Spécialiste en Gynécologie-Obstétrique Professeur Associé Kisangani, 2023 (texte avec inputs de Lina à Kin) 1. Définition 2. Les principes fondamentaux de la communication soignant-soigné 3. La structure et le contenu de l’entrevue 4. Les facteurs facilitant une interaction efficace soignant-soigné 5. Le counseling, une relation d’aide entre le soignant et le sougné 6. Exemples de mauvaise communication À la fin de ce chapitre, les participants doivent être capables de : Conduire de manière professionnelle une entrevue médicale Développer les aptitudes et attitudes nécessaires pour interagir de façon harmonieuse et efficace avec le soigné et/ou les pairs Nous ne pouvons pas ne pas communiquer Concrètement, ce principe veut dire qu’il y a toujours communication chaque fois que nous sommes en présence d’une autre personne, que ça soit intentionnel ou non. En d’autres termes, un patient qui est reçu par un personnel soignant et qui ne dit un mot « communique » quelque chose à sa manière ! La communication cherche à être prévisible Quand nous communiquons avec les gens, nous essayons simultanément à prévoir leur comportement. La communication est un processus continu La communication ne devrait pas être envisagée de façon linéaire mais, plutôt, comme un système où les émetteurs sont simultanément des récepteurs et où les récepteurs sont également des émetteurs. La communication se fait à deux niveaux Le 1er niveau concerne le contenu du message : ce qui est explicitement dit. Le 2e concerne le niveau relationnel, c’est-àdire la manière dont le message ou le contenu doit être compris ainsi que la manière dont est définie la relation entre les personnes concernées. La communication se fait d’égal à égal Une telle relation est généralement empreinte de respect mutuel. C’est le cas d’un médecin avec ses confrères. La communication est un partage de significations En communiquant avec les autres, « nous essayons, au moyen de mots et de signes, de partager nos significations avec d’autres en espérant que ces personnes attribueront les mêmes significations que nous à ces mots et à ces signes. » Accueillir le soigné Le soignant a pour tâche d’accueillir le soigné, en principe avant de procéder à l’identification de la (des) raison(s) de sa venue. À cet instant, il doit veiller à : Saluer le soigné et s’assurer de son identité si un nouveau soigné Se présenter et préciser son rôle Faire preuve d’intérêt envers son soigné et être attentif à son confort La phase sociale La phase sociale vise à faire la transition entre le « monde extérieur » et le « monde médical » ; La phase sociale comme moment d’humanité Les soignés entendent par une relation humaine avec leur soignant le fait traités comme des personnes à part entières et non seulement comme des soignés. Ils s’attendent donc à ce que le praticien s’intéresse à d’autres leur vie que leur maladie. La phase sociale comme moment d’humanité éthologique La phase sociale est caractérisée par une communication verbale et non verbale, modulée par une expression de type mimique. C’est alors principalement le langage corporel qui importe Utilité des enregistrements vidéo La révision d’un entretien avec un tuteur produit un effet positif Nature de la phase sociale : On rencontre principalement trois situations : Phase sociale de nature psychosociale : le soignant questionne le soigné sur des éléments marquants de sa vie, avant de passer au motif de la consultation ; Phase sociale de nature biomédicale : le praticien fait allusion à la date et au contenu de la dernière consultation ; Nature de la phase sociale : Si absence de la phase sociale : la phase sociale est totalement absente, la rencontre débute directement sur les raisons qui amènent le soigné à consulter. Illustration et commentaire …. ??? Un climat propice à une interaction de qualité Il est souhaitable que, de part et d’autre, chacun des interlocuteurs puisse y trouver satisfaction. Il s’agit par exemple de la disponibilité d’une salle appropriée utilisée par le soignant pour recevoir le soigné, en garantissant une certaine confidentialité, de la disponibilité d’une chaise sur laquelle le soigné pourrait s’asseoir, de la propreté des lieux, de la ventilation etc. Une écoute active Celle-ci consiste à participer activement à la compréhension du message. La gestion de la proxémique Il s’agit de l’occupation de l’espace. En d’autres termes, à quelle distance le soignant doit-il se tenir par rapport à son soigné. La gestion de la proxémique La distance intime (entre 15 et 45 cm) : zone qui s’accompagne d’une grande implication physique et d’un échange sensoriel élevé ; La distance personnelle (entre 45 et 120 cm) : utilisée dans les conversations particulières ; La distance sociale (entre 1,20 et 3,70 m) : utilisée au cours de l’interaction