1 – Pour goûter le Psaume
Dans le texte hébreu, les versets 1 à 11 du psaume 146 et les versets 12 à 20
du psaume 147 forment un seul et même psaume qui commence et se termine
par un « Alléluia » (= Loué soit Dieu). Cela laisse tout de suite pressentir un ton
de jubilation et des appels à se réjouir.
Les verbes du verset 12 confirment que c’est bien d’un psaume de
louange qu’il s’agit, interpellant les croyants à travers les désignations
collectives de Jérusalem et de Sion, les invitant à louer un Dieu de relation, «
ton Dieu ». La suite du psaume suggère des motifs à la louange d’Israël, en
égrenant les œuvres de Dieu pour l’humanité en général et pour son peuple
en particulier, œuvres de Dieu que sont inséparablement la création et la
libération. Autant le ciel, la terre, les éléments, le cosmos révèlent Dieu, autant
Il se fait connaître par ses hauts fait libérateurs en faveur du peuple qu’Il s’est
choisi. Les œuvres créatrices et rédemptrices de Dieu ne sont pas des voies
parallèles. Le psaume en témoigne : elles s’entrecroisent.
Versets 13-14. On a là la description précise d’un peuple établi dans la
paix (« Jérusalem » signifie cité de paix) avec un système de défense solide
assurant la sécurité, un bon pain de froment sur la table et des enfants bénis
autour. Nous sommes au retour de l’exil à Babylone à la fin du 6°siècle : il a
fallu reconstruire la ville et redresser le Temple. Sans l’aide de Dieu, rien de
tout cela n’eut été possible : « Il a consolidé les barres de tes portes.»
Versets 15-18. Ce n’est pas seulement un travail d’architecte que Dieu
a fait : ce retour au pays est un véritable retour en grâce et le pardon accordé
est une véritable recréation du peuple. Voilà pourquoi ce psaume, comme
beaucoup d’autres, mêle si étroitement les thèmes de la beauté de la nature,
d’une part, et de la puissance de la Parole de Dieu, d’autre part. Pour donner
une image forte de ce que peut réaliser sa Parole, voici l’expérience du dégel :
moment de la délivrance de la prison du froid, quand tout ce qui était paralysé,
retrouve à nouveau le mouvement, la vie. Quand l’eau nécessaire à cette vie se
remet à couler en abondance sous l’effet du souffle ! L’univers et l’histoire sont
sans cesse portés par la Parole créatrice de Dieu, par sa volonté : « Il envoie sa
parole sur la terre : rapide, son verbe la parcourt » (v. 15). À une oreille
chrétienne, la traduction de ce verset évoquera inévitablement des résonances
dont la portée dépasse de beaucoup le sens premier du texte. « Le Verbe s’est
fait chair et il a planté sa tente parmi nous » (Jn 1, 14).
Versets 19-20. La perspective se fait plus théologique et intemporelle. Ces
derniers versets chantent le privilège unique du peuple que Dieu a choisi entre
tous, bénéficiaire de sa Parole et éclairé par sa loi. L'histoire d'Israël est
unique. Dieu lui-même la dirige et donne à son peuple d'en voir le sens : Il lui
fait connaître ses desseins. Le psaume célèbre ici la Parole révélatrice : « Il
révèle à Jacob sa parole » (v 19). Parole révélatrice que Paul décrira ainsi dans
l’épître aux Hébreux : « Après avoir, à bien des reprises et de bien des
manières, parlé jadis à nos pères par les prophètes, Dieu, en ces temps qui
sont les derniers, nous a parlé en un Fils. » (He 1, 1-2).
2 – Pour aller plus loin
Chanter ce psaume (comme la liturgie le propose les années A) le jour
de la fête du Saint-Sacrement, fête du Corps et du Sang du Seigneur, c’est
proclamer la continuité de l’œuvre de Dieu dans l’histoire des hommes, c’est
célébrer Dieu et lui rendre grâce pour le don qu’il nous fait en son Fils Jésus-
Christ : Parole qui parcourt la terre et Pain qui rassasie. Pour nous chrétiens, le
lieu où se donnent à la fois la Parole de vie et le Pain de vie, c’est la messe où
deux tables sont dressées et vénérées : la table de la Parole, l’ambon, et la
table de l’Eucharistie, l’autel.
L’amour de Dieu se dit par sa Parole, créatrice, et révélée tout au long
de l’histoire sainte. Adressée à tous, le Parole est universelle, offerte en un don
« extérieur ». On est dans le registre de l’amitié. Le propre de l’amitié c’est de
livrer les secrets : Dieu nous livre ses secrets, nous dit qui Il est, qui nous
sommes.
En Jésus Christ incarné, la Parole s’est faite recréatrice, elle a pris
visage humain. L’accomplissement de l’amour est allé jusqu’au don du Christ
lui-même, pour nous, sur la croix. Dans le mystère de l’Eucharistie, nous vivons
l’amour donné jusqu’au bout en ce geste de communion, corps à corps et
cœur à cœur personnel avec le Pain de vie qui nous transforme. On est dans le
registre des épousailles, où Dieu vient féconder chacun d’entre nous, féconder
la terre que nous sommes, l’Eglise, et nous ouvrir au banquet des noces de
l’Agneau.