devenir moins performant. Il n’y a donc que les critères d’évaluation du
rendement quantifiables pour trancher. Quant à l’examen écrit d’aptitude professionnelle,
ce n’est pas parce que l’enseignant ou le cadre candidat le réussit qu’il est nécessairement
efficace dans l’exercice de son métier, et peut aussi y échouer un candidat plutôt
performant. Une fois de plus il n’y a que les critères d’évaluation du rendement
quantifiables pour trancher.
L’article 53 désigne les chefs hiérarchiques, à partir du directeur de l’académie,
censés évaluer le rendement de l’exécution des tâches du personnel subalterne direct, selon
cette fois-ci cinq critères de conduite prévus par l’article 52, mais en l’absence d’outils
d’évaluation qui restent à préciser et décréter par les autorités gouvernementales
compétentes. Outils d’évaluation qui risquent de tarder à venir ou de ne jamais voir le jour,
malgré l’urgence de l’école de qualité voulue comme premier objectif de la feuille de route
2020-2026.
Et le même article ne précise pas que ces outils d’évaluation de chacun des cinq
critères soient de nature à les rendre quantifiables. Sans quoi leur appréciation restera à la
merci de la seule discrétion subjective du chef hiérarchique avec le risque d’être arbitraire.
Et il n’y a surtout pas de disposition dans ce projet de décret, déjà approuvé, censé rendre
le directeur de l’académie, au sommet de la hiérarchie, responsable des résultats de sa
gestion à la fin de chaque année scolaire, tout comme jusqu’à nos jours, nul au sommet du
ministère n’est responsable des résultats déplorables qui résultent de chaque participation
du Maroc aux évaluations internationales PIRLS, TIMSS et PISA. Ce qui est de nature à
rendre inévitablement caduc l’objet de toute nouvelle réforme.
Et enfin l’article 60 du même projet de décret prévoit des primes financières
annuelles en plus de titres de distinctions, au profit des enseignants et cadres performants.
Mais une fois de plus sans nuls outils concrets pour quantifier une telle performance à la
fin de chaque année scolaire.
Telles sont nos remarques qui nous semblent être des faiblesses dans ce nouveau
statut unifié des enseignants qui soient de nature à empêcher la feuille de route 2022-2026
d’aboutir à son objectif de l’école de qualité. Et ce dans l’espoir que les autorités
compétentes puissent les prendre en compte afin d’y remédier. Toutefois, pour bien
évaluer l’efficacité de cette nouvelle réforme, à laquelle nous souhaitons quand même
plein succès, il y aura à court terme deux indices probants, à savoir :
1) Les résultats attendus des prochaines participations du Maroc aux programmes
d’évaluation internationaux PIRLS 2026, TIMSS 2027 et PISA 2027.
2) Le degré de regain de confiance dans l’enseignement public, mesuré à l’aune de
l’ampleur du retour des élèves et étudiants de l’enseignement privé dont les
parents ont fait ce choix juste par nécessité et non pas du tout de bon gré.
Nous attendons donc pour voir. Et en cas d’échec, qu’à Dieu ne plaise, notre
proposition de réforme POUR UN SYSTEME D’ENSEIGNEMENT EFFICACE ET PERFORMANT
nous semble la bonne alternative pour sauver la mise. La version arabe de notre ouvrage,
publié depuis 2018, figure déjà dans le catalogue du Conseil Supérieur de l’Education.
Nous y avons pu dégager, preuves à l’appui, deux causes déterminantes du
dysfonctionnement de notre système éducatif public. Il s’agit tout d’abord de la FONCTION
PUBLIQUE, et puis de ce que l’on peut qualifier de MASSIFICATION DES EFFECTIFS DE
L’ENSEIGNEMENT GENERAL POST-PRIMAIRE. Voyons dans cet article ce qu’il en est au juste du
premier et d’une esquisse de la solution proposée, quitte à faire de même pour le second
dans un prochain article.
