RÉPUBLIQUE DU BENIN -----O---MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE -----O---UNIVERSITÉ DE PARAKOU -----O---ÉCOLE DOCTORALE, SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES -----O---MÉMOIRE DE MASTER II RECHERCHE DROIT ÉCONOMIQUE -----O---OPTION : DROIT DE L’ENTREPRISE -----O---- SUJET : LA SÉCURITÉ SOCIALE DES TRAVAILLEURS À L’ÉPREUVE DU PRINCIPE D’ÉGALITÉ DE TRAITEMENT EN DROIT TOGOLAIS. Réalisé et soutenu publiquement le 04 juin 2020 par : M. Koumantéga KOUSSALIMA Sous la Direction de : M. Éric DEWEDI, Maître de conférences, agrégé en droit privé et sciences criminelles, Directeur de l’École Doctorale, Sciences Juridiques, Politiques et Administratives de l’Université de Parakou. ANNÉE ACADÉMIQUE : 2018-2019 AVERTISSEMENT L'université de Parakou n'entend donner aucune approbation aucune improbation aux opinions émises dans ce document ; ces opinions doivent être considérées comme propres à son auteur. i DÉDICACE : À mes parents, À tous ceux qui mènent cette lutte inlassable de sauvegarde des droits de l’homme en général, et des droits socioéconomiques des travailleurs en particulier. ii REMERCIEMENTS L’arrivée aux termes de ces travaux de recherches, n’a été possible que grâce au soutien, de toute nature de certaines personnes à qui nous tenons à exprimer notre profonde reconnaissance, sans toutefois oublier la volonté de Dieu à qui nous rendons grâce pour tous les bienfaits. Nous pensons ainsi particulièrement : Au Professeur Éric DEWEDI, Maître de conférences Agrégé, Directeur de l’École Doctorale, Sciences Juridiques Politiques et Administratives de l’Université de Parakou, pour la direction de ce mémoire, ainsi que pour tous les sacrifices consentis en vue d’assurer à toute la promotion une formation de haute qualité, nous y tirons un intérêt majeur, Aux corps enseignant et administratif de l’École Doctorale, Sciences Juridiques, Politiques et Administratives de l’Université de Parakou, pour leurs diverses contributions, Aux membres du jury, qui, malgré leurs diverses préoccupations, ont accepté évaluer ce travail, afin d’y porter un regard critique pour son amélioration, À tout le personnel du Centre de Documentation et d’Information Juridique de la Cour d’Appel de Cotonou pour la fourniture de la documentation nécessaire en vue de la rédaction de ce mémoire, Au personnel du cabinet d’avocat Maître Joseph DJOGBENOU à Cotonou au Bénin, À messieurs Essoham ALI et Dihigbamba KPANOUGOU pour leurs précieux conseils en vue de l’amélioration de ce travail, À Monsieur Jean Marie SOLUMBA pour la parfaite collaboration durant la formation, À mes parents pour tout le soutien durant la formation, À mes camarades de promotion pour tous ces moments de convivialité partagés et passés ensemble. À vous toutes et tous, de près ou de loin, veuillez recevoir les expressions de nos profondes gratitudes. iii SIGLES ET PRINCIPALES ABRÉVIATIONS ACOSS : Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale AISS : Association Internationale de la Sécurité Sociale Al. : Alinéa Art. : Article Ass. : Assurances C.C. : Convention Collective CADES : Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale CDD : Contrat à Durée Déterminée CDI : Contrat à Durée Indéterminée CEDH : Cour Européenne des Droits de l’Homme Chron. : Chronique CIPRES : Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale CNSS : Caisse Nationale de Sécurité Sociale CPAM : Caisse Primaire d’Assurance Maladie CRCC : Caisse de Retraite Complémentaire des Cadres CRT : Caisse de Retraite du Togo CSS : Code de Sécurité Sociale Déf. : Définition DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l’Homme Éd. : Édition EN3S : École nationale supérieure de Sécurité sociale FCFA : Franc de la Communauté Française d’Afrique iv Ibid. : Ibidem INAM : Institut National d’Assurance Maladie IPRES-RCC :Institut de Prévoyance Complémentaire des Cadres IRCANTEC :Institution de Retraite Complémentaire des Agents Non Titulaires de l’État et des Collectivités MTESS : Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité Sociale N° : Numéro OIT : Organisation Internationale du Travail ONG : Organisation Non Gouvernementale Op. cit. : Opéra Citato (cité plus haut) P. : Page PACS : Pacte Civil de Solidarité PP. : Pages R.F.D.A : Revue Française du Droit des Affaires RSE : Responsabilité Sociale de l’Entreprise RTDJA : Revue Trimestrielle de Droit et de Jurisprudence des Affaires S.S. : Sécurité Sociale SCI : Société Civile Immobilière SMIG : Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti TASS : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale TC : Tribunal des Conflits URSSAF : Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales. v Retraite du Sénégal- Retraite SOMMAIRE INTRODUCTION .....................................................................................................1 PARTIE I. UNE SÉCURITÉ SOCIALE INÉGALE : SOURCE D’UN DÉSÉQUILIBRE ....................................................................................................11 CHAPITRE I. Un déséquilibre lié à un système de sécurité sociale sélectif ..13 Section I. Une sécurité sociale basée sur un modèle d’assurance .....................13 Section II. Un système de protection sociale moins efficace .............................21 CHAPITRE II. Un déséquilibre lié au statut juridico économique des travailleurs. ...........................................................................................................30 Section I. Une différence de traitement relevant du statut économique du travailleur ............................................................................................................30 Section II. Une différence de traitement relevant du statut juridique du travailleur : le cas des agents contractuels d’État ...............................................39 PARTIE II. UNE INÉGALITÉ SURMONTABLE À L’ÉGARD DES REFORMES ............................................................................................................49 CHAPITRE I. L’extension des assurances sociales ..........................................51 Section I : Une sécurité sociale non contributive basée sur la solidarité ...........51 Section II. Une réforme du cadre juridico-institutionnel de sécurité sociale .....59 CHAPITRE II. La réforme du système de financement ..................................69 Section I. Un rééquilibrage du financement de la sécurité sociale togolaise .....69 Section II. Une gestion efficace des ressources financières de la sécurité sociale………………………………………………………………………….77 CONCLUSION ........................................................................................................86 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ..............................................................90 TABLE DE MATIÈRES ........................................................................................98 vi INTRODUCTION 1 « Les inégalités persistantes entre les régimes de protection des travailleurs menacent la solidarité qui fonde la sécurité sociale et qui implique de cotiser selon ses ressources et de recevoir selon ses besoins, quel que soit le statut sous lequel est exercé le travail. Pour tendre vers l’unité, objectif initial des fondateurs de la sécurité sociale, il faut interroger les différentes situations de travail et la manière de les traiter, afin d’apporter des prestations sociales de nature équivalente à tous les travailleurs, sans nier la spécificité de leurs besoins sociaux.»1 Cette réflexion de l’ancien avocat en droit social, Coralie Larrazet illustre les différentes inégalités existantes entre les différents régimes de sécurité sociale des travailleurs. L’entreprise étant une « unité économique qui implique la mise en œuvre de moyens humains et matériels de production ou de distribution des richesses reposant sur une organisation préétablie»2, il est aussi fort évident que l’ensemble du capital humain3 soit exposé à des degrés différents de risques sociaux4 dont la prise en charge, assurée par la « sécurité sociale ».5 Cela nécessite alors l’accès et le traitement paritaire entre les différents travailleurs. « L'équité n'est pas l’égalité ; les anciens ont défini la justice comme […] "volonté permanente d'attribuer à chacun son droit". La question est de savoir ce à quoi chacun a droit ! En matière de prestation médicale, l'adulte bien portant n'a rien à gagner à recevoir plus qu'une surveillance légère ; la vie d'un malade peut dépendre d'un traitement très coûteux ; les soins quotidiens indispensables à un octogénaire assez favorisé quant à la santé dépassent souvent ses dépenses en nourriture »6. De telles disparités en matière de retraite entre les différents régimes de protection sociale ont poussé divers acteurs 1. 2. 3. 4. 5. 6. C. LARRAZET, « Les non-salariés et la Sécurité sociale : le défi de l’égalité », p. 08. disponible à l’adresse https://silogora.org/wp-content/uploads/2018/03/C.-Larrazet.mp4 consulté le 27/10/2019. S. GUINCHARD et T. DEBARD, Lexique des termes juridiques, 2017-2018, Dalloz, p. 889. Le capital humain ici désigne l’ensemble des travailleurs de l’entreprise, des ouvriers aux cadres sans aucune distinction. Le terme "risque social" désigne un événement dont la survenue est le plus souvent incertaine et imprévue, provoquant une diminution du niveau de vie, soit par ce que les dépenses augmentent, soit par ce que les ressources diminuent. Il est alors dit "social" car sa prise en charge est assurée par la collectivité. « Ensemble des régimes assurant la protection de l’ensemble de la population contre les différents risques sociaux : maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, charges familiales », S. GUINCHARD et T. DEBARD, Lexique des termes juridiques, 25ème éd. 2017-2018, Dalloz, p. 2158. J.-P. BENZÉCRI, « disparité géographique et équité du système français de sécurité sociale », in « Les cahiers de l’analyse des données, tome 14, no 2 (1989) p. 143. 2 sociaux ainsi que le gouvernement français à l’élaboration d’un projet de loi portant réforme de retraites en vue d’éradiquer ces différentes inégalités existantes7 par la préconisation d’un système universel par point. C’est l’analyse de cette situation dans le cadre de cette recherche qui a conduit au choix de ce sujet libellé comme suit : « la sécurité sociale des travailleurs à l’épreuve du principe d’égalité de traitement en droit togolais». Par « sécurité sociale », il faut entendre de façon générale l’ensemble des systèmes de prestations sociales. La plupart des législations à l’instar de celle togolaise, n’en donnent pas une définition expresse. Celle-ci est envisagée par plusieurs doctrinaires dont l’idée générale gravite autour des systèmes de prestations sociales. Ce système est danse et peut varier d’un pays à un autre ou de l’ordre interne à l’ordre international.8 Cependant, la variabilité de cette notion ne doit pas être confondue avec la protection sociale qui est un ensemble un peu plus vaste que la sécurité sociale. « Si en effet, la protection sociale, expression au demeurant vague et peut être ambigüe, regroupe tous les efforts, institutions et techniques qui tendent à protéger les personnes des risques sociaux, et à les mettre autant que possible, à l’abri du besoin, la sécurité sociale apparait comme un des éléments seulement de cette protection plus vaste même s’il s’agit de la pièce la plus importante.»9 Aussi convient-il de différencier la sécurité sociale de « l’aide sociale »10. La première répond à un effort contributif par des efforts de cotisations de ses bénéficiaires11 alors que la seconde fait face aux besoins de ceux qui n’ont pas de revenus ou revenus suffisants pour y faire face.12 Le terme « travailleur » est vu juridiquement comme « toute personne qui exécute, moyennant une rémunération forfaitaire, pour le compte d’un ou plusieurs établissements, un travail qui lui est confié soit directement, soit par un 7. 8. 9. 10. 11. 12. Voir les art. 01, 02 et 03 du projet de loi instituant un système universel de retraite en France. J.-P. LABORDE, Droit de la sécurité sociale, Presse éditeur de France-PUF, 2005, p. 02. J.-P. LABORDE, op. cit., p. 03. « Secours apporté par les collectivités publiques aux personnes dont les ressources sont insuffisantes», S. GUINCHARD et T. DEBARD, Lexique des termes juridiques, 25ème éd. 2017-2018, Dalloz, p. 139. J.-P. LABORDE, op. cit., p. 04. J.-P. LABORDE, op. cit., p. 03. 3 intermédiaire 13 . Ce peut être aussi celui qui exécute, soit seul 14 , soit avec son conjoint, partenaire lié par un PACS, concubin ou avec ses enfants à charge ou avec un auxiliaire, le travail confié par un donneur d’ouvrage lui procurant les matières premières, moyennant une rémunération forfaitaire. Le travailleur à domicile est assimilé au salarié par la loi»15. La notion d’« épreuve » est ici entendue comme une action, qui met en expérience un fait ou acte par rapport à un autre. C’est dire donc que c’est une confrontation de deux valeurs pour un résultat attendu. Elle permet alors de vérifier l’efficacité ainsi que les défauts pouvant y résulter. Un « principe » désigne d’abord une origine, une cause première. C’est un élément constitutif de quelque chose, une cause première et originelle. C’est encore une règle théorique générale qui détermine la conduite et l'action à respecter. L’égalité de traitement renvoi d’abord à deux autres principes qui sont l’égalité devant la loi et la non-discrimination des individus se trouvant dans la même situation. Les travailleurs se trouvant dans les situations identiques doivent être également traités de façon identique, pour ce qui concerne les avantages sociaux de toute nature. C’est un principe de rationalité et de justice du droit.16 Par référence au droit togolais, il faut y entendre l’ensemble des dispositions juridiques17 qui, à un moment donné, règlent le statut des biens et des personnes ainsi que les rapports entre les personnes publiques ou privées au Togo. De toutes ces définitions, l’on pourra retenir du sujet une compréhension assez explicite qui est celle de la condition et du degré d’accessibilité des travailleurs togolais aux prestations sécurité sociale au Togo, ou encore celle des conditions 13. 14. 15. 16. 17. C’est le cas d’un travailleur salarié qui est sous la subordination juridique et économique d’un employeur. Reference faite au travailleur indépendant exerçant son activité en toute indépendance. S. GUINCHARD et T. DEBARD, op.cit., p. 2038. J. PELISSIER, G. AUZERO, E. DOCKES, Droit du travail, 26ème éd. Dalloz, 2012, p. 663. Au Togo, le système de sécurité sociale essentiellement basé sur la logique d’ « assurances sociales » a un cadre normatif datant de l’époque coloniale. L’évolution juridique de ce système a été le résultat de l’adoption de la loi n°2011-006 du 21 février 2011 portant code de la sécurité sociale. La loi de 2011 est venue répondre à un souci majeur qui était la limite de la sécurité sociale aux seuls salariés selon les dispositions de la loi portant Code du travail. À côté de cette disposition, on retrouve la loi n°63-18 du 21 novembre 1963 portant création de la Caisse de Retraite du Togo pour s’occuper du régime des fonctionnaires civiles, des magistrats et des militaires de l’État togolais sans toutefois oublier les différents décrets et règlements. 4 d’extension du principe d’égalité de traitement, qui tire sa source en droit du travail, vers le droit de la sécurité sociale au Togo. La protection de l’individu contre les aléas de l’existence reste profondément marquée par la nature de sa relation de travail18. Elle tire son origine du monde industriel19 et est liée à un emploi, visant à répondre à certaines urgences du monde du travail telles que les accidents du travail 20 et certaines maladies à caractère professionnel ou non professionnel, mais aussi, elle vise à institutionnaliser la solidarité dans la société afin que les individus ne dépendent plus de la charité. De nombreuses entreprises togolaises regroupent en leur sein, des acteurs sociaux21 de différentes catégories, qui ont le droit d’être couvert par une sécurité sociale, telle que recommandés par les textes juridiques nationaux 22 et internationaux23 sous la houlette de l’ONU. Ils sont regroupés en diverses catégories socioprofessionnelles, de grades et classes différentes 24 , soumis à la subordination 25 tant juridique qu’économique de leurs employeurs. Certains acteurs font partie intégrante de l’entreprise, mais y exercent leur activité sans subordination d’un employeur en qualité de travailleurs indépendants26. L’entreprise est alors une société, un monde du travail regroupant plusieurs travailleurs de régime juridiques différents. Toutefois, « les inégalités, principalement générées dans la société moderne par la 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. Y. BATARD, La protection sociale des agents publics et des salariés : égalité de droits, inégalités de traitement, L’harmattan, 2004, p. 15. La révolution industrielle suscita le développement d’une classe ouvrière, dont les membres ne disposent que d’un seul bien, leur force de travail, et tire leur unique revenu de sa location à un entrepreneur. La classe ouvrière reste alors décimée par des accidents de travail, l’insuffisance technique, les vulnérabilités de la main d’œuvre infantile. Cette classe vit alors dans une insécurité économique dans la mesure où elle vit uniquement que des revenus de leurs forces de travail. Cette situation d’insécurité a eu pour conséquence la mise en place d’un système de prise en charge dans les État de ces différents risques sociaux. Voir l’art. 49 de la loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale au Togo. Voir D. SIMONNET, « Les acteurs de l’entreprise », in « les 100 mots de l’entreprises, pp. 13 à 31. La sécurité sociale togolaise est régie par la loi n°2011-006 du 21 février 2011 portant code de la sécurité sociale pour les travailleurs du secteur privé et la loi n° 91-11 du 23 mai 1991 fixant le régime des pensions civiles et militaire pour les fonctionnaires d’État. Voir l’art. 22 de la DUDH. Le monde des travailleurs du Togo est organisé et reparti en trois grandes catégories de travailleurs à savoir les agents d’exécutions, les agents de maîtrise et les cadres et assimilés. La subordination juridique est « la situation de dépendance, du travailleur placé, en droit, sous l’autorité de celui pour lequel il effectue une tâche (…) marque spécifique et principal critère du contrat de travail, ainsi que de l’affiliation au régime général de la S.C.I » V. G. CORNU, Vocabulaire juridique, 12ème édition, 2016, mis à jour. Le travailleur in dépendant est tout travailleur ordinaire à la seule différence que ce dernier n’est pas lié par un contrat de travail et travail pour son propre compte. Ils bénéficient dans certains systèmes juridiques de sécurité sociale de régimes spéciaux du fait de leur situation juridique. 5 condition de salarié, et qui portent atteinte aux principes devant gouverner une collectivité de citoyens, ont ainsi suscité une vision de la justice centrée sur la recherche d’une plus juste répartition des ressources entre les acteurs de l’économie » 27 . Le droit de la sécurité sociale togolaise qui s’appuie sur cette condition salariale, exige donc des assurés un revenu 28 comme assiette au financement de la sécurité sociale. Cette logique contributive29, basée sur le salariat, répond donc à la norme « à contributions égales, prestations égales », marquant ainsi une rupture avec la conception d’ « universalisation des prestations » où on peut contribuer sans espérer une prestation30. Ceci révèle une interrogation majeure quant à l’égalité d’accès31 et de prestation de système de sécurité sociale mise en place au Togo. Outre la protection sur le plan interne, le principe d’égalité est protégé au niveau international par la Déclaration universelle des droits de l’homme et les Pactes internationaux des Nations unies du 16 décembre 196632, mais également au niveau européen par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. L’avènement de la création de l'OIT puis de l’ONU, fait de la sécurité sociale une valeur juridique et un droit humain fondamental, par sa consécration dans des textes nationaux et internationaux. La sécurité sociale reste un maillon essentiel de l’OIT, dans la mesure où elle est devenue, au fil des temps, un des principaux objectifs de cette institution. En effet, la Déclaration concernant les buts et objectifs de l’OIT de 1944 prône «l'extension des mesures de sécurité sociale en vue d'assurer un revenu de base à tous ceux qui ont besoin d'une telle protection ainsi que des soins médicaux complets.»33 27. 28. 29. 30. 31. 32. 33. R. LAFORE, « Le principe d’égalité dans la Sécurité sociale : incertitudes et ambiguïtés de sa construction contentieuse » in « Le Droit Ouvrier », p. 433. Voir l’art. 12 de la loi n°2011-006 du 21 février 2011 portant code de la sécurité sociale du Togo. R. LAFORE, op. cit. p. 440. Idem, p. 438. L’accès à la sécurité sociale conditionné par un revenu professionnel constitue en soit, une limite affectant le principe de l’égalité à la sécurité sociale. Il s’agit du Pacte International sur les Droits Civils et Politiques (PIDCP) et le Pacte International sur les Droits Économiques, Sociaux et Culturels (PIDESC). Adoptée à Philadelphie (États-Unis) le 10 mai 1944 (§ f de la section III). Consulté à l’adresse http://www.ilo.org/ilolex/french/iloconst.htm#annex le 25/08/2019. 6 Les lieux de travail, spécialement les entreprises, constituent un noyau économique dans lequel les différents acteurs à savoir les employeurs, les chefs d’entreprises et leurs salariés sont soumis à divers risques sociaux liés au monde du travail. Le droit de la sécurité sociale intervient alors pour définir les mécanismes de prise en charge des différents risques liés au travail en entreprise. L’idéal voudrait alors en vertu du principe d’égalité de traitement, tel que hautement prôné en droit du travail, qu’aussi en droit de la sécurité sociale les prestations soient effectuées suivant la situation et l’exposition des risques de chaque travailleur. « L’égalité en droit social s’apprécie tant en droit du travail qu’en droit de la protection sociale. »34 Le Togo ayant opté le modèle d’assurance, l’égalité s’apprécie dans la pratique par rapport au ratio de contribution sans toutefois tenir compte de la situation réelle de travail. Ceci explique donc le fondement de la limite du principe d’égalité de traitement en droit de la protection sociale.35 L’égalité de traitement tel que visé dans le droit du travail, n’a pour autant la même valeur et la même teneur en droit de la sécurité sociale. Pour une justice sociale optimale, l’égalité se concrétise également par une solidarité socioprofessionnelle 36 dans la prise des risques sociaux avec la « mutualisation des risques sociaux ».37 L’exposition aux risques de travail varie d’une catégorie de travailleurs à une autre. Par exemple, les ouvriers qui disposent le plus souvent de revenus faibles, sont beaucoup plus exposés aux accidents de travail38 du fait de leur situation de 34. 35. 36. 37. 38. V. MORGAND, « L'égalité en droit social : où en est-on ? » Disponible en ligne sur l’adresse https://www.village-justice.com/articles/egalite-droit-social-est,25577.html consulté le 16/09/2019. V. ROULET, protection sociale d’entreprise, état des lieux et perspectives, Recherche effectuée dans le cadre d’une convention conclue entre l’Institut de Recherches Économiques et Sociales (IRES) et la CFE-CGC, septembre 2013, p. 37 La solidarité ainsi visée est de nature horizontale organisant une distribution entre usagers de situation comparable et verticale, transférant des garanties des mieux dotés vers ceux qui le sont moins. « Mutualiser un risque consiste à le répartir à égalité parmi les membres d'un groupe homogène (une mutualité). Pour être assuré le risque doit revêtir quatre caractères : être futur, être incertain, ne pas dépendre totalement de la volonté de l'assuré et qu’il ne survienne pas au même moment pour tous les assurés. L'assureur organise la solidarité entre les assurés : les sinistres de certains sont financés par les primes ou les cotisations de tous. L'objectif est de diminuer le coût d'indemnisation pour l'auteur du dommage et assurer une indemnisation de la victime. L’assureur peut être une organisation publique ou privée. L'assurance publique est le fondement de la Sécurité Sociale qui couvre les risques maladie, maternité, décès, accidents de travail… L'assurance privée est assurée par les compagnies d’assurance et les mutuelles.», disponible en ligne sur l’adresse http://sabbar.fr/droit/identifier-lerisque-pour-proteger/ consulté le 25/08/2019. Accident, quelle qu’en soit la cause, survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou à quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. 7 travail. « Cette classe vit dans une insécurité économique exceptionnelle dans la mesure ou ses membres tirent leur unique revenu de la location de travail : tous les événements d’ordre physique ou économique (chômage) les privent de leurs moyens d’existence.»39 La marche vers l’unité se traduit donc par des interrogations sur la situation de travail de chaque travailleur afin d’y apporter les prestations équivalentes40. Le système étant déclaratif41 la base de calcul des cotisations reste assise sur les salaires des travailleurs. Si les travailleurs du secteur public relèvent essentiellement de la CRT42, pour ce qui concerne leur sécurité sociale, il faut néanmoins relever que tel n’est pas le cas des agents contractuels de l’État qui se voient affiliés au régime général de droit privé à la caisse nationale de sécurité sociale. Le législateur togolais les place dans une situation d’égalité avec les travailleurs des entreprises privés. La nature des relations de travail43 étant la même avec les agents permanents de l’État, la nature juridique 44 de l’engagement de travail des agents contractuels leur confère un régime de sécurité sociale de droit privé géré par la CNSS. Nul ne devrait alors douter d’un régime uniforme de sécurité sociale entre les agents contractuels et les fonctionnaires. Ce qui devrait leur justifier l’affiliation à la CRT dans les mêmes conditions que les fonctionnaires. Tout ce constat effectué dans le cadre de la protection sociale d’entreprise, méritent une réflexion approfondie ; réflexion qui déterminera la place de chaque travailleur dans le droit de la sécurité sociale. Étudier l’égalité de traitement entre les travailleurs d’une entreprise en droit de la sécurité sociale revient alors à mettre en confrontation cette égalité avec celle résultant dans le cadre du droit du travail et y relever les effets tant positifs que négatifs qu’on y trouvent et essayer d’apporter 39. 40. 41. 42. 43. 44. J.J. DUPEYROUX, M. BORGETTO et R. LAFORE, Droit de la sécurité sociale, 17ème éd., 2015, Dalloz, p. 16. C. LARRAZET, op.cit., p. 04. Art. 07 à 10 de la loi 2011 - 006 portant code de sécurité sociale du Togo. Le régime de la Caisse de Retraite du Togo a été institué par la loi n°63-18 du 21 novembre 1963 pour s’occuper des fonctionnaires civiles, des magistrats et des militaires de l’État togolais. La nature du Travail des agents contractuels répond aux exigences d’une mission de service public avec des prérogatives de puissance publique à eux reconnu. L’agent contractuel bien que exerçant une mission de service publique commandée par l’intérêt général, n’acquiert pas pour autant la qualité de fonctionnaire, il reste lié à l’administration par un contrat de travail de droit commun 8 les solutions en ce qui concerne les effets négatifs. La sécurité sociale n’est rien d’autre que la mise en place d’un système de prestations sociales. Encore faut-il un dispositif juridique qui détermine les conditions de jouissance des droits à prestations, d’où l’effectivité du droit de la sécurité sociale. La sécurité sociale répond donc à un impératif double à savoir celui économique et celui juridique. Économiquement il contribue à la sécurisation de l’emploi par la mise en place de système de sécurisation et d’indemnisation, l’angle juridique ne serait rien d’autre que l’encadrement de la jouissance effective. Eu égard à cette analyse, la problématique majeur est de savoir si le système de sécurité sociale togolais mis en place favorise-t-il l’accès égal et équitable de tous les travailleurs à l’indemnisation des risques sociaux ? Autrement dit, les différents acteurs de l’entreprise sont-ils couverts par la sécurité sociale dans les mêmes proportions ? L’analyse théorique et pratique de cette situation du Togo, en matière de la sécurité sociale révèle une inquiétude majeure. Les prestations de sécurité sociale répondent à un standard « d’assurance » sans toutefois tenir compte de la situation salariale ainsi que celle des conditions de travail dans lesquelles l’assuré travaille. La logique contributive 45 de sécurité sociale, accorde moins de chance de prestations sociales aux travailleurs de faibles revenus. L’intérêt théorique de cette réflexion permettrait de mettre en relief les différentes inégalités et disparités qui interviennent dans le processus46 d’affiliation et de prestations de sécurité sociale des travailleurs togolais ; ainsi que l’aménagement des pistes de solutions adaptées à la condition juridique et économique de chaque travailleurs, pour faire face aux inégalités avérées dans les prestations sociales. 