Fondatrice : Suzanne BOREL-MAISONNY 40e Année Juin 2002 Trimestriel N° 210 a e u, s, , p ci io nf p ll i c Cancers o on let a c t r a m pa e traumatismes f m c i ite et ult cia gie tru e, t e te ent , m r lans face r m ale e tic -fa de c i t u r tê ar ro hir co rfa ou aie ob mp n o ti ue c n niq el , o f li nn x , e s c tio au tio c fa en nc pe luti lysi e la am fo lam ég ra ial i a c d h de ex lles , e , ue u on, e, p o fa rap aire m s q co ti ial ill og ul ré s i e é i at ial t, s t cula fac ak my usc cé tég n m ac n e rti o- m tro m ité ra e é u rt a o-f me te , a or gie lec ert stic , st gem côt or aite tê lles tion rur s, é nsf pla atif llon ’un e ra l, lli ’a d tr s, ue ca hi Rencontres v i le éq u , c ct , t ora pa e d nt t ti e u e actuelles s éd ale Données r p n t s em s facet m e ré ciExamens a l n t interventions i e m r a o p t a f c su e ie o tr re e Perspectives ir tra my al, r d ou le, e, or s ra al p b lob em g ut d Rééducation Orthophonique Fédération Nationale des Orthophonistes Revue créée par l’A.R.P.L.O.E.V. Paris Revue éditée par la Fédération Nationale des Orthophonistes Rédaction - Administration : 2, rue des Deux-Gares, 75010 PARIS — Tél. : 01 40 34 62 65 — Fax : 01 40 37 41 42 e-mail : [email protected] Directeur de la publication : le Président de la F.N.O. : Jacques ROUSTIT — — Abon nem ent no rma l : 84 euro s Abon n em en t ré d ui t : 61 eu ro s réservé aux adhérents de la F.N.O., de l ’ A . R . P.L . O . E . V. ou d’un e ass oci ation e u ro pée nn e me mb re du C.P. L . O . L . Abon nement étudiant : 35 euro s Abonnement étudia nt étranger : 40 euros réservé aux étudiants en orthophonie Abonnement étranger : 96 euros V en t e a u n um é ro : 26 eu r o s Membres fondateurs du comité de lecture : Pr ALLIERES • A. A P PAIX • S. BOREL-MAISONNY G. DECR OIX • R. DIATKINE • H. DUCHÊNE M. DUGAS • J. FAVEZ-BOUTONNIER • J. GERAUD R. GRIMAUD • L. HUSSON • Cl. KOHLER • Cl. LAUNAY F. L H E R M I T T E • L . M I C H A U X • P. P E T I T G. P ORTMANN • M. PORTMANN • B. VAL L A NCI E N. Comité scientifique Aline d’ALBOY Dr Guy CORNUT Ghislaine COUTURE Dominique CRUNELLE Pierre FERRAND Lya GACHES Olivier HERAL Jany LAMBERT Frédéric MARTIN Alain MENISSIER Pr Marie-Christine MOUREN-SIMEONI Bernard ROUBEAU Anne-Marie SIMON Monique TOUZIN Rédacteur en chef Jacques ROUSTIT Secrétariat de rédaction Marie-Dominique LASSERRE Abonnements Emilia BENHAMZA Commission paritaire : 61699 Impression : TORI 11, rue Dubrunfaut, 75012 Paris Téléphone : 01 43 46 92 92 Sommaire Juin 2002 N° 210 Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris Ce numéro a été dirigé par Ghislaine Couture et Frédéric Martin, orthophonistes CANCERS ET TRAUMATISMES DE LA FACE Ghislaine Couture, orthophoniste, Champigny-sur-Marne 3 « A la reconquête de mon visage », Témoignage d’Yvette B. Témoignage, Isabelle Eyoum, orthophoniste, Nogent-sur-Marne 5 1. Les traumatismes de la face - Conduite à tenir et séquelles fonctionnelles 9 Stéphane Hans, ORL, Paris 2. Les lésions inflammatoires pseudo-tumorales de la cavité buccale 25 3. Séquelles des lambeaux de reconstruction à la face. Comparaison des techniques de réparation dans les résultats phonétiques en particulier 27 François Cheilian, dentiste, Champigny-sur-Marne Dr Guy Marti, chirurgien maxillo-facial, Melun 1 1. Etude de cas 43 2. V3M - Un outil de transmission didactique au service de la rééducation oro-faciale 49 3. Bilan orthophonique – points de repères 57 4. Evaluation de l’articulation et de la déglutition après anastomose hypoglosso-faciale 63 5. L’électromyographie de la face 77 6. Kinésithérapie et troubles des A.T.M. 85 7. Utilisation des gouttières thermoformées dans les pathologies articulaires des A.T.M. - Une approche non invasive 93 Frédéric Martin, orthophoniste, Paris Francis Clouteau, kinésithérapeute, La Chapelle la Reine Ghislaine Couture, orthophoniste, Champigny-sur-Marne Peggy Gatignol, Frédéric Tankere, Isabelle Bernat, Frédéric Martin, orthophonistes, Jacques Soudant, Georges Lamas, ORL, Paris Hélène Le Simple, orthophoniste, Le Plessis-Trévise Jean-Michel Hugly, stomatologue, Paris Jean-Michel Hugly, stomatologue, Paris 8. Le sourire temporal 103 1. Myoplastie d’allongement du muscle temporal et traitement de la paralysie faciale 121 2. Le biofeedback électromyographique appliqué aux fonctions oro-faciales 129 Marie-Pascale Lambert-Prou, orthophoniste, Caen Daniel Labbé, chirurgien plasticien, E. Soubeyrand, chirurgien, Caen Frédéric Martin, Sylvie Bellème, Sophie Léon, orthophonistes, Paris 139 2 Ghislaine COUTURE Orthophoniste 5, rue du lieutenant Ohresser 94500 Champigny-sur-Marne Cancers et traumatismes de la face Beaucoup de professionnels de la santé sont concernés par ces pathologies souvent complexes. Trop peu d’orthophonistes entreprennent ces rééducations. Pourtant notre champ de compétences s’élargit. Les stimulations des fonctions oro-faciales sont reconnues. Les techniques utilisées sont variées et s’intriquent parfois les unes aux autres comme le décrivent les différents auteurs de ce numéro. Les séquelles physiques sont souvent importantes, certains patients n’osent plus sortir, les familles ne veulent plus prendre leur repas en présence du malade présentant une gastrostomie. Un soutien psychologique est souvent nécessaire. Nous n’avons pu aborder toutes les pathologies. Le rôle des infirmières et des psychologues est aussi primordial durant la phase d’hospitalisation et de rééducation. Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 3 « A ma reconquête de mon visage » Isabelle Eyoum Isabelle EYOUM Orthophoniste 11, rue de Saint-Quentin 94130 Nogent-sur-Marne Tél. : 01 48 77 04 95 e-mail : [email protected] Témoignage d’Yvette B. En janvier 1998, ma dentiste s’apercevant d’une tache suspecte sur ma mâchoire inférieure, m’a adressée à l’hôpital de la Salpêtrière où l’on a diagnostiqué une tumeur maligne. J’étais une grosse fumeuse et je travaillais dans des conditions souvent stressantes... J’ai été hospitalisée le 1er avril 98 pour l’extraction de cette petite tumeur. Malheureusement, le chirurgien a été obligé d’extraire la mâchoire qui était trop atteinte. Il a dû retirer 5 centimètres de mandibule sur le devant ainsi que le bord externe gauche de la langue. Après trois semaines d’hospitalisation, je suis partie en maison de repos où j’ai eu une radiothérapie quotidienne. Les rayons ont provoqué une très grande sensibilité de la zone de la bouche et une modification de ma salive. J’avais une sonde naso-gastrique pour m’alimenter et j’ai dû la garder 9 mois car les essais alimentaires étaient impossibles au début et insuffisants en quantité par la suite. Ma bouche ne pouvait fermer et le plus dur pour moi était le regard des gens et les réflexions des enfants lorsque je devais aller faire mes courses. J’ai donc réclamé à mon chirurgien qui était très compréhensif et humain, de me refaire une mâchoire et le 1er février 2000 il a tenté une greffe du péroné qui s’est soldée par un échec. Cinq semaines de souffrance, une gêne importante à la marche et une grosse déception au bout du compte. On a essayé de placer une prothèse métallique à la place de l’os manquant pour soutenir les chairs du menton reformé afin de favoriser un peu mon esthétique. Malheureusement, quelques semaines plus tard, l’armature métallique ressortit dans la bouche. Je ne pouvais plus beaucoup manger, je bavais sans arrêt, devant me Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 5 changer plusieurs fois par jour et vivre un mouchoir à la main, j’avais aussi de grosses difficultés à me faire comprendre car le poids mort de mon menton non soutenu par une armature faisait s’ouvrir ma bouche continuellement. Mon chirurgien me parla d’un confrère spécialiste de greffes sur des personnes ayant subi beaucoup de rayons comme moi. Il me proposa un nouvel essai en deux temps cette fois. Le péroné était exclu car je faisais de l’ostéoporose. Il fallait me prendre un peu d’omoplate, le mettre « en nourrice » sous un sein en prélevant sur mon avant-bras veine et artère pour le nourrir, ce qui fut fait le 4 octobre 2001, puis le 11 on pratiqua la dernière opération qui consistait à réinsérer l’os sur le maxillaire restant et à redisposer les chairs de mon menton en remodelant un ovale qui se rapprocherait de mon visage antérieur. Entre les deux opérations, on a découvert des nodules sous le sein nourricier (de la greffe osseuse) et il a fallu le sacrifier pour ne prendre aucun risque. Lorsqu’on m’a laissé regarder mon visage, après quelques jours, ma fille et moi on a éclaté en sanglots, je retrouvais enfin quelque chose de moi. Ma fille, qui redoutait beaucoup un nouvel échec, ne m’avait guère encouragée mais ce jour-là, j’ai su et elle aussi que tout ce que j’avais enduré valait la peine. Je pouvais me regarder sans dégoût et assumer les autres. Au bout de 2 mois je suis sortie, prête à réaffronter les rééducations qui m’attendaient pour retrouver parole et possibilité de me nourrir. Pour ceux qui ont subi le même parcours, oui, c’est un combat permanent, difficile et parfois décourageant mais il faut y croire et se battre, aidés par les thérapeutes qui nous entourent et les constants progrès chirurgicaux. Janvier 2002 Témoignage d’Isabelle Eyoum, orthophoniste C’est en août 98 que j’ai fait la connaissance de Mme B., son orthophoniste étant partie en vacances. Le bilan était important à faire car il fallait évaluer non pas les pertes qui étaient évidentes au premier coup d’œil, mais le potentiel restant tant sur le plan fonctionnel que sur le plan psychologique. Le visage était plein de cicatrices dont une située sur la joue gauche, assez profonde, et, à cet endroit, on pouvait noter une paralysie de la lèvre supérieure avec une déviation du côté sain. La commissure labiale était affaissée et par la bouche ouverte on voyait une langue diminuée sur le bord avec un aspect cartonné dû à la cicatrisation, et déviée vers la gauche. 6 La lèvre inférieure était très affinée et peu sensible, au contraire de la joue qui était hypersensible au toucher même très superficiel. On pouvait noter une fuite labiale du côté gauche. La patiente avait toujours (depuis avril 98) une sonde naso-gastrique et me disait qu’il ne lui était pas possible de s’en passer. Les premiers essais de reprise alimentaire n’avaient pas été concluants. Depuis l’opération, Mme B. avait perdu 8 kilos mais elle avait un moral d’acier, une volonté extraordinaire, beaucoup de courage et de ténacité, entre nous le courant passa tout de suite. Nous avons beaucoup parlé de sa rééducation tant sur l’articulation de la parole que sur la reprise alimentaire. Le travail orthophonique déjà effectué permettait à Mme B. d’être à peu près intelligible mais avec une impossibilité à prononcer les phonèmes [p, b, m, f, v], et les voyelles [i et é]. Nous avons commencé un travail de stimulations oro-faciales afin d’allonger au maximum les fibres des lèvres puis un travail des praxies labiales : protraction /repos, étirement /repos. Nous avons beaucoup travaillé les étirements du cou et des deltoïdes (très rétractés à la suite de la radiothérapie) puis nous avons commencé la mobilisation du larynx (manœuvre de Mendelson) et le travail de l’ouverture buccale, trop bloquée pour permettre le passage d’une petite cuiller. Le massage interne de la langue a été pratiqué par l’introduction de petits ballonnets à peine gonflés qu’il fallait tenir collés au palais, et par un massage entre le pouce et l’index (doigtier obligatoire). Nous avons aussi conseillé les bâillements volontaires pour favoriser la détente et l’ouverture de l’isthme du gosier. Parallèlement, le travail articulatoire était poursuivi. A la fin du mois, Mme B. accepta d’essayer de boire à la seringue quelques gouttes d’eau glacée. Profitant de la présence de l’infirmière venue pour les soins de la langue, l’essai fut tenté sans fausses routes. Mme B. avait été rassurée par le fait de savoir que, n’ayant jamais fait de fausse route à la salive, la déglutition devrait être possible en petites quantités. Avec l’accord de sa première orthophoniste, la rééducation fut menée à deux à partir du mois de septembre jusqu’en décembre 98. Elle reprit la partie parole et je gardais les massages faciaux et la guidance de la reprise alimentaire. Un mois plus tard, l’essai de quelques bouchées d’un fromage blanc extrêmement fluide et léger a été réussi. Il a fallu trouver un moyen pour l’introduire assez loin près de la base de langue ; en effet, l’apex ne pouvait propulser la bouchée en arrière et les bords de la petite cuiller lui blessaient les commissures labiales, étant donné le blocage du maxillaire inférieur restant. J’utilisais un petit bâtonnet provenant d’un 7 esquimau glacé et comme elle ne pouvait happer la bouchée avec ses lèvres, je le retournais à l’intérieur de la cavité buccale en l’appuyant alors sur le dos de la langue afin de déclencher le réflexe de déglutition. (Attention de ne pas le mettre trop près de la base de langue car sinon c’est le réflexe nauséeux qui se déclenchera). La reprise alimentaire se fit très progressivement jusqu’à pouvoir absorber deux petits suisses ou crèmes lactées par jour, puis un peu de bouillon de légumes puis un peu de soupe, mais en conservant la sonde afin de continuer et maintenir la reprise pondérale en toute sécurité. En décembre 98, c’est Mme B., elle-même, qui demande au chirurgien d’enlever la sonde. Son alimentation reste mixée mais elle mange de tout, se fait de la bonne cuisine : ratatouille mixée, choucroute mixée, saumon fumé !!! etc. A ce stade, la rééducation de la déglutition fut interrompue mais le contact téléphonique se poursuivit jusqu’à la décision de la 2 e intervention. Au retour à domicile de Mme B., la rééducation reprit. A nouveau une sonde naso-gastrique était en place et la présence d’un menton, s’il améliorait beaucoup l’apparence de Mme B, posait un nouveau problème. La salive coulait tout le temps, la cavité buccale restait ouverte, et la langue sortait beaucoup plus qu’avant. La caisse de résonance buccale était modifiée et je ne comprenais quasi plus ce qu’elle me disait. La reprise des essais de boisson et des aliments se fit plus vite que la première fois, Mme B. avait confiance et se souvenait des exercices et des positions de sécurité. Moralement pourtant, le rejet de la greffe fut très dur pour elle. Mon rôle fut aussi de la soutenir dans sa démarche de retenter une troisième opération car beaucoup de gens lui disaient de s’accepter comme cela et de ne pas tenter le diable. Mais Mme B. disait avec juste raison que c’était elle qui assumait au quotidien la curiosité morbide et les réflexions peu délicates des autres, elle qui allait assumer les souffrances et les risques et qu’elle préférait mourir que de rester comme ça. Que faire d’autre que de l’encourager et l’assurer de mon accompagnement. Actuellement nous entamons le dernier round, elle a presque gagné, elle peut se promener sans gêne, elle se maquille et va chez le coiffeur, elle remange mixé et se refait de bons petits plats. La bouche ferme mais il reste une grosse gêne pour la salive, et l’articulation est à remonter en fonction des nouveaux repères car la greffe osseuse a reculé la position de la langue et diminué la cavité buccale, ce qui modifie la résonance et nasalise un peu la parole. La longueur de la prise en charge (1998-2002), la confiance mutuelle, le courage et la ténacité de Mme B. ont créé une amitié et je suis très fière que mon métier m’ait permis de l’épauler dans la reconquête de sa vie. 8 Les traumatismes de la face Conduite à tenir et séquelles fonctionnelles Stéphane Hans Résumé Les traumatismes de la face nécessitent un examen clinique complet pour rechercher des lésions urgentes et associées. Les différentes étapes de l’examen clinique de la face sont rapportées. Les principes du traitement et les principales séquelles fonctionnelles sont analysés. Mots clés : traumatismes de la face, examen clinique, traitement, séquelles fonctionnelles. Facial traumas : Guidelines and functional sequels Abstract Facial traumas require that a comprehensive clinical examination be conducted to identify urgent and associated lesions. This article describes the different stages involved in a clinical examination of the face. It analyzes the principles upon which treatment is based and describes major functional sequels. Key Words : facial traumas, clinical examination, treatment, functional sequels Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 9 Stéphane HANS Service d’Oto-Rhino-Laryngologie et de Chirurgie de la Face et du Cou Service du Professeur Daniel Brasnu Hôpital Européen Georges Pompidou Assistance Publique des Hôpitaux de Paris 20-40 rue Leblanc, 75015 Paris L a face est formée par une charpente ostéo-cartilagineuse recouverte par des muscles, des vaisseaux, des nerfs et la peau. Sur le plan fonctionnel, se trouve l’ouverture des voies aéro-digestives, avec les lèvres et le nez, et des capteurs neuro-sensoriels. Les traumatismes de la face sont plus fréquents chez les sujets masculins entre 20 et 30 ans. Les accidents de la voie publique et les accidents du travail sont les causes les plus fréquentes. 