LI BRAI RI E ANCI ENNE ROGER SI BLOT TRAITÉ DE PAIX ENTRE DESCARTES ET NEWTON TENTATIVE DE RÉCONCILIATION DE DEUX GRANDS ESPRITS OPPOSÉS « L’année même que deux puissants monarques donnent la paix à la France et à l’Angleterre, j’ai le bonheur de publier un traité d’accommodement entre les deux plus grands philosophes que ces deux royaumes aient vu naître dans leur sein » (Préface, t. 3, p. XV-XVI). Réconcilier Newton et Descartes, voilà l’ambition poursuivie par Aimé-Henri Paulian dans ce Traité de Paix entre Descartes et Newton en trois volumes, dont nous proposons ici l’édition originale de 1763 (Quérard, t. 6, p. 639) dans une très élégante reliure d’époque. Aimé-Henri Paulian (1722-1802), fils d’un ministre protestant converti sous Louis XIV, étudia chez les Jésuites, qu’il rejoignit ensuite pour se consacrer à l’étude de la physique. Ses premiers écrits dans le domaine eurent d’ailleurs dès leur parution un certain succès (Michaud, t. 32, p. 300). Il publia également des ouvrages sur la philosophie et les mathématiques qui furent également très en vogue à leur époque (GDU, t. 12, p. 427). Par cet ouvrage, Paulian a entendu proposer au public un nouveau système de physique Descartes et Newton, deux hommes brillants que l’on avait l’habitude de considérer comme des rivaux. En effet, à la fin du XVIIe siècle, alors que les théories cartésiennes sont dominantes, elles entrent en concurrence avec les travaux d’Isaac Newton. Ce dernier ne proposait pas d’explication aux origines et à la fin du monde, ni à la structure et à l’organisation du système solaire, Newton s’en remettant, dans ce domaine, complètement à Dieu. L’objectif de Paulian est clairement affirmé dans sa préface : « Exposer les véritables sentiments de Descartes et de Newton, et faire une espèces de traité de paix entre ces deux chefs de la physique moderne ; c’est là la double fin que je me propose dans cet ouvrage ». Ainsi, l’auteur avait pour ambition de réconcilier ces deux hommes que l’on avait trop l’habitude d’opposer. Pour ce faire, il retrace tout d’abord la Vie littéraire de ces « deux Chefs de la physique moderne » et recense leurs erreurs tout comme les découvertes qu’ils ont faites. Il commence par rappeler les faits marquants de la vie de Descartes et notamment le fait que dès sa plus tendre enfance, Descartes a montré une curiosité insatiable pour les causes physiques de toutes les choses qui l’entouraient, si bien qu’on lui donna déjà le surnom de « philosophe. » Il étudia dans les meilleurs écoles puis voyagea quelques années à travers l’Europe avant de s’installer à Paris où d’innombrables personnes défilaient chez lui chaque jour pour l’entendre parler. Cette situation l’empêchant d’écrire, il se retira en Hollande dans un château dont l’isolement et la solitude lui permirent également de pouvoir s’adonner à sa foi catholique. Il poursuit par un compte rendu des ouvrages de Descartes, notamment les Météores, la Méchanique, son Traité de l’Homme, les Méditations, le Traité des passions, le Livre des principes, de la Géométrie, de la Dioptrique, de la Géostatique et la plupart de ses Lettres. Pour les étudier de façon raisonnée, Paulian a divisé son entreprise en cinq catégories : la physique, la métaphysique, la physicométaphysique, la géométrie et la physico-géométrie. Puis dans le second volume, Paulian reprend le même plan pour rendre compte de la vie littéraire de Newton. Cette étude revêt une importance toute particulière dans la France de cette époque, et qui la rend même nécessaire pour l’auteur. En effet, il précise qu’il s’agira de la première description d’importance de la vie de Newton en France, depuis l’ouvrage de Fontenelle en 1727. Tout comme Descartes, le jeune Newton montra très rapidement les signes d’une grande intelligence et il fut pour cela placé dans les meilleures écoles. À seulement vingt-trois ans, il réalise son premier « coup de maître » en mathématiques qui le plaça directement audessus de tous les mathématiciens alors existants (Introduction, t.2, p. 5). Dans cette partie consacrée au physicien anglais, Paulian analyse toutes ses œuvres les plus