45. 46. Bismarck, chancelier allemand est à l’origine des systèmes d’assurance sociale, dont le modèle type fut créé en 1883 dans son pays. Le principe était celui d’une assurance maladie et vieillesse obligatoire, pour les bas revenus, sur une base professionnelle et majoritairement financée par des cotisations sociales (pour moitié patronales pour moitié salariées). Cette formule fut reprise par l’Autriche (1888), le Danemark (1891) et la Belgique (1894) puis par la France (1930). Après 1945, le principe des assurances sociales obligatoires dans ces pays fut généralisé à tous les travailleurs, salariés ou non, à revenus faibles ou élevés (sauf en Allemagne) et à leur famille proche Le processus d’affiliation reste variable selon qu’il s’agisse des travailleurs du secteur privé et parapublic dont le régime est assuré par la CNSS, et ceux du secteur privé qui relèvent de la CRT. 9 L’angle pratique de cette étude permet aux acteurs du monde du travail et de la sécurité sociale togolaise, de mettre en place les dispositifs d’ordre juridique et institutionnel, en vue de l’amélioration positive de la qualité de sécurité sociale au Togo. L’arsenal juridique imposé servira alors au renforcement des capacités des différentes institutions 47 en charge de la sécurité sociale au Togo, et bien évidemment d’en créer d’autres aux besoins nécessaires pour une meilleure gestion. La réalisation de ce travail ne sera effectuée que par l’exploitation des documents juridiques ainsi que les points de vue doctrinaires ayant contribué à la résolution de la question juridique de cette réflexion. Les apports par l’expertises de certaines personnes ressources du monde professionnel telle que le personnel de la caisse nationale de sécurité sociale, celui de la division du travail et des lois sociales sera également d’une grande utilité. Cependant, malgré le rétrécissement du champ de cette réflexion qui se limite au cadre législatif du Togo, les enquêtes menées dans le champ juridique des pays voisins, enseignent que le système de sécurité sociale est relativement parfait et reste adapté à la réalité économique et sociale de chaque État. Cependant, l’analyse générale du cadre juridique et économique de la sécurité sociale togolaise présente un aspect déséquilibré 48 qui crée une inégalité entre les travailleurs (Partie I). Toutefois, plusieurs mesures de tous ordres restent encore possibles en vue du rétablissement de l’équilibre49 de sécurité sociale (Partie II). 47. 48. 49. Essentiellement la CNSS, l’INAM et la CRT. Ce déséquilibre est constaté doublement, d’un côté par la différence de la situation juridique des travailleurs, notamment leurs régime juridique de travail et de l’autre côté par la différence de la situation économique notamment la différence de salaire. Le rétablissement de l’équilibre se fera par la mise en œuvre accentuée des reformes générales ou partielles du régime actuelle de sécurités sociale afin de lutter contre les différentes disparités sociales. D’ailleurs, l’exemple le plus usuel est celui des réformes des retraites initiées par le gouvernement français et qui visent l’uniformisation des régimes de retraites pour une meilleure prestation des retraités français. 10 PARTIE I. UNE SÉCURITÉ SOCIALE INÉGALE : SOURCE D’UN DÉSÉQUILIBRE 11 Le droit de la protection sociale togolaise évolue depuis sa création en 1956 par le décret N° 242/56/ITLS du 15 mars 1956 en fonction de la réalité socioéconomique et professionnelle de la population active. C’est ainsi que l’activité salariale analysée en son sens juridique 50 apparaît comme l’élément essentiel et primordial d’affiliation et d’assujettissement au régime général 51 et obligatoire de la sécurité sociale. Le salarié remplissant toutes les conditions52 de son affiliation est donc appelé à verser des cotisations53 périodiques aux organismes de protection sociales 54 que sont la CNSS et la CRT, en contrepartie d’une prestation en cas de survenance d’un risque. Cette condition salariale crée l’aspect d’une inégalité de prestation de sécurité sociale par le caractère sélectif en raison du manque d’un revenu professionnel d’une part importante de la population qui ne peut faire face aux cotisations sociales. L’aspect inégal de la sécurité sociale sera abordé du point de vue de son caractère sélectif (chapitre I) ainsi que du point de vue juridique et économique des travailleurs (chapitre II). 50. 51. 52. 53. 54. Art. 2 al 1er de la loi N°2006-010 portant code du travail du Togo «est considérée comme travailleur au sens du présent code, quels que soient son sexe et sa nationalité, toute personne qui s’est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction et l’autorité d’une autre personne, physique ou morale, publique ou privée, appelée employeur. Pour la détermination de la qualité de travailleur, il ne sera tenu compte ni du statut juridique de l’employeur, ni de celui de l’employé. » J.-P. LABORE « L’affiliation comme figure de l’appartenance au droit de la sécurité sociale » in champ libre 5, Droit, Justice, Politique, juin 2006, L’Harmattan, p. 08. Les conditions d’affiliation revêtent un caractère double qui est juridique par un emploi salarié et économique par l’existence d’un salaire minimum. J.-P. LABORE, op. cit, p. 09. Au Togo, l’institution du régime général de sécurité sociale des salariés est la CNSS. La CRT reste spécifique aux agents publics permanents de l’État ainsi que l’INAM qui intervient dans le cadre de leur assurance maladie obligatoire. 12 CHAPITRE I. Un déséquilibre lié à un système de sécurité sociale sélectif L’obligation donnée aux personnes (physiques ou morales) assujetties de verser des cotisations périodiquement55 afin de prétendre à une prestation au terme de la sécurité sociale confère à cette dernière son caractère de contrat d’assurance qui nécessite la réunion d’un certain nombre d’éléments56 (Section I). À cette situation s’ajoute l’aspect inefficace du système de sécurité sociale mis en place, laissant ainsi d’autres secteurs en marge de la sécurité sociale (Section II). Section I. Une sécurité sociale basée sur un modèle d’assurance Au Togo, le système de sécurité sociale répond dans sa plus grande partie au mécanisme « d’assurance sociale »57 qui est le régime général obligatoire, imposé par l’État afin de protéger les travailleurs salariés des risques sociaux. Le modèle d’assurance vient de l’inspiration de l’Allemand Otto Von Bismarck. La sécurité sociale est donc conditionnée à l’exigence d’un revenu professionnel 58 (§ 1) qui constitue l’assiette des cotisations, limitant ainsi la protection sociale à cette minorité salariale (§ 2). 55. 56. 57. 58. Au Togo, les périodes ainsi que les modalités de recouvrement des cotisations sociales sont déterminés selon les dispositions de l’art. 74 du code de la sécurité sociale par arrêté du ministre de tutelle. « Le contrat d’assurance est la convention par laquelle un souscripteur se fait promettre une prestation, pour lui ou pour un tiers, en cas de sinistre, moyennant le payement d’une prime ; cette prestation est payée par une entreprise d’assurance qui effectue la compensation de risques analogues en utilisant des méthodes statistiques. Cette définition permet de dégager les trois éléments que l’on retrouve dans un contrat d’assurances : le risque à garantir, une prime qui est le prix de la sécurité, une prestation de l’assureur en cas de sinistre. » Y. LAMBERT-FAIVRE et L. LEVENEUR, Droit des assurances, 13ème édition, Dalloz, 2011, p. 263. Bismarck, chancelier allemand est à l’origine des systèmes d’assurance sociale, dont le modèle type fut créé en 1883 dans son pays. Le principe était celui d’une assurance maladie et vieillesse obligatoire, pour les bas revenus, sur une base professionnelle et majoritairement financée par des cotisations sociales (pour moitié patronales pour moitié salariées).Cette formule fut reprise par l’Autriche (1888), le Danemark (1891) et la Belgique (1894) puis par la France (1930). Après 1945, le principe des assurances sociales obligatoires dans ces pays fut généralisé à tous les travailleurs, salariés ou non, à revenus faibles ou élevés (sauf en Allemagne) et à leur famille proche. Le revenu professionnel implique toute ressource financière devant faire face aux cotisations sociales. On a donc le salaire chez les travailleurs salariés avec tous les accessoires nécessaires et tout le revenu résultant de l’activité professionnel, chez les travailleurs indépendants. 13 § 1. La prévalence d’une activité salariale L’affiliation obligatoire de tous les travailleurs59 soumis aux dispositions de la loi portant code du travail au régime général de sécurité sociale (A), ainsi que le versement préalable de cotisations (B) aux organismes de protections sociales font de l’activité professionnelle salariale une condition60 de base d’accès à la sécurité sociale. A. L’affiliation et l’immatriculation obligatoire, conséquence d’une activité professionnelle salariée Il faut noter qu’il existe une distinction technique de l’affiliation par rapport à d’autres termes voisins avec une certaine liaison dans le domaine de la protection sociale tels que l’assujettissement61 et l’immatriculation62. L’assujettissement n’est rien d’autre que le rattachement obligatoire d’une personne à un régime sous l’effet obligatoire de la loi voire volontaire dans certaines situations telles que l’assurance volontaire. Une fois les conditions d’assujettissement établies, l’assuré devrait alors être affilié, donc rattaché à un régime de sécurité sociale. L’immatriculation vient dont matérialiser l’affiliation et l’assujettissement par une procédure administrative d’enregistrement. Il faut noter que l’affiliation est acquise de plein droit par le simple fait d’être salarié selon les exigences du code du travail63. Le statut de salarié tel que défini par la loi portant code du travail confère de droit à l’assuré son affiliation au régime générale de la sécurité sociale. Ceci lui revient alors de passer par la procédure administrative 59. 60. 61. 62. 63. Le terme travailleur met en exergue ici le lien de subordination qui doit exister entre la personne du travailleur ainsi que celle de son employeur. Toutefois, cette subordination vise beaucoup plus l’aspect économique que juridique afin de s’assurer du versement des cotisations sociales par l’employeur. M. BORGETTO, « la protection sociale fondée sur l'emploi : un modèle inadapté ? entre cotisations sociales et fiscalité, in « Informations sociales », 2007/6 n° 142 | p. 08. « Obligation d’affilier aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d’une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat », S. GUINCHARD et T. DEBARD, lexique des termes juridiques, 25ème éd., 2017, Dalloz, p. 209. « Opération administrative qui consiste à inscrire officiellement un travailleur sur la liste des assurés sociaux d’une caisse. Cette immatriculation, qui se traduit par l’attribution d’un numéro, est définitive » S. GUINCHARD et T. DEBARD, lexique des termes juridiques, 25ème éd., 2017, Dalloz, P 1085. Art. 02 de la loi n° 2006-010 du 13 décembre 2006 portant code du travail du Togo. 14 d’immatriculation64 au sein de la CNSS pour se voir inscrit sur la liste des assurés sociaux. Pour ce faire, en raison de son statut de premier responsable de son salarié les textes juridiques togolais du droit social 65tout comme ceux de la plupart des autres pays laissent cette charge d’immatriculation à l’employeur à titre principal tout en admettant l’exception au salarié lui-même de le faire à titre secondaire après l’écoulement d’un certains délais sans que l’employeur le fasse. Au Togo tout comme dans la plupart des autres pays, les législations relatives au droit du travail et au droit de la sécurité sociale laisse peser cette charge d’immatriculation et d’assujettissement, à l’employeur. Cette procédure tient son caractère obligatoire de la loi qui prévoit des sanctions pénales 66 à tout employeur qui y manquera. Au regard du droit du travail, l’entreprise est considérée d’abord comme un ensemble de personnes rémunérées exerçant une activité et ensuite placée sous la subordination67 d’une autre personne appelée employeur. Ce dernier reste le responsable principal de l’entreprise qui se trouve dans l’obligation d’assurer la sécurité de ses salariés au regard de l’hygiène, de la santé ainsi que différents risques sociaux. Pour ce faire la loi lui fait obligation de procéder à son immatriculation dans un délai de huit (8) jours à compter soit de l’ouverture ou de l’acquisition de l’entreprise si celle-ci comporte l’emploi des salariés , soit du premier embauchage d’un salarié suivant la création de son entreprise à son immatriculation d’abord en tant qu’employeur ensuite dans l’actif des salariés qu’il embauche.68Il doit ensuite procéder à sa diligence à l’immatriculation de ses salariés dans un délai de huit(8) jours à compter de la date de l’embauche du salarié. Dans le cas où le travailleur aurait été déjà immatriculé par un employeur précédant, le nouvel employeur est donc tenu d’en informer à la caisse pour la mise à jour de la carrière du travailleur et ce dans le même délai de huit (8) jours. 64. 65. 66. 67. 68. Possibilité laissée au salarié lui-même de le faire au cas où son employeur ne respecte pas cette obligation à lui légale. Loi n°2006-010 du 13 décembre 2006 portant code du travail du Togo et la loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale. Art.95 de la loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale La subordination du salarié par rapport à son employeur s’apprécie au point de vue juridique et économique. Voir l’art. 07 la loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale au Togo. 15 Dans le but de trouver une solution à un éventuel manquement de l’employeur à son devoir d’immatriculation de ses employés, le législateur togolais autorise le salarié lui-même de procéder à sa propre immatriculation dans un délai d’un mois à compter de sa date d’embauche. À cet effet, il bénéficie de l’obligation d’information auprès de son employeur ainsi que des organismes en charges de la sécurité sociale sur l’état de sa sécurité sociale et cette procédure d’immatriculation personnelle, ne peut constituer un motif de son licenciement. Toutefois, en ce qui concerne les travailleurs indépendants tout comme ceux de l’économie informelle, leur immatriculation devrait intervenir dans un délai de trente (30) jours suivant le démarrage de l’activité69. Une fois l’immatriculation tant de l’employeur que du salarié effectuée, la charge de l’obligation de payement des cotisations sociales reste ouverte à la responsabilité de l’employeur. B. Le versement préalable de cotisations sociales, conséquence de l’affiliation obligatoire La question de versement des cotisations sociale en droit de la sécurité sociale est une question étendue qui pose à la fois le problème de l’assiette, de la charge et du taux de la cotisation. Par assiette des cotisations, il faut entendre tout ce qui, dans le patrimoine de l’assujetti, est effectivement soumis à cotisations de sécurité sociale. 70 C’est la « base de calcul des cotisations. Elle comprend toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail » 71 . Au Togo, « les cotisations dues au titre du régime général de sécurité sociale sont assises sur l’ensemble des rémunérations perçues par les personnes assujetties, y compris les indemnités, primes, gratifications, commissions et tous autres avantages en espèces, ainsi que la contre-valeur des avantages en nature, mais à l’exclusion des remboursements de frais et des prestations familiales versées »72 . L'évaluation des 69. 70. 71. 72. Art. 28 de l’arrêté n°002/2012 /MTESS/CAB/DGTLS fixant les modalités d’application du code de sécurité sociale. J.-P. LABORDE, op. cit., p. 446. S. GUINCHARD et T. DEBARD, lexique des termes juridiques, 25ème éd., 2017, Dalloz, p. 197. Art 12 de la loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale au Togo. 16 avantages en nature est faite conformément aux textes en vigueur en la matière. On conclut alors au regard de ce texte que le salaire73 est l’élément de base essentielle sur lequel sont assis les cotisations sociales à l’exclusion de certains éléments tels que les remboursements de frais des prestations familiales versées au titre de la sécurité sociale. La charge de la cotisation sociale au Togo reste partagée entre l’employeur et le salarié74dont la plupart reviennent exclusivement à l’employeur75. La détermination du taux des cotisations comme du montant des prestations relèvent du pouvoir réglementaire. La législation togolaise l’a évalué à un taux global de 21,5 %76 dont 17% de la part de l’employeur et 4% de la part du salarié assise uniquement sur la branche des pensions. C’est ainsi que le versement des cotisations sociales est depuis longtemps resté l’une des premières conditions donnant droit aux prestations sociales. Cette situation marque alors une limite essentielle du système de sécurité sociale basé sur le salariat. La prévalence de l’activité salariale par l’affiliation et l’immatriculation obligatoire ainsi que le versement préalable des cotisations sociales constituent la conséquence d’une protection sociale limitée. § 2. La conséquence d’une protection limitée L’influence démographique et la situation économique moins favorable de certains travailleurs de l’entreprise, ne favorisent pas une sécurité sociale de l’entreprise répondant aux normes de traitement paritaire entre les salariés. Ceci entraine donc une sécurité sociale limitée d’abord quant à l’assujettissement (A), ensuite limitée aux prestations (B). 73. 74. 75. 76. Le salaire ici implique toute forme de revenu rentrant dans le champ d’application des taux de cotisations sociales, ce qui inclut les revenus professionnels des travailleurs indépendants. Il faut tout de même rappeler que les travailleurs déclarés au titre des indépendants sont seuls responsables de toutes les charges sociales sans aucunes exonération. Toutefois, malgré le partage des dettes sociales entre le salarié et son employeur, ce dernier reste légalement le débiteur principal sur qui repose la charge de versement des cotisations sociales. Art. 2 du décret n° 2012-038/PR du 27 juin 2012 portant révision des taux de cotisations à la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). 17 A. La protection limitée quant à l’assujettissement Après quelques analyses sur l’état du système de fonctionnement de la sécurité sociale togolaise, on peut sans doute relever son caractère défaillant et limité dans la mesure où il est essentiellement basé sur une activité salariale ou du moins un revenu professionnel. Il faut aussi relever que les différents acteurs de l’entreprise quand bien même, possèdent un revenu du fait de leur travail bien sûr, n’ont pas tous accès dans les mêmes conditions à la sécurité sociale. Dans la théorie, toute personne créant une entreprise et, employant en son sein des travailleurs est tenue par les textes à sa déclaration ainsi qu’à celle des travailleurs77. Les textes prennent également soin d’exclure toute forme de discrimination naissant dans le processus d’affiliation78. Cependant, de nouveaux rapports et constats révèlent une autre réalité dans la pratique79. Ceci reste expliqué par diverses raisons tenant à la condition juridique et économique des salariés. Les mécanismes actuels de protection sociale ne bénéficient qu’à une faible partie de la population80, essentiellement celle relevant du salariat dans les secteurs publics et privés, c’est à dire celle disposant déjà des revenus les plus élevés au sein de la population active. Les assurances sociales qui constituent le modèle de la sécurité sociale togolaise se trouvent limitées à un cercle restreint de la population qui dispose au moins d’un revenu professionnel. Les entreprises n’évoluant pas toutes dans les mêmes conditions, certaines choisissent de déclarer certains salariés en tenant compte de leurs forces économiques pour faire face aux cotisations sociales. Cette sélection vise alors les salariés qui bénéficient d’une grand stabilité dans l’entreprise notamment ceux reliés par des CDI. Les salariés recrutés sous des CDD, en considération de leur caractère temporaire dans l’entreprise restent le plus souvent victimes du défaut de déclaration par leurs employeurs à la sécurité sociale. « Les informations collectées durant la mission d’expertise permettent de se faire une idée du nombre de 77. 78. 79. 80. Art 07, 08 et 09 de la loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale au Togo et l’art. 27 de la C.C. de 2011. Art. 03 de la loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale au Togo Tous les acteurs du monde de l’entreprise, notamment du dirigeant au salarié, ont accès aux services de sécurité sociale selon les niveaux et régimes différents. 5% estimé selon le rapport de l’OIT. 18 personnes effectivement prises en charge par type de prestation sociale. Rapportée au nombre de personnes relevant de la catégorie concernée par chacune de ces prestations, ces chiffres permettent de déterminer les besoins encore à couvrir.»81 L’analyse du rapport de cette mission d’expertise révèle donc que tous les travailleurs relevant du régime général de sécurité social ne sont effectivement pas pris en charge 82 . Certains travailleurs le seraient sans que d’autres le soient. Le constat aurait également édifié que la taille de l’entreprise reste un facteur déterminant en ce sens que, les PME et les micros entreprises connaissent un faible taux d’affiliation tandis que les entreprise de tailles connaissent un taux élevé. La grande responsabilité de cette situation pour la plupart revient aux employeurs et chefs d’entreprise car, ces travailleurs sont au nom de la loi assujettis mais non encore affiliés. Outre les inégalités relevées dans le cadre de l’affiliation, le régime des prestations reste sans difficultés et exclusions. Qu’en est-il alors ? B. La protection limitée quant aux prestations Le droit de la protection sociale togolaise a été le fruit d’une longue évolution réglementaire et législative dont le point de départ est l’arrêté N° 242/56/FTLS du 15 mars 1956 instituant uniquement la branche des prestations familiales. Jusqu’à la loi N° 2011 - 006 portant code de sécurité sociale, le champ d’application de la sécurité sociale au Togo concernait uniquement les travailleurs salariés au sens de la loi portant code du travail de 2006. C’est ainsi que la dernière modification de 2011 est venu donner un coup de pouce dans le domaine en y intégrant certaines catégories de régimes des travailleurs non-salarié tel que les indépendants et les travailleurs de secteur de l’économie informelle, les élèves des écoles de formation professionnelle ainsi que les ministres des cultes83. Toutefois, cette extension reste 81. 82. 83. P. AUFFRET, la protection sociale au Togo : Situation présente, besoins des populations et propositions pour l’avenir, rapport du PNUD en septembre 20011, p. 57. , rapport disponible à l’adresse suivante : http://www.socialprotection.org/gimi/gess/RessourcePDF.action%3Bjsessionid%3DsnvrZ8xT8LzYJnQLl4qCnJ40 s2hG2c0TM1cczWYJZXSfQjhy39Cr!726592978%3Fressource.ressourceId%3D30412 consulté le 28/08 / 2019. Les PME, les micros entrepris ainsi que celles œuvrant dans le secteur informel sans oublier certains travailleurs le plus souvent recruté sous le régime de CDD, connaissent un faibles taux d’affiliations dans les organismes de sécurité sociale. Voir l’art. 03 de la loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale au Togo. 19 encore à parfaire dans le cadre des prestations où certaines n’ont pas encore vu le jour pour certaines catégories de travailleurs. Lorsqu’on analyse le régime d’affiliation des travailleurs en droit togolais, spécialement dans le C.S.S on se rend compte que parmi tous les travailleurs assujettis, tous n’ont pas droit à toutes les prestations disponibles par le régime général84. C’est ainsi que les travailleurs de l’économie informelle se voient privés des prestations des risques professionnelles, tandis que les élèves des écoles de formation professionnelles ainsi que les stagiaires et apprentis sont couverts uniquement pour les risques professionnels « survenus par le fait ou à l‘occasion de leur formation, apprentissage ou stage.» 85 Cependant le droit aux prestations légales des travailleurs sous régimes de contrats à durée déterminée se voit dans certaines circonstances fragilisés en raison évidemment de leurs situations instables et temporaires dans l’entreprise. La prise en charge des risques sociaux liés au travail fait, le plus souvent objet d’une simple convention entre le travailleur en CDD et son employeur. Toutefois, le régime de la couverture obligatoire maladie, de l’INAM86 a été mis en place, pour la couverture des agents publics et assimilés de l’État. En conséquence, les travailleurs du secteur privé ne bénéficient pas encore d’une assurance maladie87 en dehors de quelques soins liés aux accidents de travail et maladies professionnelles. Dans les régimes de retraite, l’on note une différence de traitement entre les différents travailleurs en considération de plusieurs facteurs dont les principaux sont liés à la situation économique ou encore juridique avec les différents travailleurs.88 En sommes, l’on pourra retenir que le régime de sécurité sociale du Togo, principalement basé sur le salariat, rencontre de ce fait des limites qui s’observent tant au niveau de l’assujettissement qu’au niveau des prestations. 84. 85. 86. 87. 88. Idem. Idem. L’INAM a été mise en place par la loi n° 2011-003 du 18 février 2011 pour l’assurance obligatoire des agents publics et assimilés en maladie. L’assurance maladie dans le secteur privé se limite dans le cadre professionnel notamment en cas d’accident de travail. En ce qui concerne le régime des retraites, les travailleurs ayant des salaires élevés voient leur pension vieillesse élevés par rapport à ceux des salaires faibles. Ceux du secteur public ont un taux de remplacement plus élevé que ceux du secteur privé dont le taux est faible avec comme base de calcul la moyennes du salaire des cinq (05) dernières années. 20 Que déduire de tout cela du système et du dispositif en soit de la sécurité sociale du Togo. Section II. Un système de protection sociale moins efficace Au regard de l’organisation et du fonctionnement du système de sécurité sociale du Togo, l’on peut admettre que ce système fait face à de nombreux défis89 qui ne sont pas encore relevés tant par le législateur, que par tout autre acteur du monde de la sécurité sociale. Il est encore plus difficile, de parvenir à un système fiable d’extension au bénéfice de l’ensemble de tous les acteurs du monde de l’entreprise dans les meilleures proportions. En effet, malgré la volonté d’étendre la sécurité sociale au bénéfice de l’ensemble des couches socioprofessionnelles par la loi portant code de sécurité sociale de 2011, il faut noter que cette extension éprouve encore des difficultés de tous ordres sur le terrain en raison de l’influence de la croissance démographique et de la croissance économique moins favorable à l’essor de la sécurité sociale pour tous. L’objet de cette section est donc de relever les aspects d’une inefficacité fonctionnelle (§ 1) et ceux relevant de l’inefficacité législative (§ 2). § 1. Une inefficacité fonctionnelle L’inefficacité fonctionnelle du système de sécurité sociale du Togo est marquée par d’abord la faiblesse de son organisation moins adaptée à la réalité sociale(A), puis suivra la fragilité des institutions en charge de la sécurité sociale (B). A. L’organisation moins adaptée par un régime unique La sécurité sociale togolaise a été depuis la loi de 2011 le fruit d’une longue évolution de textes qui sont parvenus à l’étendre à d’autres catégories socioprofessionnelles notamment90. Cette extension devrait donc couvrir les autres catégories de travailleurs qui bien que ne l’étant pas convenablement au sens de la loi portant code du travail, donc indépendamment de tout employeur, disposaient 89. 