Dans son rapport intitulé FONCTION PUBLIC la Cour des Comptes constate, à très
juste titre, que le rapport des forces est déséquilibré en faveur du prestataire du service
public au détriment du citoyen-usager ayant droit. Elle le signale en ces termes : «L’usager
du service public reste démuni devant la complexité de ses procédures. Et comme
l’Administration ne se trouve pas dans l’obligation de rendre compte sa relation avec elle
est vécue comme un rapport de forces qui lui est défavorable».
Le même état de fait est constaté et confirmé par le CESE (Conseil Economique,
Social et Environnemental) dans son rapport intitulé "Gouvernance des services publics".
Il dit que "La relation à l’Administration est vécue par le citoyen comme un rapport de
forces qui lui est, de toute façon, systématiquement défavorable, même quand, au bout du
compte, il obtient gain de cause …et le service rendu devient une faveur qui s’octroie, au
lieu d’être un droit que l’on est en mesure de revendiquer".
C’est donc la Cour des Comptes qui, à bon escient, a mis le doigt sur ce premier
facteur déterminant de l’inefficacité du service public en général. Elle y signale en
substance que les fonctionnaires ne sont responsables que de l’exécution des taches qui
leur sont confiées. Sans donc nul égard aux résultats qui en résultent. Elle rappelle que
selon l’article 17 du SGFP (Statut Général de la Fonction Publique : «Tout fonctionnaire,
quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui
lui sont confiées» ». Or il y a une sacrée différence entre être responsable de la simple
exécution d’une tâche et être responsable du résultat qui en découle. Quand, par exemple,
vous faites réparer votre voiture vous ne payez le mécanicien qu’après avoir vérifié le
résultat de la tâche exécutée. C’est qu’inconsciemment vous savez que la simple exécution
de la tâche n’aboutit pas nécessairement au bon résultat escompté.
Et voilà ce qu’il doit en être selon l’article 156 de la constitution de notre pays :
«Les services publics rendent compte de la gestion des deniers publics conformément à la
législation en vigueur et sont soumis, à cet égard, aux obligations de contrôle et
d’évaluation ». Cependant voilà ce qu’il en est dans les faits selon le même rapport de la
Cour des Comptes quand il dit : «Cet idéal ne correspond, cependant, pas à la réalité en
ce sens que l’image de l’Administration marocaine chez l’opinion publique n’est pas
toujours à la hauteur des valeurs qu’elle est supposée véhiculer ». Mais il n’y a nullement
lieu de s’en étonner quand on sait que cet état de fait est consacré par le fameux article 17
du SGFP précité.
Ainsi selon sa nature intrinsèque l’Administration publique ne peut donc être aussi
efficace pour gérer les divers services publics et satisfaire les intérêts des citoyens-usagers
ayants droit que ne l’est par exemple l’administration de la société anonyme au profit de
ses actionnaires. La Cour des Comptes le confirme à très juste titre quand elle parle de la
raison pour laquelle l’Etat, par souci de la nécessaire rentabilisation de ses
investissements, ne confie jamais à l’Administration publique la gestion des services
publics à caractère marchand qui sont payants. Elle dit en l’occurrence : «En général, la
création d’un EEP (Etablissement et Entreprise Publics) est décidée pour répondre à des
situations où l’Administration s’avère inadéquate ou incapable d’accomplir certaines de
ses missions dans des conditions d’efficacité et d’efficience». Pourtant l’Etat le fait
volontiers et partout dans le monde, quand il s’agit du service public censé satisfaire les
intérêts légitimes et prépayés des citoyens.
Et le même rapport de la Cour des Comptes persiste et signe pour dire que la nature
du statut de la fonction publique est inadaptée aux besoins de gestion moderne du capital
humain d’un établissement public stratégique avec des obligations de performance et de
résultat. Il le dit quand il critique le statut du personnel de l’ONDA (l’Office National Des
Aéroports) en tant qu’entreprise publique à caractère marchand. Il le dit en ces termes : «
Le personnel de l’ONDA est régi par un statut semblable à celui appliqué dans la fonction
publique (sic). Il s’écarte fortement des pratiques en vigueur dans le secteur. Les
procédures de recrutement, de rémunération, d’évaluation et de motivation sont
inadaptées aux besoins de gestion moderne du capital humain d’un établissement public
stratégique avec des obligations de performance et de résultat et qui est en concurrence
avec d’autres opérateurs pour l’attrait de cadres de qualité».