fondamentales : les Principes mathématiques de la philosophie naturelle, le Véritable système du monde, l’Optique, le Traité de la réflexion, de la réfraction, de l’inflexion et des couleurs de la lumière, l’Arithmétique universelle, l’Analyse par les équations infinies, la Méthode des fluxions et des séries infinies, l’Énumération des lignes du troisième ordre, la Méthode différentielle, la Chronologie, des Observations sur Daniel et sur l’Apocalypse, une Dissertation sur les coudées des Juifs et celles des autres nations, ainsi qu’un grand nombre de ses Lettres. Afin de mener à bien son objectif de conciliation de Newton et Descartes, Paulian s’est logiquement limité à l’étude des écrits de Newton ayant un rapport avec la philosophie. Là encore, pour davantage de cohérence, l’auteur a divisé l’étude de ces ouvrages en quatre catégories : l’Optique, le Système du monde, la Physique et Métaphysique que contiennent les principes de la philosophie et enfin la Physique dans le reste de ses ouvrages. Enfin, le tome 3 constitue le point d’orgue de l’analyse de Paulian. En effet, il y propose un système mixte NewtoCartésien dans lequel il écarte leurs erreurs respectives et rassemble leurs vérités. Ainsi qu’il l’admet lui-même, Paulian ne fut pas le premier à croire en la possibilité de concilier ces deux grands scientifiques, M. Privat de Molières ayant déjà tenté l’expérience en 1740. Mais pour Paulian, son entreprise était vouée à l’échec du fait que Privat de Molières était un cartésien presque « fanatique » (Préface, t. 3, p. V). Il précise encore un peu plus loin qu’il ne s’est pas non plus inspiré du Traité d’accommodement entre Aristote et Descartes de Daniel. C’est donc une proposition entièrement nouvelle et inédite que Paulian propose dans ce troisième volume. Pour réaliser cette conciliation, Paulian a su garder un esprit impartial en opérant la synthèse des éléments rassemblés dans les deux premiers volumes, en « comparant les pensées de Descartes avec celles de Newton » (Préface, t. 3, p. XIII). L’objectif ultime de Paulian en conciliant ces deux philosophes était de proposer un véritable système général de philosophie. Pour cela il a retiré tout ce que Newton et Descartes ont écrit et qui était considéré comme faux pour ne garder comme base de son système mixte que ce qui a été démontré être vrai. L’exposé de son système général est divisé en six parties. La première présente un plan de logique ; la deuxième sera la physique générale ; la troisième partie et la quatrième contiennent l’une la physique céleste et l’autre la physique terrestre ; la cinquième partie donnera une idée de la véritable métaphysique, et la sixième et dernière partie retracera les préceptes de la plus saine morale. On notera enfin les gravures de très belle facture qui viennent illustrer ce texte. Il faut tout d’abord relever le très beau frontispice du cardinal Torrigiani, sous les auspices duquel Paulian a écrit cet ensemble, ainsi que les très belles planches de géométrie. Rare exemplaire de ce singulier traité mettant en perspective deux physiciens réputés : Descartes et Newton. TRAITÉ DE PAIX ENTRE DESCARTES ET NEWTON [A. H. Paulian] À Avignon, chez la Veuve Girard, 1763 Réf. 3176 – Prix : 480 € 3 vols in-12 (X+405+374+XVIII+381pp) – Reliure d’époque pleine basane racinée. Dos à cinq nerfs ornés de caissons et de fleurons dorés. Pièces de titre marron. Tomaisons entourées d’un décor doré. Roulette dorée sur les champs. Tranches rouges. Quelques épidermures sur les plats. Coiffes frottées. Sur le t. 2, coiffe de tête arrachée. Coins émoussés et champs frottés. Intérieur frais avec une table des matières dans chacun des volumes. Un très beau frontispice gravé par Ant. Faure dans le t. 1, ainsi que deux planches dépliantes représentant des figures géométriques. Dans le t. 2, quatre planches dépliantes de figures géométriques (triangles, cercles, rectangles, etc). Nos ouvrages sont tous en bon état, sauf mentions expresses contraires. Aussi nos descriptions tentent-elles d’être exhaustives. En dépit des imperfections signalées, bel exemplaire dans une jolie reliure d’époque.