1 - Classification La face peut être divisée en 3 étages selon le plan axial et en 3 régions selon le plan sagittal : Les 3 étages sont : - l’étage supérieur : situé au dessus du plan horizontal passant par le rebord orbitaire inférieur, - l’étage moyen : entre ce plan et le plan occlusal, - l’étage inférieur : au dessous du plan occlusal. Les 3 régions sont : - l’une médiane : limitée de part et d’autre de la ligne médiane par deux plans verticaux passant par les canthus internes, - les deux autres latérales : droite et gauche, situées en dehors de ces deux plans. 2 - Examen clinique d’un traumatisme facial Il comprend 3 étapes : - La recherche des signes cliniques nécessitant un geste urgent ; - La recherche de lésions associées ; - L’examen clinique des lésions faciales. 10 2 1 - Recherche des urgences 211. Les troubles respiratoires Ils peuvent être de deux origines : soit liés à une lésion encéphalique associée, soit le plus souvent à une obstruction des voies aériennes par : - la présence de caillots sanguins (ou hémorragies) ou de corps étrangers (prothèses dentaires, dents, fragments osseux) au niveau des voies aérodigestives supérieures ; - un recul du massif facial entraînant une obstruction entre la paroi pharyngée postérieure et la base de la langue ; - une désinsertion des muscles intrinsèques et extrinsèques de la langue (fractures complexes pluri-fragmentaires de la mandibule) entra înant une glossoptose postérieure obstruant l’oropharynx ; - un hématome extensif de la langue et/ou du plancher buccal. 212. Les hémorragies Il faut réaliser un examen général et local : - apprécier l’importance de l’hémorragie par des signes de choc : pouls filant, tension artérielle pincée, soif, sueurs, marbrures, pâleur, refroidissement des extrémités, voir dyspnée car : • l’interrogatoire est parfois trompeur ou impossible (coma) : le patient et/ou sa famille surestiment le plus souvent la perte sanguine du fait du caractère impressionnant des hémorragies ; • les signes biologiques sont tardifs ; numération formule sanguine et hématocrite sont normaux au début même lors d’hémorragies abondantes ; - rechercher une hypertension artérielle et une prise d’aspirine systématiquement ; - apprécier le terrain, car les hémorragies abondantes sont souvent compliquées par la décompensation de « tares physiologiques » surtout chez le sujet âgé ; - mettre en route le traitement en contrôlant son efficacité ; - les hémorragies sont soit extériorisées par la bouche et/ou par le nez (épistaxis) et/ou par le conduit auditif externe (otorragie) soit intracavitaires (sinus). L’examen clinique nécessite une bonne aspiration et un examen de l’oropharynx (épistaxis). 2 2 - Recherche de lésions associées Deux lésions doivent être recherchées en premier : - Les lésions encéphaliques : évidentes chez le patient comateux. Chez les sujets non comateux, la surveillance systématique et rapprochée 11 doit toujours suspecter, après un intervalle libre, une dégradation de l’état de conscience et l’apparition de signes de localisations témoignant d’une lésion parenchymateuse ou hémorragique (avis neuro chirurgical). - Les lésions vertébrales : elles doivent être systématiquement évoquées et recherchées afin d’éviter que des mobilisations intempestives à but diagnostique et/ou thérapeutique ne les aggravent. L’examen clinique doit rechercher des lésions abdominales, thoraciques et des membres. 2 3 - L’examen clinique du traumatisme facial 231. Inspection de la face Deux éléments essentiels doivent être recherchés : une atteinte de la base du crâne et une atteinte de l’articulé dentaire. L’inspection doit apprécier l’état des téguments et rechercher des déformations faciales. L’examen de face apprécie la symétrie des orbites et de la pyramide nasale. L’examen de profil recherche un enfoncement de la pyramide nasale, du massif facial, un aspect d’allongement apparent de la face dans les fractures type Lefort. L’examen de la mimique, lorsqu’elle est possible, recherche une atteinte de l’innervation motrice de la face (nerf facial VII) (importance médicolégale). L’existence d’hématomes et d’oedèmes dont certains peuvent être évocateurs (hématomes en lunette) doit être notée. L’inspection endonasale recherche une fracture ou un hématome de la cloison. Il faut se méfier d’une épistaxis qui peut masquer un écoulement de liquide céphalo-rachidien. L’inspection endobuccale doit analyser : - le degré d’ouverture buccale, - l’existence de plaies muqueuses et d’hématomes au niveau du plancher, du palais et des vestibules, - l’état des arcades dentaires, - les troubles de l’articulé dentaire (fractures du maxillaire supérieur et/ou de la mandibule), - déviations des arcades, latérales ou dans le sens antéro-postérieur, - déformations des arcades, - béances anormales. 12 - A noter : les modifications du trouble de l’articulé à l’ouverture buccale sont en faveur d’une fracture de la mandibule. L’examen de l’oreille avec otoscopie (difficile si otorragie) doit noter : - l’état du conduit auditif externe : une plaie du conduit auditif externe peut être en rapport avec une fracture du tympanal dans les fractures du condyle, - il faut rechercher une lésion du tympan. La palpation externe recherche : - des anomalies de contour osseux : rebord orbitaire inférieur et supérieur, apophyse orbitaire externe, zygoma, rebord basilaire de la mandibule, - des points douloureux, - un emphysème sous-cutané. La palpation endobuccale recherche : - des déformations osseuses au niveau des vestibules supérieurs et inférieurs jusqu’aux branches montantes. La recherche de mobilités anormales des arcades dentaires recherche : - une solution de continuité, - une douleur, - une mobilité des différents groupes dentaires, - une mobilité osseuse anormale. 232. L’examen ophtalmologique Il doit rechercher : - une plaie ou une contusion oculaire (chemosis et ecchymoses conjonctivales, état pupillaire, réflexes pupillaires, et mesure si possible de l’acuité visuelle), - des plaies et des pertes de substances palpébrales. Il doit comporter un examen de la statique oculaire qui recherche : - une enophtalmie pouvant être le témoin d’une fracture du plancher de l’orbite, - une exophtalmie en rapport avec un hématome intra orbitaire, - un abaissement du bord pupillaire par rapport au côté opposé en faveur d’une fracture du plancher de l’orbite, - un strabisme divergent ou convergent (déplacement dans le sens horizontal), - une limitation des mouvements verticaux en faveur d’une fracture du plancher de l’orbite, - une diplopie dans les différentes positions du regard. 13 Les lésions ligamentaires du canthus doivent être recherchées : - les lésions du canthus interne entraînent un raccourcissement du diamètre transversal de la fente palpébrale, les points lacrymaux perdant leur contact avec la conjonctive, et un élargissement de la distance intercanthale, normalement égale à la longueur de la fente palpébrale, - les lésions du canthus externe doivent être recherchées dans les disjonctions fronto-malaires : elles entraînent son abaissement et des modifications de la fente palpébrale. L’examen détaillé des voies lacrymales est nécessaire. En raison de sa difficulté, il nécessite un avis spécialisé dans un deuxième temps. 3 - Les examens radiologiques L’examen tomodensitométrique en coupes axiales et coronales permet d’apprécier les lésions osseuses (avec éventuelle reconstruction tridimensionnelle). Certains examens radiographiques standards peuvent être utiles : - Incidence de profil et racine-base de Gosserez pour les fractures des os propres du nez. - Panoramique dentaire (orthopantomogramme) pour les lésions mandibulaires. - Clichés dentaires. 4 - Les différentes types de fractures de la face De nombreuses classifications ont été proposées en tenant compte des zones de faiblesse et de résistance des os de la face. 4 1 - Les fractures de l’étage supérieur de la face Il faut rechercher des signes d’extension à la base du crâne (signes neurologiques, écoulement nasal de liquide céphalorachidien, pneumatocèle…) Elles peuvent intéresser le tiers médian constituant une fracture du complexe naso-ethmoïdo-maxillaire, avec des risques au niveau de la lame criblée (risque de brèche ostéo-durale et d’anosmie), d’atteintes palpébrales, d’atteinte orbitaire, d’atteinte des voies lacrymales. Latéralement les fractures frontales peuvent s’étendre à la paroi postérieure du sinus frontal (emphysème sous-cutané avec risque d’infections) et à l’étage antérieur de la base du crâne. 14 4 2 - Les fractures de l’étage moyen 421. Les fractures du massif facial Ces fractures découpent par des traits horizontaux, verticaux ou associés le massif facial. Les traits horizontaux réalisent les disjonctions crânio-faciales décrites par Lefort. La fracture de Lefort I détache le plateau palato-dentaire du massif facial. L’examen clinique montre : - un recul du massif facial avec un allongement apparent de la face, - des ecchymoses du palais et du vestibule supérieur, - une mobilité de l’arcade dentaire supérieure avec stabilité des régions nasales et fronto-malaires, - des douleurs à l’épine nasale antérieure et des ptérygoïdes, - un trouble de l’articulé dentaire avec rétrognathie de l’arcade supérieure, béance antérieure et contact molaire. La fracture de Lefort II correspond à un trait naso-sinusien. L’examen clinique montre : - une épistaxis bilatérale, - un allongement de la face, - des hématomes péri-orbitaires, vestibulaires et du palais, - des points douloureux à la racine du nez, branche montante du maxillaire, rebord orbitaire inférieur (palpation d’un décrochage osseux), - une mobilité anormale de l’arcade dentaire supérieure et de la région médiane de la face avec stabilité de la région latérale fronto-malaire, - un trouble de l’articulé dentaire avec béance antérieure, contact molaire et rétrognathie supérieure. La fracture de Lefort III correspond à un trait naso-orbito-crânien qui détache l’ensemble de la face du crâne. L’examen clinique montre : - une épistaxis bilatérale (attention à un écoulement nasal de liquide céphalorachidien masqué par l’épistaxis), - un allongement de la face, - des hématomes péri-orbitaires, un œdème palpébro-jugal, - un élargissement de la racine du nez, - des points douloureux à l’angle naso-frontal, au niveau des apophyses orbitaires externes et du zygoma, - à la palpation, le massif facial se mobilise en masse avec les régions nasales et fronto-malaires par rapport au crâne, 15 - un trouble de l’articulé dentaire avec béance antérieure et contact molaire. Des traits verticaux peuvent isoler le tiers médian du massif facial par deux traits paramédians ou, plus souvent, intéresser la ligne médiane au niveau de la suture sagittale palatine ou intermaxillaire. Ces fractures ont comme conséquence commune un retentissement souvent important sur l’articulé dentaire. 422. Les fractures du nez Elles sont limitées soit aux os propres du nez, soit étendues aux structures osseuses voisines (branches montantes du maxillaire supérieur et paroi interne de l’orbite) constituant des fractures naso-orbitaires qui peuvent s’accompagner de lésions du canthus interne et des voies lacrymales. Les signes cliniques associent : - une épistaxis, une obstruction nasale uni/bilatérale, - une déformation de la pyramide nasale, - un œdème et/ou un hématome péri-orbitaires, sous orbitaires. Il faut rechercher un hématome de la cloison. Son évacuation est une urgence car il existe un risque de surinfection et de chondrolyse. 423. Les fractures du malaire Le malaire, os de la pommette, est solide et repose sur trois points faibles : le zygoma, l’apophyse pyramidale du maxillaire supérieur et le rebord orbitaire inférieur et externe. Le déplacement du corps du malaire pose des problèmes cosmétiques et peut entraîner des lésions du plancher de l’orbite et du canthus externe. Dans certains cas, le recul du malaire peut bloquer le coroné entraînant des troubles de la cinétique mandibulaire. L’examen clinique montre : - un œdème et/ou un hématome péri-orbitaire et des ecchymoses conjonctivo-palpébrales, - un déplacement du canthus externe vers le bas et une rétraction de la paupière inférieure, - un abaissement du globe oculaire, - un effacement de la pommette souvent masqué par l’œdème. Il faut rechercher systématiquement : - une diplopie, 16 - des points douloureux du rebord orbitaire inférieur, de la suture frontomalaire, de l’arcade zygomatique, - des troubles sensitifs de la lèvre supérieure et de l’aile du nez (atteinte du V2), - une limitation de l’ouverture buccale (blocage du coroné). 424. Les fractures du plancher de l’orbite Elles sont soit limitées au plancher de l’orbite soit étendues au rebord orbitaire inférieur. Elles peuvent être isolées ou associées à des fractures du voisinage, fracture du malaire, disjonction crânio-faciale… Une forme particulière de ces fractures résulte d’un impact sur le globe oculaire et le rebord orbitaire inférieur. Ce choc entraîne un effondrement du plancher orbitaire. Quel qu’en soit le type ou le mécanisme, les fractures du plancher de l’orbite peuvent entraîner une atteinte sensitive par lésion du nerf sous orbitaire (V2) et des troubles de la statique oculaire (diplopie). Le recul (énophtalmie) et l’abaissement du globe oculaire se traduisent par une diplopie. La gêne à l’élévation du globe dans le regard vers le haut traduit une hernie des muscles droit inférieur et petit oblique dans le trait de fracture. 