Sava dans Mathias Sandorf, Ellen dans Une ville flottante, etc.) au point que Christian
Chelebourg parle du « complexe d'Herminie » pour les Voyages extraordinaires33. L'écrivain
gardera également une rancune à l'encontre de sa ville natale et de la société nantaise, qu'il
pourfendra dans certaines poésies, notamment La Sixième Ville de France et Madame C…, une
violente diatribe visant sans doute une des commères de la ville34.
Étudiant à Paris
En juillet 1848, Jules Verne quitte définitivement Nantes pour Paris. Son père l'envoie poursuivre
ses études de droit, en espérant qu'il lui succédera un jour35. À cette date, il travaille sur un roman
qui restera inachevé, et qui sera par erreur publié par les Éditions du Cherche-Midi en 1992 sous
le titre Un prêtre en 1839, mauvaise lecture du manuscrit qui porte en 183536, des pièces de
théâtre dont deux tragédies en vers, Alexandre VI et La Conspiration des poudres, et des
poèmes. Alors qu'en 1847, il avait été accueilli par sa grand-tante Charuel au no 2 de la rue
Thérèse, près de la butte Saint-Roch37, en 1848, il obtient de son père de pouvoir louer un
appartement meublé, qu'il partage avec Édouard Bonamy, un autre étudiant originaire de Nantes,
dans un immeuble situé au 24, rue de l'Ancienne-Comédie, donnant sur la place de l'Odéon38.
Paris vit alors une période révolutionnaire (voir Révolution française de 1848). En février, le
roi Louis-Philippe a été renversé et s'est enfui ; le 24 février, a été établi le gouvernement
provisoire de la Deuxième République. Les manifestations se succèdent et le climat social est
tendu. En juin, les barricades se dressent de nouveau dans Paris (voir Journées de Juin) ; le
gouvernement envoie le général Cavaignac écraser l'insurrection. Fin juin, quand le futur écrivain
arrive dans la capitale, Cavaignac vient de former un gouvernement qui durera jusqu'à la fin de
l'année. Verne écrit à ses parents :
« Je vois que vous avez toujours des craintes en province ; vous avez beaucoup plus peur que
nous n'avons à Paris... J'ai parcouru les divers points de l'émeute, rues Saint-Jacques, Saint-
Martin, Saint-Antoine, le Petit Pont, la Belle Jardinière ; j'ai vu les maisons criblées de balles et
trouées de boulets. Dans la longueur de ces rues, on peut suivre la trace des boulets qui
brisaient et écorniflaient balcons, enseignes, corniches sur leur passage ; c'est un spectacle
affreux, et qui néanmoins rend encore plus incompréhensibles ces assauts dans les rues39 ! »
Le 3 août, Jules Verne passe avec succès son examen d'entrée en deuxième année de droit40.
Lorsqu'Édouard Bonamy quitte Paris pour retourner à Nantes vers la fin de l'année, il obtient une
chambre pour lui seul, dans la même maison41.
Son oncle ChateaubourgN 10 l'introduit dans les salons littéraires. Il fréquente celui de Mme de
Barrère, amie de sa mère, et de Mme Mariani42. Tout en continuant ses études, il écrit de
nombreuses pièces qui resteront pour la plupart inédites jusqu'en 1991 avant d'être publiées,
pour certaines, de manières confidentielles dans les trois volumes des Manuscrits nantais43 et
connaîtront une publication grand public en 2006 aux Éditions du Cherche-Midi sous le titre Jules
Verne : Théâtre inédit44.
Jules Verne dévore les drames de Victor Hugo, d'Alexandre Dumas, d'Alfred de Vigny, les
comédies d'Alfred de Musset45, mais il avoue une préférence pour deux
classiques : Molière et ShakespeareN 11.
L'influence la plus fortement exercée à cette époque sur le jeune écrivain est celle de Victor
Hugo. Verne raconte à Robert H. Sherard : « J'étais au plus haut point sous l'influence de Victor
Hugo, très passionné par la lecture et la relecture de ses œuvres. À l'époque, je pouvais réciter
par cœur des pages entières de Notre-Dame de Paris, mais c'étaient ses pièces de théâtre qui
m'ont le plus influencé, et c'est sous cette influence qu'à l'âge de dix-sept ans, j'ai écrit un certain
nombre de tragédies et de comédies, sans compter les romans »46,N 12.
Durant cette période, les lettres de Jules Verne à ses parents concernent essentiellement ses
dépenses et l'argent dont il a besoin. Cependant, au mois de mars 1849, un autre événement
inquiète le jeune étudiant : « Ma chère maman, le choléra est donc définitivement à Paris, et je ne
sais quelles terreurs de malade imaginaire me poursuivent continuellement ! Ce monstre s'est
grossi pour moi de toutes les inventions les plus chimériques d'une imagination fort étendue à cet
endroit-là ! »47. Au même moment, Jules Verne doit se soumettre à la conscription, mais est
épargné par le tirage au sort. Il écrit à son père :