90. Les défis majeurs auxquels est confrontée la sécurité sociale togolaise, sont l’amélioration de la qualité de prestation sociale ainsi que l’extension de l’affiliation à toutes les couches socioprofessionnelles. La loi de 2011 est venue répondre au souci d’extension des assurances sociales à d’autres catégories socioprofessionnelles telles que annoncées par l’art. 03 du CSS. 21 des revenus nécessaires pour faire face aux cotisations sociales. Cette catégorie des travailleurs indépendants doit donc relever d’un régime exceptionnel au régime général des travailleurs salariés dépendants, et par conséquent d’un régime spécialisé. Le droit Togolais a choisi plutôt de les intégrer au régime général sans aucune distinction en les assimilant aux salariés. À l’image de certaines législations91, les travailleurs indépendants bénéficient d’un régime spécialisé en raison de la particularité de leur procédure d’immatriculation ainsi que du financement des charges sociales 92 dont ils sont les seules responsables contrairement aux salariés dépendants dont les charges sont partagés en grandes parties à l’employeur. L’employeur est donc un élément important contribuant à la garantie d’une meilleure protection du salarié. Cependant il en est autrement des travailleurs indépendants qui sont les seules responsables en ce qui concerne le financement de leur sécurité sociale notamment avec des cotisations qu’ils assurent seuls en qualité d’employeurs et de salariés. Toutefois, aucune mesure d’exonération, ni d’accompagnement efficace n’est encore mis à leur disposition. C’est ainsi que dans le souci de préserver les intérêts des assurés, les travailleurs indépendants dépourvus d’employeurs, qui naturellement assurent la protection sociale des salariés, doivent bénéficier de façon particulière à un régime spécial93 distinct de celui général, voire géré par des institutions appropriées à ce régime. « Dès lors, disposer d’un régime de protection sociale spécifique permettait à ces catégories d’affirmer leur distinction, et ainsi garantir leur existence en tant que groupe social.» 94 « D’autres activités ont bien donné lieu à des activités spécifiques : mines, marine marchande, fonction publique. Mais les agriculteurs (salariés et exploitants) se présentent autant comme profession que comme 91. 92. 93. 94. Le droit français de la sécurité social prévoit un régime spécial des indépendants à savoir le régime social des indépendants (RSI) qui est devenu depuis la réforme de 2018 Sécurité sociale pour les indépendants (SSI). Les travailleurs assurés sous le régime des indépendants sont les seuls responsables de toutes les charges sociales à savoir celles des salariés et celles des employeurs dans les mêmes taux et conditions prévues par la loi. L’exemple illustratif est le régime social des indépendant en France créé en 2006. Voir la découverte des institutions de la protection sociale, disponible en ligne à l’adresse http://www.viepublique.fr/decouverteinstitutions/financespubliques/protectionsociale/definition/pourq uoi-securitesociale-est-elle-divisee-differents-regimes.html consulté le 1er /09/ 2019. 22 catégorie sociale aux caractères marqués … » 95 Au Togo, malgré les différentes modifications intervenues dans le domaine de la sécurité sociales, on n’est toujours pas parvenu à mettre en place des régimes spécialisés au bénéfice de certains assujettis en raison de la particularité de leurs activités et sources de revenus. En dehors du régime général obligatoire, la sécurité sociale doit être repartie en régimes spéciaux afin de contribuer à un traitement efficace correspondant à la situation de l’assuré. L’organisation de la sécurité sociale étant moins adaptée aux réalités, qu’en serat-il alors de la qualité des institutions en charges de la sécurité sociale. B. La fragilité des institutions de sécurité sociale Au Togo il existe au total deux organismes légalement institués afin de régir le mécanisme de fonctionnement de la protection sociale des travailleurs. C’est le cas d’abord de la Caisse de Retraite du Togo (CRT) institué par la loi N° 91-11 du 23 mai 1991, fixant le régime des pensions civiles et militaires et qui couvre les agents publics de l’État et tous les autres fonctionnaires soumis au statut général de la fonction publique 96 ; enfin on a la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) issue de l’époque colonial97, et régie actuellement, après quelques modifications par la loi n° 2011-006 portant code de la sécurité sociale au Togo, qui couvre tous les travailleurs soumis au code du travail ainsi que les travailleurs indépendants et ceux 95. 96. 97. J.P. CHAUCHARD, J.Y. KERBOURC’H et C. WILLMANN, Droit de la sécurité sociale, LGDJ, 8ème éd., 2018, p. 183. Voir l’art. 1er du décret n° 91 / 208 pris pour l’application de la loi n° 91-11 du 23 mai 1991 fixant le régime des pensions civiles et militaire de la CRT. L’histoire de la sécurité sociale togolaise trouve son origine à l’époque coloniale avec la succession de plusieurs textes coloniaux qui sont respectivement la loi du 15 décembre 1952 portant création du code du travail commun aux territoires d’Outre-mer. Cette loi avait institué la médecine du travail sans toutefois y impliquer l’assurance maladie. Quelques années plus tard, un arrêté du 15 mars 1956 instituait un régime de prestations familiales géré par la caisse de compensation des prestations familiales, suivi de celui du 30 avril 1956 fixant ses règles d’organisation et de fonctionnement. C’est ainsi que celui du 28 juillet 1956 fixait le règlement intérieur de la caisse de compensation et prévoyait la liste des travailleurs salariés soumis au code du travail de 1952. Le droit de la sécurité sociale des anciennes colonies françaises d’Afrique s’émerge alors âpres l’indépendance avec la création par la loi du 17 janvier 1964 de la branche des accidents de travail et maladies professionnelles. Quelques années plus tard, l’ordonnance du 05 juin 1968 vient renforcer le système avec la création du régime de pension vieillesse, invalidité et décès. Les régimes une fois consolidés, l’ordonnance N° 39/73 du 12 novembre 1973 crée la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) avec plusieurs modifications intervenues plus tard dont la dernière en date est celle de la loi N° 2011006 du 21 février 2011 visant quelques mesures d’extension pour satisfaire d’une part à l’égalité de tous citoyens à la protection sociale. 23 du ministère des cultes disposant d’un revenu nécessaire pour faire face aux cotisations sociales. Cependant, si le fonctionnement de la CRT se présente simple 98 en raison de l’existence d’un employeur unique qui est l’État, tel n’est vraiment pas le cas de la CNSS où il existe une multitude d’employeurs qui ont l’obligation d’assurer l’immatriculation de leurs employés ainsi que la déclaration des salaires. Néanmoins, quelques difficultés majeures restent à relever notamment la concentration de ces deux systèmes à des régimes uniques de la protection sociale. Basées essentiellement sur le système de répartition, les deux caisses publiques rencontrent souvent des difficultés essentiellement financières à savoir un déséquilibre financier liée au nombre plus important des actifs cotisant que les inactifs comme par exemple les retraités. Le caractère fragile de la CNSS relève de la difficulté d’affiliation de certaines catégories assujetties à savoir les travailleurs indépendants et surtout ceux de l’économie informelle. En effet, bien qu’assujetties au régime général de la CNSS, cette dernière devrait se doter d’une institution spécialisée en vue de l’accompagnement de cette catégorie aux organismes de sécurité sociale pour leur meilleur prise en charge. Il leur est encore plus difficile en raison de l’inexistence d’un employeur à leur solde à pouvoir prétendre à une sécurité sociale plus aisée au même titre que les autres travailleurs dépendant de leurs employeurs. L’on note ainsi un très grand déficit tant au plan financier que structurel de la CNSS qui ne permet vraiment pas à une meilleure prise en charge des différents travailleurs assujettis au régime général notamment en ce qui concerne les soins de santé réglementés dans le secteur public par une institution spécialisée qu’est l’Institut National d’Assurance Maladie. 99 Le système reste 98. 99. La simplicité se mesure en raison de l’affiliation automatique de tous les fonctionnaires sans passer par le système déclaratif comme c’est le cas dans le secteur privé. Selon le rapport de Pierre AUFRETT de septembre 2011 sur la situation présente, les besoins des populations et propositions pour l’avenir sur l’avenir de la protection sociale du Togo, Une étude actuarielle conduite en 2009/2010 à la demande des Autorités togolaises donne des indications concernant le nombre de salariés inscrits à la CNSS et le nombre d’allocataires de pensions. Dans les deux cas, des écarts importants ont été constatés. Concernant les cotisants, les fichiers de la CNSS enregistrent 126.574 salariés pour 2008. Toutefois pour 60 % d’entre eux, le fichier n’enregistre aucune information concernant les salaires. Dès lors seules les informations concernant 50.480 salariés seraient exploitables. À noter que le rapport d’activité concernant l’année 2008 retient le chiffre de 69.483 salariés. 24 encore inefficace en ce sens que l’INAM 100 a un champ d’application réduit seulement aux travailleurs du secteur public et parapublic. Ceux du secteur privé restent encore de nos jours sans couverture en matière de maladie. En dehors de l’inefficacité fonctionnelle, l’inefficacité législative constitue un handicap au développement du système de sécurité social mis en place. § 2. Une inefficacité législative L’inefficacité législative du système de sécurité sociale aurait été marqué par d’abord par la carence de la réglementation des mutuelles (A) qui constituent l’une des pistes les plus importantes de la sécurité sociales, ensuite par les lacunes des textes actuels en vigueur en matière de la sécurité sociale(B). A. L’absence de réglementation spéciale des mutuelles « Bien que jouant un rôle non négligeable dans la prise en charge des dépenses de santé, les mutuelles togolaises ne sont pas régies par un Code de la mutualité. Certes les dispositions de divers textes nationaux 101 ou internationaux 102 font référence à des mutuelles sous forme des assurances de groupe. Ainsi la loi n°95-014 du 14 juillet 1995 porte réglementation des institutions mutualistes ou coopératives, mais il s’agit ici d’institutions en charge de l’épargne et du crédit. Le code du travail103 évoque les mutuelles mais sous la forme ancienne de caisses de secours mutuels » 104 . « Le Togo continue donc d’utiliser les dispositions contenues dans le Code de la mutualité française d’avant l’Indépendance. Une réflexion est actuellement en cours afin d’intégrer dans la législation togolaise le Code de la mutualité proposé par l’UEMOA » 105 . Les 100. 101. 102. 103. 104. 105. L’INAM est une institution d’assurance maladie des travailleurs mise en place par la loi du 18 février 2011. Loi portant code du travail du Togo. Voir l’art. 95 Code des assurances CIMA 2012, Annexe au traité CIMA du 10 juillet 1992 « Est un contrat d’assurance de groupe le contrat souscrit par une personne morale ou un chef d’entreprise en vue de l’adhésion d’un ensemble de personnes répondant à des conditions définies au contrat, pour la couverture des risques dépendant de la durée de la vie humaine, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité ou du risque de chômage. » Art. 27 de loi portant code du travail du Togo « Les statuts des caisses spéciales de secours mutuels sont soumis à l’approbation du ministre chargé du travail, après avis du directeur général du travail » P. AUFFRET, op.cit., p. 29. Idem. 25 mutuelles constituent une forme de sécurité sociale complémentaire qui vient améliorer la qualité de vie des individus par le principe de l’autogestion. C’est donc un moyen de prévoyance sociale libre, individuel ou collectif, dont une des missions est d’assurer la prévention et l’indemnisation des risques sociaux susceptible d’atteindre tout individu seul ou en groupe, dans sa personne physique.106 Selon la définition qui en est donnée par le Code de la Mutualité française107, la mutuelle est un groupement ayant la capacité civile, dont la création est soumise à déclaration. Le statut de la mutuelle relève du principe de l'autogestion. Elle poursuit un but non lucratif menant dans l'intérêt de ses membres, moyennant le versement d'une cotisation, à des actions de prévoyance, de solidarité et d'entraide. Il faut donc relever de cette définition que les mutuelles sont des organismes à statut juridique très important qui mérite une meilleur réglementation. Elles peuvent parfois être considérer comme organisme social et être en tant que tels intégrées à un régime obligatoire de la sécurité sociale. Au Togo, il faut relever l’existence dans les faits, de plusieurs sociétés de mutuelles telles que les groupements de mutuelles de santés qui ne sont pas régies et règlementés par un texte de loi spécial. « Les mutuelles créées ces dernières années ont pour objectif la prise en charge des dépenses de santé, confirmant ainsi la préoccupation des ménages concernant cette catégorie de dépenses » 108 . Chaque mutuelle fixe sa propre stratégie en matière de montant de cotisation et de prestations à payer permettant une adaptation aux revenus et aux priorités de prise en charge des ménages constituant le groupe. Le Togo continue toujours à faire recours à son ancienne colonie la France en matière de législation des mutuelles109. Cependant, les difficultés restent encore en vigueur en raison de la rigidité de la plupart de ces textes qui en réalités ne répondent pas aux réalités ancestrales, économiques et sociales du Togo. En raison de leurs origines très encrés dans les traditions ouvrières, il demeure plus important pour chaque couche sociale d’être doté d’un outil législatif suffisant pour faire face à une meilleurs réglementation 106. 107. 108. 109. J.P. CHAUCHARD, J.Y. KERBOURC’H et C. WILLMANN, op.cit., p. 539. Voir l’art. L111-1, al. 1 du code de la mutualité française. P. AUFFRET, op.cit., p. 55. Référence à la loi portant code de la mutualité en République Française. 26 des mutuelles puisque ces derniers sont, en raison de leur efficacité plus ou moins grandissante, menacées par la concurrence des compagnies privées d’assurance et même par des institutions publiques de prévoyance notamment la caisse nationale de sécurités sociale. L’utilisation des mutuelles dans le cadre de la généralisation de l’obligation d’assurance à caractère social nécessite préalablement une clarification des dispositions législatives et réglementaires en la matière. En dehors de l’absence d’une réglementation spéciale des mutuelles qui est à déplorer, il existe aussi des lacunes importantes des textes actuelles qui pourraient contribuer au mieux à la sécurité sociale des travailleurs. B. Le caractère lacunaire des textes actuels. L’actuelle législation togolaise en matière de la sécurité sociale a été le fruit d’une longue évolution qui a tiré ses racines de l’époque coloniale110. Cependant, l’application de ces différents textes a toujours révélé des lacunes existantes en ce qui concerne le droit de la protection de l’entreprise. Si les salariés restent fort évidemment liés à la sécurité sociale par le principe d’assujettissement obligatoire 111 , l’on devrait néanmoins se poser la question du régime social des dirigeants d’entreprises ainsi que les autres associés ou actionnaires pour lesquels le législateur togolais passe sous silence. Contrairement au Togo, le Bénin consacre l’affiliation au régime général des dirigeants sociaux et autres acteurs non-salariés des entreprises112. Il faut donc dire que ce sont des textes qui comportent des limites quant à la couverture sociale de la grande partie des acteurs du monde de l’entreprise. Il est tout de même anormal d’assimiler ces derniers aux travailleurs indépendants dans la mesure où l’exercice du mandat du gérant tout comme la 110. 111. 112. Par l’arrêté N° 242 /56/FTLS du 15 mars 1955, il fut instituée la branche des prestations familiales qui était gérée à l’époque par une Caisse dénommée Caisse de Compensation des Prestations Familiales. Plus tard, la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que la branche des pensions, verront le jour successivement par la loi N° 63-28 du 17 janvier 1964 et l’ordonnance N° 68-16 du 05 juin 1968. L’apparition d’un véritable code de sécurité sociale ne verra le jour que par l’ordonnance N° 39/73 du 12 novembre 1973 instituant un code de sécurité sociale au Togo qui vient donc fusionner les trois textes préexistant. Conscient dont de l’évolution du monde social et de la réalité économique importante, le législateur est parvenu à mettre à jour l’ordonnance de 1973 par des amendements qui ont donné lieu à la loi N° 2011-006 du 21 février 2011 portant code de sécurité du Togo actuellement en vigueur. Art. 0 3 de la loi portant code de sécurité sociale du Togo. Art. 04 de la loi N° 98-019 portant code de sécurité sociale du Bénin. 27 prestation de travail du salarié sont effectués dans l’intérêt de l’entreprise, et il incombe au chef d’entreprise d’assurer la sécurité sociale du gérant ainsi que des salariés. Les situations de salariés et dirigeants de l’entreprise ne pourraient être différenciées en ce qui concerne leur sécurité sociale. Dans le cas contraire la différence de traitement, en ce qui concerne leur régime de sécurité sociale, ne pourrait être justifié. La politique de l’extension de la sécurité sociale doit toucher tous les acteurs du monde de l’entreprise sans distinction. Les textes togolais présentent cette lacune en ce sens que plusieurs catégories d’acteurs du monde de l’entreprise restent sans régime de sécurité sociale. En dehors de la non extension totale dont souffre la législation togolaise, il faut également relever l’absence de prévision de certains textes de certaines prestations à savoir la branche de l’indemnisation chômage ceci en raison de l’insécurité liée à la stabilisation des emplois, surtout les travailleurs de l’entreprise sous statut CDD. La grande difficulté de ces travailleurs à la fin de leur contrat reste leur situation moins favorable à l’égard de la sécurité sociale « Le chômage révèle des caractères qui entrent dans le champ de la sécurité sociale : c’est un risque individuel, mais sa portée est collective et national, à ce titre il peut être indemnisé ».113 Le régime de l’assurance chômage devrait donc être mis en place afin de pouvoir indemniser les salariés qui auraient perdu leurs emplois involontairement. Au niveau de la santé, on déplore cependant l’absence d’assurance maladie obligatoire dans le secteur privé qui n’est pas encore prévu par les textes. Quand bien même l’INAM, elle se limite aux agents publics et assimilés soumis au statut général de la fonction publique 114 . La couverture maladie obligatoire des travailleurs salariés est dorénavant en application dans plusieurs pays africains115 à l’exception du Togo où ce régime est encore limité. 113. 114. 115. J.P. CHAUCHARD, J.Y. KERBOURC’H et C. WILLMANN, op.cit., p. 477. er Voir l’art. 1 de la loi n° 2011-003 du 18 février 2011 portant création de l’INAM. C’est le cas du Gabon avec l’ordonnance presidentielle du 21 aout 2007, du Bénin avec le projet ARCH (Assurance pour le Renforcement du Capital Humain), ou encore de la Côte d’ivoire avec la loi n° 2014-131 du 24 mars 2014 instituant la couverture maladie universelle. 28 En somme, le système de sécurité sociale des travailleurs togolais est un système essentiellement basé sur le modèle d’assurance 116 qu’on désigne par assurance sociale, et dont les différentes prestations sont concentrées en un régime unique117 quelle que soit la nature du salarié. Ceci rend donc la protection sociale sélective des personnes qui disposent d’un revenu et qui ont la capacité de contribuer aux charges sociales à savoir les cotisations à la CNSS. En dehors de ce caractère sélectif qui rend la sécurité sociale inégale entre les différents acteurs de la vie active, on note également un autre mécanisme qui pourrait entrainer l’inégalité de la sécurité sociale ; il s’agit en effet du mécanisme de financement qui diffère d’une catégorie à l’autre et qui fera l’objet du chapitre suivant. 116. 117. Modèle contributif dont le financement est assuré par les cotisations sociales des employeurs et leurs salariés. Le régime de sécurité sociale togolaise est mono régime et essentiellement basé sur le salariat. Le régime général unique rassemble en son sein tous les régimes des travailleurs sans aucune distinction lié à la nature juridique du travailleur, encore moins à son activité rémunératrice. 29 CHAPITRE II. Un déséquilibre lié au statut juridico économique des travailleurs. « La part des cotisations assises sur les salaires dans le financement de la protection sociale est élevée en France, même si elle a diminué significativement en vingt ans par suite des exonérations et allègements opérés.»118 En effet, en raison du phénomène économique de la différence de salaires entre catégories de travailleurs, y compris la différence salariale liée au genre, on assiste de façon conséquente à une participation inégale des différents acteurs119 de l’entreprise aux différentes charges sociales qui relèvent de la sécurité sociale. « Le niveau global des prélèvements obligatoires et les taux appliqués sur les facteurs travail et capital reflètent les différences de mise en œuvre de la protection sociale et de conventions qui qualifient ou non de prélèvement obligatoire telle ou telle part de son financement.»120Dans ce chapitre, l’analyse sera axé sur le handicap du financement de la sécurité sociale entrainant une inégalité de traitement du fait d’une différence de statut économique (Section I) avant de relever une différence de traitement relevant du statut juridique121 et économique des travailleurs (Section II). Section I. Une différence de traitement relevant du statut économique du travailleur L’assiette des cotisations correspond la base salariale sur laquelle sont appliqués les taux de contributions et cotisation des différentes branches. Le salaire reste donc l’assiette principale des cotisations de la sécurité sociale qui inclut d’autres accessoires à savoir les indemnités, primes et gratifications ainsi que les avantages en nature. Cependant, en raison des différences de salaires 122 constatées pour diverses raisons, les cotisations sociales demeurent par conséquent inégales par 118. 119. 120. 121. 122. A. DUTHILLEUL, Le financement de la protection sociale, avis et rapports du conseil économique et social, p. 22. Les employeurs et les employés constituent les deux grandes entités qui forment le bloc des acteurs sociaux de l’entreprise. Les deuxièmes forment en leur sein différent catégories dont la convention collective du Togo du 20 décembre 2011 les regroupe en agents d’exécution, aux agents de maitrise et aux cadres qui occupent une place importante dans l’entreprise. A. DUTHILLEUL, op.cit., p. 23. Le statut juridique ici relève de la nature de l’emploi ainsi que des relations de travail entre l’employeur et le salarié. A. DUTHILLEUL, op.cit., p. 23. 30 l’influence des différences salaires (§ 1) ainsi que l’influence d’un déficit financier constaté dans certaines branches de prestations. (§ 2). § 1. L’influence des inégalités salariales L’égalité de traitement en droit de la sécurité sociale togolaise se trouve affecté par les phénomènes d’inégalité de salaire tant au niveau des catégories socio professionnelles (B) qu’au niveau du genre (B). A. La différence des revenus socio professionnels Au Togo la convention collective interprofessionnelle distingue plusieurs catégories des travailleurs repartis en trois (3) grandes classes avec des qualifications différentes 123 . L’une des conséquences directes de ces situations différentes de catégorie est la différence de salaire124 qui résulte de la différence de qualification et de situation dont relève chaque travailleur. « L’éventail des salaires peut s’expliquer à la fois par les caractéristiques des salariés et celles des entreprises qui les emploient. L’enquête sur la structure des salaires en 2002, qui porte sur les entreprises de plus de 10 salariés, fournit des informations sur ces deux aspects. Le niveau de diplôme peut dépendre de plusieurs facteurs, dont l’origine sociale, et jouer plusieurs rôles : il permet l’accès aux professions les plus rémunératrices, mais garantit aussi le plus souvent un surcroît salarial aux titulaires des plus hauts niveaux de formation, même à catégorie socioprofessionnelle donnée.».125 Ceci n’est donc sans effets sur la sécurité sociale surtout dans le domaine du financement126 où le salaire127 est le facteur important. En effet les cadres et les assimilées ont généralement un salaire très élevés et donc une assiette de cotisation assez importante que les agents d’exécution qui participent à la sécurité sociale le plus souvent avec une assiette limitée à la valeur 123. 124. 125. 126. 127. Voir l’annexe II de la convention collective interprofessionnelle du Togo. Voir P. CAHUC, « Pourquoi y a-t-il des différences de salaires ? » in « Reflets et perspectives de la vie économique » Tome XL | pages 13 à 24. R. AEBERHARDT et J. POUGET, « Comment expliquer les disparités salariales ? », p. 29. La sécurité sociale togolaise étant de type bismarckien, chacun participe en fonction de son revenu professionnel. Le salaire déterminant la capacité contributive de l’assuré, seuls les travailleurs avec de gros salaires en bénéficient de façon avantageuse surtout en matière de retraite. 31 minimale du SMIG. 128 Il est encore plus difficile pour les travailleurs avec des salaires insuffisants de faire face aux prestations suffisantes de sécurité sociale, surtout avec l’absence des régimes complémentaires. Les travailleurs cadres et assimilé bénéficient plus de la sécurité sociale en matière de la retraite en raison de leur participation plus importante aux charges sociales129. Ce rapport de situations différentes crée donc une inégalité sociale en ce qui concerne la sécurité sociale. C’est donc une inégalité relative qui peut au même moment être avantageuse ou défavorable selon qu’il s’agisse de la prestation ou de la cotisation. Toutefois il convient de nuancer ce caractère inégal de la sécurité sociale selon que le système est bâti sur la capitalisation130 ou la répartition131 , c’est l’exemple de la retraite par capitalisation. « Les défenseurs de la capitalisation estiment que ce mode de financement permet à la fois aux affiliés de bénéficier d’un meilleur rendement de leur placement retraite et à l’échelle macro-économique, de stimuler la croissance à travers l’augmentation de l’épargne. Ils estiment également que la capitalisation est moins exposée aux évolutions démographiques. Ils soulignent enfin le caractère plus équitable de régimes où chacun constitue sa propre épargne retraite ». 132 Il serait alors un peu difficile de voir l’aspect inégal de la sécurité sociale entre les différentes catégories de travailleurs si le système est basé sur le mécanisme de la capitalisation des ressources de l’assuré. Néanmoins, le système de financement par répartition participe à l’équilibre dans la seule condition de supériorité d’actifs cotisants. « Un régime fonctionnant par répartition pure est équilibré si le total des pensions versées aux retraités est égal au total des cotisations versées par les actifs. L’équilibre dépend donc d’une part du nombre de cotisants et de retraités et d’autre part du montant des pensions 128. 129. 130. 131. 132. Art. 12 al. 02 de la loi portant code de sécurité sociale du Togo. L’illustration est faite en France avec la reforme d’Emmanuel MACRON en vue d’éviter les disparités existantes entre les différents régimes de retraite. Le système de financement par capitalisation est un système qui fonctionne suivant le principe de l’accumulation par les travailleurs d’un stock de capital qui servira à financer les prestations de ces mêmes travailleurs qui seront inactifs plus tard. Le système de financement par répartition repose sur la solidarité intergénérationnelle. Les cotisations versées par les travailleurs actifs servent à payer les prestations des travailleurs inactifs. M. RHOMARI, La réforme des systèmes de retraite dans les pays en développement et l’extension de la couverture à l’emploi informel : Application au Maroc, thèse pour l’obtention du grade de docteur en économie, p. 47. 