4 3 - Les fractures de l’étage inférieur Ce sont les fractures de la mandibule surtout au niveau de la branche horizontale (29 % des cas), de l’angle (28 %), du condyle (20 %) et de la symphyse (13 %). Les fractures de la partie dentée peuvent s’accompagner de lésions muqueuses importantes surtout en cas de perte de substance réalisant une fracture ouverte. Au moment du traumatisme, la séparation entre la structure osseuse et la masse linguale peut entraîner une glossoptose à l’origine de troubles respiratoires. Dans tous les cas, des troubles de l’articulé dentaire sont présents. L’inspection et la palpation retrouvent des déformations de la mandibule, une béance, un recul mandibulaire ou rétrognathie. L’étude de l’ouverture buccale, de la fermeture, des mobilisations anormales, des asymétries de déplacement est systématique. La palpation recherche un décrochage au niveau du rebord basilaire jusqu’à la région condylienne et des points douloureux. L’examen endobuccal apprécie le degré d’ouverture buccale, l’occlusion normale ou pathologique (décalage, déviation, béance antérieure ou latérale), des mobilités anormales. Une étude des différents groupes dentaires, de leur mobilité, de l’état de la muqueuse et de la présence d’hématomes est réalisée. 17 L’étude de la sensibilité dans le territoire du nerf mentonnier (région mentonnière et labiale inférieure) doit être systématique. 5 - Les lésions tégumentaires 5 1 - Les lésions de la peau L’épaisseur et la texture de la peau sont très variables d’une zone à l’autre. Les lignes de plus grande tension cutanée sont, en général, parallèles aux rides d’expression et aux plis cutanés naturels et perpendiculaires aux muscles sous-jacents. Sur le plan cosmétique et fonctionnel, la face peut être divisée en plusieurs régions anatomiques ou sous-unités esthétiques déterminées par les reliefs extérieurs, la fonction et les caractères des téguments : - le front, - les paupières : les paupières supérieures et inférieures forment des sousunités distinctes. Les sourcils limitent le front des paupières supérieures, - le nez, - les oreilles, - la région jugale, avec trois sillons importants, le sillon naso-génien, le sillon labio-génien et le sillon pré-auriculaire, - les lèvres supérieures et inférieures forment deux unités distinctes, - le menton auquel est rattaché la région sus-hyoïdienne médiane, fait transition entre la face et le cou. Le revêtement cutané repose sur le système musculo-aponévrotique superficiel (SMAS) qui joue un rôle très important dans la mimique faciale. Aux lésions de la peau, peut s’associer l’inclusion de corps étrangers ou de produits colorants (goudron, poussières…) réalisant des tatouages. 5 2 - Les régions périorificielles Les plaies avec perte de substance peuvent avoir un retentissement cosmétique et fonctionnel particulièrement important. Au niveau buccal, la zone frontière cutanéo-muqueuse se fait selon une ligne précise dévoilant la lèvre muqueuse sèche ou vermillon. Au niveau du nez, des oreilles, et des paupières, le squelette cartilagineux revêtu sur ses deux faces par une enveloppe cutanée (pavillon de l’oreille) ou muqueuse (nez) ou conjonctive (paupière) peut entraîner une chondronécrose et la constitution de déformations cicatricielles à type de sténose (du conduit auditif externe, des narines) ou de rétraction (ectropion palpébral). 18 Au niveau des régions canthales, la rupture ou la désinsertion de la musculature palpébrale se traduit par des dystopies canthales. 5 3 - Les muqueuses Les lésions muqueuses sont souvent très hémorragiques soit extériorisées (épistaxis, hémorragies de la cavité buccale), soit intracavitaire (hémosinus). 5 4 - Les voies lacrymales Elles sont souvent lésées dans les fractures types dislocations orbitonasales et les fractures transversales du massif facial par embrochement osseux, écrasement, ou section par un déplacement fracturaire. Le siège de la lésion est le plus souvent au niveau du canal lacrymal. Les lésions des canalicules lacrymaux et des points lacrymaux se voient dans les plaies palpébrales. Elles nécessitent un avis spécialisé en ophtalmologie. 5 5 - Le canal de Sténon Sa lésion soit être recherchée devant toute plaie jugo-massetérine. 5 6 - Le nerf facial (VII) Une lésion du nerf facial doit être systématiquement recherchée. Il faut rechercher une atteinte partielle ou totale du nerf ou de l’une de ses branches. Les lésions du nerf facial sont rares dans la région parotidienne, et beaucoup plus fréquentes dans la région préparotidienne. 6 - Les étapes du traitement 6 1 - Le traitement des urgences 611. Les troubles respiratoires - nécessitent une aspiration correcte des caillots, - si le patient est conscient, une position demi-assise ou en décubitus latéral est préconisée. L’intubation d’un traumatisme facial peut s’avérer difficile voire impossible, et nécessite la réalisation d’une trachéotomie. L’intubation doit être réalisée par voie oro-trachéale pour éviter le risque de contamination septique et d’augmenter les lésions nasales et ethmoïdales par voie naso-trachéale. 19 612. Les hémorragies Les hémorragies de la face, du plancher buccal ou de la langue peuvent nécessiter la ligature du vaisseau intéressé. Le problème est dominé par l’épistaxis. Les gestes sont gradués en fonction de l’importance de l’épistaxis : Un simple mouchage avec compression prolongée des ailes du nez contre la cloison nasale traite la majorité des épistaxis. Cette compression doit être de 5 à 10 minutes (temps de saignement). La prescription de sédatifs et mise au repos dans une chambre fraîche. Un méchage antérieur doit être réalisé en cas d’échec. Un traitement antibiotique doit être prescrit pendant la durée du méchage : amoxicilline (50 à 100mg/kg/jour en trois prises), en l’absence d’allergie. Le déméchage est le plus souvent effectué 48 heures après le méchage, de préférence le matin, afin que le médecin ait le recul d’une journée pour juger de l’absence de récidive. En cas de traitement anticoagulant ou de maladie hémorragique, le méchage doit être réalisé avec du mat ériel résorbable type Surgicel ®; dans les autres cas, la mèche doit être un tampon non traumatisant type Mérocel®, ou en l’absence une mèche grasse type Tulle gras. Il ne faut pas mécher vers le haut mais rester le long du plancher de la fosse nasale. L’emploi d’une solution pour anesthésie de contact des muqueuses (type xylocaïne ® 5 % à la naphazoline) introduite sur un petit coton quelques minutes avant le méchage permet souvent de mieux effectuer le tamponnement tout en limitant la douleur. Il ne faut pas hésiter à hospitaliser un patient à risque : âge avancé, tares susceptibles de se décompenser, patient ayant une maladie hémorragique ou sous traitement anticoagulant, persistance du saignement après un méchage antérieur. Le double méchage antérieur et postérieur est plus rarement pratiqué. Son indication est la persistance de l’épistaxis après avoir effectué un méchage antérieur correct. Le double méchage s’effectue sous anesthésie générale. Il peut être réalisé avec des sondes de Brighton ® par tout médecin. Ces sondes sont constituées d’un tube sur lequel sont disposés deux ballonnets : le premier ballonnet doit être placé dans le cavum, le second dans la fosse nasale. Exceptionnellement, il est posé l’indication d’une ligature art érielle (sphéno-palatine, ethmoïdale) ou d’une embolisation après artériographie sélective. 20 6 2 - Le traitement des lésions faciales 621. Les lésions osseuses En fonction du type de fractures et de l’habitude du chirurgien, deux méthodes chirurgicales de réduction-contention peuvent être proposées : - soit avec abord de la fracture (utilisation des lésions tégumentaires et/ou muqueuses ou des incisions réglées en fonction). Après réduction, la contention est réalisée soit par ostéosynthèse au fil d’acier soit par microplaques vissées, - soit par voie naturelle ou par de petites incisions avec des instruments adaptés à chaque cas, la contention nécessite soit des broches soit des fixateurs externes. Il existe des méthodes non chirurgicales de réduction-contention : - par moyens intrabuccaux (ligatures interdentaires, arcs, gouttière en résine) ou extrabuccaux (fixateurs). 622. Les lésions tégumentaires 6221. LES LÉSIONS CUTANÉO-MUQUEUSES Les principes généraux sont : - un nettoyage soigneux des plaies, - tout corps étranger doit être enlevé sans aggraver les lésions, - une hémostase soigneuse doit être réalisée, - l’aménagement des berges de la plaie doit être économe, - la réparation des plaies sans perte de substance par suture en veillant à respecter les lignes périorificielles sans décalage (lèvres, narines, paupières), - la réparation des plaies avec perte de substance par autoplastie locale (nature et couleur des tissus comparables), - les brèches majeures peuvent nécessiter des lambeaux prélevés à distance, de composition parfois complexe (peau, cartilage, os, muscles). 6222. LES LÉSIONS DES VOIES LACRYMALES Un cathétérisme canaliculo-sacculaire est nécessaire (sondes spéciales). Elles nécessitent un avis spécialisé en ophtalmologie. 6223. LES LÉSIONS DU CANAL DE STÉNON Elles doivent être traitées de manière précoce pour éviter la survenue de fistules salivaires. La suture est réalisée sur un cathéter tuteur dont l’extrémité buccale sera amarrée à un collet dentaire. 21 6224. LES LÉSIONS DU NERF FACIAL Le repérage et les sutures des branches terminales du nerf facial sont difficiles, et doivent être aidés par l’utilisation d’un neurostimulateur. 6 3 - Le traitement général Il comporte une antibiothérapie adaptée et une réanimation si nécessaire. 7 - Séquelles des traumatismes de la face 7 1 - Cosmétiques 711. Cutanées Les cicatrices vicieuses, rétractiles, hypertrophiques, tatouages résiduels et pertes de substance peuvent nécessiter le recours à divers procédés de chirurgie plastique. 712. Muqueuses Il peut s’agir d’amputations de la langue ou du voile du palais, de communications bucconasales ou buccosinusiennes. Ces lésions peuvent entraîner des troubles de la déglutition et de l’articulation. Leur réparation nécessite parfois l’utilisation de lambeaux et d’appareillage endobuccal (prothèse). Le problème des plaies périorificielles cutanéo-muqueuses est dominé par le risque de sténoses secondaires et de leur reconstruction souvent difficile. 713. Osseuses Les consolidations vicieuses peuvent entraîner des déformations résiduelles qui peuvent nécessiter, lorsqu’elles sont modérées, des greffons. Les grands déplacements faciaux résiduels peuvent nécessiter des ostéotomies type Lefort. Les pertes de substance étendues ou les pseudarthroses peuvent nécessiter l’apport de greffon osseux parfois sous la forme de lambeaux ostéo-myocutanés. 7 2 - Séquelles infectieuses Il peut s’agir d’ostéite chronique. Les sinusites maxillaires chroniques post-traumatiques peuvent nécessiter un traitement chirurgical par voie endonasale. Au niveau fronto-ethmoïdal, une complication infectieuse endocrânienne est toujours à rechercher surtout s’il existe un écoulement de liquide céphalorachidien : des méningites rhinogènes tardives sont possibles. Le traitement nécessite une prise en charge multidisciplinaire avec des neurochirurgiens. 22 7 3 - Séquelles fonctionnelles 731. Nasales L’obstruction nasale peut nécessiter une septoplastie ou une rhinoseptoplastie. Les sténoses narinaires nécessitent une prise en charge chirurgicale complexe. Les anosmies post-traumatiques sont, le plus souvent, définitives et peuvent être associées à une agueusie. 732. Oculaires Les troubles de la statique oculaire sont fréquents. Une enophtalmie secondaire à une fracture du plancher de l’orbite peut être traitée par un greffon de soutien. Si l’enophtalmie résulte d’une fonte du cône graisseux, le traitement est plus complexe. Les troubles de la dynamique, type diplopie, sur une fracture du plancher négligée peuvent amener à effectuer une tentative de désincarcération de la périorbite et des muscles inférieurs. Dans les autres cas de diplopie, des interventions chirurgicales de raccourcissement ou d’allongement musculaire, le port de prismes et la rééducation orthoptique sont nécessaires. Les lésions du sac ou du canal lacrymal s’accompagnant de larmoiement peuvent nécessiter la réalisation d’une dacryocystorhinostomie par voie externe ou par voie endonasale. Les dystopies canthales séquellaires peuvent être traitées par remodelage des parois osseuses de l’orbite. 733. Masticatoires Les édentations et les troubles mineurs de l’articulé dentaire peuvent être corrigés par traitement prothétique et/ou orthodontique. Les troubles occlusaux partiels et majeurs peuvent nécessiter des ostéotomies de reposition au niveau de la mandibule et des ostéotomies segmentaires voire hautes au niveau du massif facial. Une prise en charge orthodontique et orthophonique peut être nécessaire avant et après l’intervention en raison des troubles de la déglutition et de l’articulation. 7 4 - Séquelles neurologiques 741. Sensorielles Une lésion du nerf optique définitive, malgré une décompression transethmoïdale précoce, entraîne une cécité. L’anosmie est fréquente dans les fractures avec atteintes de la base du crâne. 23 A noter que les fractures du rocher peuvent entraîner une surdité de transmission et/ou de perception. 742. Sensitives Les anesthésies ou hypoesthésies dans le territoire du trijumeau (V1 : nerf frontal, V2 : nerf sous orbitaire, V3 : nerf mentonnier) sont fréquentes. Il peut également exister des névralgies post-traumatiques dans le territoire du V. 743. Motrices Les atteintes du nerf facial (VII) ou de ses branches de division sont difficiles à traiter. Lorsqu’elles sont définitives, une chirurgie de réhabilitation faciale peut être proposée : lifting, myoplasties, suspensions ou par anastomose nerveuse (hypoglosso-faciale). 744. Psychiques Le « syndrome subjectif des traumatisés crâniens » est fréquent et peut nécessiter une prise en charge spécialisée. REFERENCES GRELLET M, LAUDENBACH P. (1985), Thérapeutique stomatologique et maxillo-faciale. Masson. 24 Les lésions inflammatoires pseudo-tumorales de la cavité buccale François Cheilian François CHEILIAN Chirurgien dentiste - orthodontie 27 clos des Perroquets 94500 Champigny Rappel anatomique La cavité buccale est limitée en haut par le palais et le voile du palais ; latéralement par la face interne des joues ; en bas par le plancher de la bouche ; en avant par l'orifice buccal, circonscrit par les lèvres qui présentent deux versants, cutané et muqueux. En arrière, la cavité buccale communique avec le pharynx. Cette cavité renferme la langue et les dents, elle est tapissée par une muqueuse malpighienne constituée par un épithélium malpighien non kératinisé en surface et un tissu conjonctif de soutien. Bien souvent, avant d'envisager les vraies tumeurs, il faut souligner la fréquence, dans la cavité buccale, de lésions inflammatoires pouvant simuler, macroscopiquement, une tumeur. Celles-ci posent parfois des problèmes diagnostiques avec d'authentiques tumeurs. Nous penserons dans ce cas : - aux ulcérations traumatiques , (nous réservons ce nom à toute perte de substance plus ou moins profonde sans tendance marquée à la cicatrisation) l'ulcération au contact d'une racine résiduelle ou d'une prothèse, elle peut prêter à confusion avec les cancers ulcérés, marquée par des Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 25 douleurs parfois assez vives, accrues par le passage des aliments. La suppression de la cause d'irritation assure la guérison rapide, sinon il faut penser aux autres causes, et en particulier faire immédiatement une biopsie. - aux ulcérations de la langue , l'ulcération au niveau de la langue prend son importance du fait de la possibilité d'un épithélioma. Après avoir écarté les lésions traumatiques (morsure, coupure), les lésions qui se rencontrent au cours d'une maladie générale (typhoïde, coqueluche, éruptions médicamenteuses), de même que celles qui accompagnent les stomatites médicamenteuses, l'herpès, le zona, les aphtes... Lorsque l'ulcération est isolée et qu'elle est à elle seule toute la maladie, il faut penser alors à l'épithélioma, à la syphilis, à la tuberculose, aux mycoses. - aux bourgeons charnus (botriomycome) la localisation est le plus souvent à la lèvre inférieure, plus rarement aux joues, à la langue ou au palais. Plus fréquent chez l'adulte, il est exceptionnel chez le vieillard et l'enfant. II se développe après un petit traumatisme, en particulier une morsure. II s'agit d'un nodule unique, du volume d'une framboise, plus ou moins largement implanté sur la muqueuse buccale, ce nodule de consistance ferme, élastique, rouge, saigne facilement. Il est indolore spontanément et au contact. Le botriomycome est une tumeur hyperplasique dont le développement est conditionné par une cause locale (traumatique, inflammatoire), également par une cause générale : altération sanguine (anémie, variation du temps de saignement, de coagulation...). Le traitement doit donc être : général, pour corriger les troubles sanguins ; local, par l'excision. - à la diapneusie, nodule du bord de la langue, de la face interne des joues, des lèvres, se produisant au contact d'un diastème dentaire. II faut souligner le rôle des phénomènes de succion répétée qui attirent un fragment de muqueuse dans un espace inter dentaire. II se présente comme un nodule pédiculé à base étroite. Cette lésion créée par des facteurs mécaniques et inflammatoires constitue un état précancéreux. II faut donc l'exciser et corriger par la prothèse les vides des arcades. REFERENCES DECHAUME M. (1966) Précis de stomatologie, Masson, 900 pp. AURIOL Mme (1972) Anatomie pathologique, Faculté de chirurgie dentaire de Paris. 