avec des amis et des collègues de travail ; La distance publique (supérieure à 3,70 m) : utilisée lorsqu’on parle à des groupes. L’empathie C’est la manifestation d’un sentiment profond qui porte à comprendre la difficulté du soigné comme si elle était sienne, comme si le soignant était à la place du soigné et vivait exactement ce que ce dernier vit, mais sans en porter la souffrance. Questions ouvertes et questions fermées Pour garantir une interaction soignant-soigné de qualité, le soignant a recours à la technique des questions ouvertes, des questions fermées et des questions reflet. Questions ouvertes et questions fermées Les questions ouvertes permettent au soigné de ne pas être très limité et de ne pas les conditionner, non plus, dans ses réponses. Par contre, les questions fermées ne laissent qu’un choix limité au soigné. La question reflet reprend exactement ce qui vient d’être dit mais sous forme interrogative sans chercher à orienter la réponse. Exemple : Soignant : Et le traitement vous le supportez bien ? Soigné : Oui, globalement. Soignant : Globalement ? Apathie, Antipathie, Sympathie, Empathie Patient: Réponses du soignant 1. « Je n’ai pas vraiment choisi si je vais ou non accepter l’opération, 2. je ne me sens pas très bien, 3. c’est dur ! » 4. Professeur Bioy Antoine Vous avez lu les documents sur l’anesthésie ? apathie: absence de réaction Il faut vous secouer un peu et décider: sautez le pas ! antipathie Cela doit être dur, je vous comprends sympathie -identification Vous vous posez des questions et cela vous perturbe, vous ne vous sentez pas comme vous le souhaiteriez et c’est difficile. Comment puis-je vous aider ? Empathie Communication non verbale Langage du corps (Bioy pp53-58)-1 • Distance physique: territoire et espace vital (proxémique) • Espace intime (15-45cm); espace privé (45cm-1,2m); espace social (1,2m-3,5m); espace public (au delà de 3,5m) • Expression faciale: zone des yeux (froncement des sourcils, clignement des paupières, froncement du front); bas du visage (du menton au nez: très mobile, parle, sourit • Visage: six émotions fondamentales, reconnaissables dans le monde entier: 1.joie, 2.surprise, 3.peur, 4.colère, 5.tristesse, 6.dégout Communication non verbale Langage du corps (Bioy pp53-58)-2 • Contact des yeux: regard professionnel, regard civil, regard intime • Contact physique • Gestes et postures: auto-contacts, activités de dérivation, contacts avec autrui • Attitudes des mains et des bras, jambes, • Apparence (uniforme, blouse), coiffure, bijoux, • Odeurs (parfums trop forts, hygiène, épices) • Le toucher; l’art de toucher, de masser Communication non verbale: attention au contexte culturel ! • apparence corporelle • Posture • Gestes: mimiques, régulateurs, … • Visage: émotions, indifférence, mépris, masque … • Regard : colérique, méfiant, défiant, jaloux, intimidant, agressif… • Toucher : rassurant, osé, caressant, brutal, méprisant …. • Paralangage – sonore mais pas verbal : ex. sifflement des femmes fâchées • Silence: peut traduire le refus, anxiété, gène, réflexion … • utilisation des objets: barrière, symbolique, dissimulation … • Utilisation de l’espace: distanciation, rapprochement, territorialité … Quelques principes qui guident un bon counseling La confidentialité L’écoute active du soigné Ne pas juger le patient Ne pas prendre les décisions à la place du soigné Éclairer le choix de décisions du soigné Le modèle de counseling Le modèle BERCER est un acronyme illustrant les six étapes clés d’une consultation de contraception qui sont : Bienvenue Entretien Renseignement Choix Explication Retour Quelques problèmes qui surviennent La question de confidentialité Le secret médical s’impose à tout soignant. Il n’est malheureusement pas rare que des soignés se plaignent du fait que des détails de leur vie privée aient été divulgués. En quelle langue faut-il s’adresser au patient ? Si le soignant s’exprime en une langue et que son soigné ne comprend pas un mot de cette langue, la meilleure option est de faire appel (avec l’accord du soigné) à un interprète, de préférence un accompagnateur, membre de la famille ou un membre du personnel de la formation sanitaire. Quelques problèmes qui surviennent Situations liées au genre Il peut arriver qu’un patient ou une soignée ne se sente pas à l’aise devant un soignant d’un autre sexe, surtout si la consultation implique d’examens des parties intimes, comme en gynécologie ou ou en urologie. Dans ce cas, le soignant doit faire un effort supplémentaire pour mettre son patient à l’aise et le rassurer, notamment en ce qui concerne la confidentialité de tout ce qui sera discuté. Si le soignant ne réussit pas à rassurer son patient, il serait souhaitable de le référer à un autre soignant du même sexe que le patient. Quelques problèmes qui