32 et des revenus des cotisants »133. Toujours dans le cas des retraites, le financement dépend de la participation financière des actifs qui peuvent être des cadres ou des agents d’exécution dont pour ces derniers la participation financière est faible en raison de la faiblesse de leur salaire. La forte participation financière du travailleur cadre participera à la prestation de l’agent d’exécution dont le financement a été de faible importance. Les inégalités salariales des différentes catégories socioprofessionnelles entrainent de facto des capacités inégales de participation aux charges sociales telles que la sécurité sociale. L’avènement des systèmes de retraites complémentaires d’entreprise au Togo contribuerait à l’amélioration de leur traitement en matière de retraite. Cependant, la différence de salaire relevant de la différence de sexe est aussi le produit d’une inégalité sans cesse accrue qui touche la sécurité sociale. B. La différence socioéconomique du genre « Les inégalités peuvent prendre des formes très diverses : écarts de salaires et de patrimoines, exclusion du marché de l’emploi, différences entre femmes et hommes, marginalisation de certains territoires, disparités dans l’accès à l’éducation et aux soins -mais leurs conséquences se rejoignent : l’accroissement de la pauvreté, la précarisation et la marginalisation, dont les femmes sont les premières à souffrir. »134 En effet, « La plupart des systèmes de sécurité sociale étaient à l’origine structurés de façon à répondre aux besoins des familles ayant un apporteur de revenu de sexe masculin. Vu l’évolution des styles de vie, des attentes et des structures familiales, une grande partie de la population ne vit pas dans une famille de ce type, ce qui a renforcé l’exigence de l’égalité entre les sexes »135. Le principe de l’égalité entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins 136 a 133. 134. 135. 136. Idem, p. 38. Voir Oxfam, pour un système économique qui bénéficie à toutes et tous!, consulté en ligne sur https://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/etats_des_lieux_inegalites_maroc.pdf le 02/09/ 2019. Voir le rapport de l’OIT lors de la 89 ème session de la Conférence Internationale du Travail en 2001, Sécurité sociale questions, défis et perspectives, p. 11. Idem. 33 été posé depuis longtemps par le traité de Rome du 25 mars 1957137 instituant la Communauté économique européenne. Par la suite plusieurs textes 138 se sont succédé en faveurs du principe de l’égalité de traitement et de l’égalité de chances entre homme et femme en matière d’emploi. La situation défavorable des femmes sur le marché de l’emploi par rapport aux hommes engendre des retombées négatives sur leur système de sécurité sociale 139 . Les prestations servies par les régimes professionnels à savoir celui togolais, dépendent du niveau des gains et de l’ancienneté, deux critères qui tendent à favoriser les hommes 140 . « Les classification à la base des rémunérations doivent être commune aux travailleurs masculins et féminins. Toute discrimination résultant notamment des conventions collectives doivent être éliminées ; ainsi une prime à raison du sexe doit être bilatéralisme. »141 De nombreux constats révèlent qu’en matière de sécurité sociale, les femmes vivent plus dans une situation de précarité par une logique de dépendance 142 vis-àvis de leurs époux. Le défi majeur est donc aujourd’hui de « passer d’une logique de dépendance des femmes vis-à-vis de leur conjoint à une logique d’égalité. »143 Dans la même logique, le système de protection sociale au Togo porte en lui « une forte responsabilité dans la reproduction des inégalités entre les femmes et les hommes »144par le système de la contributivité qu’il incarne depuis longtemps. « La 137. 138. 139. 140. 141. 142. 143. 144. Art. 119 « Chaque État membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail. Par rémunération il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tache soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. » Une série de directives illustrant l’attention particulière que les instances européennes portent sur le principe d’égalité de traitement ont relayé le traité de Rome dont la plus important est la directive unique du 05 juillet 2006 du parlement européen et du conseil qui réunissait les directives précédentes. Voir le rapport de l’OIT lors de la 89 ème session de la Conférence Internationale du Travail en 2001, Sécurité sociale questions, défis et perspectives, p. 41. Idem. A. MAZEAUD, Droit du travail, 10ème éd., 2016, LGDJ, p. 597. C. MARTY, « La protection sociale à l’épreuve de l’égalité entre les femmes et les hommes », p. 02. Idem. Idem. 34 protection sociale, et donc le système de retraite145, ont été conçus il y a soixantedix ans sur le modèle de l'homme soutien de famille, qui travaille à temps plein et sans interruption de carrière. Le mode de calcul de la pension a été basé sur cette [norme] de carrière. Quel que soit le régime de retraite, la pension dépend à la fois du salaire et de la durée de carrière (durée de cotisation), avec une durée minimale définissant la [carrière complète]. Ce calcul défavorise les femmes car elles ont en moyenne des carrières plus courtes du fait des interruptions pour élever les enfants, et des parcours comprenant souvent des périodes à temps partiel. »146 « Dans un contexte national où les femmes connaissent un taux d’activité plus faible que les hommes, le régime général de Sécurité sociale se distingue par une surreprésentation des femmes dans ses effectifs », 147 or ces dernières ont en moyenne des carrières plus courtes, elles atteignent plus difficilement la durée de cotisation exigée148. L’homme et la femme, bien que bénéficiant de la même protection en ce qui concerne l’égalité de traitement se retrouvent dans la pratiques du droit du travail dans des situations différentes, notamment avec un temps de travail généralement plus court chez la femme que chez l’homme ainsi que des secteurs différents. Le facteur physique n’est pas aussi du reste en ce sens que les hommes résistent plus en termes de durée de travail que les femmes et donc sont plus sollicités par les employeurs en vue d’exécuter les heures supplémentaires de l’entreprise. « Les statistiques témoignent de la difficulté de faire évoluer les rôles de genre. Si l’on constate, en France, un engagement croissant des femmes sur le marché du travail, les modalités de cet engagement diffèrent de celles des hommes (temps partiel, retraits plus fréquents, etc.). Le degré et les modalités de participation différente des femmes et des hommes sur le marché du travail se traduisent par un revenu moins élevé pour les femmes, plus dépendantes que les hommes des revenus de leur 145. 146. 147. 148. Pour une analyse des retraites intégrant la dimension de genre, voir « Retraite des femmes, un enjeu décisif pour toute réforme », C. MARTY, http://www.fondation-copernic.org/index.php/2018/07/25/femmes-etretraites-un-besoin-derupture/ consulté le 12/12 / 2019. C. MARTY, op. cit., p. 02. C. BONVALOT, « l’égalité femmes / hommes à la sécurité sociale », EN3S-École nationale supérieure de Sécurité sociale, in « Regards », p. 48. C. MARTY, op. cit., p. 02. 35 conjoint et se répercutent, en cas de problème, sur le montant de leurs prestations sociales respectives. En parallèle, l’implication des hommes dans la sphère familiale évolue très lentement, alors qu’on sait que ce facteur est déterminant pour favoriser la participation des femmes au marché du travail. C’est dans cette dynamique que s’ancrent profondément les inégalités de genre »149 Si les différences salariales entre différentes catégories professionnelles ainsi que celles touchant le genre ont entrainé une situation de déséquilibre financière, il revenait cependant à l’État au nom de la solidarité nationale de relever cet équilibre en termes d’un financement complémentaire ; cependant l’on note une défaillance de la part de celui-ci. § 2. L’influence d’un déficit financier Le caractère insuffisant du système de financement par cotisation (A) et la moindre intervention de l’État dans le financement de la sécurité sociale (B) favorise un déficit financier qui déséquilibre le système de protection social togolais. A. L’insuffisance du système de financement par cotisation En dehors de son caractère restreint à un cercle spécial qui est celui du salariat, le système de sécurité sociale basé sur les cotisations sociales a révélé un certain nombre de limites qui marquent son insuffisance ou son inefficacité 150 . Les évolutions économiques et surtout démographiques 151 ont constitués pour le système de sécurité en place, des facteurs importants qui ont touché le fonctionnement normal de la sécurité social. « Démographie et sécurité sociale sont les deux termes d’une équation globale »152. Au Togo, la croissance démographique et économique s’est révélée importante ces dernières années créant ainsi l’augmentation d’un niveau de vie plus adéquat ainsi que l’augmentation du nombre 149. 150. 151. 152. P. VIELLE, la protection sociale comme régime de genre, disponible en ligne sur http://fellows.rfiea.fr/dossier/devenir-parents-rester-inegaux/article/la-protection-sociale-comme regime-degenre consulté le 02 /09/ 2019. M. BORGETTO, op. cit., p. 09. Les changements démographiques affectent partout la planète, avec une intensité qui varie beaucoup selon les pays et remettent en cause l’équilibre économique et financier des régimes de sécurité sociale. J. DAMON « changements démographiques et sécurité sociale : Défis et opportunités » in « informations sociales » (n° 183), p. 94. 36 important de chômeurs. Le nombre important des prestataires face à des ressources financières uniquement basées sur des cotisations sociales a entrainé progressivement un déficit financier pour l’ensemble des branches153. Cette cause du déficit trouve ainsi son explication à deux niveaux principaux à savoir la baisse des recettes assises uniquement sur les cotisations sociales des salariés actifs et la hausse des dépenses sociales154 notamment un besoins élevé des soins de santé de bonne qualités. L’augmentation du nombre de chômeur vient donc impacter les ressources financières de la sécurité sociale quand bien même l’indemnisation du chômage n’est pas encore de mise au Togo. L’analyse des différentes causes du déficit de la sécurité sociale française des années 1981 a révélé la diversité des causes. C’est ainsi qu’on peut relever les causes techniques liées au développement de la médecine avec l’apparition de nouveau soins de santé. Politiquement on retrouve des prestations qui s’améliorent sans pour autant améliorer le système de financement adapté. L’amélioration des conditions de vie des salariés amène ces derniers à faire face aux nouvelles exigences sociales liée notamment à la couverture sociale155. Le vieillissement de la population devrait donc être de mise dans la mesure où la population qui vieillit devient une charge sociale à l’égard de la population active. « Le vieillissement, qui se présente dans tous les pays avec des niveaux certes différents, constitue assurément le défi central : il pèse mécaniquement sur les comptes, les priorités, la philosophie et l’organisation des régimes de sécurité sociale »156 Face donc à cette situation déficitaire de la sécurité sociale, il était donc de mise pour l’État de prendre des mesures qui devraient rééquilibrer les comptes des différentes branches de la sécurité sociale à travers des reformes et mises en places des mécanismes alternatifs de financement afin de relever le déficit. Qu’en est-il alors spécialement en droit de la sécurité sociale du Togo ? 153. 154. 155. 156. M. BORGETTO, op. cit., p. 10. Idem. Au Togo, la mise en place de « l’assurance vieillesse pour tous » en 2019 constitue une innovation dans le cadre de l’extension d la couverture sociale pour tous, toutefois cela augmenterait une dépense de plus qui devrait être pris en charge par des cotisations sociales. J. DAMON, op. cit., p. 95. 37 B. Le Manque d’un mécanisme adéquat de compensation déficitaire Malgré le caractère déficitaire relevé par la sécurité sociale togolaise, il est encore plus difficile pour le système de relever ou du moins réduire ce déficit afin de retrouver l’équilibre plus ou moins stable. La cause principale de cette difficulté reste le manque d’autre mécanisme de financement en dehors de celui par les cotisations sociales. Dans les autres systèmes par exemple le système français, plusieurs mécanismes alternatifs157 ont été mise en place afin de rétablir l’équilibre financier qui se trouvait menacé par un déficit occasionné par l’indisponibilité des ressources nécessaires pour faire face aux dépenses sociales actuelles. En matière de déficit des comptes de la sécurité sociale, l’État se révèle comme l’acteur principal devant contribuer à l’équilibration des comptes sociaux. Tel a été le cas en France avec la mise en place des cotisations sociales généralisées (CSG) 158 . L’État est parvenu alors à fiscaliser la sécurité sociale par la mise en place d’un impôt qui devrait combler l’insuffisance des cotisations sociales. « L’impôt a su en effet gagner une position significative, à la fois pour des raisons de justice et pour des raisons d’efficacité »159 ; à la lecture de ce texte on constate bien que le financement de la sécurité sociale par l’impôt n’est pas seulement gage d’une justice sociale mais également un instrument qui rend efficace le système de protection sociale. Cependant la situation reste encore déplorable dans le système togolais ou l’État n’intervient moins pas dans le financement du système. C’est ainsi que l’essentielle du budget de la sécurité sociale reste assis sur les cotisations sociales des salariés. Ceci contribuerait alors sans doute à un déséquilibre de la sécurité sociale qui pourrait en raison du déficit être limité à certaines branches de prestations ou encore à certaines catégories de travailleurs160 en raison de l’insuffisance des ressources. 157. 158. 159. 160. Plusieurs méthodes peuvent alternatives peuvent participer au financement de la sécurité sociale. Parmi ses méthodes, la France par exemple a choisi du système de fiscalisation qui met en œuvre plusieurs impôts participatifs à savoir la TVA, l’impôt sur le revenu, la taxe sur l’investissement dont la plus important a été les cotisations sociales généralisées. Les contributions sociales généralisées sont des prélèvements obligatoires qui ont été créés en France le 18 décembre 1990 afin de participer au financement de la sécurité sociale et qui ont la nature d’un impôt. J.P. LABORDE, op.cit., p. 189. La participation de l’État au financement de la sécurité sociale devient plus bénéfique aux travailleurs indépendants ainsi qu’à ceux ayant des revenus faibles pour faire face au complément des prestations sociales dont le régime général n’en fait pas cas. 38 La relève du déficit de la sécurité sociale est par nature un rôle et un devoir réservé à l’État quand bien même le financement est assuré par le système de cotisation des salariés. Tout en garantissant à chaque citoyen dans les conditions d’égalité, le droit au travail161, l’État se doit de garantir également un droit équitable aux prestations sociales avec la garantie des ressources financières disponibles. La faible participation financière de l’État togolais au financement 162 du système de la sécurité sociale constitue l’une des faiblesses qui engendre en conséquence le déficit régulier des comptes sous l’influence de l’évolution démographique et économique. L’efficacité du système de la sécurité sociale devrait alors se reposer sur la rigidité du système de financement qui doit permette le dégagement des comptes excédentaires afin d’assurer à suffisance et en bonne qualité la sécurité sociale des travailleurs et de la population. Bien que les travailleurs soient les véritables acteurs du financement afin d’assurer leur sécurité, l’État devrait cependant assurer son rôle de veille afin d’éviter un éventuel déficit, déficit qui pourrait entrainer des prestations insuffisantes et inégales. Au Togo, tout comme dans la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne, la qualité de salarié ne lie seulement pas les personnes privées, il peut y avoir l’interférence d’une personne publique comme employeur du salarié public. Quid alors de la protection sociale du salarié désigné agent contractuel de l’État par rapport aux autres salariés ? Section II. Une différence de traitement relevant du statut juridique du travailleur : le cas des agents contractuels d’État Les agents contractuels163 de l’État constituent une catégorie de travailleurs qui sont considérés de part et d’autres comme des salariés et/ou des fonctionnaires. « Le dualisme 164 public/privé crée un dualisme de nature juridique des relations de 161. 162. 163. 164. Voir art. 37 de la constitution togolaise. Le système de sécurité sociale étant essentiellement basé sur le modèle Bismarckien d’assurances, l’État se trouve écarté de son financement. « Personne recrutée par un organisme public sur le fondement d’un contrat, de façon théoriquement provisoire, et n’ayant donc pas la qualité de fonctionnaire », », S. GUINCHARD et T. DEBARD, Lexique des termes juridiques, 25ème éd. 2017-2018, Dalloz, p. 562. Le dualisme est tout système qui dans un ordre d’idée quelconque admet la coexistence de deux principes essentiellement irréductibles. 39 travail. Ce dualisme juridique (droit privé / droit public) des relations de travail induit le dualisme des régimes de protection sociale. »165 Bien que chargé d’une mission de service public donc de l’intérêt général, ils ne sont tout de même pas classés dans la catégorie à part entière des fonctionnaires. Quand bien même le législateur 166 togolais a unifié le statut juridique du fonctionnaire et de l’agent contractuel, le statut social167 reste encore distinct d’une catégorie à une autre. Pour mieux appréhender ces inégalités de protection sociale (§ 1), on envisagera le régime juridique parapublic lié à la nature de la fonction et de l’engagement contractuel (§ 2). § 1. Un régime juridique parapublic des agents contractuels de l’État. Le régime juridique parapublic des agents contractuels de l’État se situe à deux niveaux distincts. De par leur engagement168, ils relèvent du droit privé du travail (A). Toutefois la nature de leur service169 « public » leur confère les caractéristiques de fonctionnaires de l’administration publique(B). A. Un régime de droit privé du travail quant à la nature de l’engagement Les agents parapublics bien qu’investis d’une mission de service public au même titre que les autres fonctionnaires, se réservent une certaine particularité notamment en ce qui concerne leurs conditions d’accès à la fonction publique. Si généralement l’accès à la fonction publique de l’État est subordonné par un concours d’entrée, la spécialité des agents contractuels relèvent bien évidemment d’un accord contractuel soumis au code du travail. Le contrat de travail lie ainsi l’agent à son employeur 170 qui est l’État. « Le contrat est donc la base juridique de l’engagement de l’agent public contractuel de 165. 166. 167. 168. 169. 170. Y. BATARD, Op.cit., p. 15. Art. 3 de loi n°2013- 002 portant statut général de la fonction publique togolaise. Selon l’alinéa 6 de l’art. 252 de loi n°2013- 002 portant statut général de la fonction publique togolaise « La protection sociale et le régime de pension des contractuels reposent sur les mêmes principes que ceux qui régissent les travailleurs bénéficiant d'un contrat de travail à durée déterminée. » Les agents contractuels de l’État sont liés à leur fonction publique par un contrat de travail de droit privé, ce qui confère leur régime de sécurité sociale au régime privé des salariés. La nature du service des agents contractuels répond aux critères matériels de qualification du service public dont exercent également les fonctionnaires titulaires. P. SOGLOHOUN, « Le statut des agents publics contractuels de l’État en Afrique noire francophone » p. 14. 40 l’État »171. Il faut donc dire que la spécificité du statut de l’agent contractuel réside dans la signature d’un contrat de travail avec la possibilité d’observation d’une période d’essai dans les mêmes conditions prévues par le code du travail. L’agent contractuel est donc toute personne exerçant son emploi en vertu d’un contrat individuel. Ainsi, un agent public contractuel est « toute personne dont la situation administrative est régie par un contrat individuel, accepté et signé par lui, le liant à l’administration »172 et exerçant pour le compte d’un service public administratif. En effet, c’est par un contrat, c’est-à-dire un acte qui suppose le consentement de deux ou plusieurs personnes, en l’occurrence l’autorité administrative et l’agent en question, que l’agent public contractuel accède à la fonction publique. La relation contractuelle suppose et répond « à une logique foncièrement égalitariste » entre les contractants qui sont l’État c'est-à-dire l’administration publique et l’agent. Le consentement des deux parties s’avère indispensable à cet effet. Au contraire, le fonctionnaire est intégré à la fonction publique en vertu de l’acte administratif unilatéral qu’est la nomination. Le statut qui détermine son accès à la fonction publique et l’exercice de son emploi est de source légale et réglementaire. Il est à relever à cet effet qu’il soit « un agent contractuel de droit public ou de droit privé »173, l’agent contractuel reste lié à l’administration pour qui il travaille, par un acte contractuel définissant non pas sa qualité de fonctionnaire, mais celle de salarié de l’État. D’un point de vue générale il faut dire que les règles qui gouvernent l’accès à la fonction publique des agents contractuels donc leur recrutement sont fondés sur la signature d’un contrat individuel qui doit lier l’agent contractuel à son employeur174. Comme tout contrat de droit commun du travail, il acquiert sa force juridique par l’expression du consentement de l’agent qui accepte adhérer à la relation contractuelle de travail. 171. 172. 173. 174. Idem. Art. 1er de la loi n° 2013-002 du 21 janvier 2013 portant Statut général de la Fonction publique togolaise. TC 25 mars 1996, M. Berkani c/ Centre régional des œuvres universitaires et scolaires de Lyon, R.F.D.A., n° 4, 1996, pp. 819-823, concl. Martin. La jurisprudence française opère cette distinction entre agent contractuels de droit public qui sont des personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif quel que soit leur emploi et les agents contractuels de droit privé qui travaillent pour le compte d’un service public à caractère industriel et commercial. L’employeur ici est la personne publique qui est l’État. 41 Cependant, si le recrutement d’un agent contractuel dans la fonction publique de l’État est matérialisé par un contrat individuel de droit privé du travail lui conférant ainsi un régime juridique de droit privé, il faut néanmoins relever que cela n’est exactement pas le cas dans les règles qui régissent son emploi dans la fonction publique, celles-ci restent soumises au régime du droit public. B. Un régime de droit public quant aux relations de travail Les agents contractuels de l’État bien que liés à leur employeur qui est l’État par un acte contractuel, restent liés à leur emploi par les règles de droit public notamment le statut général de la fonction publique175 qui définit le cadre juridique et les modalités d’exercice de la fonction publique. Que ce soit un agent permanant ou contractuels, ils relèvent tous du personnel de l’administration et sont soumis aux mêmes règles d’emploi car travaillant tous dans l’intérêt général de la nation176. Le régime juridique de tous les agents de l’État y compris les contractuels, se trouvent donc unifié. « Cette unification est soit conçue dans une acceptation extensive, en englobant dans le nouveau statut général tous les agents publics et assimilés sous le vocable d’agents permanents de l’État, soit demeurée dans une approche exclusive, en supprimant la catégorie des agents publics contractuels et assimilés »177. « La question de la qualification d’agent public ne se pose également qu’à propos des personnes qui, au sein des collectivités publiques, participent aux activités de service public.»178 L’unification du régime juridique des agents publics de l’État, qu’ils soient contractuels ou permanant témoignent de l’égalité qui existe entre les deux catégories de travailleurs car ils sont chargés d’une même mission qui est celle du service public de l’État. En conséquence, il faut relever que le statut général de la fonction publique n’est plus uniquement consacré aux fonctionnaires et donc les agents publics contractuels de l’État y trouvent une bonne place. Ils constituent ainsi 175. 176. 177. 178. La dernière modification de la loi portant statut général de la fonction publique a procédé à l’unification du régime juridique du personnel de la fonction publique. L’intérêt général ici se traduit par un service public rendu indifféremment de la personne qui l’a rendu. P. SOGLOHOUN, op.cit., p. 21. J.M. AUBY, J.B AUBY, D. JEAN-PIERRE et A. TAILLEFAIT, Droit de la fonction publique, 7ème éd., 2009, Dalloz, p. 112. 42 une catégorie à part entière d’agents publics comme les stagiaires qui sont des fonctionnaires en devenir, car ayant vocation à être titularisés à la fin de leur stage. Avec cette unification, les agents publics contractuels ne devraient donc pas légalement être considérés comme des «fils naturels» 179 de la fonction publique comme l’avait relevé le professeur Lachaume, mais plutôt à l’instar des fonctionnaires, comme des fils légitimes. En dépit de leur engagement contractuel dans la fonction publique, les agents contractuels ne peuvent accomplir leur mission de service public qui leur est assignée en vertu des dispositions de droit privée du travail. Cela revient à dire que l’engagement contractuel en vertu des règles de droit commun du travail ne peut juste que lier la personne de l’agent à son employeur public qui est ici l’État en ce qui concerne sa situation personnelle sans toutefois toucher les règles relatives à l’exercice de son travail qui relèvent du statut général de la fonction publique dont ils font partie intégrante. L’unification des régimes juridiques de ces deux catégories d’agents publics sous-entend la reconnaissance statutaire des agents contractuels comme membre de la fonction publique. C’est d’ailleurs compte tenu du rôle quasi similaire que jouent les agents contractuels que le doyen Hauriou n’a pas hésité de les qualifier de « demi fonctionnaires »180. L’intégration dans un texte unifié181 des diverses règles régissant la fonction publique tend à sécuriser l’agent public contractuel de l’État dans son parcours professionnel et garantit, par voie de conséquence, le bon fonctionnement du service public. En soumettant les agents publics contractuels de l’État à des dispositions contenues dans le statut général de la fonction publique, on en arrive à la conclusion qu’ils ne constituent plus le « tiers exclu »182 de la fonction publique. Outre cette intention du législateur de fonctionnariser les agents contractuels par leur intégration dans le régime juridique des agents permanents, le législateur en a 179. 180. 181. 182. J.-B AUBY, G. BRAIBANT, J.-F. LACHAUME, « Les agents publics contractuels après l’arrêt « Berkani». Entretien sur les conséquences de la récente extension jurisprudentielle », D.A., 1997, Chron. 18, p. 08. M. HAURIOU, notes de jurisprudence de 1892 à 1923, Sirey, 1931, cité par F. PEIFFER, Les agents contractuels de la Fonction publique territoriale, Mémoire Master II Recherche, Université Paul Verlaine, 2007-2008, p. 40. Le statut général de la fonction publique est le texte unique fixant le régime juridique du personnel de la fonction publique du Togo. E. DOCKES « L’agent public non statutaire et le Code du travail », A.J.F.P., n° 4, 1997, p. 01. 43 voulu également leur faire bénéficier certains droits et avantages dont bénéficiaient entre temps uniquement les agents permanents. En sommes, il est à retenir que la mission de service public, dans l’intérêt général de toute l’administration confère aux agents contractuels une qualité de fonctionnaire, dont les règles de fonctionnement sont d’ailleurs régies par le statut général de la fonction publique au même titre que tous las autres agents permanents. L’aspect parapublic des agents contractuels de l’État tel que relevé dans ce paragraphe témoigne d’un régime juridique professionnel hybride de cette catégorie spéciale de salarié. L’on serait à présent en mesure de se poser la question dans le cadre de cette étude du régime social y réservé à cet effet. § 2. Un régime social inégal des agents contractuels « Parce qu’ils ne sont pas des agents titulaires mais bien des « agents nontitulaires, les contractuels sont exclus des logiques professionnelles et identités collectives »183. Ils ne jouissent pas de façon égalitaire184 des mêmes droits que les agents permanant de l’État en se voyant aligné au régime de droit privé de la protection sociale (A) sans un régime complémentaire de retraite (B). A. Un régime social de droit privé assimilé aux travailleurs salariés « La protection sociale du salarié de droit privé et la protection sociale de l’agent de droit public reposent sur des statuts juridiques différents … »185 Malgré un statut de quasi fonctionnaire de la fonction publique, les agents contractuels se voient limités dans leur protection sociale par rapport aux autres agents permanant de la fonction publique qui bénéficient de la stabilité dans la protection sociale. « L’État leur employeur est le garant de l’égalité de traitement même si l’égalité de traitement, corollaire au principe de l’égalité de traitement devant la loi ,n’interdit pas de traiter différemment des agents publics se trouvant dans des situations différentes au regard du service public. »186 Les agents contractuels sont 183. 