26 Séquelles des lambeaux de reconstruction à la face. Comparaison des techniques de réparation dans les résultats phonétiques en particulier Dr Guy Marti Résumé Les lambeaux de reconstruction à la face, musculo-cutanés ou libres microanastomosés donnent de bons résultats fonctionnels et esthétiques et peu de séquelles. Au site de prélèvement, le déficit est rapidement compensé ou substitué. Certains déficits distaux pourraient être encore améliorés par une kinésithérapie précoce. L’alimentation et la déglutition sont les fonctions les plus spectaculairement conservées par ces techniques de réparation. La phonation a le potentiel d’être conservée à condition de choisir préférentiellement les lambeaux libres aux lambeaux pédiculés et qu’une rééducation orthophonique soit immédiatement commencée. Pour améliorer le pronostic orthophonique, la conservation de la mobilité de la langue se confirme comme étant un objectif prioritaire et se réalise plus souvent avec les lambeaux libres. Il faut savoir enfin, que sur le plan socioprofessionnel et psychologique, les échecs sont constants et importants. La rééducation orthophonique a modestement mais sûrement son rôle à jouer dans cette réhabilitation globale. Mots clés : tête et cou, lambeaux, séquelles, rééducation Sequels from flap techniques in facial reconstruction. A comparison of different techniques, with an emphasis on the phonetic area Abstract Myocutaneous and free revascularized flap techniques give good functional and aesthetic results in head and neck reconstruction. Donor site disability is rapidly compensated for. Distal functional loss may be further improved by early physiotherapy. Swallowing and masticatory functions are significantly preserved by these flap techniques. Speech production could be improved through the implementation of early speech therapy and by preferentially selecting free flap techniques. Tongue mobility, which is better preserved by free flap techniques, has been demonstrated to be a major prognostic factor. Finally, socio-professional and psychological aspects are considerably altered in these patients and failure is frequent and massive. Speech therapy has a role to play in this global process of rehabilitation. Key Words : head and neck, flap techniques, morbidity, physiotherapy Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 27 Dr Guy MARTI Chirurgien maxillo-facial Polyclinique Saint Jean 41 avenue de Corbeil, 77 000 Melun Tél. 01.64.37.05.00 Fax 01.64.87.03.78 Courriel: [email protected] L e traitement des cancers de la face et de la cavité buccale bénéficie progressivement d’améliorations conduisant à des résultats significatifs, mais le pronostic de survie global et à long terme reste très sombre. Par contre, les méthodes de réparation des amputations imposées par les interventions d’exérèse ont nettement amélioré la qualité de survie des patients. Ces patients vont être en mesure de demander des soins de rééducation pour pallier aux séquelles de ces interventions, mais aussi aux séquelles propres de cette chirurgie réparatrice. L’orthophoniste va donc sans doute être confronté un jour à un de ces patients et doit s’y préparer. Nous allons décrire ici une population de patients ayant bénéficié de lambeaux de reconstruction de la face, lambeaux musculo-cutanés ou ostéo-musculaires, prélevés à distance, pour réparer une exérèse tumorale ou combler une perte de substance traumatique. Les séquelles seront étudiées sous différents angles : social, fonctionnel, esthétique, psychologique. Cette approche globale permettra de dépister les techniques réparatrices les plus à risque de provoquer des séquelles et de déterminer les démarches de prévention possibles. Matériel et méthodes Matériel : Population étudiée 47 patients opérés par le même chirurgien (Pr. Goga, CHU de Tours) entre 1987 et 1990 ont été étudiés (41 pour exérèse tumorale et 6 pour perte de substance traumatique). Ces patients avaient bénéficié au total de 58 lambeaux « lourds » soit pédiculés (grand pectoral, grand dorsal, deltopectoral, temporal) soit libres micro-anastomosés (grand dorsal, crête iliaque, antébrachial, parascapulaire, gastroépiploïque, épiplon). N’ont pas été retenus les patients ayant eu des méthodes de réparation loco-régionales (lambeaux de rotation, de translation, plasties de fermeture). 28 La moyenne d’âge des patients atteints de cancer au moment de l’intervention était de 57 ans (de 41 à 78 ans). La survie moyenne était de 18 mois au moment de l’étude. Les pertes de substances avaient intéressé la langue, le plancher buccal et l’oropharynx dans 75 % des cas, une perte osseuse était impliquée dans 20 % des cas, et une amputation des tissus cutanés de la face dans 12 % des cas. Des 58 lambeaux réalisés, 41 étaient pédiculés et 17 étaient des lambeaux libres micro-anastomosés. Le lambeau de muscle grand pectoral, de loin le lambeau le plus courant dans cette chirurgie réparatrice, avait été utilisé 22 fois et le lambeau de muscle grand dorsal 14 fois. La reprise de l’alimentation a pu être faite en moyenne au 12 e jour (de très mauvais pronostic si reprise trop tardive ou impossible), et l’ablation de la sonde gastrique en moyenne au 20 e jour (dans 84 % avant la fin du premier mois). Méthode Les 22 patients de cette étude ayant répondu à la convocation ont été vus par le même examinateur, chirurgien maxillo-facial, et conjointement avec l’orthophoniste du service de neuro-traumatologie. Quatre chapitres ont été étudiés : 1 - Social : Fiche d’entretien spécifique établie par une assistante sociale. 2 - Fonctionnel : - bilan de l’alimentation et de la déglutition ; - évaluation de l’éventuelle prothèse dentaire ; - bilan de la phonation ; - bilan locomoteur concernant les répercussions du prélèvement du lambeau ; 3 - Esthétique : bilan d’évaluation par le patient et par l’examinateur. 4 - Psychologique : fiche d’entretien spécifique établie avec un médecin psychiatre. Méthode d’étude du retentissement social Ont été notés : le niveau d’étude, le niveau socioprofessionnel avant le traitement, l’activité actuelle, l’éventuel taux d’invalidité accordé, la nouvelle insertion sociale et familiale, le degré de dépendance. Méthode d’étude du retentissement fonctionnel : Alimentation et déglutition Ont été notés les altérations du goût et de l’appétit, le contexte de l’alimentation (le patient peut-il manger en famille, au restaurant ?), l’examen de la 29 cavité buccale, les éventuels reflux et fausses routes, la texture des aliments ingérables. Méthode d’étude du retentissement fonctionnel : Prothèse dentaire Si le patient se présentait sans prothèse, avait-elle été souhaitée, proposée. Avait-elle échoué ? Etude des raisons de l’échec. Si le patient se présentait avec une prothèse, délai d’obtention, coût, prise en charge, satisfaction esthétique et fonctionnelle, artifices prothétiques utilisés, nombre de prothèses transitoires, éventuels implants endo-osseux. Méthode d’étude du retentissement fonctionnel : Phonation Examen et cotation de la motricité bucco-linguo-faciale, le test a été passé sur ordre ou sur imitation. L’examen des mouvements articulatoires s’est fait en deux parties, une première partie a testé la réalisation de phonèmes isolés et de groupes consonantiques usuels de la langue française. Les 36 phonèmes du français et le phonème [j] (ing) d’origine anglaise ont été testés, ainsi que 13 groupes usuels construits avec [l] et [R]. La deuxième partie a proposé la répétition de mots complexes afin de tester les enchaînements, les groupes complexes et l’intelligibilité de la parole. Tous les phonèmes de la langue française ont donc été à nouveau testés. La passation de ces tests s’est faite après avoir énoncé les logatomes ou les mots, afin de ne pas introduire d’élément de lecture. Méthode d’étude du retentissement fonctionnel : Locomoteur Evaluation du handicap selon la classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps, cotation du déficit musculaire au site du prélèvement du lambeau, évaluation de la mobilité de l’épaule, évaluation du rachis cervical. Méthode d’étude du retentissement esthétique Ont été cotées, l’intégration du lambeau dans la forme du visage, les cicatrices, l’expressivité de la mimique et les postures de la tête, par l’examinateur d’une part et par le patient d’autre part. Le site de prélèvement a aussi été évalué. Méthode d’étude du retentissement psychologique Evaluation de l’acceptation de la mutilation, de la réparation, de la dépendance. Recherche de signes de décompensation : anxiété, dépression, évitement. 30 Résultats Résultats : Retentissement social Activité professionnelle : la réinsertion professionnelle a été un échec pour les 15 patients encore en activité (100 %). Parmi les travailleurs indépendants, artisans et commerçants, agriculteurs, 100 % (6 sur 6) ont perdu toute ou une grande partie de leur patrimoine professionnel (fermeture d’entreprise, terres en jachère, restaurant en gérance). Parmi les employés salariés 57 % (4 sur 7) ont été licenciés, mis à la retraite anticipée, déclassés avec perte de revenu. Les deux patients encore scolarisés, victimes de traumatismes, ont abandonné leurs études pour devenir ouvrier agricole ou maçon (100 % d’échec). Invalidité administrative : la moitié des salariés a obtenu une invalidité dont le taux a varié de 50 à 80 % contre seulement un tiers des travailleurs indépendants. Réinsertion sociale et familiale : un tiers des patients a avoué un comportement de retrait social (diminution significative des sorties et réceptions à la maison). Par contre, les plaintes concernant les répercussions familiales sont restées très discrètes. Résultats : Retentissement fonctionnel : alimentation, déglutition 20 patients sur 22 (91 %) avaient subi une intervention interrompant une des deux arcades dentaires. Goût et appétit : malgré la radiothérapie reçue par 68 % des patients (15 sur 22), le goût n’a été altéré que pour 26 % d’entre eux. Cette diminution du goût n’a pas entravé l’appétit, même chez les patients qui présentaient une dysphagie. Un seul patient (ancien restaurateur, mis en invalidité à 80 % et avec comportement psychiatrique revendicateur) a allégué à la fois une perte du goût et de l’appétit. Déglutition : normale pour 90 % des patients (20 sur 22), ralentie pour un autre (temps pharyngé de la déglutition, en particulier pour les aliments froids, séquelle de radiothérapie à type de xérostomie). Le même patient ayant allégué des problèmes de goût et d’appétit, se plaignait aussi de dysphagie à type de dysphagie paradoxale. Aucune cause organique n’avait été découverte à l’occasion d’examens précédents. Alimentation : 18 % des patients (4 sur 22) avaient une alimentation qui perturbait leur vie quotidienne (hachée, mixée, épaisse-molle). 50 % des patients pouvaient manger émietté, c’est à dire en coupant suffisamment les aliments. Cette méthode leur permettant néanmoins de manger en famille et en public (restaurant). 32 % (7 sur 22) avaient gardé une alimentation normale. 31 Résultats : Retentissement fonctionnel : Prothèse dentaire 7 patients n’avaient pas d’indication prothétique (pas de dent absente, délai trop court avant réhabilitation). C’est donc 15 patients qui étaient concernés par la confection d’une prothèse dentaire. On rapporte 40 % de réussites (6 sur 15) permettant un confort masticatoire grâce à divers artifices (implants endo-osseux, rebasages en résine molle, guide de centrage pour éviter la latéralisation). 20 % d’échecs partiels. Il s’agissait de patients portant leur prothèse, mais pas pour s’alimenter. Dans deux tiers des cas, une bride due au lambeau empêchait une stabilité suffisante, dans un tiers des cas, l’hygiène buccale et la coopération des patients étaient insuffisantes. 40 % d’échecs complets. Une seule contre-indication d’ordre psychiatrique (patient cloîtré chez lui), une contre-indication pour risque d’ostéoradionécrose (extractions dentaires non faites ou incomplètes), et quatre cas d’instabilité et de manque de rétention à cause de la présence du lambeau ou de sa bride dans le vestibule. C’est donc dans deux tiers des cas d’échec qu’une intervention de chirurgie pré-prothétique aurait pu améliorer les conditions. Résultats : Retentissement fonctionnel : Phonation Seuls deux patients avaient suivi une rééducation orthophonique postopératoire (8%). Les résultats pris de façon globale ont montré un score global d’intelligibilité de 90,4 %. Le score moyen de motricité bucco-linguo-faciale était de 80 %, le score de réussite des phonèmes était à 80 % pour aboutir à un score d’intelligibilité de 90,4 %. Nous avons pu obtenir un test de localisation en comparant les phonèmes caractéristiques de leur lieu d’articulation, labiale, linguale, ou vélaire, avec les pertes de substance et leur mode de réparation. Les exérèses mandibulaires interruptrices ont obtenu des scores de mobilité de 64 à 96 % et des scores d’intelligibilité de 89 à 98 %. Les exérèses de la commissure intermaxillaire ont obtenu des scores de mobilité de 67 à 98 % et des scores d’intelligibilité de 90 à 99 %. Les exérèses du maxillaire supérieur et du voile ont donné des scores de mobilité de 95 à 100 % et des scores d’intelligibilité de 87 à 89 %, à condition d’exclure un patient victime de traumatisme balistique pour qui s’ajoutait une 32 paralysie faciale importante à une forte amputation de la langue (motricité 62 % et intelligibilité 76 %). Les amputations pelvi-linguales : nous avons observé la corrélation linéaire entre les mauvais scores et le volume d’amputation linguale sans retrouver comme d’autres auteurs (Fletcher 1988) d’élément permettant d’attribuer à une région de la langue, un score significatif. Par contre, méritent d’être rapportés les résultats obtenus en fonction du mode de réparation, lambeau pédiculé (grand dorsal) ou lambeau libre (lambeau antébrachial ou gastro-épiploïque). Les scores moyens sont exposés au tableau I. Résultats : Retentissement fonctionnel : locomoteur On rapporte un cas exceptionnel de séquelles majeures, le même patient cumulant plusieurs complications possibles : une lésion du nerf spinal responsable d’une épaule gelée, une compression du plexus brachial par le pédicule du lambeau responsable d’algies, un déficit moteur distal du membre supérieur, côté opéré, une diminution de mobilité de la tête, et des contractions du lambeau à chaque mouvement intra-buccal, de déglutition en particulier. Déficit moteur au site du prélèvement : les patients ayant eu un lambeau de grand pectoral ont montré un score moyen au testing musculaire de 3,36 (cotation de 1 à 5), c’est à dire une excellente récupération, en particulier grâce au muscle petit pectoral. Les patients ayant eu un lambeau de grand dorsal montraient un score moyen au testing musculaire de 2,33. Pas de déficit musculaire pour les lambeaux libres. Amplitudes articulaires de l’épaule : 60 % des patients ont montré une diminution des amplitudes de l’épaule. L’abduction moyenne était à 80 degrés et l’antépulsion à 80 degrés. Rachis cervical : 55 % des patients ont montré des diminutions dans la flexion, les inclinaisons et les rotations. La différence de rotation de la tête du côté opéré par rapport au côté sain était de 4 cm en moyenne. Les patients ayant reçu un lambeau de muscle grand dorsal présentaient une limitation moitié moindre que ceux qui avaient reçu un lambeau de grand pectoral. Déficit distal : 30 % des patients ont montré un déficit moteur distal du membre du côté opéré. Deux fois sur trois, ce déficit a intéressé tous les mu scles du membre supérieur. Ce déficit n’a pourtant jamais été important, la cotation moyenne étant de 4. Aucune lésion neurologique n’a été susceptible d’expliquer ce déficit. Nous en verrons la signification dans l’analyse globale des résultats fonctionnels. 