
L’apport du contrôle interne et d’audit interne à la bonne gouvernance des entreprises :
Une étude quantitative sur les entreprises marocaines
Taoufik EL IDRISSI
Inter nati onal Revi ew of E cono mics, Man a ge me nt and Law Resea rch
2.1. Les théories contractuelles de la gouvernance
a- L'approche actionnariale
La notion centrale de l'approche contractuelle est celle de la firme perçue comme un
nœud de contrats, un centre contractant chargé de gérer de façon centralisée, l'ensemble des
contrats nécessaires à la production. Trois théories constituent l'essence de ce courant
contractuel :
La théorie des droits de propriété « TDP », (Alchian & Demsetz 1972) : A.A. Alchian et H.
Demestz 4(1972), décomposent les droits de propriété en trois grandes parties:
L'usus : le droit d'utiliser le bien.
Le fructus : droit d'en percevoir les fruits.
L'abusus : droit du décider du sort du bien et d'en faire ce qui bon nous semble.
En résumé, la théorie des droits de propriété nous indique que la séparation entre fructs,
usus et abusus, qui symbolise l'entreprise managériale tend à atténuer l'efficacité des droits de
propriété. Les parties en présence, bénéficiant chacune d'une partie des droits de propriété sur la
firme vont, dés lors, poursuivre des intérêts pouvant être divergents.
La théorie de l'agence « TA », (Jensen & Meckling, 1976) : M.C. Jensen et W.H. Meckling,
fondateurs de la théorie de l'agence, s'inspirent à l'origine de la démarche d’Alchian et
Demsetz, pour définir la firme comme nœud de contrats. Pour eux, « il existe une relation
d'agence lorsqu'une personne a recours aux services d'une autre personne en vue
d'accomplir en son nom une tache quelconque »5.
Dans le cas présent, la relation d'agence concernera le principal (l'actionnaire) et son
agent (le gestionnaire), ce dernier s'étant engagé à servir les intérêts du premier. De ces
relations émane la notion de coûts d'agence, coûts qui résultent du caractère potentiellement
opportuniste des acteurs et de l'asymétrie d'informations entre les cocontractants.
La théorie des coûts de transactions « TCT », (Williamson, 1985) : cette théorie considère
que la firme existe pour pallier les failles du marché, liées aux problèmes posés par la
spécificité des actifs et l'opportunisme potentiel des acteurs.
Pour O.E. Williamson, on internalise pour éviter d'être spolié et perdre le minimum de
valeur par rapport à ce qui serait réalisable par rapport à l'optimum. C’est pourquoi, les
directions des sociétés, incitées par les auditeurs légaux, ont décidé d’internaliser des activités
d’audit légal grâce à la création des services d’audit interne, pour économiser les honoraires
élevés versées aux auditeurs externes.
Or, on peut tout à fait admettre que l’audit et le contrôle interne peuvent être présentés
comme deux mécanismes de surveillance fournissant une évaluation du management de la
direction aux actionnaires. En contribuant à réduire l’asymétrie informationnelle qui existe
entre les managers et les autres stakeholders7, l’audit concours également à la résolution des
problèmes liés à la véracité des comptes en assumant une fonction d’assurance.
b- La théorie de l'enracinement
A la fin des années 80, la thèse de l'enracinement fut développée par A. Shleifer, R.W.
Vishny et R. Morck. Elle remet en cause les fondements des théories contractuelles en général
et de la théorie de l'agence en particulier. Cette théorie semble offrir un cadre d'étude approprié
à l'analyse des stratégies opportunistes des dirigeants et leurs conséquences sur les systèmes de
contrôle et sur la performance de l'entreprise.
Dans les théories fondatrices de la gouvernance des entreprises, le rôle du dirigeant
apparaît très discret voire absent. Une fois évoquées, les divergences d'intérêts entre le
dirigeant et les actionnaires, et la possibilité d'opportunisme, l'attention est principalement
portée sur l'identification des mécanismes externes ou internes permettant de discipliner le
dirigeant.
4 Gérard CHARREAUX « Mode de contrôle des dirigeants et performance des firmes », Décembre 1992, page 7
5 Céline CHATELIN, Stéphane TRÉBUCQ « du processus d’élaboration d'un cadre conceptuel en gouvernance
d'entreprise », article n°102-12, page 11