184. 185. 186. A. PEYRIN, « Résorber la précarité sans réduire les inégalités, une dualisation négociée des carrières dans les fonctions publiques (2009-2011) », p. 05. L’égalité ici devrait se traduire par le bénéficie d’un régime identique de prestations sociales entre les agents contractuels et ceux permanent en raison de l’identité du service public rendu. Y. BATARD, op.cit., p. 13. Idem. 44 alors affiliés au régime social de base en commun avec les salariés privés à la caisse nationale de sécurité sociale. Cette situation laisse subsister des interrogations dont les tentatives de réponses amènent certainement à penser à une inégalité de traitement en considération de leur situation de travail et de la mission de service public qu’ils accomplissent dans les mêmes conditions de travail que les agents permanant qui bénéficient d’un statut social plus avantageux187. Dans la logique de l’unification du régime juridique des contractuels et des agents permanents, il faut alors dire qu’aucune disposition ne devrait justifier cette différence de traitement à l’égard des agents contractuels en matière surtout de la protection sociale. L’agent contractuel même en vertu d’un contrat à durée indéterminée reste soumis aux dispositions du code de sécurité sociale et non au régime de la caisse de retraite comme un agent permanant de la fonction publique. Si le statut de la fonction publique ne fait aucune distinction quant à ce qui concerne les agents permanant et les agents contractuels de la fonction publique, il faut alors dire que la même disposition devrait s’appliquer en termes de leur sécurité sociale car ils ont occupé les mêmes fonctions et soumis aux mêmes risques durant leur fonction. Le régime des pensions et retraite des fonctionnaires institué par la loi du 23 mai 1991 exclut de son champ d’application les agents contractuels avec de lourds avantages accordés aux fonctionnaires publics. Les fonctionnaires statutaires bénéficient de plus d’avantages en vertu de leur situation statutaire alors que les agents contractuels en reçoivent de façon limitée et renvoyé au régime générale de sécurité sociale des travailleurs salarié. En vertu de leur régime spécial de sécurité sociale, les fonctionnaires en activité bénéficient de prestations au moins égales à celles prévues par le régime général de la sécurité sociale. Selon que le montant du traitement à verser, en application des droits statutaires ou du régime général de sécurité sociale, est plus avantageux pour le fonctionnaire, son administration lui verse soit exclusivement le premier, soit le 187. L’avantage des agents permanents sur les agents contractuels quant au régime social se démarque au niveau de la branche des pensions où le régime de la CRT qui gère les fonctionnaires offre des prestations beaucoup plus avantageuses que ceux du régime des salariés. 45 premier assorti d’une indemnité différentielle qui porte son montant au niveau du second. Qu’en est-il de leur protection complémentaire ? B. Une inexistence d’un régime complémentaire de protection sociale Au Togo, le régime des droits sociaux des agents contractuels étant soumis au même régime des salariés de droit privé,188 il devrait donc être mis à leur disposition un régime complémentaire189 compensatoire de leurs droits sociaux qui n’ont pas été pris en compte. La protection sociale complémentaire permet aux salariés, avec l’aide de l’État, de souscrire une couverture en complément de celles fournies par la sécurité sociale du régime général. Le taux de remplacement en matière de retraite reste disproportionné entre les fonctionnaires du secteur public et ceux du régime privé en défaveur de ce dernier où « le montant de la pension de vieillesse ou d'invalidité, de la pension anticipée et de l'allocation de vieillesse est fixé en fonction de la rémunération mensuelle moyenne définie comme la soixantième partie du total des rémunérations mensuelles soumises à cotisations au cours des cinq (05) dernières années précédant la date d'admissibilité à pension.»190. Dans la fonction publique, seul est pris en compte le dernier salaire. Le régime complémentaire des agents parapublics s’inscrit comme la continuité du régime général en complément du déficit ou de l’insuffisance constaté. Cet effort de redynamisation de la protection sociale a été marqué par l’institution en 1974, par le décret N°74-184/PR du 20 décembre, de la Caisse de Retraite Complémentaire des Cadres (CRCC). Le décret institue le statut général des organismes paraadministratifs en vue d’assurer une retraite complémentaire aux cadres des organismes parapublics du Togo et de rétablir le déséquilibre profond existant dans le traitement des cadres de la fonction publique et ceux des entreprises parapubliques à leur admission à la retraite. Cependant il faut relever que ce régime institué a toujours éprouvé des difficultés dans son fonctionnement, entrainant par l’écoulement du temps son 188. 189. 190. Les deux régimes sont gérés par une institution unique qui est la caisse nationale de sécurité sociale. En France l’IRCANTEC est une institution de protection sociale complémentaire des agents non titulaires de l’administration qui complète les prestations du régime général notamment en matière de retraite. Voir art. 44 du code sécurité sociale du Togo. 46 inexistence pratique au plus pire sa dissolution en 2010. Ceci reste prouvé par la volonté de la CNSS depuis les années 2005 de mettre fin à cette institution avec de lourdes conséquences négatives pour les salariés concernés. La fin de la CRCC était ainsi marquée par son ouverture aux salariés privés par un fonctionnement selon le système de capitalisation pur et simple, l’ouvrant à tous les travailleurs des secteurs publics et privés. La suspension de l’attribution de nouvelles pensions aux assurés cadres partant à la retraite du 1er septembre 2005 matérialisait d’une manière ou d’une autre l’inexistence de cette institution de prestation sociale des salariés cadres du secteur parapublic. Cette décision a été mise en application effective à partir du 30 juin 2006 par la CNSS qui a ainsi supprimé tous les droits acquis des pensionnaires de la CRCC. Malgré l’intervention judiciaire du Tribunal de travail de Lomé en faveur des pensionnaires dudit régime, ce processus de disparition n’a point été empêché par l’État qui décida d’arrêter la gestion de la CRCC en procédant à sa liquidation. La garantie de la retraite étant très primordial dans la vie d’un salarié, elle devrait être la première préoccupation de la protection sociale complémentaire des agents contractuels qui ne bénéficient pas du même régime de base de retraite avec les fonctionnaires statutaires de la fonction publique. Tel est le cas avec la législation française191 qui a mis en place un régime complémentaire retraite pour les agents contractuels de la fonction publique française ainsi qu’en droit sénégalais et ivoirien avec la mise en place respectivement de L’IPRES-RCC 192 et le régime de retraite par Capitalisation193. Le régime togolais trouve ainsi sa défaillance du fait de l’absence d’un système efficace complémentaire pour les agents contractuels, un système qui devrait rétablir l’équilibre avec les fonctionnaires statutaires. À défaut d’intégration des agents contractuels dans le régime de la caisse de retraite (CRT), l’institution d’un régime complémentaire s’avère nécessaire dans la mesure où ce régime permettrait de relever la pente afin de hisser les agents 191. 192. 193. Le décret n°70-1277 du 23 décembre 1970 portant création de l’Institut de Retraite Complémentaire des Agents Non titulaires de l’État et des Collectivités publiques a favorisé en France la retraite des agents contractuels de la fonction publique en complément de leur sécurité sociale. L’IPRES-RCC a été créé en 1973 par les partenaires sociaux sénégalais et régi par la loi n°.75-50 du 3 avril 1975 Ce régime a été mis en place à la suite du conseil des ministre du 04 avril 2018. 47 contractuels au même niveau de sécurité sociale. Les salariés du secteur privé ou parapublic à savoir les agents contractuels de l’État qui relèvent du régime privé194 de la sécurité sociale de base ne pourront dans la réalité pas se prévaloir de ce seul régime qui est d’ailleurs moins avantageux selon la situation juridique de l’assuré, notamment les salariés parapublics. En somme, l’analyse du système juridique et institutionnel de sécurité sociale du Togo laisse planer à la surface une situation de déséquilibre entre les différents acteurs sociaux. Toutefois cette situation permet également de réfléchir sur divers éléments de solution en vue du rétablissement de la parité dans les prestations sociales. 194. Le Régime privé de sécurité social est celui de la CNSS. 48 PARTIE II. UNE INÉGALITÉ SURMONTABLE À L’ÉGARD DES REFORMES 49 La sécurité sociale n’est pas seulement un droit humain fondamental, elle aide également à relever des défis socio-économiques très divers et, partant, à renforcer la résilience de la société. Elle remplit d’autant mieux ce rôle lorsqu’elle offre une couverture adéquate et complète de la population195. Le phénomène de la disparité de la sécurité sociale entre les différentes couches socioprofessionnelles reste de nos jours un véritable défi majeur que les acteurs de la sécurité sociale sont appelés à relever. Le respect de l’égalité n’assure pas pour autant l’équité dans les prestations sociales. Pour y parvenir, chaque État devrait mettre en place un système de sécurité sociale adéquat en fonction des régimes de sécurité sociales existants afin d’assurer au mieux une justice sociale d’égalité et d’équité entre les différents assurés. L’inégal accès de la grande partie de la population socioprofessionnelle, nécessite diverses reformes juridiques ou encore institutionnelles des services de sécurité sociale. Ceci donnerait un espoir d’une meilleure participation financière196 de tous les acteurs à une sécurité sociale adéquate. L’analyse globale du régime togolais révélant un déséquilibre, de nombreuses pistes restent encore possible pour en surmonter. C’est pourquoi dans le cadre de cette étude, le constat révèle d’énormes défis qui restent encore à être relevés afin d’envisager une sécurité sociale plus ou moins parfaite de la couche socioprofessionnelle garantissant un équilibre sociale dans la protection sociale. Cette réalisation devrait prospérer par la véritable réforme du système de sécurité social ainsi que la mise en place d’un mécanisme de financement adapté à la situation de chaque travailleur. C’est ainsi qu’il sera envisagé la mise en place d’un mécanisme d’extension de la sécurité sociale à toutes les couches socioprofessionnelles (Chapitre I) avant de revenir sur les grands axes de réformes du système de financement de la sécurité sociale togolaise (Chapitre II). 195. 196. Le rapport de Beveridge a permis à plusieurs États de réorganiser leur système de sécurité sociale en vue d’assurer un système d’indemnisation efficace d’indemnisation des risques sociaux. La question du financement de la sécurité sociale de type assurantiel se pose au niveau du financement des travailleurs autonomes dont le taux reste identique à celui des travailleurs salaries dont une partie des charges sociales est assurées par l’employeur. 50 CHAPITRE I. L’extension des assurances sociales L’extension de la sécurité sociale reste aujourd’hui un défi majeur auquel font face les différents acteurs principaux de la sécurité sociale. Elle vise de façon générale à étendre la couverture sociale à l’ensemble de la population qu’elle soit active ou non active et sans considération du revenu salarial. De façon plus particulière dans le cadre de ce chapitre, les assurances sociales visent à étendre les assurances à l’ensemble de toutes les catégories socioprofessionnelles. L’extension se fait de façon progressive en y intégrant les entreprises de plus en plus petites car, « ce sont justement ceux qui travaillent dans les petites entreprises qui sont les moins bien payés et dont la sécurité de l’emploi est plus faible, et qui, par conséquent, ont le plus besoin d’une couverture sociale » 197 L’analyse de cette extension permettra d’en étudier la faisabilité à travers la mise en place d’un système non contributif basé sur la solidarité198 (Section I) ainsi que la réforme du cadre juridico-institutionnel de la sécurité sociale (Section II). Section I : Une sécurité sociale non contributive basée sur la solidarité Au sens de la sécurité sociale, la solidarité s’étend d’une part entre l’État et les groupements socioprofessionnels, et d’autres parts, la solidarité interne entre les différentes couches socioprofessionnelles elles-mêmes. Dans le cadre de cette section d’étude, il sera question de distinguer la solidarité nationale entre l’État et les groupes socioprofessionnels 199 (§ 1) ainsi que la solidarité interne socioprofessionnelle entre les travailleurs200 eux-mêmes (§ 2). § 1. Un système de sécurité sociale par la solidarité nationale « Les nombreuses personnes exclues du système de sécurité sociale, peuvent compter sur l’assistance publique dont les mesures intéressent d’une part l’action 197. 198. 199. 200. E. REYNAUD, « L’extension de la couverture de la sécurité sociale : la démarche du Bureau international du Travail », p. 19. La solidarité s’entend comme un devoir social ou une obligation réciproque d’aide et d’assistance ou de collaboration gracieuse qui existe entre les personnes d’un groupe ou d’une communauté en raison du lien qui les unit. Cette solidarité doit s’entendre comme les différentes aides de toute nature que l’État doit apporter aux différents travailleurs en renforcement de leur protection social souvent insuffisant. La solidarité socioprofessionnelle entre les travailleurs reste interne entre les travailleurs eux même par le système de mutualisation de risque. 51 de santé publique qui, en Afrique subsaharienne, est essentielle en absence d’assurance maladie universelle, puis d’autre part, les mesures promues par le service des affaires sociales. Ces deux formes d’assistance relèvent de la responsabilité de l’État qui fait œuvre de solidarité nationale »201. De ce principe de solidarité202, la sécurité sociale doit être assurée indépendamment à un revenu (A) et en considération des besoins sociaux exprimés avec l’extension de la qualité d’assuré social. (B) A. Une sécurité sociale indépendamment à un emploi rémunéré L’émergence démographique sans cesse accrue a laissé derrière elle une lourde tasse de conséquences qui ont affecté la plupart des institutions de l’État au rang desquelles celles en charge de la sécurité sociale ainsi que divers partenaires sociaux. L’idée de l’intervention de la puissance publique est de développer une culture de l’assurance et de la solidarité en matière de protection contre les risques sociaux.203 Au Togo, l’on note une grande croissance de la population active qui se trouve involontairement dans une situation de dépendance socioéconomique. L’absence d’emploi d’une marge importante de la population active ne voudrait pas pour autant dire que cette marge demeure exclue des prestations sociales pour n’avoir pas cotisé depuis une certaine période. Le chômage reste un fléau, donc un risque social au terme de la sécurité social qui devrait être indemnisé. C’est ainsi que le régime de la solidarité 204 constitue un palliatif à l’absence de prestations sociales des personnes sans emploi et qui sont en situation de demandeurs d’emploi. En prenant pour base principale la solidarité, « le chômage n’y est plus considéré comme un risque social relevant du principe d’assurance, mais comme la manifestation d’un besoin, de nature alimentaire et fondé sur l’aide sociale.»205 Au sens de l’affiliation il faut noter qu’elle est envisagée sous deux angles à savoir le sens étroit et le sens 201. 202. 203. 204. 205. D. T. AGBODJAN, « Le droit à la sécurité sociale : principes internationaux et besoins sociaux en Afrique subsaharienne » in « Revue Québécoise de Droit International » p. 159. M. BORGUETTO, op. cit., p. 14. E. REYNAUD, op. cit., P 03. V. COHEN, « traitement social du chômage et devenir des chômeurs » in « mouvements », p. 142. J.P. CHAUCHARD, J.Y. KERBOURC’H et C. WILLMANN, op.cit., p. 494. 52 large. Si le sens large vise l’affiliation à la sécurité sociale donc l’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle, il faut noter que le sens étroit est moins restrictif et vise seulement l’affiliation à une caisse d’assurance et sur le fondement d’une appartenance sociale notamment la citoyenneté. Les chômeurs dépourvus d’une qualification professionnelle appropriés gardent alors cette possibilité d’affiliation au sens étroit fondée sur l’appartenance citoyenne206. Le régime de solidarité est un régime à la charge de l’État et qui est géré par une institution spécialisée 207 , ce régime parce qu’il sert des prestations à des chômeurs n’ayant pas acquis ou ayant épuisé leurs droits aux prestations repose sur la solidarité nationale 208 . L’État y demeure alors un principal acteur et créancier des prestations aux différents chômeurs au nom de la solidarité nationale dont il a la charge 209 . Cependant l’assurance chômage devrait permettre au Togo, l’indemnisation de toute personne en situation de demandeur d’emploi. Le chômage reste un véritable souci auquel le monde de la sécurité sociale togolaise devrait faire face car le législateur n’ayant prévu aucune disposition expresse. La solidarité nationale viendrait donc au secours des personnes qui n’ont pu cotiser du moment où l’assurance répond aux normes d’une exigence contributive, donc d’une affiliation obligatoire liée à un emploi rémunéré. Toutefois il convient de rappeler que le terme « chômage » reste de nos jours un terme à connotations divers qui n’a pu véritablement avoir une définition concrète au sens de la loi. Le bureau international du travail en a donné un sens plus ou moins restreint en considérant le chômage comme la situation d’une personne qui se retrouve sans emploi, recherchant de l’emploi et disponible à court terme. Il est alors plus clair que les qualités de chômeur devraient alors satisfaire aux normes requis par le BIT aussi bien en matière de demande d’emploi que de sécurité sociale dans le cadre de cette étude. Toute personne sans emploi et n’ayant aucune qualification requise ne devrait être assimilée à un chômeur. Il devrait être un régime spécial bénéficiant aux chômeurs qui ne remplissent pas ou ne remplissent 206. 207. 208. 209. J.P. LABORDE, op.cit., p. 167. En France, le régime de solidarité a été institué en 1984 à la charge de l’État et géré par pôle emploi. Voir en ce sens N. KERSCHEN, « Beveridge hier et aujourd’hui », p.p. 01 à 07. V. COHEN, op. cit., p. 142 53 plus les conditions propres au régime d’assurance 210 . Ce régime devrait être structuré en diverses prestations bénéficiant aux chômeurs à savoir l’allocation spécifique de solidarité (ASS) au profit des chômeurs de longues durée , de l’allocation de fin de formation versée aux demandeurs d’emploi. La solidarité nationale est alors appréhendée comme un outil d’établissement de la justice sociale par l’intervention active de l’État en matière de sécurité sociale à travers la redistribution du revenu national. La solidarité nationale devient alors un système beaucoup plus d’assistance publique basée sur le modèle de W. Beveridge 211 de l’universalisation de la sécurité sociale212. B. Une extension de la qualité d’assuré social Dans la conception « beveridgienne » de la sécurité sociale, l’extension de la sécurité sociale est beaucoup plus générale et vise une protection de l’ensemble de la population qu’elle soit active ou non. Cependant, dans le cadre de cette étude et dans une conception socioprofessionnelle, on peut toutefois envisager l’extension de la qualité d’assuré social sans la nécessité d’une activité professionnelle préalable lorsque l’intéressé est invité à prendre lui-même s’il le souhaite cette qualité. C’est aussi le cas lorsque cette qualité est attribuée en considération de la situation spécifique autre que professionnelle à savoir l’état de besoin. C’est en effet une technique extensive qui permettra à toute personne de s’assurer personnellement auprès du régime général pour certaines prestation en nature telles que l’assurance maladie et la maternité à tous ceux qui ne peuvent prétendre à une affiliation de plein droit. Cependant, il est à noter que ce dispositif d’assurance personnelle ne devrait être confondu avec celui de l’assurance volontaire qui existe déjà et qui est beaucoup plus aménagé à des personnes ayant rempli des conditions d’affiliation par le passé. L’assurance volontaire213 se doit donc, de se voir élargit le 210. 211. 212. 213. Idem. William Lord Beveridge, économiste anglais est l’auteur d’un rapport sur la sécurité sociale en 1941. Son plan de sécurité sociale s’inscrivait dans une politique d’ensemble à dominante économique (inspirée des idées keynésiennes) visant à éliminer la pauvreté. Le principe du système était de couvrir tous les citoyens automatiquement, sans obligation de cotisations préalables et sans lien avec la profession, la protection sociale étant majoritairement financée par l’impôt. B. LAUTIER, « Universalisation de la protection sociale et protection des plus vulnérables », in « Revue Tiers Monde » 2013/2 n°214 de Armand Colin, p. 188. Son régime reste toujours lié à l’activité professionnelle exercée par l’assuré entre temps. 54 champ d’application à toute personne intéressée même n’ayant pas remplis des conditions d’assujettissement et de cotisation. L’exemple illustratif est la loi française n°78-2 du 02 janvier 1978 relative à la généralisation de la sécurité214. Pour une couverture beaucoup plus équilibrée il faut noter donc que le nouvel assuré devrait se voir bénéficier de certaines exonérations lorsque par exemple ses revenus ne dépassent pas un certain seuil comme par exemple le SMIG qui est établi aujourd’hui à une valeur financière d’au moins à 35000 FCFA. L’analyse statistique révèle cependant un accroissement de risques pour des travailleurs qui se retrouvent avec des revenus très modestes donc un taux élevé de risque contre une prestation moindre même inexistante. L’une des difficultés majeures reste la sous affiliation et la non-couverture de certaines catégories de travailleurs notamment les travailleurs des PME qui se retrouvent avec des revenus insignifiants qui ne peuvent véritablement faire face à leur sécurité sociale. L’assurance personnelle auprès d’un régime spéciale contribuerait alors à l’amélioration d’une sécurité sociale adéquate à cette catégorie délaissée de certains risques sociaux liés à leurs activités professionnelles. Les travailleurs du secteur informel bien que bénéficiant d’un régime de prestation légale très réduit devrait se prévaloir d’une assurance personnelle complémentaire en vue de prétendre aux prestations non pris en compte tels que les risques professionnels215. En dehors de la solidarité nationale qui met en œuvre l’intervention des différents acteurs sociaux de la sécurité sociale aux rangs desquels on retrouve l’État ainsi que le législateur, les acteurs socioprofessionnels se doivent de cultiver une solidarité interprofessionnelle entre eux à divers niveaux d’échelles. § 2. Un système de sécurité sociale par la solidarité socioprofessionnelle « En l’absence de relation d’emploi suffisamment stable, une des principales préoccupations des actifs du secteur informel des pays en développement est 214. 215. Cette loi rompt avec le principe d’assurance sociale selon le modèle bismarckien et permet l’affiliation de toute personne résidant sur le territoire français même sans activité professionnelle, ce qui leur ouvrait le droit aux prestations familiales. Le législateur de 2011 bien qu’ayant étendu la sécurité sociale aux travailleurs informels ne leur accorde pas le bénéfice des prestations contre les risques professionnels. 55 d’assurer la continuité dans le temps de leurs ressources monétaires » 216 . La solidarité socioprofessionnelle dans le cadre de la sécurité sociale s’est exprimée depuis longtemps à divers niveaux. Elle s’est exprimée d’abord par une interaction collective et solidaire entre les différents agents professionnels ainsi qu’entre différents organismes professionnelles à travers les mutuelles d’entreprises. Cependant il faut relever que cette solidarité a été d’une faible importance et inefficacité à divers endroit de la société professionnelle. L’objectif de ce paragraphe est alors de mettre en places des mécanismes permettant le renforcement du système de protection par solidarité socioprofessionnelle que sont la solidarité interindividuelle (A) et la solidarité interprofessionnelle (B). A. Le renforcement des solidarités interindividuelles L’avènement du lien social, des solidarités familiales ainsi que le désir d’intégration et d’appartenance au groupe social constituent les différents faits générateurs qui ont su générer les solidarités internes entres les différents individus de la couche socio professionnelle. Certes ce mérite essentiel que nous avons de cette solidarité reste d’abord la volonté indéniable des différents individus, mais il faut cependant relever l’inefficacité de celle-ci qui mérite des renforcements notoires. « La société démocratique travaillée par des effets du modèle industriel, affronte dans le même temps la question du lien social217, ce par quoi les individus sont inclus dans un réseau de droit et d’obligations réciproques qui assurent au plus près leur socialisation et leur protection » 218 . La dissolution du lien social qu’elle soit volontaire ou involontaire constitue un phénomène qui éloigne des personnes isolées d’une sécurité sociale convenable. La sécurité sociale reste alors liée à des formes d’appartenance et de constitution d’un tissu social soudé. L’individu qui se socialise en intégrant un groupe social assure également sa sécurité sociale à travers le groupe social qui le protège. La famille constitue alors 216. 217. 218. Y. GUICHAOUA, « solidarité professionnelle et partage des risques parmi les travailleurs informels : une étude de cas à Abidjan » in « Autre part » p. 203. Le lien social pouvant exister entre les différents individus de la société est envisagé comment un fait social qui oblige toute personne à porter assistance à l’autre. Les travailleurs forment donc entre eux sans distinction de catégorie un tissu social les obligeant à mettre ensemble tout risque social pouvant intervenir dans la vie de l’un ou l’autre des travailleurs. J.J. DUPEYROUX, M. BORGETTO et R. LAFORE, op.cit., p. 115. 56 un groupe social d’individu au sein duquel la solidarité occupe une place importante219, dans le même champ en constituant une principale base de la sécurité sociale. Les risques sociaux même inhérents à la personne, se voient socialisé pour être des risques collectifs donc assurés par le groupe social. La famille est un lieu de solidarité immédiates où se produisent et distribuent les moyens d’existence matériel et symbolique220. Émanant de la sphère politique en charge des intérêts de la collectivité, un ensemble d’interventions, mixant le judiciaire et l’administratif, vont venir assurer les protections et pallier les carences éducatives du groupe familial. Le travailleur salarié quelle que soit sa nature est un membre social qui doit cultiver l’esprit familial par la cohésion sociale, l’intégration totale à une unité sociale et solidaire. Ceci réconforte ainsi sa sécurité sociale du moment où les différents risques sociaux susceptibles d’intervenir dans la vie du salarié sont socialisés par son groupe sociale d’appartenance. Avec l’affaiblissement de « la sociabilité primaire » des vieilles sociétés paysannes, les sociétés démocratiques doivent alors passer à un régime de « sociabilité secondaire ». Cette intégration constitue une société érigée en un problème auquel la collectivité doit y faire face pour la prise en charge221. En dehors de la solidarité interindividuelle comme gage d’une meilleure protection sociale, il faut noter qu’il existe également une forme de régulation de sécurité sociale entre les organismes professionnels qui se traduit par la solidarité interprofessionnelle entre les différentes entreprises. B. Le renforcement des solidarités interprofessionnelles « D’une logique de mutualisation des risques, de type assurantielle, entre les travailleurs, le système de protection sociale évolue vers une part accrue de solidarité, qui vise à renforcer la cohésion sociale au profit de ceux qui en seraient exclus, quelles qu’en soient les raisons.»222 Outre la conception de l’égalité comme 219. 