33 Plainte fonctionnelle et handicap : la plainte fonctionnelle a été généralement plus importante que la traduction du handicap. Le score moyen, sur l’ensemble des patients a été le suivant : Score handicap : 98,9 Plainte fonctionnelle : 79,5 Score musculaire : 89,7 Le classement des plaintes fonctionnelles en fonction des lambeaux a été le suivant : Grand pectoral : 62,5 % Grand dorsal : 85 % Lambeaux libres : 92,5 % C’est donc le lambeau de grand pectoral qui a montré les plus mauvais résultats. 75 % de ces patients se disaient d’ailleurs gênés dans la vie quotidienne. Certains patients ont montré des scores discordants de façon très significative avec une plainte fonctionnelle majeure (jusqu’à 20 %), un handicap jusqu’à 100 % avec des scores moteurs de 95 %. C’est l’analyse globale de cette population, en particulier l’évaluation psychiatrique qui a montré l’interférence de certains syndromes dans l’évaluation fonctionnelle (dépression majeure, retrait psychologique et social, comportement revendicateur). Résultats - Retentissement esthétique On a noté d’emblée une corrélation acceptable entre les cotations évaluées d’après les patients et celles évaluées par l’examinateur (différences de 10 à 15 % selon les rubriques). Le résultat global a montré 73 % de patients très satisfaits. Parmi les 27 % d’insatisfaits, un tiers d’entre eux n’avaient pas encore accepté de procédure chirurgicale de rattrapage, ou bien présentaient des conduites psychiatriques à type d’évitement (une patiente, tous les matins, maquillait quelqu’un d’autre devant sa glace). Intégration du lambeau au visage : bonne intégration (score moyen 7,8 sur 10). Même les patients insatisfaits du résultat esthétique admettaient cette intégration. Cicatrices du visage et du cou : score moyen très acceptable à 7,7 sur 10. Les patients insatisfaits exprimaient un score de 6,3. L’évaluation des brides cervicales et de l’expressivité de la mimique ont donné des scores très parallèles mais plus sévères : 5,3 % chez les patients insatisfaits. Les patients satisfaits étaient plus complaisants avec un score de 8,5 et 8,9. 34 Cicatrices aux sites de prélèvement des lambeaux : seuls les lambeaux de grand pectoral ont motivé une plainte. La cicatrice est en effet sous le mamelon et difficilement occultable. Les cicatrices de prélèvement de grand dorsal (cicatrice latéro-postérieure) ont toujours été bien acceptées. Lambeaux en bouche : dans 20 % des cas, le lambeau était considéré comme une gêne ou un corps étranger. Et pourtant, dans plus de la moitié des cas, les patients considéraient le lambeau comme mal intégré à leur bouche. Résultats - Retentissement psychologique Les désordres psychiatriques sévères ont été importants : 68 % des patients. Le syndrome dépressif a été le plus fréquent avec 27 % des patients. Ont aussi été retrouvés des comportements régressifs (9 %), des comportements manipulateurs vis à vis de l’entourage (13 %), des comportements d’évitement (9 %), et un comportement revendicateur sévère (5 %). Discussion Retentissement social La réinsertion professionnelle a été manifestement un échec sévère. Seuls les employés de grandes entreprises ont pu retrouver un poste équivalent, mutation que n’ont pas pu absorber les petites entreprises qui ont licencié ou imposé au patient un arrêt de travail prolongé en vue d’obtenir une invalidité. Les travailleurs indépendants, faute de couverture correcte de type indemnités journalières, ont dû reprendre plus précocement leur activité, mais en la réduisant. La dégradation a été moindre chez les patients au niveau d’étude supérieur (professeurs). Cette dégradation du statut professionnel est une constante que nous retrouvons dans la littérature (Rozen 1977, Schwanitz 1984). L’évaluation du changement de niveau de vie n’a pas été possible selon des critères objectifs, les français étant traditionnellement très discrets sur leurs revenus. Rozen (1977) rapporte une quantification de la perte de revenu sur une population américaine, mais dont la couverture sociale est très différente. Comme Rozen (1977) et Freedlander (1989), nous retrouvons un tiers des patients victimes d’isolement social, et ceci indépendamment de l’âge. C’est l’association de la défiguration, de la perte d’insertion professionnelle et de l’état dépressif qui est la conséquence de cette situation. 35 Les patients n’ont pas allégué de trouble majeur de la réinsertion familiale. La notion de perte du statut de chef de famille n’a pas été étudiée spécifiquement dans notre revue, comme Freedlander (1989) qui a effectué un entretien séparé avec les conjoints. Cependant, nous avons noté la dépendance intra familiale à chaque fois que l’entretien a eu lieu en présence du conjoint, et lors des formalités administratives. Retentissement fonctionnel : Alimentation et déglutition Traditionnellement, cette chirurgie lourde de la région oro-pharyngée et faciale est responsable d’importants problèmes de déglutition, avec en particulier des fausses routes fréquentes et dangereuses pour ces patients dont l’état général et respiratoire en particulier est mauvais. Notre étude s’est voulue détaillée et précise à la recherche des éléments pouvant faire la part de responsabilité entre radiothérapie et mutilation. Cependant, dans notre étude et comme on le retrouve dans toute la littérature qui rapporte les résultats obtenus avec les lambeaux de reconstruction (Demard 1984, Pech 1982, Pech 1983, Simon 1983), les patients ont repris une déglutition et une alimentation précoces. C’est ce qui fait en grande partie l’avantage de ces techniques de reconstruction. Outre l’effet obturateur des lambeaux, le comblement de la perte de substance évite des tractions extrêmes sur les organes de la déglutition lors de la fermeture du site d’exérèse. Pech (1982) a pu étudier les conséquences d’une amputation partielle de la langue selon la portion amputée. Plus la localisation est postérieure, plus le trouble est important. Dans notre étude, la comparaison lambeau pédiculé avec lambeau libre a donné un léger avantage mais non significatif aux lambeaux libres, pour ce qui concerne la déglutition. La qualité de l’alimentation, c’est à dire le type solide ou non des aliments absorbés est un élément primordial de la réinsertion sociale et familiale, les patients nous l’ont fait remarquer. L’abandon du mixer étant pour eux le symbole du retour à la table familiale (Rozen 1977). Retentissement fonctionnel : Prothèse dentaire Les prothèses qui ont été confectionnées étaient des prothèses adjointes ou conjointes sur implants. Les règles de confection de ces prothèses gardent les mêmes principes que les prothèses conventionnelles, en particulier pour ce qui concerne les volumes et l’occlusion. Cependant, le dentiste a dû s’adapter à une microstomie fréquente et laisser une souplesse occlusale. Il ne faut pas en effet trop cuspider les dents des premières prothèses adjointes pour ne pas les rendre traumatogènes lors des mouvements masticatoires. C’est au fur et à mesure de 36 la disparition des phénomènes douloureux que les dents seront remplacées sur l’appareil. La dimension verticale d’occlusion va devoir parfois être diminuée à cause d’une faible ouverture buccale. Il peut de même être acceptable de meuler les dents du guidage antérieur pour permettre la préhension des aliments. La rétention et la stabilité de ces prothèses adjointes étaient affectées par la présence du lambeau en bouche. C’est sur ce lambeau en mouvement que devait s’adapter la prothèse (Cros 1986, Wurster 1985). Les artifices techniques ont été nombreux : - Utiliser un porte-empreinte individuel, reflet de la nouvelle anatomie ; - Prendre les empreintes aux silicones mais sans compression ; - Faire des retouches de la maquette initiale en cire molle afin de bien mettre en évidence les freins, les brides et les zones mobiles ; - Les intrados des prothèses étaient rebasés en résine molle ou à prise retardée. Ces matériaux offrent plus d’adhésion et par leur coefficient d’absorption mécanique plus important, sont moins traumatogènes. Ces prothèses étaient rebasées tous les 8 à 10 mois. Manifestement, un des critères primordiaux de la réussite prothétique a été la bonne relation patient-dentiste. Celui-ci a été très disponible et à l’écoute de la moindre doléance, de la moindre sensation de mobilité pouvant témoigner d’une retouche à faire. Des implants ont été utilisés soit pour stabiliser une prothèse adjointe avec une barre de type Ackermann, soit comme piliers multiples de bridge. Dans tous nos cas, les implants avaient été posés dans l’os d’un lambeau de crête iliaque. Nous ne discuterons pas ici de la pose d’implants dans un os irradié, aucun de nos patients n’en a bénéficié. Riediger (1988) rapporte son expérience d’implants posés dans un os de lambeau de crête iliaque avec de bons résultats et 30 mois de recul. Les implants sont devenus une solution intéressante à condition d’obtenir une parfaite coopération des patients, en particulier pour ce qui concerne leur hygiène buccale. Retentissement fonctionnel : Phonation Les épreuves cliniques n’ont pu être enregistrées au magnétophone. L’intérêt n’étant pas seulement iconographique, mais aussi pour permettre un contrôle des résultats. Nous avons pu pallier cet inconvénient en faisant transcrire phonétiquement immédiatement les phonèmes entendus, par l’auteur et une orthophoniste. 37 D’autres épreuves cliniques auraient pu être pratiquées et qui auraient eu l’avantage de mettre le patient « en situation » telles que : - la lecture d’un texte ; - la lecture sous assourdissement, ce qui supprime le contrôle auditif de la voix ; - la lecture à voix projetée ; - le comptage projeté ; - la voix chantée. Ces épreuves auraient eu l’avantage d’évaluer la fatigabilité du sujet à la parole, les comportements dysfonctionnels (forçage), et de lever les inhibitions d’ordre psychologique. Malgré leur intérêt, ces épreuves nous ont paru lourdes à supporter pour ces patients souvent très fatigués. Le grand intérêt de cette étude est la discussion des performances phonatoires en fonction des sites d’exérèse dans la cavité buccale, mais aussi de la comparaison entre deux techniques chirurgicales fondamentalement différentes, les lambeaux musculo-cutanés pédiculés et les lambeaux libres micro-anastomosés. Les exérèses interruptrices de la mandibule, réparées ou non avec un matériel osseux sous-jacent ont donné de bons résultats orthophoniques. Les scores moindres ont été obtenus en cas d’irradiation associée à une mobilité faible de la langue. Les exérèses de la commissure inter-maxillaire, malgré le plus grand nombre de structures buccales intéressées, ont obtenu d’excellents résultats. Les lambeaux à ce niveau, par leur souplesse tissulaire et leur passivité ont permis la compensation des structures restant en place. Les exérèses du maxillaire supérieur et du voile sont très difficiles à réparer et dans cette étude, des lambeaux libres ont surtout été utilisés, antébrachial et grand dorsal (figure numéro 1). Les résultats dans ces cas sont excellents, en particulier les scores obtenus à l’articulation des phonèmes vélaires qui sont à 100 %. Pourtant, encore une fois, ces scores ont été grevés à chaque fois que la motricité de la langue était diminuée. Les exérèses pelvi-linguales présentent les situations où les résultats ont été les moins bons, confirmant ainsi l’importance de la langue dans la phonation. Les résultats doivent cependant s’analyser en fonction du mode de réparation. En effet, les lambeaux pédiculés sont nettement plus volumineux, et ainsi leur intérêt réside dans le comblement de la perte de substance. Ils sont fiables, nécrosent peu et rarement, mais occasionnent parfois des brides de rétraction à cause de leur pédicule vasculaire qu’il faut respecter. Les lambeaux libres peu- 38 vent être prélevés sous forme de tranche plus fine, donnant ainsi un effet de recouvrement d’une surface ayant supporté une exérèse. Ils ne subissent pas d’effet de rétraction et gardent leur souplesse. Dans notre étude, nous avons obtenu une moyenne d’intelligibilité de 81 % pour les lambeaux pédiculés contre 93 % pour les lambeaux libres. Nos résultats ne concordent pas avec ceux de Michiwaki (1990) et Kamura (1985) qui comparent cinq patients ayant eu respectivement des lambeaux libres anté-brachiaux et des lambeaux pédiculés de grand dorsal. Ils obtiennent des scores d’intelligibilité de 61 % pour le premier et 67,3 % pour le deuxième et concluent avec Fletcher (1988) que c’est la portion de langue qui subit l’exérèse qui est déterminante, la partie antérieure pouvant être compensée par les lèvres contrairement à la partie postérieure. Lorsque cette comparaison a été faite sur nos résultats, ceux-ci n’étaient pas significatifs. Sans concorder parfaitement, nos résultats ne sont néanmoins pas contradictoires. Le faible nombre de patients inclus dans cette étude et toutes celles de la littérature rend la casuistique difficilement interprétable (figures numéros 2, 3 et 4). Retentissement fonctionnel locomoteur S’intéresser aux séquelles fonctionnelles du membre ou du tronc intéressé par le prélèvement d’un lambeau de reconstruction faciale a semblé longtemps superflu en regard de leur immense intérêt chirurgical. Notre étude a permis de retrouver que chaque fois qu’un muscle manquait à la fonction, celle-ci était compensée par un autre groupe, en synergie et en recrutement. C’est l’exemple du grand dorsal. Sinon, comme pour le grand pectoral, d’autres muscles vont se substituer à celui qui manque. Nous avons par contre retrouvé un déficit distal du membre intéressé par la zone de prélèvement. L’analyse des scores de testing montre qu’il s’agit d’un déficit fonctionnel et qu’en fait, les patients n’osent plus se servir de ce membre et réduisent ainsi leurs performances. Le rôle de la kinésithérapie précoce apparaît ici comme utile dès l’hospitalisation. Quand la cicatrisation est obtenue, les techniques de bio-feedback permettront de replacer le muscle dans son nouveau schéma corporel. La limitation de rotation cervicale est une évidence clinique chez les patients opérés avec des lambeaux pédiculés, mais jamais quantifiée dans la littérature. Les facteurs accessoires dus à la radiothérapie et aux rétractions cicatricielles ont été évoqués. Dans notre étude, il apparaît nettement que le muscle grand pectoral gêne le plus la rotation cervicale, par rapport au grand dorsal. Les lambeaux libres, bien entendu, n’ayant aucune influence (figure numéro 5). 