Quid alors de tous les services publics prépayés par la société de gré ou de force et
dus aux intérêts légitimes des citoyens ? Méritent-ils d’être livrés à la gestion de la même
Administration Publique qui n’est pas ainsi digne de confiance de l’Etat pour qu’il lui
confie la gestion des services publics payants ? Ne méritent-ils pas aussi d’être confiés à
des systèmes de gestion qui doivent nécessairement être efficaces, efficients et
performants ? Le système éducatif en l’occurrence, ne mérite-t-il pas d’être également
considéré comme un secteur public hautement stratégique avec des obligations de
performance et de résultat, pour confier aussi sa gestion à des établissements publics dont
le statut du personnel est différent de celui de la fonction publique ?
Voilà ce qu’en dit la Banque Mondiale : « La responsabilisation des décideurs envers
les citoyens peut faire en sorte que l’éducation serve mieux les objectifs les plus larges de
la société ». Il en est de même chez nous au Maroc bien sûr, quand par exemple l’ancien
ministre de l’éducation national monsieur Saïd Amzazi parle de “redevabilité sociale” et
dit en substance : «Toutes les actions menées dans l’objectif d’améliorer le système
d’éducation primaire ne sauraient engendrer un impact suffisant si l’on n’y intègre pas
une approche “redevabilité sociale”».
L’objectif de gouvernance est bien là, mais l’outil de gestion auquel on fait souvent
référence n’est pas de nature à rendre l’organisation du système efficace, et sans quoi, les
citoyens en même temps contribuables et usagers s’en trouvent doublement défavorisés,
tout comme celui qui paie d’avance le beurre, puis se retrouve sans beurre ni l’argent du
beurre. Sauf qu’il n’est pas question ici de beurre, mais de l’intérêt général stratégique qui
concerne la valorisation du capital humain, l’intérêt général du pays et les deniers publics
qui le financent. Quid alors de la solution proposée dans notre ouvrage ?
Les moyens sérieux et efficaces pour obtenir la gouvernance escomptée pour
l’ensemble des services publics sont plutôt ceux visés par ce passage du message royal
quand il dit : «L’impératif d’une gestion efficiente des ressources et la satisfaction
nécessaire des exigences du développement global posent avec acuité la question
fondamentale de l’efficacité de l’Administration publique et des établissements de
l’Etat.». Et le même message royal d’ajouter : «De plus, ce grand chantier de réforme
nécessite l’amélioration des structures organisationnelles, le développement des
méthodes de gestion, la moralisation du service public et le perfectionnement du cadre
juridique. Pour cela, il est souhaitable et utile de s’inspirer du modèle managérial du
secteur privé, ainsi que des meilleures pratiques internationales dans ce Domaine ».
Et tel est justement l’objet de la réforme proposée dans notre ouvrage pour notre
système éducatif. A l’inverse de la santé publique ou la justice par exemple, l’évaluation
du rendement de l’enseignement public, de par sa nature, est quantifiable à la fin de
chaque année scolaire. Son évaluation annuelle est donc possible. Et elle permet ainsi la
fameuse gestion axée plutôt sur les résultats et les performances tant espérée. Il s’agit là
d’une aubaine à saisir pour sortir enfin notre système éducatif de sa crise endémique.
La solution est donc assez simple. Il ne s’agit pas de réinventer la roue. Les matériaux de
la rénovation existent déjà. De quoi s’agit-il au juste ?
Nous proposons dans notre ouvrage de retirer à la fonction publique la gestion des
trois cycles de l’enseignement fondamental pour la confier à trois nouveaux OFFICES de
service public à l’instar de l’Office de la Formation Professionnelle et d’y intégrer
complètement celui-ci pour des raisons que nous développerons dans l’article prochain.