220. 221. 222. Y. GUICHAOUA, op.cit., p. 194. I. THERY, « transformation de la famille et « solidarité familiale » : question sur un concept », in Repenser la solidarité(2007), p. 149. J.J. DUPEYROUX, M. BORGETTO et R. LAFORE, op.cit., p. 113. A. DUTHILLEUL, Le financement de la protection sociale, avis et rapports du conseil économique et social, p. 11. 57 le traitement identique de deux personnes se trouvant dans la situation identique, « l’égalité d’accès à une protection sociale s’est incarnée dans une égalité catégorielle de portée plus restreinte qui, mettant en solidarité les membres de chaque catégorie, assurait entre eux une protection similaire, tout en autorisant de fortes différences entre catégories »223. Dans le cadre de la législation togolaise il faut dire que cette pratique reste encore méconnue de la plupart des acteurs sociaux ou mieux les quelques formes existantes manquent encore d’une base juridique fiable pour faciliter le bon fonctionnement. Similaire au régime des assurances sociales, elles fonctionnent sur la base des cotisations sociales versée par les membres ainsi que dans leurs intérêts par des actions de prévoyance, de solidarité. L’avènement des mutuelles favoriserait une meilleure sécurité sociale complémentaire au régime général légal dans la mesure où elles permettaient de réaliser certaines opérations d’assurance telles que la couverture des risques de dommage corporels ainsi que des risques de perte de revenus par l’assurance chômage 224 . Le fonctionnement étant subdivisé en prévoyance individuelle et prévoyance collective225, il faut noter que les entreprises optent pour la prévoyance collective de tous les salariés de l’entreprise de façon solidaire. Dans le cas d’opérations individuelles, l’adhérant signe un bulletin d’adhésions et acquiert la qualité de membre participant ; dans le cas d’opérations collectives vivement recommandées aux chefs d’entreprises et aux employeurs, les salariés deviennent membre participants de la mutuelle soit d’une adhésion obligatoire pour laquelle tous les salariés sont tenus d’être affiliés à une mutuelle en vertu des dispositions réglementaires législative ou des convention collectives soit encore par la décision unilatérale de l’employeur. Les mutuelles d’entreprises 226 exercent donc leurs activités dans l’intérêt des salariés ou encore des anciens salariés d’une entreprise déterminée ainsi que les familles de ces salariés. Elles exercent leurs activités sous 223. 224. 225. 226. R. LAFORE, « Le principe d’égalité dans la Sécurité sociale : incertitudes et ambiguïtés de sa construction contentieuse » in « Le Droit Ouvrier », p. 436. J.J. DUPEYROUX, M. BORGETTO et R. LAFORE, op.cit., p. 1097. Idem, P. 1098. Les mutuelles d’entreprises sont envisagées comme des systèmes de protection complémentaire mise en place par des employeurs en vue d’assurer le complément de la couverture par le régime légal de base. 58 le contrôle d’un comité d’entreprise. Assurant presque toutes les prestations de sécurité sociale, les mutuelles viennent renforcer, voire compléter les prestations sociales de certains salariés dont le régime général n’en prévoit pas. Les travailleurs de l’économie informelle ne bénéficiant pas des prestations de sécurité sociale contre les risques professionnels gardent cette possibilité de se voir indemniser à travers la prévoyance individuelle auprès d’une mutuelle. Le Togo devrait alors adopter une loi spécifique sur la mutuelle obligatoire en entreprise qui obligerait tous les employeurs à proposer une couverture complémentaire de tous les salariés en complément de leur affiliation à la sécurité sociale227. La complémentaire santé collective choisie par l’employeur est obligatoire pour l’ensemble des salariés de l’entreprise, sauf dans le cas d'une dispense de cotisation demandée par le salarié auprès de l’employeur. En ce qui concerne évidemment les salariés indépendants, ils pourront cependant souscrire à une mutuelle spéciale 228 dont les cotisations seront déductibles du revenu imposable. En vue de faciliter une sécurité sociale paritaire et équilibrée sur la base de la solidarité évoquée, il parait ainsi nécessaire dans le système togolais à une meilleure adaptation par la mise en place d’une reforme tant sur le plan normatif qu’institutionnel qui fera l’objet de la section suivante. Section II. Une réforme du cadre juridico-institutionnel de sécurité sociale Aux vues des différentes disparités constatées et dans le souci de passer à une étape de prestations sociales beaucoup plus équilibrée, il est bien évidemment nécessaires pour l’État togolais de procéder à la reformes des différents cadres intervenant dans le domaine de la sécurité sociale. Les plus importantes reformes devraient alors envisager le domaine législatifs (§ 1) en passant par la mise en 227. 228. En France, depuis le 1er janvier 2016, la loi sur la mutuelle obligatoire oblige l’employeur à proposer une couverture complémentaire santé collective à tous ses salariés, en complément de leur affiliation à la sécurité sociale. La loi vise toutes les entreprises, quelle que soit leur taille : TPE, PME ou grandes entreprises. L’employeur choisit l’organisme d’assurance de son choix, mais le contrat doit obligatoirement prévoir : Une cotisation de la part de l’employeur à hauteur de 50 % minimum (le salarié paye le reste), Des garanties minimums, De couvrir tous les salariés et leurs ayants droit, La mutuelle obligatoire pour le conjoint. C’est l’exemple de la mutuelle Madelin en France pour les travailleurs non-salariés. 59 places et l’assainissement des différentes institutions (§ 2) capables de gérer à bien cette mission de justice sociale aux sein du monde socio professionnel. § 1. La réforme du cadre juridique Les inégalités de traitements intervenues çà et là dans les différentes normes d’assujettissement, avec l’exclusion d’une fraction importante du monde socioprofessionnel ainsi que la fusion en un régime unique général illustre le caractère lacunaire des textes actuels de la sécurité sociale. La réforme du cadre normatif de la sécurité sociale des salariés togolais en vue d’assurer un traitement équitable et égalitaire entre les différentes couches socioprofessionnelle ne devrait s’opérer sans passer par l’extension juridique du champ d’assujettissement à toutes les catégories socio professionnelles (A) ainsi que la mise en place des régimes spéciaux (B) pour cette catégories de travailleurs en raison de la spécificité juridique de leurs activités professionnelles. A. L’élargissement du champ d’assujettissement En l’état actuel du système de sécurité sociale basé sur un « modèle d’assurance » 229 il est bien évident que le critère principal reste la capacité participative aux cotisations sociales. L’originalité de l’assujettissement au droit de la sécurité sociale togolaise à travers l’ordonnance n° 39/73 du 12 novembre 1973 modifiée par la loi n° 2001 -12, du 29 novembre 2001 et la loi n° 2008-004 du 30 mai 2008 repose de façon stricte sur un contrat de travail au sens du droit de travail230, c'est-à-dire la prestation en vertu d’un contrat de travail d’une activité sous la subordination juridique d’un employeur moyennant une rémunération. Certes le législateur de 2011 à travers la loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale du Togo est venu résoudre un tout petit peu cette situation d’exclusion avec l’intégration du champ d’application de certaines catégories de travailleurs notamment les indépendants et les travailleurs des secteurs informels ainsi que les ministères de cultes, mais relevons que cela reste encore insuffisant au regard 229. 230. Modèle de sécurité sociale obligatoire mise en place par l’Allemand Otto Von Bismarck et qui est fondé sur le travail et sur la capacité des individus à s’ouvrir des droits grâce à leurs activités professionnelles. Elle est obligatoire et repose sur la participation financière des ouvriers et employeurs sous la forme de cotisations sociales. Art 34 de la loi N°2006-010 portant code du travail du Togo. 60 d’autres types de travailleurs qui ne se trouvent pas couverts par la sécurité sociale. Il faut alors noter que « la sécurité sociale ressent par répercussion la mutation profonde que subissent, à l’heure actuelle et depuis plusieurs années déjà, les relations de travail».231L’évolution du monde technologique emporte avec celle la multiplication de diverses formes de travail que d’autres doctrinaires n’hésitent pas à qualifier d’ « emploie traditionnel ». En conséquence, face aux nouvelles formes de travail, la régularisation des rapports de travail basée sur la dichotomie classique entre travail salarié et travail indépendant est remise en cause ainsi que son critère essentiel qui est la subordination juridique. Si la jurisprudence du droit du travail se voit divisé sur le critère de subordination à retenir dans la qualification d’un travailleur salarié à savoir la subordination juridique 232 ou encore celle économique 233 , le droit de la sécurité social devrait quant à lui visé beaucoup plus le second critère qui est la subordination économique car la finalité étant la participation économique aux cotisations sociales. C’est alors sur cette base que le législateur devrait considérer comme travailleur au sens du droit à la sécurité sociale certaines personnes à savoir les dirigeants des sociétés commerciales à savoir les gérants des sociétés à responsabilité limitée ainsi que ceux des personnes, les membres de conseil d'administration ainsi que les administrateurs généraux. L’idée de l’extension du champ d’application vise l’assujettissement de certaines catégories comme travail sous le critère de la présomption d’un contrat de travail en fonction de la nature de l’activité. Il est donc clair que l’idée de cette réforme ne viserait donc que d’établir une justice sociale entre les travailleurs en luttant contre le phénomène de faux indépendant. 234 L’idée 231. 232. 233. 234. J.F. NEVEN et S. GILSON, La sécurité sociale des travailleurs salariés : assujettissement, cotisations, sanctions, Larcier, p. 125. Arrêt Bardou Cass. Soc. 06 juillet 1931, «La condition juridique d’un travailleur à l’égard de la personne pour laquelle il travail ne saurait être déterminé par la faiblesse ou la dépendance économique dudit travailleur et ne peut résulter que du contrat conclu entre les parties ; (…) la qualité de salarié implique nécessairement l’existence d’un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l’emploie ». Arrêt Labane Cass. Soc. 19 décembre 2000 l’arrêt Labanne s’écarte de la logique de l’arrêt Bardou et retient indirectement la subordination économique comme critère essentiel de qualification d’un contrat de travail. A. WATTEYNE, « Des faux indépendants, ou aux frontières imprécises du contrat de travail et du statut de travailleur indépendant », Chron. D.S., 1992 p. 01. 61 de l’extension pourrait alors viser également certaines catégories de travailleur à savoir ceux qui sans être lié par un contrat de travail fournissent contre rémunération des prestations de travail sous l’autorité d’une autre personne. Certes, il est bien vrai qu’avec la réforme législative de 2011, toutes ces catégories visées peuvent légalement se voir assujettis au titre de travailleurs indépendant, mais la vraie justice sociale pourrait donc être envisagée en leur intégrant de façons assimilés au champ des travailleurs salariés afin qu’ils bénéficient des avantages dans le traitement de leur sécurité sociale notamment en ce qui concerne la participation financière ou l’employeur y participe également. La diversité des travailleurs avec pluralité des secteurs d’activités socioprofessionnelles existant devrait de nature amener le législateur à la mise en place des régimes spéciaux en fonction de la nature du travailleur ainsi que le secteur d’activité. B. La mise en place de régimes spéciaux et autonomes La diversité des catégories de travailleurs assujetties à la sécurité sociale avec divers secteurs d’activités ne pourrait être organisée de façon égalitaire et paritaire autour d’un seul régime. C’est ainsi qu’en se basant sur l’organisation et la législation actuelle de la sécurité sociale togolaise, les travailleurs salariés au sens du droit du travail, les travailleurs indépendants et ceux des secteurs informels , les travailleurs libéraux, les élèves et apprentis des écoles de formation professionnelle et les ministres des cultes ne peuvent être confondues autour d’un régime unique qui est le régime générale avec une organisation presque identique pour toute catégorie d’assurée. L’absorption de tous les assurés dans un régime général unique de traitement serait de nature à compromettre l’égalité de prestation sociale entre les travailleurs salariés. L’égalité de traitement peut donc être liée à la catégorie de salarié assurée ou encore à la nature de l’activité exercée, ce qui devrait alors nécessiter un régime particulier pour certaines catégories de travailleurs. En France, l’intention du législateur de 1945, qui était celle d’unifier et simplifier le système de sécurité social en un régime unique, s’est vue heurtée par l’opposition de plusieurs 62 catégories de professions qui refusaient cette idée d’absorption 235 . « La place qu’occupent les régimes spéciaux au sein des régimes de sécurité sociale est importante car ils prennent en charge près de 5 millions de personnes… »236 La spécialité d’un régime apparait total lorsque l’ensemble des risques sociaux définis par la loi entrent dans le champ du régime, ou partielle. Dans ce dernier cas, c’est le régime général qui prend à sa charge des risques non couverts et qui donne à la spécialité sa mesure 237 . Dans le contexte togolais, les travailleurs de l’économie informelle devrait se voir doté d’un régime spéciale pour la prise en charge des risques professionnels ainsi que d’autres avantages qui ne sont pas pris en compte par le régime général. Pour une meilleure prise en charge sociale, les élèves des écoles de formations professionnelles, les apprentis et stagiaires se trouvent également dans le droit d’être affilié à un régime spécifique pour la prise en charges d’autres risques sociaux qui ne leur sont pas accordés par le régime général. La spécificité et l’autonomie financière accordée aux régimes spéciaux garantissent aux assurées une sécurité sociale plus meilleure et adaptée à leurs situations. C’est la principale raison d’être des régimes spéciaux qui servent, d’une manière générale des prestations plus élevées que tout autre régime légal, y compris le régime général. L’absorption du régime des indépendants par le régime général témoigne de la volonté de fusionner les deux catégories de travailleurs à savoir les travailleurs salariés qui relèvent légalement du régime général obligatoire et les travailleurs indépendants dont le régime juridique est beaucoup plus particulier. Il devient alors beaucoup plus impérieux au législateur de doter cette particularité de travailleurs d’un régime de sécurité sociale propre à lui. Ceci a été le cas de la situation française avec la création du régime social des indépendants (RSI)238. 235. 236. 237. 238. Ce refus a été maintenu et traduit par l’art. 17, ord. 17 octobre 1945 (Art L. 711-1 CSS) J.P. CHAUCHARD, J.Y. KERBOURC’H et C WILLMANN, op.cit., p. 167. Idem. p. 168. Le RSI français a été créé par l’ordonnance du 08 décembre 2005, il est né de la volonté du législateur et du consentement des professionnels indépendants de confondre trois régime spéciaux à savoir le régime maladie-maternité, le régime vieillesse-invalidité –décès des artisans et le régime vieillesseinvalidité-décès des commerçants et industriels en un seul régime autonome. 63 Outre un besoin de simplification, (le recouvrement des charges sociales étant source de complexité), la reforme obéit à une volonté de voir promu le travail indépendant et la petite entreprise239. Après la réforme du cadre normatif par l’extension juridique de champ de l’assujettissement à d’autres catégories de travailleurs, ainsi que la mise en place des régimes spéciaux, quid alors de la réforme du cadre institutionnel. § 2. La réforme du cadre institutionnel La réforme du cadre institutionnel de la sécurité sociale togolaise peut être analysée à plusieurs niveaux avec la mise en place de plusieurs institutions adéquates pour assurer une meilleure sécurité sociale des travailleurs. Cependant, dans le cadre de cette étude, la réforme envisagée se situe à deux niveaux à savoir la mise en place des caisses spécialisées de prestations sociales (A) ainsi que l’organisation adaptée des institutions en charge du contentieux de la sécurité sociale togolaise (B). A. La mise en place de caisses spécialisées pour chaque régime La réorganisation institutionnelle de la sécurité sociale togolaise ne devrait prospérer sans l’idée de la mise en place des caisses spécialisées. C’est dire alors que normalement chaque régime spécial et autonome devrait alors être adapté par sa caisse spécialisée. L’autonomie des régimes spéciaux est sous entendue également une autonomie financière qui ne saurait être géré globalement avec la caisse unique du régime générale. Dans les législations togolaises, bien que prévue une gestion financière et autonome de chaque branche240 , il est quand même fort probable de douter de la réalité de l’autonomie financière de chaque branche de prestation d’autant plus qu’elles sont toutes gérées en interne au sein de la caisse unique du régime générale. La vraie autonomie se matérialisera par la mise en place véritable de chaque caisse en fonction du régime et de la branche de prestation. À titre d’exemple le régime social des travailleurs indépendants étant un régime spécial et autonome doit se voir gérer par une caisse spéciale et autonome à cet effet qui 239. 240. D. POSTEL-VINAY, « La création du régime social des indépendants : un essai à transformer ? », Dr. Soc. 2007, p. 07. Art. 25 de loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale du Togo. 64 n’aura point d’interférence avec la caisse générale du régime général qui normalement s’occupe du régime des travailleurs salarié. La répartition institutionnelle bien qu’existant à travers l’implantation des caisses régionales de sécurité sociales fonctionnent toujours sur la même base du régime générale avec la caisse unique qui est la caisse nationale de sécurité sociale dont le siège se trouve à Lomé. L’ensemble des assurances sociales devient alors trop condensé pour être gérer par une caisse unique du ressort du régime générale. La caisse nationale se doit donc de subir un démembrement pour laisser place à d’autres institutions financières spécialisées et adaptée à chaque situation. C’est l’exemple dans la législation française ou la caisse nationale d’allocation familiale est issue du démembrement de l’ancienne caisse nationale de sécurité sociale241. Les différents risques issus du régime général sont appelés à être gérés par des caisses spécialisées qui devraient être mise en place par le système de sécurité en place. La même organisation devrait être envisagé au niveau de la caisse de retraite du Togo qui s’occupe des agents de la fonction publique dont le statut juridique est gouverné par le statut général de la fonction publique dont l’objet de cette réflexion ne s’y attelle pas totalement, mais il faut relever que dans le cas des agents contractuels de l’État qui relève d’un régime parapublic, elle favoriserait leurs meilleures gestions en matière de la sécurité sociale. En plus de la mise en place des caisses spécialisées pour la gestion de différents régimes existant, il faut dire qu’il s’avère très important pour le système juridictionnel togolais de mettre en places des juridictions spécialisées en vue de faire face de façon efficace à un contentieux de la sécurité sociale bien organisé. B. La réorganisation du contentieux de la sécurité sociale Le juge reste le garant principal de l’égalité devant la loi de tous les citoyens de façon générale et plus particulièrement dans le champ de cette étude, un garant principal de l’égalité de traitement 242 de tous les assurés sociaux devant les différentes institutions en charge de la sécurité sociale des salariés. « En 1968, dans 241. 242. J.P. CHAUCHARD, J.Y. KERBOURC’H et C. WILLMANN, op.cit., p. 113. J. BARTHÉLÉMY, « Le principe d’égalité de traitement » in «Les Cahiers du DRH » - n° 157 Septembre 2009, pp. 31 à 41. 65 un article intitulé [l’inégalité dans le droit de la sécurité sociale],J. BORDELOUP montrait la spécificité du contentieux de la sécurité sociale ; il décrivait les difficultés des juridictions judiciaires pour apprécier les modes de fonctionnement du service public de la sécurité sociale, qui place nécessairement l’usager dans une situation d’infériorité, alors que les techniques privatistes sont associées au principe d’égalité des plaideurs.»243 Pour parvenir à cette noble mission, il devient alors plus que nécessaire de mettre à sa disposition les outils nécessaires afin de lui permettre de mener à bien son rôle dans de bonnes conditions. Le contentieux de la sécurité sociale togolaise est organisé de façon classique. « Les litiges auxquels donne lieu l‘application des législations et réglementations de sécurité sociale visant les assurés, les employeurs et la Caisse, à l‘exception des affaires pénales et des litiges qui appartiennent exclusivement par leur nature à un autre contentieux, sont de la compétence du Tribunal du travail dans le ressort duquel se trouve le domicile de l‘assuré ou de l‘employeur intéressé »244. L’analyse de cette disposition donne clairement la compétence matérielle de tout litige lié à l’interprétation de la loi portant code de sécurité sociale au Togo au Tribunal du travail dans les mêmes conditions que tout litige relatif au droit du travail. Par ailleurs, il est prévu que « les contestations d'ordre médical relatives à l‘assuré, notamment à la date de consolidation en cas de réalisation d'un risque professionnel, au taux d'incapacité permanente, à l'existence ou à la gravité de l'invalidité, à l’existence d'une usure prématurée des facultés physiques ou mentales, donnent lieu à l'application d'une procédure d'expertise médicale.» Cette disposition révèle un aspect technique du contentieux de la sécurité sociale qui est lié à l’état de santé de l’assuré et laissant ainsi la compétence de telles contestations à un expert médical neutre aux parties qui sont la CNSS et l’assuré. Le contentieux technique lié à l’incapacité a beaucoup plus un aspect médical245. « Méconnu des juristes, il traite pourtant des difficultés qui touchent les justiciables les plus précaires.»246 243. 244. 245. 246. I. SAYN, « Accès au juge et accès au droit dans le contentieux de la protection sociale » in « RFAS no 3-2004 », p. 113. Voir l’art. 93 de la loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale du Togo. M. KEIM-BAGOT, «Le contentieux technique de la sécurité sociale : un contentieux en péril ?», in « Regards », p. 61. Idem. 66 Le contentieux de la sécurité sociale togolaise reste marqué par des difficultés liées à « l’inégalité structurelle qui existe entre les moyens juridiques et économiques à la disposition de l’organisation gestionnaire de la prestation et la personne privée.»247 Le contentieux de la sécurité sociale togolaise nécessite une organisation bien structurée, tendant vers sa spécialisation 248. « La multiplication des juridictions et la complexité des règles de compétences qu’elle suscite, favorisent la disparition institutionnelle de ces [petites] juridictions, devenues des juridictions [défavorisées], sous-dotées, éventuellement sous-qualifiées, parfois et pour grossir le trait, ravalées au rang de [juridictions non identifiées] »249. Le juge tout en garantissant l’accès équilibré des parties au procès, participe également au rééquilibrage des armes afin d’assurer l’égalité juridique des parties au procès250. « En France, la volonté de favoriser l’accès au juge dans le contentieux de la protection sociale a conduit à créer des juridictions spécifiques, présumées plus proches des justiciables, où le recours à un avocat n’est jamais obligatoire.»251Ce contentieux reste divisé entre plusieurs juridictions avec parfois des ordres de juridictions différents 252 . « La décision de séparer le contentieux de la sécurité sociale du contentieux de travail au sein des chambres civiles de la Cour de cassation, le second restant à la chambre sociale tandis que le premier est dorénavant affecté à une autre chambre civile de la Cour ne peut, semble-t-il, que renforcer ce constat »253 À l’image du système français 254 de la sécurité sociale, l’institution d’un Tribunal spécial en charge de la sécurité sociale avec bien sûr un juge spécialisé du 247. 248. 249. 250. 251. 252. 253. 254. I. SAYN, op.cit., P .114. Idem. Idem, p. 125. Idem, p. 124. Idem. D’une part le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), pour le contentieux général, à côté des juridictions du contentieux technique mais aussi du tribunal de grande instance ou même du juge aux affaires familiales ; d’autre part, les juridictions d’aide sociale (commissions départementales et commission centrale d’aide sociale) et le tribunal administratif. I. SAYN, op.cit., p .125. L’ancienne organisation du contentieux de la sécurité sociale française retoupait le contentieux de la sécurité social en deux grands contentieux de ressorts juridictionnels différents à savoir le contentieux général de la sécurité sociale soumis au Tribunal des affaires de sécurité sociale et le contentieux technique de l’incapacité soumis au Tribunal du contentieux de l’incapacité. 67 contentieux de la sécurité sociale devient plus que nécessaire dans la mesure où ce contentieux présente divers angles de spécialités. Plusieurs mécanismes aurait permis de mettre en place un système de sécurité sociale beaucoup plus extensif à l’endroit de toutes les couches socio professionnelles. En raisons de l’immense diversité de ces dernières avec de sources de revenus différentes, une reforme beaucoup plus adaptée du système de financement de chaque catégorie contribuerait encore plus à une sécurité sociale encore plus paritaire et meilleure. 68 CHAPITRE II. La réforme du système de financement « La question de l’égalité, et plus largement des normes de justice qui commandent la protection sociale, doit, au-delà des prestations qui sont délivrées, être envisagée du point de vue des contributions qui constituent les ressources du système »255. Pour ce faire, divers acteurs du monde de la sécurité sociale se sentent interpelés avec la mise en œuvre des moyens nécessaires qui permettront de lutter contre ces inégalités créées via les disproportions constatées dans le financement256 de la sécurité sociale. L’État257 à travers le législateur reste alors le premier acteur interpellé du fait de son rôle indéniable dans l’instauration de la justice et la paix sociale. À cet effet, une véritable loi de finance de la sécurité sociale, jusque-là encore méconnue du monde de la sécurité sociale togolaise devrait voir le jour avec la prise en compte des réalités juridiques et sociales de chaque régime de sécurité sociale ainsi que de celle de la catégorie 258 du salarié y affilié. L’objectif de ce chapitre est alors de montrer que cette réforme législative devrait introduire un système de rééquilibrage du financement de la sécurité sociale togolaise (section I) ainsi qu’une gestion efficace des ressources financières de la sécurité sociale togolaise (section II). Section I. Un rééquilibrage du financement de la sécurité sociale togolaise Le rééquilibrage du financement des branches et régimes de la sécurité sociale devrait beaucoup plus s’appesantir sur la capacité financière de chaque assuré. Le système togolais de la sécurité sociale étant essentiellement déclaratif, l’assiette des cotisations sociales est basée sur les salaires 259 déclarés sur lesquels seront appliqués les taux de cotisations. Cependant, la différence des couches socioprofessionnelles entrainant conséquemment une différence de salaire, tous les salariés ne peuvent pas participer à la même teneur surtout avec l’influence des 255. 256. 257. 258. 