39 Le handicap vécu par le patient, évalué comme une entrave à la réalisation des gestes de nécessité quotidienne et selon des critères internationaux, a été retrouvé dans notre étude, plus fortement corrélé aux séquelles psychiatriques qu’à un réel déficit objectivable. Retentissement esthétique Le caractère spectaculaire de ce type de chirurgie et la reconnaissance qu’avaient les patients, heureux d’avoir échappé avec aussi peu de préjudice à une telle maladie et ses mutilations, n’a pas aidé à l’évaluation objective des résultats. Néanmoins, l’esthétique du visage réparé était bonne, les cicatrices bien intégrées, seules les brides dues aux pédicules des lambeaux, en entravant la mimique et l’expressivité ont été remarquées. Les séquelles aux sites de prélèvement des lambeaux ont été remarquées, par la déformation, bien que modérée de la silhouette, mais surtout par la largeur de la cicatrice, le plus souvent supérieure à 1 cm. Le lambeau de grand pectoral, dont la cicatrice se situe sous le mamelon, est à éviter chez les sujets du sexe féminin, la cicatrice du lambeau de grand dorsal se trouvant sous l’aisselle (figure numéro 6). La cicatrice du lambeau antébrachial est importante et disgracieuse. Située sur la face antérieure de l’avant-bras, les structures sous-jacentes sont tendineuses et aponévrotiques et ne permettent pas un bourgeonnement. L’expansion cutanée pré-opératoire ne peut s’envisager ici dans un contexte carcinologique où la précocité de l’intervention est un facteur pronostic détermin a nt . Retentissement psychologique Les entretiens ont été menés par l’auteur, médecin non psychiatre, et ont donc été guidés par un questionnaire dont les questions étaient peu ou pas suggestives. Ce questionnaire s’est voulu descriptif et c’est le groupement des items qui a permis de dégager les éventuelles caractéristiques d’un trouble psychologique. Autant que le schéma corporel moteur, le schéma corporel de la face va être affecté, et le patient en prendra conscience après l’intervention, quand il va solliciter la région de son corps mutilée. Pour David (1977), c’est ici le plus important problème rencontré par les patients opérés de cancers maxillofaciaux. De son étude, ressortent les différentes étapes réactionnelles vis à vis de la perte de l’image corporelle que décrivait E. Kubler-Ross pour les étapes du deuil : déni, colère, ressentiment, acceptation. 40 Nous avons pu retrouver ces mêmes situations chez nos patients et chacun s’est inscrit dans l’une d’elles. Certains n’ont pas évolué et sont restés figés de manière pathologique dans l’une d’entre-elles, sur un mode dépressif le plus souvent. Conclusion Tous les patients de cette étude ont présenté des séquelles dans au moins un des chapitres étudiés. Plusieurs (près d’un sur 10) ont eu des séquelles multiples à caractère fonctionnel témoignant d’une perturbation profonde de leur psychisme. A la pathologie médicale va s’associer une pathologie sociale, car nous avons vu 80 % d’échecs professionnels et un tiers des patients victimes d’isolement social. Ces patients devraient être confiés immédiatement à l’assistante sociale. Alimentation et déglutition ne sont plus significativement perturbées dans cette chirurgie grâce aux techniques de réparation. Les séquelles que nous avons observées étant en rapport avec la radiothérapie. Pour la réhabilitation prothétique dentaire des patients pour qui elle est indiquée, un peu moins de la moitié d’entre eux pourra en bénéficier d’emblée. Les lambeaux libres sont plus favorables car provoquent moins de brides. La qualité de la prise en charge initiale (extractions dentaires), du suivi et le niveau de coopération du patient étant les facteurs pronostiques. Les séquelles orthophoniques sont faibles, mais les résultats seraient excellents avec une rééducation. Les possibilités de compensation sont en effet importantes. Le pronostic orthophonique est dominé par le rétablissement de continuité osseuse de la mandibule, l’utilisation de lambeaux libres et le volume de l’amputation linguale. Une résection importante de la base de celle-ci semblant plus défavorable. Le pronostic fonctionnel locomoteur est déterminé par le choix du type de lambeau, libre de préférence. Si un lambeau pédiculé est impératif (patient à pathologie vasculaire), on préfèrera le grand dorsal au grand pectoral, on fera un prélèvement partiel du muscle avec une dissection profonde pour allonger le pédicule et limiter les brides. La rééducation doit être immédiate pour retrouver un schéma corporel et par bio-feedback dès la cicatrisation. Le soutien psychologique est important pour limiter la partie fonctionnelle des déficits. Les lambeaux sont bien intégrés dans l’esthétique du visage ainsi que leurs cicatrices. Seules les brides cervicales sont mal acceptées car elles entravent les mimiques. 41 Deux tiers des patients vont avoir des séquelles psychiatriques lourdes et d’autant plus qu’ils sont jeunes ou que les traitements se sont prolongés. L’encadrement thérapeutique est ici aussi fondamental. Cette population de patients va donc nécessiter la mobilisation d’une équipe de thérapeutes multidisciplinaires et bien coordonnés. A ce prix, il est prouvé que les résultats peuvent être excellents. Tableau I : Amputations pelvi-linguales, comparaison des modes de réparation sur les résultats phonétiques Type de lambeau Lambeau pédiculé de grand pectoral Lambeau pédiculé de grand pectoral Lambeau pédiculé de grand pectoral Lambeau libre anté-brachial Lambeau libre anté-brachial Lambeau libre Gastro-épiploïque 42 Motricité de la langue Intelligibilité Test de localisation linguale 47 % 82 % 86 % 45 % 84 % 78 % 52 % 78 % 96 % 88 % 96 % 100 % 82 % 87 % 78 % 85 % 96 % 100 % Etude de cas Frédéric Martin Résumé La rééducation des fonctions oro-faciales dans les cas de traumatismes ou tumeurs faciales concerne rarement une fonction isolée mais plusieurs aspects fonctionnels ou esthétiques. Les cas sont complexes, avec de multiples répercussions ; les priorités sont souvent différentes d’un cas à l’autre. Nous avons choisi de présenter 6 sujets (3 traumatismes et 3 exérèses tumorales) et montrer ensuite les grands axes de la rééducation. Mots clés : étude de cas, fonctions oro-faciales, traumatismes de la face, cancers de la face, maxillo-facial, rééducation. Case study Abstract Physiotherapy of oro-facial functions in cases of facial trauma or tumors rarely involves a single function : it involves several different functional or esthetic aspects. Cases tend to be complex and to have multiple consequences ; each case has its own set of priorities. We present six subjects (three cases of facial trauma and three cases of tumoral exeresis) and describe the major lines of physiotherapy. Key Words : case study, oro-facial functions, facial trauma, facial cancer, maxillary-facial, physiotherapy. Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 43 Frédéric MARTIN Orthophoniste 64, avenue Philippe Auguste 75011 Paris Tél. : 01 43 67 54 29 e-mail : [email protected] Cas n° 1, homme, 70 ans Etiologie : 7 interventions maxillo-faciales sur épithélioma baso-cellulaire : parotidectomie, exérèse de l’ATM gauche et du ménisque, exérèse de la base antérieure du pavillon de l’oreille gauche, deux séries de greffes sur des lambeaux pectoraux et dorsaux. Signes cliniques : paralysie faciale gauche de forme incomplète intéressant le territoire moyen ; perte de la sensibilité de l’hémiface sur le même territoire, trouble majeur de la cinématique mandibulaire avec une ouverture buccale limitée à 22 mm ; cicatrices et adhérences importantes au niveau de la greffe de la région temporale à la partie inférieure de la parotide ; troubles de la parole, de la mastication et de la déglutition. Cas n° 2, homme, 23 ans Etiologie : accident d’escalade (a reçu un bloc de pierre sur la joue gauche, en cordée, ayant provoqué une perte de connaissance de quelques minutes). Les examens stomat ologiques ne révèlent aucune fracture. En quelques jours, il développe un trismus important. L’examen radiologique du crâne montre un déplacement de la cloison nasale gauche. Signes cliniques : 2 mois après l’accident, on observe un trismus (blocage des deux ATM) avec ouverture buccale limitée à 20 mm et une douleur à l’ATM gauche à l’ouverture. Maux de tête dans la région temporale gauche (point d’impact) ; troubles de la parole (trouble de l’articulation lié au manque de mobilité mandibulaire, nasonnement lié au déplacement de la cloison nasale) ; trouble de la mastication ; trouble de la mimique avec dysharmonie faciale. 44 Cas n° 3, femme, 62 ans Etiologie : exérèse d’un adénocarcinome rhino-sinusal avec chirurgie reconstructrice de l’aile du nez, du sillon nasogénien et de la lèvre supérieure. Signes cliniques : paralysie faciale incomplète intéressant la lèvre supérieure droite, le canin, le dilatateur des narines et le releveur de la lèvre supérieure, le risorius et le triangulaire des lèvres. Troubles de la sensibilité sur le territoire opéré ; cicatrices adhérentes ; troubles de la parole sur les phonèmes bilabiaux et troubles masticatoires. Cas n° 4, femme, 31 ans Etiologie : défenestration ayant entraîné une perte de connaissance et un traumatisme facial multiple (chute dans un massif de buissons) : section de la carotide interne ayant nécessité un pontage en urgence ; coupure franche de la joue droite opérée le même jour ; fracture complexe de la mastoïde gauche ; section des nerfs X et XII gauches ; fracture complète du rocher gauche avec paralysie faciale complète et 100% de perte axonale à l’EMG de diagnostic ; surdité de transmission gauche (-30 db). A nécessité une décompression du nerf facial au niveau de la troisième portion et une greffe nerveuse intra et extrapétreuse (anastomose de plexus cervical superficiel) sur 4 cm. Signes cliniques : A sa sortie de l’hôpital, elle présente une paralysie faciale périphérique gauche complète de grade V sur la classification de House sans ptose palpébrale ni atteinte cornéenne. Il existe une cicatrice adhérente de 45 mm sur la joue droite, de la commissure à la pommette gênant la mobilité labiale. Cicatrice de la conque du pavillon gauche à la carotide avec de multiples adhérences. Troubles de la parole, de la mastication, de la mimique faciale sur un tableau psychologique fragile. Cas n° 5, femme, 67 ans Etiologie : carcinome amygdalien avec adénopathie métastatique ayant nécessité l’exérèse des amygdales et un curage ganglionnaire bilatéral. Au cours du curage de la zone jugulo-carotidienne gauche, le rameau mentonnier du facial gauche a été touché entraînant une paralysie faciale périphérique du territoire inférieur gauche. L’intervention a été suivie d’une radiothérapie qui a provoqué un assèchement salivaire bilatéral, une radiomucite et une atteinte des papilles gustatives. Signes cliniques : Paralysie faciale au niveau du territoire inférieur sur les muscles triangulaires, lèvre inférieure, houppe du menton et muscles peau- 45 ciers du cou ; agueusie avec troubles masticatoires ; troubles de la parole et de la mimique faciale ; dysphagie. Cas n° 6, homme, 63 ans Etiologie : traumatisme facial gauche. A reçu une balle de golf dans la joue, projetée par les pales d’une tondeuse à gazon. La balle désagrégée s’est insérée dans les chairs. Une intervention chirurgicale avec reconstruction faciale a été nécessaire. Signes cliniques : paralysie faciale gauche du territoire moyen (releveur, canin, zygomatiques, paupière inférieure, lèvre supérieure) avec atteinte de la sensibilité faciale. Cicatrices adhérentes sur la joue et trismus limitant l’ouverture buccale. Troubles de la parole et de la mastication. Rééducation Il existe des points communs à la rééducation même si les étiologies sont différentes. La rééducation, d’une manière générale, doit s’intéresser aux cicatrices liées au geste chirurgical, à la prise en compte de la sensibilité (hypoesthésie, douleurs), à la motricité faciale, à la cinématique mandibulaire, aux difficultés psychologiques liées à la perte de l’image et aux répercussions esthétiques, et par voie de conséquence, aux troubles de la parole, de la mastication et de la déglutition consécutifs aux atteintes fonctionnelles. - Cicatrices : elles sont souvent adhérentes et nécessitent un massage avec drainage, décollement des adhérences, application de vibrations à basse fréquence. La participation du sujet doit être active et quotidienne. Pour les cas n° 3 et n° 4, leur traitement a été nécessaire et extrêmement bénéfique sur le plan fonctionnel et esthétique. - Motricité faciale : on remarque que la plupart des cas présentent une paralysie faciale périphérique, souvent de forme incomplète. Leur traitement consiste en des massages légers, des applications de vibrations (infra-sons), des applications de chaleur, un ré-entraînement de la mimique sans exagération afin d’éviter l’apparition de spasmes de l’hémi-face ou de douleurs musculaires. Les syncinésies sont rares, sauf dans les cas de paralysie complète avec anastomose (cas n° 4). - Sensibilité faciale : une évaluation précise de la sensibilité faciale doit être faite régulièrement (chaud, froid, douleur, pression, effleurages). Il 46 faut veiller aux zones douloureuses, notamment au niveau des cicatrices, de façon à ne pas provoquer de trismus. - Cinématique mandibulaire : les troubles de la motricité de l’appareil manducateur sont soit liés au traumatisme (cas n° 2), soit consécutifs à la chirurgie par rétraction musculo-tendineuse (cas n° 1). Un massage léger de l’ensemble du visage et des masséters est effectué. On propose des mobilisations passives de la mandibule sur les trois plans. Les mouvements linguaux sont nécessaires (recul, élévation au palais, mobilisation du diga strique) afin de créer une compensation et relâcher les muscles masticateurs. - Troubles de la parole : dans tous les cas, l’atteinte oro-faciale provoque un trouble articulatoire. Il est la conséquence des difficultés fonctionnelles. Leur prise en compte est systématique. - Troubles masticatoires et troubles de la déglutition : ils sont liés soit à la paralysie faciale, soit aux troubles de la cinématique mandibulaire, soit aux deux. Il peut exister parallèlement un assèchement salivaire et une agueusie qui majorent les difficultés (cas n° 5). Dans le cas n° 3, il existe une hémiparésie linguale due à l’atteinte du XII. La rééducation doit prendre en compte ces troubles par de nombreux exercices endobuccaux afin de développer des phénomènes de compensation. - Troubles psychologiques : dans tous les cas, il existe une répercussion esthétique plus ou moins marquée. La perte de l’image est indéniable. Beaucoup de cas de traumatismes faciaux sont liés à des tentatives de suicide. Il faut établir un climat de confiance et être rassurant notamment par la mise en place d’un programme de rééducation précis, respectant une chronologie, être sûr de ses gestes et ne pas hésiter à prendre conseils auprès d’autres intervenants. Conclusion La plupart des cas de traumatismes faciaux liés à un accident ou l’exérèse de processus tumoraux présente des atteintes fonctionnelles multiples. Il n’existe donc pas de rééducation type et chaque cas doit faire l’objet d’un programme de rééducation spécifique et adapté. Il faut avoir une connaissance précise de la rééducation de la face et des articulations temporo-mandibulaires. Le point commun reste l’atteinte esthétique qu’il ne faut pas négliger ; elle peut engendrer une blessure narcissique avec troubles de l’image et de l’estime de soi et, par voie de conséquence, engendrer des difficultés de communication et des processus dépressifs. 