L’on aura alors une nouvelle architecture du système d’enseignement représentée par les
deux structures suivantes :
L’enseignement
fondamental
Structure pédagogique proposée
L’enseignement supérieur
Le marché du travail
L’Enseignement
Général
Qualifiant
l’Enseignement
Technique
Qualifiant
l’Enseignement
Professionnel
Qualifiant
L’Enseignement
Général
Collégial
l’Enseignement
Technique
Collégial
l’Enseignement
Professionnel
Collégial
L’enseignement primaire
L’enseignement
fondamental
Structure institutionnelle proposée
L’enseignement supérieur
L’Office
de l’Enseignement Général
Qualifiant
Le marché du travail
L’Office
L’Office
de l’Enseignement Technique
et de la Formation Professionnelle
de l’Enseignement Général
Collégial
[version nouvelle de l’OFPPT]
L’Office
de l’Enseignement primaire
A l’inverse de l’administration publique, il s’agit d’OFFICES ou d’ACADEMIES si
l’on préfère, indépendants les uns des autres, dont le rendement sera soumis à l’évaluation
quantifiable à la fin de chaque année scolaire et dont le personnel assumera pleinement et
individuellement la responsabilité de ses résultats pour être récompensé ou sanctionné en
conséquence. Ladite évaluation se fera via les résultats des examens de fin d’études de
chacun des trois cycles de l’enseignement fondamental gérés chacun par un Office
indépendant des deux autres. Et afin de ne pas être juge et partie pour ce faire, comme
c’est le cas de nos jours avec l’administration publique, c’est le cycle de l’Office
indépendant suivant qui s’en occupe exclusivement et exhaustivement.
A titre d’exemple, c’est l’enseignent universitaire supérieur qui s’occupera ainsi des
examens des différents types de baccalauréat. Ce ne sera pas impossible ou difficile, car
l’effectif des candidats sera réduit de près des deux tiers par rapport à aujourd’hui, grâce à
l’orientation précoce et systématique que nous développerons dans l’article prochain. Et
tout le personnel de l’Office du secondaire qualifiant assumera la pleine responsabilité des
résultats de l’ensemble des examens des différents types de bac, à l’échelle national pour
son directeur général, à l’échelle régionale par chacun des directeurs provinciaux, et à
l’échelle locale par le personnel enseignant de chaque lycée en plus du reste de son
personnel dont la tâche a un rapport direct ou indirect avec son rendement. Ainsi nul n’y
échappera au fameux principe de la reddition des comptes à la fin de chaque année
scolaire pour être récompensé ou sanctionné en conséquence.
Et comme chaque Office est un établissement public non responsable des
établissements privés, les résultats de ceux-ci seront pris en compte à part, dans un
classement par ordre de mérite de l’ensemble des établissements publics comme privés,
afin d’éclairer les parents des élèves de ceux-ci sur leur efficacité et n’en subsistera ainsi
dans le marché que les établissements les plus performants.
De la même manière, chacun des deux Offices indépendants qui restent, à savoir
l’Office de l’Enseignement Général Collégial et l’Office de l’Enseignement Primaire, sera
responsable à la fin de chaque année scolaire des résultats des examens de fin d’études du
cycle qu’il gère. Examens dont s’occupera toujours exclusivement et exhaustivement
l’Office indépendant du cycle suivant qui, à coup sûr, n’aura nullement intérêt à se
montrer complaisant vis-à-vis de quiconque. Et comme il se doit tout son personnel sera
chaque année scolaire soumis à la fameuse reddition des comptes tant espérée pour le plus
grand bien des apprenants, de leurs parents, de l’économie, des deniers publics et de
l’avenir socio-économique du pays. Une foule de questions doit se bousculer dans la tète
du lecteur. Qu’il soit rassuré, car nous les avons prises en compte et y avons répondu dans
notre ouvrage, dont la version arabe est déjà éditée et publiée.
Reste cependant l’orientation tardive et aléatoire des élèves des collèges et des
lycées qui se traduit par une massification des effectifs de l’enseignement général postprimaire et qui constitue le second facteur déterminant de l’inefficacité du reste du système
éducatif. Qu’en est-il au juste ? Tel est l’objet de l’article prochain.
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NB : Pour une meilleure illustration de notre proposition de réforme nous avons
élaboré ce DIAPORAMA.
Image de la couverture de la version arabe de notre ouvrage publiée en 2018
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