259. R. LAFORE, op.cit., p. 438. Idem. Idem, p. 435. OIT, Rapport de la 89ème session de la Conférence Internationale du Travail en 2001, Sécurité sociale questions, défis et perspectives, p. 11. Voir les art. 09 et 12 de la Loi n°2011-006 du 11 février 2011 portant code de sécurité sociale au Togo. 69 faibles salaires qui sont plus désavantageux. L’autorité publique devrait alors procéder au rétablissement de l’équilibre de participation aux assurances sociale par la mise en place d’un financement adapté à chaque régime de salarié (§ 1) ainsi que la diversification des ressources de la sécurité sociale (§ 2) § 1. La mise en place d’un financement adaptée à chaque régime de salarié Certaines catégories de travailleur 260 en raison de leur situation socioéconomique ne peuvent participer aux cotisations sociales au même degré que les travailleurs des autres couches socioprofessionnelles dont les salaires sont plus élevés. Un mécanisme d’exonération (A) ainsi que la mise en place de régimes complémentaires (B) contribueraient à un équilibre plus rationnel en raison de leur situation financière inadaptée au système en place. A. L’application des exonérations et réductions générales de cotisations sociales « Une seconde bataille a été perdue par les salariés, celle des exonérations. Les employeurs ont obtenu au nom de la défense de l’emploi, et de l’incitation à l’embauche de nombreuses exonérations de charges sociales »261. L’évolution du financement de la sécurité sociale est marquée, outre l’élargissement de l’assiette et la diversification des ressources, par une deuxième tendance lourde : la volonté de ne favoriser l’emploi et la croissance. Des prélèvements sociaux assis principalement sur le facteur travail étant supposés défavorables à l’emploi, les évolutions du financement de la sécurité sociale ont eu pour but de remodeler la structure des prélèvements sociaux pour les rendre économiquement plus efficaces, et plus favorables en termes d’activité et d’emploi. C’est le sens de la politique d’exonérations 262 de cotisations patronales de sécurité sociale. L’exonération à première vue est sensée être de portée générale sur toutes les cotisations sociales avec pour objectifs premiers de rendre le champ des cotisations spéciales plus 260. 261. 262. On peut citer les travailleurs qui ont de faibles revenus en particuliers ceux des PME et ceux du secteur informel sans oublier certains indépendants qui ont une situation économique très faible. R. CHARVIN, Droit de la protection sociale, Préface de Charles Bonifay, 2007, L’Harmattan, p. 93. F. DELCHEVALERIE, Transformation des mécanismes de financement de la sécurité sociale des travailleurs salariés : Quel impact sur le financement public et la gestion paritaire ?, mémoire de master droit de l’entreprise, Université Catholique de Louvain, 2015-2016, p. 35. 70 souples pour certains jeunes créateurs d’entreprises ainsi que des salariés à temps partiels263. Dans le droit togolais, il faut noter qu’en dépit de l’élargissement du champ de la couverture sociale à d’autre catégories de travailleurs, spécialement les travailleurs indépendants, l’ensemble des assurés n’aspirent pas tous et au même degré d’égalité de sécurité sociale selon la situation de chaque assuré, surtout de la situation financière. L’équilibre devrait s’opérer par un système de réduction ou d’exonération au bénéfice de certaines catégories de travailleurs dont les situations financières c'est-à-dire les revenus sont plus faibles ou encore inférieures à un certain plafond. « Les personnes affiliées au régime général en application de l’art. 380-1 sont exonérées de cotisations si leur revenu est inférieur au plafond de ressources précité ». 264 Le système judiciaire français est allé plus loin en y dénonçant une inégalité de traitement 265 . L’objet des exonérations seraient de ramener tous les assurés sociaux en fonction du revenu qu’il soit professionnel ou non professionnel, à un niveau équivalent au titre des cotisations de la sécurité sociale. La loi française portant création de la couverture maladie créait en son sein une inégalité de traitement entre les assurés en ce sens que pour deux assurés possédant un même revenu, la loi accorde des exonérations d’une catégorie donnée sans faire autant pour d’autres. Au Togo, l’autorité administrative est appelée à prendre des mesures d’exonération partielles ou totales selon le plafond de revenu de l’assuré ainsi que de celui de la CNSS. Lorsque nous prenons par exemple le cas des travailleurs indépendants comparativement aux travailleurs dépendants, il faut noter qu’il y’a une disparité, donc une inégalité des deux catégories de travailleurs dans la mesure où les deux sont taxés au même taux alors qu’aux niveaux du paiement, les charges sont partagées chez les salariés dépendants entres le salarié et son employeurs dont ce dernier participe pour la grande partie. L’indépendant ne bénéficie point de cet avantage dans la mesures où il est tenu de supporter la totalité des charges. IL est par conséquent justifié de leur faire bénéficier un régime d’exonération dans la limite des charges qui sont par nature réservées à 263. 264. 265. Idem J.J. DUPEYROUX, M. BORGETTO et R. LAFORE, op.cit., p. 460. C’est le cas par exemple de la décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999 du conseil constitutionnel français à la suite de la saisine dénonçant une inégalité de traitement entre les assurés sociaux 71 l’employeur. Dans le système français, la loi Fillon de 2003 a créé une réduction générale à des cotisations patronales qui devrait être appliqué à compter du 1 er juillet de la même année. En plus de l’application des régimes d’exonération, la mise en place d’un système complémentaire favoriserait une meilleure prise en charges des assurés dans la mesure où le régime général a été défaillant ou insatisfaisant. B. La mise en place des régimes complémentaires «La terminologie ne trompe pas qui, à propos du régime général, conduit aussi à parler du régime légal, ou obligatoire ou très significativement, de régime de base. L’observation du reste peut être faite pour tous les régimes de sécurité sociale. La couverture qu’ils mettent en œuvre, pour importante qu’elle soit, est presque toujours inferieur et parfois même très inférieure au montant réel et complet du risque et de la charge qu’il s’agit de garantir.»266 Les régimes complémentaires comme leur nom l’indique servent à compléter les insuffisances et les faiblesses du régime de base. Les régimes complémentaires vont à l’avantage des salariés du fait du renforcement de l’équilibre par l’insuffisance du régime de base. À titre d’exemple, le fonctionnaire statutaire de la fonction publique et celui contractuel se trouve dans une situation d’inégalité du dernier par rapport au premier en ce sens que la part employeur dans la fonction publique revient à 20% pour l’employeur public alors qu’il n’aurait bénéficié que de 17% uniquement s’il était aligné au régime de droit privé du travail donc de la caisse nationale de sécurité sociale. Or, les cotisations vieillesse au régime général ne peuvent pas dépasser un certain plafond dans la branche pension267 de la Sécurité sociale. Le taux de pension dans le privé s’élevant très faiblement, vous ne pourriez toucher à la retraite que d’une pension aussi faible. D’où la nécessité de la création des régimes de retraite complémentaire du privé qui devront être obligatoires à la charge des employeurs268. « Les bénéficiaires naturels de la protection sociale complémentaire 266. 267. 268. J. -P. LABORDE, op.cit., p. 159. Art. 16 al. 2 de la loi n° 2011-006 portant code de sécurité du Togo Voir la fiche pratique de la mise en place d’un régime de protection sociale complémentaire, disponible à l’adresse https://www.ag2rlamondiale.fr/files/live/sites/portail/files/pdf/Sante-Prevoyance/AG2R LAMONDIALEPrevoyance-Fiche-pratique-mise-en-place-regime-protection-sociale complementaire.pdf consulté le 10/12/2019. 72 sont les salariés. Mais le salarié n’est pas une île. D’une part, il faut lui souhaiter qu’il quitte un jour son statut de salarié pour bénéficier paisiblement des fruits de son épargne : le salarié est un futur retraité. Dans des circonstances moins heureuses, que le chômage ou la maladie ne l’ait pas épargné, le besoin de protection est tout aussi important. Et, d’autre part, parallèlement à sa carrière, le salarié construit sa vie de famille. Non seulement le salarié mais aussi l’ancien salarié et ses ayants droit accèdent à la protection sociale complémentaire.» 269 « La protection assurée par les régimes légaux de sécurité sociale et notamment par le régime général comporte des insuffisances qui résultent notamment de ce que dans le régime général, les revenus de remplacement destinés à se substituer à un revenu professionnel défaillant ne prennent ce dernier en considération que dans la limite d’un plafond».270 Dans le constat général, en moyenne 70% des dépenses de santé sont couvertes par le régime général, ce qui justifie cette insuffisance et le recours aux régimes complémentaires de couverture. La protection sociale complémentaire servirait non pas seulement de compléter le régime général mais de créer d’autres branches de prestations de prestation lorsque le régime légal n’en prévoit point. Tout comme le régime général, le régime complémentaire est doté d’une large couverture de risques au-devant desquels le risque vieillesse. Cette dernière se subdivise en retraites complémentaires et retraites supplémentaires à la seule différence que la première catégorie peut relever du régime général et obligatoire alors que la seconde est facultative et fonctionne toujours selon le principe par capitalisation. Toutefois les deux systèmes de retraite gardent leur point commun essentiel qui est le complément de la couverture du régime légal des assurés. Les régimes complémentaires trouvent leur justification aussi dans la mesure où un plafond de sécurité social est exigé par le regimbe général. « Autant dire que, pour le personnel d’encadrement peut avoir été très supérieur et même pour beaucoup d’autres salariés, la pension de retraite du régime de base n’est pas suffisante pour garantir un niveau de vie comparable au moins au niveau de vie antérieur. On comprend dans ces conditions qu’un régime de retraite 269. 270. V. ROULET, op.cit., p. 13. J.J. DUPEYROUX, M. BORGETTO et R. LAFORE, op.cit., p. 1025. 73 complémentaire pour les cadres ait été institué par une convention collective nationale de retraites et de prévoyance des cadres…» 271 Les régimes complémentaires jusqu’ici méconnu de la pratique togolaise servirait à relever le défis de l’inégalité et de l’insuffisance constatée au niveau du régime général commun à tous les salaries. Il faut aussi préciser qu’en dehors des retraites, les régimes complémentaires peuvent aussi intervenir dans le cadre des autres risques naturels tels que la maladie, la maternité, l’accident, l’invalidité et le décès. On se situerait dans ce cas beaucoup plus du côté des prévoyances complémentaires qui sont de diverses natures. En somme, l’instauration des exonérations des charges sociales et l’institution des régimes complémentaires de protection sociale au profit de certaines catégories de travailleurs contribuent à améliorer la stabilité financière en matière de sécurité sociales de cette catégorie de travailleurs. Toutefois, l’État devrait au même moment penser à un système efficace de compensation financière. § 2. La diversification des ressources de la sécurité sociale L’évolution de nouvelles dépenses liées à la sécurité sociale des travailleurs, rend pratiquement insuffisantes les recettes assises uniquement sur les salaires et les revenus d’activité 272 . Des mesures appropriées peuvent être mis en place pour faciliter cette compensation. Parmi ces mesures, la fiscalisation des recettes de la sécurité sociale (A), ainsi que les subventions publiques (B) sont importantes dans le cadre de la présente étude. A. La fiscalisation des recettes de la sécurité sociale L’analyse du système de financement de la sécurité sociale togolaise, plus précisément des assurances sociales, révèle la faiblesse ou encore l’insuffisance des cotisations sociales pour faire face à différentes prestations. «Les travailleurs et les citoyens ne disposent cependant pas tous de revenus stables permettant de cotiser aux régimes de sécurité sociale. Dans ce contexte, le financement par l’impôt de 271. 272. J. -P. LABORDE, op.cit., p. 160. A. DUTHILLEUL, op.cit., p. 20. 74 l’extension de la couverture peut constituer une solution » 273 . Face à cette insuffisance 274 des ressources disponibles, l’État peut prendre des mesures alternatives afin d’avoir les ressources nécessaires pour faire face à certains risques de la sécurité sociale. « Les difficultés financières traversées par le régime général ont imposé, par-delà les cotisations salariales qui supportent la tension entre les objectifs de maintien de l’emploi et les nécessités de maintien du système, de trouver d’autres ressources.» 275 C’est ainsi que la fiscalisation de certaines ressources s’avère indispensable. Le financement fiscal de la sécurité sociale constitue une part importante des ressources de la sécurité sociale. Les impôts et taxes affectés sont des ressources qui peuvent être affectées au financement des prestations sociales ainsi que certaines dépenses spécifiques liées à la sécurité sociale. « La fiscalisation de la protection sociale désigne le passage de la cotisation sociale à l’impôt pour alimenter les caisses de la sécurité sociale, avec l’espoir de faire diminuer corollairement le chômage. Quel impôt utiliser pour remplir cet objectif ? Ici débute la quête frénétique de l’assiette miraculeuse du nouvel impôt se substituant aux cotisations sociales » 276 . Le système de financement de la sécurité sociale par la fiscalisation contribue non seulement à garantir la disponibilité suffisante des ressources, mais aussi à la réduction du chômage et du cout du travail. « …En ne touchant que la masse salariale, le financement de la protection sociale pèse fortement sur le coût du travail. Le travail est surtaxé, ce qui contribue à maintenir le chômage à un niveau élevé. Pour faire baisser le chômage, il faut réduire le coût du travail en allégeant les prélèvements qui pèsent sur les salaires…La fiscalisation de la protection sociale désigne le passage de la cotisation sociale à l’impôt pour alimenter les caisses de la sécurité sociale, avec l’espoir de faire diminuer corollairement le chômage.» 277 Ce fut 273. 274. 275. 276. 277. Voir le rapport de l’AISS, « 10 défis mondiaux pour la sécurité sociale », p. 06. Le Togo a éprouvé une détérioration des conditions de vie au cours de la dernière décennie, le PIB réel par habitant étant actuellement 25 pour cent inférieur à ce qu’il était en 1980. Le gouvernement a recueilli environ 15 pour cent uniquement du PIB en recettes publiques et seulement 0,4 pour cent environ du budget est consacré à la protection sociale. J.J. DUPEYROUX, M. BORGETTO et R. LAFORE, op.cit., pp. 850-851. M. NAVARRO et G. ZUCMAN, « Quel avenir pour le financement de la protection sociale ? » in « regards croisés sur l’économie » 2007 / 1 (n°01) 159. Idem. 75 l’exemple français avec la mise en place en 1991 par le gouvernement de Michel Rocard par la loi du 29 décembre 1990, de la CSG qui est prélevée à la source sur la plupart des revenus. Son assiette inclut les revenus d’activité, les revenus du patrimoine et de placement, et les revenus de remplacement et Il est destiné au financement d’une partie des dépenses de sécurité sociale. La fiscalisation pourrait ainsi alléger la tâche des contributions sociales aux employeurs et employés avec une sécurité sociale à plusieurs dimensions. Néanmoins la fiscalisation à elle seule ne suffirait point à la compensation complète. Qu’en est – il des autres procédés ? B. Les autres mécanismes de compensation financière Plusieurs mécanismes peuvent intervenir dans la compensation du déficit financier entrainé par l’insuffisance des ressources des cotisations sociales. En dehors de la fiscalisation envisagée précédemment, ils sont diverses et se retrouvent en diverses formes également. Parmi celles-ci, il peut être envisagé les subventions publiques278 spécialement pour certains régimes, les intégrations financières, ainsi que les compensations bilatérales et démographiques. Elles sont basées sur la solidarité financière des différents régimes existant. L’intégration financière de façon générale apparait comme le groupement ou l’assemblement en un tous des comptes financiers. Certains régimes d’assurances en fonction de leur déficit financier peuvent se voir donc intégrés à d’autres régimes ou au régime général. « Le régime général reprend dans ses comptes les soldes des régimes des étudiants en maladies (mais le déficit est partagé entre l’ensemble des régimes maladie), des salariés agricole en vieillesse et maladie, des mineurs pour les accidents de travail, des ministres des cultes en maladie et retraite, des militaires en maladie.» 279 La technique de compensations bilatérales intervient en signe de solidarité entre deux régimes le plus souvent dans le cadre des prestations en nature. « Le principe est le suivant : on applique à ces régimes les règles relatives aux cotisations et prestation du régime général. Si cette transposition fait apparaitre un déficit, le régime général compense. Et inversement.» 278. 279. 280. 280 La compensation F. DELCHEVALERIE, op.cit., p. 37. J.J. DUPEYROUX, M. BORGETTO et R. LAFORE, op.cit., p. 299. Idem, p. 300. 76 démographique généralisée281 se distingue de l’intégration financière car elle n’a pas pour objet de pouvoir financer le solde d’un régime mais de lui apporter une aide pour pouvoir compenser le déséquilibre démographique. Elle ne concerne que les régimes ayant plus de 20000 actifs cotisants et retraités selon la législation française. «Elle porte d’un côté, sur les charges de l’assurance maladie et maternité au titre des prestations en natures et, de l’autre, sur l’assurance vieillesse au titre des droits propres… Entre les régimes des salariés, elle cherche à remédier, non seulement aux inégalités démographiques, mais aussi au disparités des capacités contributives.»282 En sommes, le rétablissement de l’équilibre rationnel dans le financement de la sécurité social est un rôle beaucoup plus dévoué à l’État qui doit mettre en place un plan de financement adapté à chaque régime, tout en mettant en place un système efficace de compensation du déficit financier qui pourrait y résulter. Les ressources nécessaires de la sécurité sociale une fois disponible, un dispositif efficace serait important en vue de leur bonne gestion pour des prestations paritaires et égalitaires à chaque assuré. Section II. Une gestion efficace des ressources financières de la sécurité sociale L’efficacité de la gestion des ressources financières de la CNSS est d’autant plus important qu’elle contribue à une meilleure garantie et conservation financière des prestations des salariés. Le régime général de la sécurité sociale obéissant au principe d’autonomie financière des branches, des règles de gestion financières mises en place doivent être adapté pour une meilleure efficacité de gestion. Le point central de l’organisation des ressources financières de la sécurité sociale se situe au plan économique et juridique. Sur le plan économique, les ressources financières doivent faire l’objet d’une gestion saine témoignée par une trésorerie adéquate bien structurée. Au plan juridique, les règles d’art de recouvrement de la cotisation sociale devraient être revues afin de pallier les difficultés relatives au recouvrement effectif des cotisations sociales. La disponibilité des ressources suffisantes permet 281. 282. La compensation démographique généralisée est issue de la loi française portant code de sécurité sociale en son art. L. et D. 134-1 et s. J.J. DUPEYROUX, M. BORGETTO et R. LAFORE, op.cit., p. 300. 77 ainsi une meilleure garantie des prestations sociales de toutes les couches socioprofessionnelles dans les bonnes normes d’équité sans aucune exclusion. C’est pourquoi, cette étude sectionnaire aura pour objectif de décrire les mécanismes de réorganisation des services de recouvrement des cotisations sociales (§ 1) avant de revenir sur la gestion appropriée de la trésorerie du régime général (§ 2). § 1. L’assainissement du système de recouvrement des cotisations sociales « Dans les organismes de Sécurité sociale qui fonctionnent selon les principes de l’assurance sociale bismarckienne, le recouvrement des cotisations sociales constitue une activité des plus névralgiques, si ce n’est la première. En effet, les cotisations sociales sont la principale ressource financière de ce type d’organismes. C’est donc essentiellement sur lesdites cotisations que reposent les dépenses techniques de paiement des prestations sociales, raison d’être de ces organismes »283. Au Togo, l’analyse de plusieurs études révèle une inefficacité du système de recouvrement qui doit être réorganisé (A) avec un mécanisme de contrôle efficient (B) A. La réorganisation efficace des modalités de recouvrement Les ressources de la sécurité sociales proviennent dans leur quasi totalités des cotisations sociales des différents assurés. Il est bien évident que les employeurs et les entités déclarées à la CNSS sont par conséquent débiteurs des cotisations sociales à la caisse, mais la grande difficulté est toujours éprouvée dans les mécanismes de recouvrement des dites cotisations. L’on ne saura faire face à ces difficultés, que par l’assainissement des organes en charges du recouvrement, ainsi que de leur modalité de recouvrement. Donc, le recouvrement de ces cotisations constitue une fonction importante284 pour la bonne marche des régimes gérés par la CNSS. L’organisation de la CNSS du Togo confie la mission de recouvrement des cotisations sociales au « département des recouvrement et d’immatriculation ». En 283. 284. B.A. NKOUROU, « La Pratique du recouvrement des cotisations sociales dans les organismes de Sécurité sociale de type bismarckien : l’exemple de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale du Cameroun », Edilivre, p. 01. P. NSHIMIRIMANA , problématique du recouvrement des cotisations sociales dans un organisme de sécurité sociale : cas de l’INSS du Burundi, Rapport De Stage EN3S – 14ème promotion des cadres supérieurs CIFOCSS-IM2, effectué à l’URSSAF, p. 08. 78 effet, la persistance des difficultés relatives au recouvrement des cotisations sociales témoigne de l’inefficacité de ce département dans sa mission, d’où la nécessité de la mise en place d’un système et d’un organisme spécialisé. Le recouvrement des cotisations sociales est un ensemble de procédures juridiques qui doit conduire à un versement effectif des cotisations sociales ; «le processus de recouvrement des cotisations sociales présente des faiblesses significatives dans toute la chaîne des opérations, dont le fonctionnement s'avère alors particulièrement difficile à optimiser.»285 Les organismes rencontrent des difficultés286 sérieuses pour maîtriser les effectifs des employeurs et des travailleurs devant être affiliés au régime de sécurité sociale. Cette situation est liée particulièrement aux dysfonctionnements existant dans les procédures d’immatriculation et d’identification des employeurs et des salariés. Le processus de recouvrement étant plus processuel et juridique, un organe adapté et spécialisé dans le service de recouvrement est mieux adaptée pour une telle mission en toute fiabilité. « …Il y a lieu de souligner que la détermination des majorations de retard et des pénalités ainsi que l’émission des taxations d'office et des relances des employeurs débiteurs ne sont pas généralement systématisées. De même elles ne sont pas systématiquement appliquées, ce qui ne préserve pas les créances des Caisses, qui renoncent ainsi implicitement à la mise en œuvre effective de leur action en recouvrement forcé. Les circuits d’encaissement des titres de paiement sont souvent longs et ne garantissent pas leur remise rapide en banque.»287 L’avènement du système de « télépaiement » 288 et de « télé déclaration », nécessite ainsi un système adéquat, efficace et automatique de gestion des transactions bancaires des employeurs dans le cadre du paiement des cotisations sociales. Les comptes cotisants éprouvent le plus souvent des problèmes de fiabilité 285. 286. 287. 288. S. GARANKE, Le recouvrement des cotisations de sécurité sociale en Afrique francophone : La gestion du recouvrement dans les organismes de prévoyance sociale des États membres de la CIPRES, Rapport du Colloque des directeurs d'institutions de sécurité sociale des pays francophones d'Afrique, P .12. Idem. Idem. L’avènement de l’évolution de la technologie et de l’information facilite désormais la déclaration à la CNSS des salariés en ligne par le système de « télé déclaration », ainsi que le payement des cotisations sociales. 79 de sources diverses. La fiabilisation des procédures d’immatriculation des assujettis et le renforcement des actions de recherche et de détection des employeurs indélicats sont indispensables. Dans cette perceptive, en plus de l’exploitation minutieuse des informations disponibles au niveau de l’organisme telles que celles figurant sur les déclarations ou les demandes produites, la collaboration et les échanges d’informations avec les institutions comme les Chambres de commerce, les Services des impôts, d’électricité, etc., constituent des sources appréciables pour détecter les entreprises qui ne se sont pas immatriculées. Comme le souligne le BIT289, « il est possible, en combinant le recouvrement des cotisations sociales avec celui des impôts, d’améliorer le respect des obligations et de tirer un meilleur rendement des ressources. […] Dans trois des cinq pays (Hongrie, Croatie et Slovénie), le fisc290 a la charge du recouvrement des cotisations ». L’efficacité du recouvrement repose non seulement sur la maîtrise des effectifs, mais également sur un traitement exhaustif et systématique des informations financières les concernant et sur une bonne gestion de leurs comptes auxiliaires. Cette efficacité est d’autant plus nécessaire avec l’implication de l’administration fiscale 291 dans le recouvrement comme le souligne Stan ROSS292 qu’ « en principe, l’intégration des activités de recouvrement fonctionnera le mieux là où l’organisme d’assurance sociale et le fisc auront été tous les deux modernisés : de la sorte, le processus d’intégration peut se concentrer étroitement sur le transfert des fonctions de recouvrement ». Le recouvrement et la bonne gestion des ressources de cotisations sociales requièrent toujours un contrôle rigoureux des différents partenaires sociaux. 289. 290. 291. 292. E. FULTZ et T. STANOVNIK, Le recouvrement des cotisations d’assurance pension : tendances, questions et problèmes en Europe centrale et orientale, 1ère éd., Budapest, 2005, pp. 35-36. Ensemble des services chargés d’établir et de percevoir les impôts. A. A. CADETE TCHINTCHIN, La gestion du contentieux du recouvrement des cotisations sociales, Rapport de stage, Cycle des Cadres Supérieurs de Sécurité Sociale 14ème promotion : 20122013, p. 10. S. ROSS, Le recouvrement des cotisations sociales : pratiques et problèmes actuels, rapport de la conférence internationale de l’Association Internationale de Sécurité Sociale (AISS) sur « Les changements dans la structure et l’organisation de l’administration de la Sécurité sociale », Cracovie, 3-4 juin 2004. 80 B. Le renforcement du contrôle technique des recouvrements La caisse nationale de sécurité sociale assure le contrôle des employeurs et des salariés dans le cadre de l’application des dispositions relatives au code de sécurité sociale par les inspecteurs et contrôleurs de la caisse ainsi que ceux du travail. Fonctionnant sous le régime déclaratif, la caisse doit en retour se doter d’un véritable dispositif de contrôle des employeurs dans le cadre des déclarations de salaires effectifs qui constituent la base de contrôle des cotisations sociales. À cet effet le droit togolais relève donc que « Le contrôle de l‘application par les employeurs des dispositions de la présente loi est assuré par les inspecteurs et contrôleurs de la Caisse et par les inspecteurs et contrôleurs du travail et des lois sociales » 293 Toutefois, l’analyse de cette disposition relève l’aspect général du contrôle dont il est question. Même si ce pouvoir de contrôle concerne toutes les dispositions du code de sécurité sociale, il n’en demeure pas inutile de renforcer ce contrôle de façon technique au niveau du service de recouvrement des créances sociales. Ce dispositif de contrôle tel que vécu dans la pratique est quelques peut défaillant à la solde des contrôleurs et inspecteurs qui font des descentes rares dans les lieux de contrôle. Cette défaillance laisse ainsi une liberté aux employeurs et chefs d’entreprises qui se donnent à des fausses déclarations voire qui ne le font même pas. Cette situation nécessite un renforcement avec des services et organes bien spécialisés dans le domaine de recouvrement. À cet effet, il doit être envisagé deux types de contrôle à savoir le contrôle à la pièce et celui sur place 294 . Le contrôle à la pièce permettra donc de vérifier par les pièces justificatives de l’immatriculation, alors que celui à la carte permettra de s’assurer de l’immatriculation effective des salariés dans les lieux de travail 295. L’absence d’une unité spécialisée de recouvrement comme l’URSSAF dans le système français constitue un handicap dans la mesure où une telle organisation pourrait constituer un grand dispositif de contrôle efficace des employeurs. La mise en place d’un 293. 