surviennent Face à un soigné âgé qui vous prend pour son fils ou sa fille Parfois, un jeune soignant se retrouve face à des personnes âgées qu’il connait personnellement, dans le cadre des relations de voisinage ou dans d’autres circonstances. Dans le contexte congolais, ces personnes âgées auront tendance à considérer le jeune soignant comme leur fils ou leur fille, ce qui risque de mettre le soignant mal à l’aise. Dans ce cas, si le soignant n’arrive pas à surmonter son sentiment de gêne et ne se sent pas à l’aise, il vaut mieux référer le patient auprès d’un autre soignant. Quelques problèmes qui surviennent Face à un soigné arrogant et/ou autoritaire Les congolais se plaignent souvent du soignant qui est distant, très autoritaire et ne laisse pas l’opportunitéau soigné de poser des questions ; du soignant arrogant qui se prend pour le « Dieu Tout Puissant ». Fort heureusement, une grande majorité de soignants se montre plus chaleureuse, n’oublie jamais de saluer les soignés, n’hésite pas à utiliser les langues locales en cas de besoin et se montre attentive aux préoccupations des soignés. Ce sont des attitudes à encourager car elles contribuent grandement à une interaction réussie entre le soignant et le soigné. Quelques problèmes qui surviennent En cas de refus de consentement Assurez une documentation exhaustive de la discussion et des raisons qui motivent le refus du soigné Continuez de faire preuve de courtoisie et de respect Continuez d’offrir les soins appropriés, ainsi que des solutions de rechange Ne voyez pas le refus dans une circonstance donnée comme un rejet de toutes les interventions Gardez la communication ouverte. Cas de mauvais accueil du médecin qui traduit un manque de considération pour son patient Après avoir attendu le médecin pendant plus de 3h dans son cabinet, la patiente est enfin reçue : Bonjour Dr ! lance la patiente, Médecin : Bonjour (tête baissée, fixée sur son téléphone sans regarder le patient, il compose le numéro et commence à échanger à haute voix avec son mécanicien qui finit par l’énerver...). Cas de mauvais accueil du médecin Devant la patiente, il monologue et tape du poing sur la table en signe de colère... puis un soupir... et prend finalement la fiche devant lui et commence à interroger la patiente sur ce ton d’énervement... Patiente : ne sachant pas comment vraiment s’exprimer face à cet accueil, dissimule la vraie raison de sa consultation et ... il s’installe une rupture de la confiance envers son soignant qu’il juge d’arrogant, peu courtois, méchant... et pense déjà changer de médecin Cas de mauvaise prise de médicament à la suite du déficit de communication A la sortie d’une consultation chez son médecin, le patient en sort sans être assuré de ce dont il souffre. Désemparé notamment par le caractère autoritaire de son médecin, c’est auprès du préposé à la réception qu’il se tourne pour demander des explications sur la suite. Ce dernier va revoir le médecin pour s’acquérir de la suite à donner au patient... Cas de mauvaise prise de médicament à la suite du déficit de communication Préposé de la réception : Dr, pouvez-vous donner plus d’éclairage sur la suite à donner au patient de tout à l’heure ? Médecin : « Ce patient parle beaucoup et pose trop de questions inutiles, je lui ai dit de faire quelques examens complémentaires ailleurs, de prendre le médicament et de revenir avec les résultats une semaine après » Cas de mauvaise prise de médicament à la suite du déficit de communication En retournant chez le patient, le préposé de la réception rapporte au patient qu’il devrait prendre les médicaments prescrits avant de revoir le médecin une semaine après. C’est du Tranxène 5 mg à prendre tel qu’écrit sur la prescription R/ Tranxène 5mg 3x1/j c’est-à-dire 3 comprimés au total pour une journée... Cas de mauvaise prise de médicament à la suite du déficit de communication Reparti, le patient revient le lendemain en état de confusion mentale avec hallucinations et troubles de comportement... Après vérification auprès de son accompagnateur, le patient avait effectivement pris les 3 comprimés mais en une fois au lieu de repartir en 3 prises... Tentation à utiliser un langage très scientifique pour une situation qui pourrait être facilement expliquée à la communauté ou au patient Situation 1 Au cours d’un journal télévisé, un médecin spécialiste est interrogé sur le diagnostic et la nature de l’intervention qu’il s’apprête à faire. L’interview est réalisée par une journaliste pour la consommation du grand public. A la question de savoir de quel cas il s’agissait, le Chirurgien répond au journaliste en ces termes : Il s’agit d’un HYPOSPADIAS que je veux opérer. Tentation à utiliser un langage très scientifique pour une situation qui pourrait être facilement expliquée à la communauté