294. 295. Voir l’art. 92 de la loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale du Togo. P. NSHIMIRIMANA, op.cit., p. 13. Idem. 81 organisme spéciale de recouvrement296aurait de facto permis la spécialisation des « inspecteurs de recouvrement » 297 avec un pouvoir de contrôle spécial sur les employeurs et entreprises en ce qui concerne le versement des cotisations sociales. Le droit togolais est d’ailleurs beaucoup plus restreint dans le contrôle des inspecteurs et contrôleurs en ne leur laissant pas le droit de dresser les mises en demeure et les procès-verbaux. Le pouvoir ne se limite juste qu’au rapport de contrôle dressé au directeur général de la caisse et à l’inspecteur de contrôle298. Ce dispositif législatif laisse présager un rôle moins actif réservé aux contrôleurs. § 2. L’optimisation de la trésorerie du régime général Le système d’optimisation des ressources du régime général de la CNSS sera effectué par le renforcement de la gestion de la trésorerie du régime général (A), avec le renforcement du contrôle de la tenue des comptes (B). A. Le renforcement de la gestion de la trésorerie du régime général Afin de s’assurer de la fiabilité et de la disponibilité des ressources de la Caisse, il est nécessaire de mettre en place au niveau national un compte unique de disponibilité de ressources. L’objet principal du compte serait alors l’enregistrement en recette, les cotisations et autres contributions et, en dépense les prestations réglées par l’organisme299. Il doit alors mesurer le flux de variation de la trésorerie des ressources, et ses subdivisions ouvertes au siège ne doivent être débitrices300. Étant donné que les ressources internes au régime général ne suffissent pas pour couvrir l’ensemble des prestations, ce qui justifie des prestations insuffisantes pour certaines branches, diverses solutions classiques s’offrent pour cette compensation déficitaire à travers une bonne gestion optimale de la trésorerie. Les prêts au compte de disponibilité restent la solution possible pour ces branches déficitaires. La législation togolaise autorise les différents branches à effectuer des réserves et avec 296. 297. 298. 299. 300. C’est l’exemple en France avec l’URSSAF qui est un organisme privé en charge de la mission de service public de recouvrer les cotisations sociales et allocations familiales. L’inspecteur de recouvrement est conçu en France afin d’examiner l’entreprise par rapport aux déclarations effectuées avec la mobilisation des compétences juridiques, comptables et informatiques. Voir l’art. 92 de la loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale du Togo. J.J. DUPEYROUX, M. BORGETTO, et R. LAFORE, op.cit., p. 795. Idem. 82 des revenus des différents taux de placement des ressources disponible par branche en ses termes « les fonds de réserves de chaque branche, leurs placements respectifs ainsi que le produit de ces placements seront comptabilises séparément. Les placements sont effectués à moyen ou long terme et selon le plan financier établi par le conseil d'administration de la Caisse. Ce plan doit viser, en premier lieu, leur sécurité réelle. Il doit viser, en outre, à obtenir un rendement dans leur placement »301 Les revenus des taux de placement devront être reversés au compte unique de disponibilité pour la prise en charges des prestations plus nécessiteuses dans les branches se sentant au besoin. Le modèle français en est une illustration avec l’ACOSS302 qui est un établissement public administratif chargé d’assurer la gestion commune de la trésorerie des quatre branches du régime général 303 . « L’ACOSS centralise les cotisations, impositions et recettes diverses affectées aux différentes branches du régime général, et leur met à disposition les fonds nécessaires au versement de leurs prestations.»304 Le compte unique contribue alors à l’apurement des déficits cumulés par toutes les branches. La loi française du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale créait à cet effet le fonds de solidarité vieillesse dont une des missions était de rembourser à l’État pendant 15 ans la somme nécessaire à l’apurement d’une dette du régime général. 305 Les réserves et les revenus de placement de chaque branche doivent faire l’objet d’un reversement au compte unique de gestion de trésorerie du régime général306. La répartition pourra être faite de façon rationnelle en fonction du besoin exprimé par les branches. Les ressources seront ainsi disponibles à long terme et chaque assuré pourra prétendre à la prise en charge total du risque survenu dans le cadre de son travail ou encore de maladie non professionnel. Après le renforcement du système de gestion de la trésorerie du 301. 302. 303. 304. 305. 306. Art 24 de la loi n°2011-006 portant code de sécurité sociale du Togo. L’agence Centrale des organismes de sécurité Sociale est une institution du système de sécurité sociale français qui collette en collaboration avec l’URSSAF les contributions et cotisations sociales qui financent les quatre branches du régime général. Voir l’art. L. 225-1 du code de la sécurité sociale français. N. ABECERA et P.-Y. BOCQUET, La gestion de trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, p. 97. J.J. DUPEYROUX, M. BORGETTO et R. LAFORE, op.cit., p. 796. Idem. 83 régime général, il devrait être rendu efficace et crédible par la tenue des comptes régulière et contrôlée. B. Le renforcement du contrôle de la tenue des comptes Au regard des enjeux que représentent les actifs financiers dans un organisme de sécurité sociale, l’optimisation et l’assurance de leur gestion est une nécessité impérieuse qui doit avant tout assurer la disponibilité nécessaire. «La gestion saine et rigoureuse des cotisations conditionne et amplifie la confiance des partenaires sociaux et des employeurs et les incite au respect de leurs engagements. De même, le suivi méthodique des comptes individuels assurés sert le bon droit au juste bénéficiaire et sauvegarde par ricochet l’intégrité des ressources des Caisses.»307 Cela devrait passer par un contrôle de gestion de tous les mouvements comptables sur les différentes ressources de la caisse. En vue de faciliter un contrôle et d’en assurer son efficacité, il devrait être effectuée à chaque branche de prestation, une tenue régulière des comptes. Le plan comptable unique appliqué permet une meilleure consolidation des comptes et d’obtenir des résultats comptables à comparer aux objectifs de dépenses fixées 308 . Les institutions spécialisées de contrôle des comptes telles que « les commissions des comptes » 309 Les agents comptables de la caisse nationale transmettent les comptes annuels et infra annuels aux organismes de contrôle 310 pour approbation ou improbation. Ces comptes doivent donc être régulières, sincères et donner une image fidèle du patrimoine et de la situation financière des branches et régimes, condition indispensable pour être mis en état d’être certifié.311 Toutes les opérations, de toute nature, effectuées par les trésoriers ou tout autre agent doivent être mesurées, dirigées, contrôlées et supervisées de façon à permettre à l’Agent Comptable de réaliser ses 307. 308. 309. 310. 311. I. AWADE, déclaration tenue lors de l’ouverture du séminaire de la CIPRES à Lomé en février 2018, disponible à l’adresse https://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Social/Prevoyant-etgestionnaire consulté le 14/02/2020. Idem, p. 794. Institution française d’analyse et de vérification des comptes de sécurité sociale. Elle est chargée de les analyser et de faire des prévisions pour les années en cours et suivantes. Elle est présidée par le ministre chargé de la sécurité sociale et pourvue d’un secrétaire général permanent nommé par le premier président de la cour des comptes. J.J. DUPEYROUX, M. BORGETTO et R. LAFORE, op.cit., p. 794. Idem, P. 795. 84 objectifs. « C’est un contrôle effectué aux différents niveaux de responsabilité (responsable du département, Fondé de pouvoir, Agent Comptable). Il a pour objectif de réduire au maximum les erreurs et autres risques.»312 En dehors du contrôle interne par les organismes de la sécurité sociale, le contrôle juridictionnel à travers la cour des comptes viendrait juger de la régularité des comptes établis par les comptables des entreprises et établissements publics313. «Le rôle de la Cour des comptes sur les comptes et la gestion des organismes de Sécurité sociale s’est progressivement accru depuis 1949. La cour a renforcé sa mission de contrôle, elle a participé à la mise en place de la réforme comptable desdits organismes, au milieu des années 1990.»314La réalité togolaise marquée par la non effectivité de la cour des comptes affecte le contrôle efficace des ressources de la sécurité sociale au niveau national car elle est « une institution supérieure de contrôle financier de l’État, de ses établissements et de ses entreprises publics, et des organismes de Sécurité sociale. » 315 En effet, la certification des comptes nécessite que les organismes de sécurité sociale pratiquent une comptabilité d’exercice, c’est-à-dire que les normes comptables soient harmonisées et consolidées.316 Ainsi, l’assurance d’une gestion saine et efficace des ressources par cette mission de contrôle, favoriserait une abondance de ressources ainsi que des mesures de prestation dans la justice et l’équité entre les différents travailleurs ayant cotisé. 312. 313. 314. 315. 316. Y. ADIGBO, Gestion des actifs financiers dans les organismes de sécurité sociale, rapport de stage, p. 13. Voir art. 107 de la constitution togolaise. L. HERVIER, « le rôle des organismes de contrôle en matière d'évaluation 1949-2007 : l'exemple de la cour des comptes », in « Informations sociales », 2008/6 n° 150, p. 46. Idem. Idem. 85 CONCLUSION 86 Les règles d’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés reposent sur des principes et volontés qui résultent directement de la volonté du législateur317. Le législateur dans sa tâche de rédaction de la loi est donc appelé à le faire en considération des principes consacrés au nom de la sécurité sociale. Au nom de ces principes, un principe important reste déterminant dans le cadre de la législation sociale. « Il importe de souligner, une fois de plus, les inégalités considérables qui peuvent exister dans le cadre d'un système, en apparence égalitaire, mais dont le pouvoir de redistribution n'est pas contrôlé avec précision »318. De sa naissance en droit du travail à travers la maxime générale « à travail égal, salaire égal », l’égalité de traitement se devrait alors de façon logique, être étendue au domaine du droit de la sécurité sociale, chose qui est fait d’ailleurs, sauf qu’il faudra noter que « le visage » de cette égalité n’est plus le même dans les deux grands domaines du droit social. Cette égalité dans le traitement des assurés de la sécurité sociale, est tant appréciée sur le plan national qu’international 319 . L’égalité au sens large suppose l’effacement de toute discrimination320 quelle que soit l’origine. Si l’égalité en droit du travail doit tenir compte de la situation des travailleurs les uns par rapport aux autres, il faut dire que celle appliquée au droit de la sécurité sociale reste étendue et tient compte non seulement de la situation des travailleurs, mais aussi de la nature du risque auquel ils sont exposés. La couverture des risques sociaux étant l’objet essentiel du droit de la sécurité sociale, elle devrait beaucoup plus reposer sur « une solidarité »321 traduite par la « mutualisation des risques ». La présente étude sur le cas du droit de la sécurité sociale togolaise s’est bornée à l’analyse du cadre juridique de la sécurité sociale togolaise. Cette analyse contre toute attente, révèle une situation de déséquilibre social liée à plusieurs raisons, dont la principale reste le facteur contributif des prestations sociales mise en place par le régime unique. En dehors de ce facteur, notons l’inadéquation ou mieux encore l’insuffisance des textes actuels qui ne favorise pas 317. 318. 319. 320. 321. J. F. NEVEN et S. GILSON, op.cit., p. 07. J.-P. BENZÉCRI, op.cit., p. 146. Voir la convention N° 118 de l’OIT sur l’égalité de traitement en droit de la sécurité sociale adoptée le 28 juin 1962 et entrée en vigueur le 25 avril 1964. J.P. CHAUCHARD, J.Y. KERBOURC’H et C. WILLMANN, op.cit., p. 591. J.P. LABORDE, op.cit., p. 09. 87 une meilleure prise en charge surtout dans le cadre de la santé des travailleurs togolais. Le législateur aurait été défaillant dans sa mission de régulation de justice sociale en ce sens que plusieurs dispositions nécessaires à la protection sociale du salarié dans l’entreprise sont passées sous silence de la loi. L’égalité en droit de la sécurité sociale sera donc un facteur combiné entre la solidarité 322 et l’assurance qui sont les deux grands modèles de la sécurité sociale. L’avènement d’un régime mixte323 génèrerait plus de ressources du fait de la participation financière de l’État en dehors des cotisations sociales de toute nature. Toutefois, la responsabilité de cette inégalité ou encore de ce déséquilibre reste tout de même partagée entre les différents acteurs du monde de la sécurité sociale des travailleurs ainsi que les travailleurs eux-mêmes. D’abord, l’étude de la situation pratique des travailleurs de l’entreprise au regard de leur sécurité sociale a permis de se rendre compte du faible taux d’affiliation de ces derniers aux organismes de la sécurité sociale notamment la CNSS. La situation économique étant parfois faible et défavorable, les employeurs choisissent de se passer de cette obligation légale. Dans le cadre institutionnel, il faut avouer que les institutions togolaises ne sont pas encore adaptées à la prise en charge parfaite des entreprises. En effet dans le domaine de la santé, aucun régime obligatoire d’assurance maladie hormis les prestations médicales liées aux accidents de travail et maladies professionnelles gérés par la CNSS, 324 L’INAM, quand bien même existe au titre de l’assurance maladie obligatoire, ne profite qu’aux seuls travailleurs soumis au statut général de la fonction publique. L’effort de généralisation devrait être mené dans le domaine de l’assurance maladie de l’INAM, afin que celle-ci profite aux salariés privés. La CNSS est donc appelée à mettre en place un système efficace de contrôle sur les employeurs pour deux objectifs précis : leur propre immatriculation et ensuite celle de leurs employés aux organismes de sécurité sociale. Dans la législation togolaise, bien que ce système de contrôle ait été prévu, il faut tout de même relever qu’il est inefficace et mérite un certain renforcement 322. 323. 324. F. DELCHEVALERIE, op.cit., p. 31. Reference faite au régime mixte de sécurité sociale français qui inclut dans le financement la participation de l’État par l’impôt et les subventions publiques. P. AUFFRET, op.cit., p. 32. 88 technique. Tous les salariés des entreprises quelques soient leurs situations juridiques et financière préservent ce droit précieux de la protection sociale liée au travail. Qu’on soit lié à l’entreprise par un CDD ou un CDI, le droit aux prestations sociales doit y demeurer indifférent. Ce qui prévaut c’est la considération du risque et les mécanismes de sa prévention, au pire des situations, sa réparation complète au cas où il survenait. Toutefois, afin d’optimiser cette protection, le système togolais mérite une révision du système de financement325 en considération de la situation juridique et économique du travailleur qui y cotise. En raison de leur vulnérabilité économique due à l’insuffisance des salaires parfois en dessous du SMIG326 en vigueur, certains ouvriers sont privés de certaines prestations sociales telles que la réparation des risques professionnels. Les mesures d’exonération ont leur raison d’être et spécialement dans le cas togolais elles doivent viser les personnes de bas revenus327, par des réductions générales de cotisations et les aides à l’embauche ciblées sur des catégories de population ou d’entreprises328. Toutefois, le déficit engendré devrait être compensé par plusieurs mécanismes offerts au système dont le plus usuel passe par la fiscalisation afin d’optimiser les ressources nécessaires. En tout état de chose, l’on devrait avoir à l’esprit que la lutte contre les inégalités en droit social surtout en droit de la sécurité sociale sera toujours une lutte sans cesse dans la mesure où l’égalité recherchée se trouve sous divers angle variables l’un par rapport à l’autre. Elle n’est point une égalité mathématique en raison des situations différentes des travailleurs assurés pour un même régime juridique de sécurité sociale. Les inégalités constatées se retrouvent sous diverses facettes dont celle du genre. L’égalité parfaite se traduirait par le traitement de chaque travailleur par un régime raisonnable et relatif à sa situation de travail et de risque social. 325. 326. 327. 328. Cette révision devrait également tenir compte des mesures d’exonérations ainsi que des subventions publiques à l’endroit de certaines couches socioprofessionnelles défavorisées. La loi Togolaise du travail fixe le SMIG à 35000 FCFA. Cette mesure d’exonération est beaucoup plus envisagée pour les travailleurs indépendants qui supportent la totalité des charges sociales en tant que employeurs et salariés. J.J. DUPEYROUX, M. BORGETTO et R. LAFORE, op.cit., p. 824. 89 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES I- 1. 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DUTHILLEUL (Anne), Le financement de la protection sociale, avis et rapports du conseil économique et social, 112 p. 5. FLAWONOU (Yaovi Marc), Droit de la sécurité sociale, Support du cours dispensé à la Faculté de Droit et des Sciences Politiques de l’Université de Kara, 65 p. 6. GARANKE (Seyni), Le recouvrement des cotisations de sécurité sociale en Afrique francophone : La gestion du recouvrement dans les organismes de 94 prévoyance sociale des États membres de la CIPRES, Rapport du Colloque des directeurs d'institutions de sécurité sociale des pays francophones d'Afrique, 12 p. 7. NSHIMIRIMANA (Pierre), problématique du recouvrement des cotisations sociales dans un organisme de sécurité sociale : cas de l’INSS du Burundi, Rapport De Stage EN3S – 14ème promotion des cadres supérieurs CIFOCSSIM2, effectué à l’URSSAF, 29 p. 8. OIT, Rapport de la 89ème session de la Conférence Internationale du Travail en 2001, Sécurité sociale questions, défis et perspectives, 87 p. 9. ROSS (Stanford), Le recouvrement des cotisations sociales : pratiques et problèmes actuels, Rapport de la conférence internationale de l’Association Internationale de Sécurité Sociale (AISS) sur « Les changements dans la structure et l’organisation de l’administration de la Sécurité sociale », Cracovie, 3-4 juin2004, 19 p. VII- TEXTES JURIDIQUES OFFICIELS. 1. Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948. 2. Convention n°118 de l’OIT du 28 juin 1962 sur l’égalité de traitement en droit de la sécurité sociale. 3. Loi n°2011-006 du 11 février 2011 portant code de sécurité sociale au Togo. 4. Loi n°2006-010 du 13 décembre 2006 portant code du travail au Togo. 5. Loi N° 98-019 du 21 mars 2003 portant code de sécurité sociale au Bénin. 6. Loi n° 2011-003 du 18 février 2011 portant création de l’INAM au Togo. 7. Loi n° 2014-131 du 24 mars 2014 instituant la couverture maladie universelle en Côte d’ivoire. 8. Décret n°70-1277 du 23 décembre 1970 portant création de l’Institut de Retraite Complémentaire des Agents Non titulaires de l’État et des Collectivités publiques en France. 9. Décret N°74-184/PR du 20 décembre, de la Caisse de Retraite Complémentaire des Cadres (CRCC) du Togo. 95 10. Décret n° 2012-038/PR du 27 juin 2012 portant révision des taux de cotisations à la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). 11. Décret n° 91 / 208 pris pour l’application de la loi n° 91-11 du 23 mai 1991 fixant le régime des pensions civiles et militaire de la CRT au Togo. 12. Arrêté n°002/2012 /MTESS/CAB/DGTLS fixant les modalités d’application du code de sécurité sociale au Togo. Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948. VII. 1. WEBOGRAPHIE AUFFRET (Pierre), la protection sociale au Togo : Situation présente, besoins des populations et propositions pour l’avenir, rapport du PNUD en septembre 20011, 77p. disponible à l’adresse suivante : http://www.socialprotection.org/gimi/gess/RessourcePDF.action%3Bjse ssionid%3DsnvrZ8xT8LzYJnQLl4qCnJ40s2hG2c0TM1cczWYJZXSfQj hy39Cr!726592978%3Fressource.ressourceId%3D30412 consulté le 28/08 / 2019. 2. Déclaration concernant les buts et objectifs de l’OIT de 1944 prônant «l'extension des mesures de sécurité sociale en vue d'assurer un revenu de base à tous ceux qui ont besoin d'une telle protection ainsi que des soins médicaux complets». Adoptée à Philadelphie (États-Unis) le 10 mai 1944 (§ f de la section III). Consulté à l’adresse http://www.ilo.org/ilolex/french/iloconst.htm#annex le 25/08/2019. 3. Fiche pratique de la mise en place d’un régime de protection sociale complémentaire, disponible à l’adresse https://www.ag2rlamondiale.fr/files/live/sites/portail/files/pdf/SantePrevoyance/AG2R LAMONDIALE-Prevoyance-Fiche-pratique-mise-en-place-regimeprotection-sociale complementaire.pdf consulté le 10/12/2019. 96 4. La découverte des institutions de la protection sociale, disponible en ligne à l’adresse http://www.viepublique.fr/decouverteinstitutions/financespubliques/protectionsociale/ definition/pourquoi-securitesociale-est-elle-divisee-differents-regimes.html consulté le 1er /09/ 2019. 5. LARRAZET (Coralie), « Les non-salariés et la Sécurité sociale : le défi de l’égalité », p. 08. disponible à l’adresse https://silogora.org/wp- content/uploads/2018/03/C.-Larrazet.mp4 consulté le 27/10/2019. 6. MARTY (Christiane) « Retraite des femmes, un enjeu décisif pour toute réforme »,, http://www.fondation-copernic.org/index.php/2018/07/25/femmes-et-retraites-un-besoinderupture/ consulté le 12/12 / 2019. 7. Oxfam, pour un système économique qui bénéficie à toutes et tous!, consulté en ligne sur https://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/etats_des_lieux_inegalites_maroc.pdf le 02/09/ 2019. 8. Système de mutualisation des risques sociaux, disponible sur http://sabbar.fr/droit/identifier-le-risque-pour-proteger/ consulté le 25/08/2019. 9. 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UNE SÉCURITÉ SOCIALE INÉGALE : SOURCE D’UN DÉSÉQUILIBRE ....................................................................................................11 CHAPITRE I. Un déséquilibre lié à un système de sécurité sociale sélectif ..13 Section I. Une sécurité sociale basée sur un modèle d’assurance ......................13 § 1. La prévalence d’une activité salariale ......................................................14 A. L’affiliation et l’immatriculation obligatoire, conséquence d’une activité professionnelle salariée ................................................................14 B. Le versement préalable de cotisations sociales, conséquence de l’affiliation obligatoire ...............................................................................16 § 2. La conséquence d’une protection limitée ................................................17 A. La protection limitée quant à l’assujettissement .............................18 B. La protection limitée quant aux prestations ....................................19 Section II. Un système de protection sociale moins efficace .............................21 § 1. Une inefficacité fonctionnelle ..................................................................21 A. L’organisation moins adaptée par un régime unique .....................21 B. La fragilité des institutions de sécurité sociale .................................23 § 2. Une inefficacité législative ......................................................................25 A. L’absence de réglementation spéciale des mutuelles .......................25 B. Le caractère lacunaire des textes actuels. .........................................27 CHAPITRE II. Un déséquilibre lié au statut juridico économique des travailleurs. ...........................................................................................................30 98 Section I. Une différence de traitement relevant du statut économique du travailleur ............................................................................................................30 § 1. L’influence des inégalités salariales ........................................................31 A. La différence des revenus socio professionnels ................................31 B. La différence socioéconomique du genre ..........................................33 § 2. L’influence d’un déficit financier ............................................................36 A. L’insuffisance du système de financement par cotisation ...............36 B. Le Manque d’un mécanisme adéquat de compensation déficitaire…………………………………………………………………38 Section II. Une différence de traitement relevant du statut juridique du travailleur : le cas des agents contractuels d’État ...............................................39 § 1. Un régime juridique parapublic des agents contractuels de l’État. .........40 A. Un régime de droit privé du travail quant à la nature de l’engagement ..............................................................................................40 B. Un régime de droit public quant aux relations de travail ...............42 § 2. Un régime social inégal des agents contractuels .....................................44 A. Un régime social de droit privé assimilé aux travailleurs salariés .44 B. Une inexistence d’un régime complémentaire de protection sociale……………………………………………………………………..46 PARTIE II. UNE INÉGALITÉ SURMONTABLE A L’EGARD DES REFORMES ...........................................................................................................49 CHAPITRE I. L’extension des assurances sociales ..........................................51 Section I : Une sécurité sociale non contributive basée sur la solidarité ...........51 § 1. Un système de sécurité sociale par la solidarité nationale ......................51 A. Une sécurité sociale indépendamment à un emploi rémunéré .......52 B. Une extension de la qualité d’assuré social.......................................54 § 2. Un système de sécurité sociale par la solidarité socioprofessionnelle ....55 A. Le renforcement des solidarités interindividuelles ..........................56 B. Le renforcement des solidarités interprofessionnelles ....................57 Section II. Une réforme du cadre juridico-institutionnel de sécurité sociale .....59 99 § 1. La réforme du cadre juridique..................................................................60 A. L’élargissement du champ d’assujettissement .................................60 B. La mise en place de régimes spéciaux et autonomes .......................62 § 2. La réforme du cadre institutionnel ...........................................................64 A. La mise en place de caisses spécialisées pour chaque régime .........64 B. La réorganisation du contentieux de la sécurité sociale ..................65 CHAPITRE II. La réforme du système de financement ..................................69 Section I. Un rééquilibrage du financement de la sécurité sociale togolaise .....69 § 1. La mise en place d’un financement adaptée à chaque régime de salarié .70 A. L’application des exonérations et réductions générales de cotisations sociales .....................................................................................70 B. La mise en place des régimes complémentaires ...............................72 § 2. La diversification des ressources de la sécurité sociale ...........................74 A. La fiscalisation des recettes de la sécurité sociale ............................74 B. Les autres mécanismes de compensation financière .......................76 Section II. Une gestion efficace des ressources financières de la sécurité sociale …………………………………………………………………………77 § 1. L’assainissement du système de recouvrement des cotisations sociales .78 A. La réorganisation efficace des modalités de recouvrement ............78 B. Le renforcement du contrôle technique des recouvrements ...........81 § 2. L’optimisation de la trésorerie du régime général ...................................82 A. Le renforcement de la gestion de la trésorerie du régime général .82 B. Le renforcement du contrôle de la tenue des comptes ....................84 CONCLUSION ........................................................................................................86 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ..............................................................90 TABLE DE MATIÈRES ........................................................................................98 100