ou au patient Situation 1 - suite C’est quoi Dr ? Docteur : Il s’agit d’une malformation congénitale de la verge où le méat urétral occupe une position ventrale provoquant ainsi une miction anormale... Désorientée, la journaliste enchaine (espérant trouver l’explication dans la suite) : Et vous allez donc opérer le garçon à son jeune âge, ce n’est pas Tentation à utiliser un langage très scientifique pour une situation qui pourrait être facilement expliquée à la communauté ou au patient Situation 1 suite Docteur : Si, c’est conseillé d’opérer avant l’âge de 18 mois... Nous allons procéder par une technique mini-invasive, on va faire une urétroplastie qui va redresser l’urètre de manière à créer un abouchement normal au niveau du gland... Et l’interview s’est arrêtée à ce niveau..., sereinement, le chirurgien remercie la journaliste sans se rendre compte de sa déception... Tentation à utiliser un langage très scientifique pour une situation qui pourrait être facilement expliquée à la communauté ou au patient Situation 2 Une patiente de 55 ans s’adonnant régulièrement aux travaux de champs depuis plusieurs années, consulte pour des douleurs au niveau des os et particulièrement au niveau des articulations du genou, du dos et du bassin (de plus en plus atroces...). Situation 2 suite Après la consultation du médecin, celui-ci évoque le diagnostic qu’il annonce à la patiente : S/ Il est possible que vous souffriez d’une SPONDYLARTHRITE ANKYLOSANTE. Sans lui donner des amples explications sur la maladie, il lui recommande des examens à faire et fait une prescription d’un anti-inflammatoire générique... Situation 2 suite Il lui demande de se lever et de revenir avec les résultats des examens... enfin Diagnostic communiqué de manière incorrecte à une patiente souffrant d’une otite moyenne aiguë Patiente ( jeune fille de 22 ans) : Dr j’ai une douleur atroce à mon oreille gauche depuis 3 jours. Après examen de la patiente, le soignant pose son diagnostic qu’il mentionne en ce terme : S/ OMA et fais une prescription sans rien dire de plus à la patiente. Patiente : Au fait Dr je souffre de quoi ? Médecin : Oooh ma petite, c’est une « bête OMA » qui va guérir assez rapidement avec les antibiotiques prescrits. (Suite): La patiente s’en va avec l’ordonnance payer des produits à la pharmacie après avoir remercié le médecin. Parent de la fille (aussi médecin) : que t’a dit le médecin qui t’a examinée ? Fille : il n’a rien dit, il m’a examinée et a prescrit des médicaments que j’ai achetés et que j’ai commencé à prendre juste après. Parent : et il t’a dit au moins de quoi tu souffrais ? Fille : Une bête OMA je pense et je ne sais pas de quoi il s’agit... et je n’ai pas voulu en savoir plus... Cas d’une absence de communication qui met en mal la psychologie du malade Dans une Clinique Universitaire où défilent Professeurs, Spécialistes, Assistants séniors, assistants juniors et stagiaires, chacun en son temps, communication est souvent mal coordonnée... et perturbe le bien-être et parfois même la qualité́ des soins. Le patient hospitalisé qui reçoit plusieurs bons de laboratoire sans explication, plusieurs ordonnances inexpliquées avec de changement/annulation de certains produits par différents soignants sans lui en informer le motif. Cas d’une absence de communication qui met en mal la psychologie du malade Quelquefois, il lui est imposé une orientation vers un laboratoire ou un centre d’imagerie le plus éloigné de son hôpital de soins sans explication convainquante. De telles situations affectent la psychologie du patient et même compromet facilement son adhérence au traitement. Dans ce cours, notre attention s’est plus focalisée vers le changement du comportement dans la relation soignant-soigné et plus précisément dans la sensibilisation du personnel soignant à acquérir plus de compétences dans la communication afin de mieux servir le soignant qui est plus préoccupé par sa santé. Celle-ci engendre souvent, une frustration, une angoisse qui peut aggraver la maladie si l’on ne respecte pas les principes de communication. Ainsi, nous sommes appelés à appliquer ces notions, toutes les fois que nous serons en contact avec les soignés dans notre formation, pendant les stages, lors de travaux pratiques, travaux personnels encadrés, matinées cliniques afin de positiver la communication, c’est-à-dire, enlever tous les éléments négatifs susceptibles de perturber l’adhésion des soignés à l’alliance thérapeutique. TRAVAIL PERSONNEL à remettre dans 2 semaines Appliquez vos compétences en communication S-S en décrivant clairement et avec concision, votre propre expérience vécue ou entendue avec: • • • • deux cas de bonne communication S-S deux cas de mauvaise communication S-S Ecriture lisible, texte agréable à lire Le tout en maximum 2 pages MERCI !