47 V3M - Un outil de transmission didactique au service de la rééducation oro-faciale Francis Clouteau Résumé La rééducation des atteintes de la face présente une double difficulté. La première difficulté est d’établir une stratégie pour que le patient s’approprie sa rééducation. La seconde est d’effectuer ce travail sur une zone qui n’est jamais connue par vision directe. Les faiblesses d’une rééducation basée sur le miroir nous ont amenés à élaborer une stratégie et un outil qui lui est dédié. Cet outil est constitué autour de la vidéo. Il associe une image similaire au reflet du miroir, l’agrandissement photographique et l’enregistrement. Comprendre, cibler, enregistrer sont les pôles principaux de cette approche. Mots clés : communication, transmission, appropriation, face, miroir, macro, mémoire. The use of didactic techniques in oral-facial rehabilitation Abstract Physiotherapy dealing with facial disfigurement involves two problems. The first problem is to bring the patient to a point where he becomes the actual leader of the treat ment sequences. The second problem involves the fact that the patient has to work on an area which is not accessible to direct vision. The weakness of mirror-based techniques encouraged us to develop a new video-based strategy and tool which associates simultaneously the presentation of the sound, an image similar to that reflected in a mirror, the option of photographic magnification and recordings of all sessions. To understand, focus and record are the main objectives of this approach. Key Words : communication, transmission, appropriation, face, mirror, macro, memory. Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 49 Francis CLOUTEAU Kinésithérapeute Chargé de cours à l’ENKRE Adresse correspondance : 50 rue de la Gare 77760 La Chapelle la Reine [email protected] L es pathologies de la face ont ceci de douloureux pour ceux qui en sont les victimes, qu’elles atteignent ce qui constitue chez l’homme, un des vecteurs principaux de la communication. Les atteintes au visage perturbent non seulement le bon fonctionnement corporel et donc communicationnel mais aussi l’image que l’on a de soi et que l’on aspire à proposer aux autres. Du visage expressif au masque grimaçant, l’atteinte passe souvent par la perte de sa représentation idéalisée et l’incapacité à la rendre effective. La complexité de la face, animée par plus de cinquante muscles et susceptible de près de cinq mille expressions (identifiables dans toutes les cultures), fait de la rééducation orofaciale un domaine à part. 1. Une double difficulté Cette rééducation est confrontée à deux difficultés, l’une inhérente à toute rééducation, l’autre spécifique aux atteintes de la face. 1.2 La transmission La première difficulté est d’éveiller la conscience du patient à sa déficience et aux moyens d’y remédier, dans le but avoué d’une appropriation par ce dernier de sa rééducation. Il s’agit, pour lui, de créer et d’entretenir une relation dynamique à sa rééducation, plutôt qu’une relation passive. Cette appropriation passe par une transmission didactique. Celle-ci se montre souvent incontournable en rééducation. Le praticien doit transmettre un savoir, anatomique, physiologique, de manière à ce que le patient puisse comprendre et faire sienne l’analyse. Le praticien construit alors une stratégie de rééducation, stratégie dont les moyens et les buts doivent être intégrés par le patient. Cette approche permet de fixer à l’horizon, l’apprentissage de nouvelles praxies, leur automatisation, la conservation ou la restauration des fonctions. Mais également d’appréhender la distance éventuelle entre le but fixé et la demande initiale du patient et les évolutions de traitement. 50 Nous proposons de distinguer sommairement trois phases successives : - Le bilan : Il est effectué par le praticien. - La transmission des outils d’analyse et l’intégration des objectifs à atteindre : Le rééducateur transmet les connaissances nécessaires (1) à l’appropriation du diagnostic et des objectifs. Le praticien choisit alors des exercices (2) en les reliant à l’analyse effectuée pour une meilleure appropriation du patient. - Application et évaluation : Dans un troisième temps, le patient applique ce qu’il a intégré précédemment sous le contrôle du praticien. Le succès du traitement se jugera à l’aune de l’automatisation des nouvelle praxies. Le patient doit s’approprier le geste jusqu’à l’oublier. 1.3 La face La deuxième difficulté est propre à la face. On peut la résumer sommairement ainsi : l’homme n’a qu’une connaissance indirecte de son pro pre visage. S’il vit, au quotidien, avec des images de son visage obtenues par reflet ou photographie, il ne peut cependant appréhender directement son visage par la vue (3). Umberto Galimberti déclare ainsi : « personne ne peut accéder à l’image fidèle de son propre corps. Mon regard ne peut […] voir ce visage que je suis et qui m’exprime. Même le miroir ne m’est d’aucun secours, car l’image réfléchie n’est pas superposable, mais symétrique… l’expression que je vois réfléchie n’est pas mon expression » (Galimberti, 1998). Notons d’ores et déjà que la face est connue plus généralement par deux moyens, le reflet et l’image photographique (4). La distinction principale que nous opérons entre ces deux types de représentations peut-être réduite ainsi : le reflet est symétrique, la photographie est transposée. (1) Le patient doit apprendre à regarder, à identifier et analyser ses pathologies. Le maximum de références anatomiques et physiologiques fonctionnelles en relation avec son cas doit lui être transmis. (2) De manière générale on a privilégié les exercices d’apprentissage riches en sensations plutôt qu’une grande quantité d’exercices répétitifs. (3) Nous mettons bien entendu en réser ve la perception tactilo-proprio-kinesthésique plus développée chez les mal-voyants, en considérant la vue comme le sens prioritairement sollicité dans les autres cas (Visuokinesthésique). (4) La photographie, la vidéo… Nous omettons ici la modélisation 3D et l’impression 3D, procédés non généralisés et qui ne transforment pas en profondeur les distinctions opérées. 51 2. Résolution des difficultés 2.1 Constat d’une solution pratiquée On l’aura compris, la résolution de la première difficulté (l’appropriation par le patient de sa rééducation) passe, selon nous, par la résolution de la deuxième liée aux spécificités du visage. Afin de palier cette impossibilité d’appréhension directe du visage par la vue, on utilise généralement un grand miroir. Ce mode de travail présente, en théorie, les capacités à la correction des erreurs : réafférence et proprioception du mouvement. Il rencontre pourtant plusieurs écueils bien concrets. Face au miroir le praticien parle dans le dos du patient. Celui-ci le suit des yeux, se mire, s’oublie dans le spectacle qu’il se donne à lui-même. Le miroir trop vaste invite à l’inertie contemplative. Le remplacement de ce miroir par un petit miroir à maquillage n’est guère satisfaisant pour la séance de travail (5). Il déforme trop, corrompt l’image perçue et donc l’analyse. Dans le premier cas, l’impossibilité de sélectionner est préjudiciable à la concentration, dans le second l’analyse et la compréhension par le patient risquent d’être viciées. La photographie apparaît encore plus inappropriée car elle ne représente pas le mouvement. Les difficultés liées au champ de vision, à l’échelle et au mouvement nous ont donc amené à considérer l’outil vidéo. 2.2 V3M Afin de contourner ces écueils, nous avons proposé l’utilisation d’un système techniquement simple. Ce système fut baptisé V3M pour Vidéo et les trois fonctions sollicitées : Miroir, Macro, Mémoire. L’utilisation de la technologie a été ici réduite à une expression simple dans le but unique d’augmenter l’efficacité de la rééducation par des activités d’exploration et de cognition. 2.2.1 Description L’ensemble était constitué par une caméra motorisée sur tourelle, un dispositif d’enregistrement (ici magnétoscope), un écran. Si l’association à un ordinateur, pour élargir l’éventail des possibilités, ne présentait pas de difficulté, l’outil informatique n’est toujours pas, pour l’instant, en mesure de rivaliser avec la vidéo dans le rapport : temps/coût. (5) Le miroir de maquillage reste cependant un outil auquel peut recourir le patient pour contrôler ses exercices à domicile. 52 Décrivons les trois fonctions citées : 2.2.2 Miroir L’image vidéo présente logiquement une image de même type que l’image photographique. Concrètement lors d’une diffusion en temps réel, si j’agis sur la partie droite du visage, je vois le mouvement qu’elle effectue dans la partie gauche de l’écran. Habitué au contrôle direct pratiqué exclusivement dans un reflet, le patient est immanquablement perturbé. Force est de constater que nous sommes latéralisés, le changement de repère, l’image superposable, nous fige dans l’action. Afin de remédier à cet inconvénient il nous fallut modifier l’image (par une petite manipulation pratiquée sur l’écran) pour créer un résultat similaire à celui du miroir (6). Nous avons alors pu diffuser une image inversée imitant le reflet du miroir. 2.2.3 La Macro Cette fonction est remplie par un outil présent sur tous les appareils de grandes distributions : le zoom. Le zoom autorise d’effectuer un plan rapproché sur la zone d’action du patient. Ce type de plan modifie les rapports du patient à son visage. Il supprime la profondeur de champ. Dès lors la zone en cause, objet de la demande, n’est plus équivalente à un problème de visage, de son image, mais à un problème de la bouche ou plu(6) Pour procéder à cette modification, il suffit d’inverser le branchement de l’égalisateur horizontal. 53 tôt de cette partie de la bouche ou de l’œil ou de tel ou tel groupe musculaire de surface, de telle ou telle fonction. Nous avons pu focaliser l’effort de perception et de sensation sur une mimique précise. La vision sur écran de la zone concernée, et seulement elle, apporte une possibilité supplémentaire d’analyse et de concentration. La technique macro a offert au praticien comme au patient, une vision rapprochée propice à l’analyse des fonctions, des mouvements parfois insensibles à l’œil dans les pathologies neurologiques comme les dystonies ou dans certaines phases de la paralysie faciale. Cette nouvelle connaissance apportée au patient est accueillie comme source de progrès et d’espoir. Le patient a ainsi identifié la zone comme correspondant à l’ordre qu’il donne, mais sans mise en cause de son image globale. Nous avons donc proposé une représentation ciblée. Le paradoxe apparent est que cette réduction du champ vise à étendre la vision au plus fin, à la zone d’action occultée par la vision de l’image globale d’une personne. L’utilisation d’un camescope possédant une fonction d’incrustation de cible ou d’indication géométrique à l’écran, facilite l’étalonnage des amplitudes des mouvements. 2.2.4 Mémoire L’utilisation de l’enregistrement permet d’étendre le monde et sa perception dans une dimension historique tout en y conservant la représentation du mouvement dans son action et dans sa durée. Cette fonction fut utilisée différemment des deux autres puisque celles-ci autorisent l’interaction en temps réel, tandis que celle-ci l’exclut. Comme le rappelle Claude Cadoz : « Il se crée une exclusion de principe entre mémoire et interaction qu’aucune technologie ne pourra jamais surmonter : on ne peut interagir qu’avec le présent » (Cadoz, 1994). Cependant le patient a pu interagir avec la représentation du passé en modifiant son propre état et en reléguant cette représentation à un statut de passé révolu. L’utilisation de l’enregistrement grâce au magnétoscope a permis de travailler en feedback, d’analyser les résultats et les progressions dans le temps. La conservation du déroulement du geste a facilité l’analyse du mouvement afin de corriger les défauts et de prendre conscience de nouveaux repères. L’apprentissage fut sensiblement amélioré dès lors que le patient fut l’objet d’une imprégnation cognitive du mouvement corrigé. Grâce à ce système, nous avons pu recueillir de nombreuses indications en temps réel, du mouvement et de la fonction. La possibilité de s’y référer immédiatement en cas de non-perception du 54 dysfonctionnement par le patient en revisionnant le geste précédent ou la séance précédente fut un atout majeur. Enfin le patient a pris conscience de l’enchaînement des différentes fonctions, des rythmes et fréquences, des séquences. L’ensemble de la partie active de la séance était enregistré. L’utilisation de technique vidéo ne doit pas occulter la distinction entre donner de l’information et mettre en oeuvre une stratégie pour que le patient traite, intègre et assimile des connaissances. Des outils pédagogiques utilisables par chaque patient à son domicile ont pu être créés sous forme de cassette enregistrée dans laquelle étaient résumées les phases importantes de la séance de rééducation et de sa cohérence. L’enregistrement de son travail, auquel s’ajoutent les commentaires du kinésithérapeute, a permis de mémoriser les situations apprises, de corriger les défauts indiqués. La possibilité de retour sur image autorise un retour dans « le temps du patient », sur une difficulté d’exécution, et à appréhender de l’information afin de pouvoir la transformer en acquis. Nous avons pu proposer des tests en phase finale en occultant l’écran et en vérifiant ensuite sans référence visuelle, la pratique gestuelle ou fonctionnelle. Conclusion Nous avons développé en corrélation avec cette technique, une méthode basée sur l’information, la sensation, la maîtrise de la vitesse et de la force d’exécution, de l’effort fourni en intensité et en qualité. Constatons que l’enregistrement apporte une prise de conscience plus rapide, une mise en évidence de la progression, de l’automatisation. Enfin, le traitement aboutit plus vite avec pour corollaire un nombre moindre de séances de rééducation. Ce moyen nous semble une approche originale beaucoup plus efficace pour obtenir les résultats recherchés et mettre en œuvre la stratégie élaborée lors du bilan. Cet outil s’inscrit dans une stratégie de communication du rééducateur, et dans une stratégie de rééducation qui englobe cette dernière. REFERENCES GALIMBERTI Umberto(1998) : Les raisons du corps. Grasset et Fasquelle, 392 p. CADOZ C. (1994). Les réalités virtuelles. Paris : Flammarion, 125 p, Schéma. 55 Bilan orthophonique : Points de repères Ghislaine Couture Résumé L’objectif de cet article est de présenter les grandes lignes du bilan orthophonique dans le cadre des traumatismes et cancers de la face. Mots clés : traumatisme, cancers, face, évaluation. Speech and language evaluation : major guidelines Abstract The objective of this article is to describe the main features of the clinical evaluation in the framework of face traumatology and cancer. Key Words : traumatology, cancer, face, evaluation. Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 57 Ghislaine COUTURE Orthophoniste 5, rue Lieutenant Ohresser 94500 Champigny-sur-Marne Des bilans spécifiques existent suivant les intervenants et les objectifs de l’évaluation, mais des critères restent constants : L’interrogatoire. L’observation des signes subjectifs et objectifs. ü L’examen exo et endo-buccal. Nous ne décrirons ici que les points essentiels. ü ü Etiologie : Traumatisme facial. ü Pathologie tumorale. ü Paralysie faciale. ü Trouble de l’appareil manducateur. ü Date d’apparition : Côté atteint : ü Droit et/ou gauche. Chirurgie : 58 ü Condylienne ? ü Maxillaire supérieure : Résection partielle. Résection totale. ü Mandibule : Résection partielle. Résection totale. Lèvres : Chélotomie… ü Langue : Hémiglossectomie. Glossectomie. ü Chirurgie réparatrice. ü Autres résections. ü Fractures : ü ü Siège Type Signes : ü Douleur : § Date d’apparition. § A quel moment. § Localisées ou diffuses. § (Migraines, douleurs articulaires, douleurs cervicales, mal au cou…). ü Perturbations dynamiques : § Crissement. § Ressaut. § Claquement. § Subluxation condylienne… Observation et examen : ü Articulation temporo-mandibulaire : § Ouverture : Norme chez l’adulte = 47mm +/- 7mm. § Fermeture. § Propulsion. § Diduction. ü Articulé dentaire mode d’occlusion : § Normal. § Infra-clusion. § Supra-clusion. ü Dentition : § Traumatisme dentaire. § Edentation. 59 § Dents usées. § Dents sensibles. ü Langue : § Position. § Tonus. § Praxies. § Mobilité. § Force musculaire. ü Muqueuse. ü Lèvres : § Entrouvertes. § Fermeture : possible, impossible. § Tonus. § Praxies. ü Mastication et Déglutition. ü Evaluation des différents muscles de la face et du cou. ü Mimiques. ü Examen phonétique. ü Cicatrices et œdèmes. ü Autres examens : § Radio. § IRM. Mode d’évaluation : ü Palpation des muscles : § Tonus : Normal. Hypotonique. Hypertonique. § 60 Sensibilité à la douleur. ü Force musculaire : § Cotation 0 : Aucune contraction. § Cotation 1 : Ebauche de mouvement. § Cotation 2 : Contraction ample contre résistance. Observation : Conclusion : 61 Evaluation de l’articulation et de la déglutition après anastomose hypoglosso-faciale Peggy Gatignol, Frédéric Tankere, Isabelle Bernat, Frédéric Martin, Jacques Soudant, Georges Lamas Résumé L’anastomose hypoglossofaciale termino-terminale est un procédé classique de réparation de la face paralysée lorsque le nerf facial lui-même ne peut être reconstruit. Cette intervention qui sacrifie la fonction d’un nerf hypoglosse est classiquement responsable de troubles de l’articulation, de la mastication et de la déglutition. Cependant si de telles perturbations sont rapportées, elles n’ont jamais fait l’objet d’une analyse précise. C’est donc dans cette perspective et à partir d’un matériel d’évaluation de la déglutition, de la motricité faciale et de l’articulation que nous nous proposons à partir de 4 cas appariés à des sujets sains, d’analyser le retentissement d’une atteinte sur ces trois modalités. Les résultats confirment la régression des troubles dans chaque modalité en fonction du temps écoulé ainsi que l’intérêt d’une rééducation précoce dans la récupération de la motricité faciale. Mots clés : articulation, déglutition, anastomose VII-XII. Evaluation of speech and swallowing after hypoglossal-facial anastomosis Abstract Hypoglossal-facial anastomosis (HFA) is the most common procedure for the rehabilitation of facial paralysis when the facial nerve itself cannot be reconstructed. This intervention, which sacrifices the function of the hypoglossal nerve, has long been known to be responsible for disorders of stuttering, mastication and swallowing. Although these problems have been reported, they have not been precisely analyzed. It is within this perspective and on the basis of evaluation material involving swallowing, facial motricity and articulation in 4 cases matched with healthy controls, that we propose to evaluate the impact of impairment in these three modalities. Results indicate a decline of disorders in each modality as a function of time and confirm the value of early rehabilitation in the recovery of facial motricity. Key Words : stuttering, swallowing, VII-XII anastomosis. 63 Peggy GATIGNOL (1), Orthophoniste Frédéric TANKERE (2), Orthophoniste Isabelle BERNAT (2), Orthophoniste Frédéric MARTIN (3), Orthophoniste Jacques SOUDANT (2), ORL Georges LAMAS (2), ORL L ’anastomose hypoglosso-faciale (AHF) est une technique largement utilisée pour réhabiliter une face paralysée lorsque le tronc du nerf facial ne peut être réparé et que ses branches périphériques sont intactes. La paralysie faciale est la conséquence de l’exérèse d’une tumeur de l’angle pontocérébelleux ou du rocher avec section du tronc du nerf à son émergence du tronc cérébral. Depuis la première intervention réalisée par Korte en 1901, de nombreuses publications ont rapporté les résultats d’AHF dans la réhabilitation de la face paralysée. Cette technique permet d’obtenir le plus souvent une face symétrique au repos et une possibilité de mouvements volontaires dont la qualité est limitée par une composante spastique : (grade III ou IV de la classification de House-Brackmann (8)). Les autres inconvénients rapportés sont la faiblesse de la motricité automatique et émotionnelle et l’existence de syncinésies. Des troubles de la mastication, de l’articulation et de la déglutition ont également été décrits mais ces inconvénients n’ont pas bénéficié d’une évaluation précise. Ces inconvénients sont importants à prendre en compte puisqu’ils ont amené de nombreux auteurs (5, 6, 15, 16) à modifier la technique de l’AHF en n’utilisant qu’une partie du nerf hypoglosse pour préserver la fonction linguale. Plusieurs études (5, 6, 15, 16) soulignent des perturbations de la phonation, de la mastication et de la déglutition engendrées par l’atrophie linguale. Ces perturbations, fréquentes initialement, semblent régresser avec le temps et après une rééducation soit spécifique avec utilisation du biofeed-back, soit non spécifique. Seul un cas décrit par Darrouzet & al (5) a bénéficié d’une rééducation orthophonique pour des troubles de l’élocution mais aucune analyse qualitative ni quantitative n’a précisé la nature exacte de ces troubles. Cette équipe, par (1) Fédération de Neurologie, Service des Prs Agid et Lyon-Caen, G.H Pitié Salpêtrière (2) Service ORL et de Chirurgie cervico-faciale, G.H Pitié Salpêtrière (3) 4, rue des Saules, 94100 St-Maurice Pour toute correspondance : [email protected] 64 l’intermédiaire d’un questionnaire d’évaluation, a souligné la place de troubles fonctionnels d’origine linguale. Cependant, il n’existe actuellement que peu de données objectives spécifiant le retentissement de la paralysie du XII. Notre étude poursuit un triple objectif : - Identifier l’émergence de troubles de l’articulation, de la déglutition et de la mastication, en préciser la nature et la sévérité au moyen d’un protocole d’évaluation que nous avons mis au point. - Mettre en évidence d’éventuels bénéfices d’une rééducation sur la régression de ces troubles. - Analyser le retentissement de l’AHF sur le confort du patient à partir d’un indice de satisfaction. Patients et méthode Patients Quatre patientes (S1, S2, S3, S4) ayant bénéficié d’une anastomose hypoglossofaciale termino-terminale (HFA) après exérèse d’un neurinome du nerf acoustique (3 cas) ou du nerf facial (1 cas) ont été inclues dans cette étude. Pour chacune des patientes, un sujet contrôle de même âge, de même sexe, de même niveau socioculturel a été apparié. Trois patientes (S1, S2, S3) ont également bénéficié d’une rééducation spécialisée effectuée par le même thérapeute. Les caractéristiques cliniques de la population sont rapportées dans le tableau I. Méthode Les quatre patientes ont été suivies par la même équipe otoneurochirurgicale et paramédicale. Le protocole d’exploration était présenté aux patientes, dans sa totalité, lors d’une même séance. Son déroulement était standardisé et identique pour chaque sujet testé. Il se composait de sept épreuves : - Evaluation de la motricité bucco-linguo-faciale ; - Echelle de satisfaction ; - Langage spontané ; - Epreuves de répétition ; - Epreuves de lecture ; - Evaluation de la déglutition ; - Epreuves de dénomination. 65 A titre d’exploration, nous avons étendu cette étude au-delà de ces variables en analysant, pour l’articulation, l’éventuelle influence de la fréquence d’usage ou non d’un item, de sa longueur ainsi que du temps nécessaire à la réalisation d’une tâche articulatoire. Concernant la déglutition et la motricité bucco-linguo-faciale, nous nous sommes attachés essentiellement à la bonne ou à la mauvaise réalisation d’un acte moteur. - Motricité bucco-linguo-faciale L’évaluation de la motricité bucco-linguo-faciale a été effectuée à partir de deux travaux de la Cellule de Recherche et d’Etudes Neurologiques, Orthophoniques, Psychologiques et Sociales (C.R.E.N.O.P.S) (4). Elle comprend une évaluation de la contraction des différents muscles de la face, des joues, des lèvres, de la langue et du palais coté à l’aide d’une échelle comprenant 4 stades correspondant chacun à une note. 0 : absence de contraction 1 : ébauche de mouvement 2 : contraction ample mais non maintenue 3 : contraction normale Les scores diffèrent donc en fonction du nombre d’actes moteurs proposés (5 pour la Face, 9 pour les Lèvres, 10 pour les Joues, 13 pour la Langue et enfin 3 pour le Palais) mais la cotation reste toujours la même. On obtient donc un score sur 15 pour la Face, sur 45 pour les Lèvres, sur 30 pour les Joues, sur 39 pour la Langue et enfin sur 9 pour le Palais. La totalité des muscles testés est résumée dans le tableau II. - Déglutition L’évaluation de la déglutition a également été réalisée à partir du protocole du C.R.E.N.O.P.S auquel ont été rajoutées d’autres épreuves et comprenant des essais de déglutition de solide (gâteau sec) et liquide (eau). Les réalisations sont également assorties de quatre réponses en fonction de la réalisation ou non de l’acte moteur. 0 : déglutition impossible 1 : déglutition possible mais avec de grandes difficultés (fausses routes systématiques) 2 : déglutition possible avec des difficultés occasionnelles (déglutition ralentie) 3 : déglutition sans aucune difficulté. Nous avons également étudié visuellement les possibilités masticatoires et plus spécifiquement la translation des aliments du côté opposé à la paralysie 66 faciale ainsi que la présence ou l’absence de phénomènes de « bavages » et de fuites labiales, côtés à l’aide d’une échelle ciblant leur fréquence d’apparition. 0 : très souvent 1 : souvent 2 : quelquefois 3 : jamais - Echelle de satisfaction Cette évaluation proposée à chaque patiente est basée sur une échelle visuelle analogique comprenant quatre critères de satisfaction et appréciant quatre modalités : les qualités expressives avant et après l’anastomose, articulation et déglutition. 0 : satisfaction comprise entre 0 et 25 % 1 : satisfaction comprise entre 25 et 50 % 2 : satisfaction comprise entre 50 et 75 % 3 : satisfaction comprise entre 75 et 100 % - Evaluation de l’articulation A travers l’analyse des réponses, nous avons recherché l’origine des erreurs en nous basant sur les observations personnelles de l’examinateur, contrôlées par une consœur à partir du même support audio et prenant en compte les commentaires et le comportement de la patiente. Ces indices relevés lors de la passation du protocole ont permis notamment de différencier les troubles d’ordre phonétique et phonologique (substitutions, élisions et duplications) de ceux liés à l’atteinte de la motricité faciale (hypotonie labiale ou jugale, schlintement ou stase salivaire). La substitution correspond à un phonème proche du point du système phonologique qui vient s’insérer à la place du phonème manquant ou non maîtrisé, tandis qu’il s’agit d’une non-production de phonème pour l’élision. La duplication consiste en la répétition d’un même phonème au sein d’un mot, quant au schlintement, il peut être lié soit à un trouble praxique, soit à un trouble de l’articulé dentaire et peut être dû à une antériorisation de la zone d’appui de la partie antérieure de la langue ou à une interposition ou défaut de fermeture des bords latéraux. Pour les troubles articulatoires, seules les réponses issues de l’épreuve de répétition ont été prises en compte afin d’éviter tout effet d’apprentissage. L’évaluation comprend donc un examen de l’articulation et de la parole. La première épreuve proposée correspond à une évaluation du langage spontané par l’intermédiaire d’une description d’images puis de deux questions ouvertes posées au sujet. 67 La deuxième épreuve consiste en la répétition de tous les phonèmes associés à la voyelle [a], de semi-consonnes, de logatomes, de voyelles orales et nasales, de mots et de phrases. Pour les mots, et en l’absence de normes pour le français parlé, nous avons eu recours pour les réponses au relevé des occurrences écrites du trésor de la langue française (10). Le protocole a été établi en fonction de la fréquence d’apparition du phonème et des mots dans la langue parlée du XX e siècle. L’effet de longueur des syllabes a également été apprécié par la sélection de deux groupes d’items de même fréquence s’opposant à deux autres items en fonction du nombre de syllabes : mots courts (< 2 syllabes) versus mots longs (> 2 syllabes). Le test comporte donc 116 mots dont 59 de basse fréquence et 57 de haute fréquence, 58 mots courts et 58 mots longs. Comme pour les épreuves précédentes, les différents items sont assortis de quatre réponses possibles : 0 : aucune production 1 : réponse déviante phonologiquement ou phonétiquement 2 : présence de phénomène surajouté (stase salivaire, hypotonie labiale, schlintement) 3 : réalisation correcte. Les phrases ont été conçues en fonction du lieu d’articulation d’un phonème. 14 phrases (2 bilabiales, 6 alvéolaires, 2 vélaires, 2 labiodentales, 2 palatales) auxquelles sont rajoutées trois autres phrases opposant le mode d’articulation (occlusive sourde vs sonore ; constrictive sourde vs sonore), sont proposées et correspondent à l’articulation du phonème. Les phrases proposées sont composées de 12 syllabes chacune où tous les phonèmes nasalisés ont été supprimés afin de mettre en évidence une possible déperdition nasale. La répétition de mots et de phrases a également été chronométrée. Cette partie d’évaluation s’est déroulée de profil et avec masquage de la bouche de l’examinateur afin d’éviter toute lecture labiale. D’autre part, pour prendre en compte la perte auditive des sujets, le même protocole a été proposé en modalité visuelle (lecture) et confirmé par une tâche de dénomination. Le matériel provient du Protocole Européen de Dénomination Orale d’Images (P.E.D.O.I) (12). Ces images ont été soumises à la dénomination chez 120 sujets francophones avec contrôle de l’âge, du sexe et du niveau d’éducation. Une seconde tâche de lecture d’un texte standardisé a été proposée pour comptabiliser le nombre d’erreurs réalisées et le temps de lecture. 68 Résultats - La motricité faciale Dans le but d’une homogénéisation des scores, tous les résultats ont été exprimés en % de réussite. Les performances des différents sujets sont rapportées dans le tableau III. La motricité faciale s’améliore au cours du temps quand l’AHF devient fonctionnelle. Cette amélioration est plus importante chez les sujets ayant bénéficié d’une rééducation spécifique (sujets S2 et S3). La patiente S4 n’ayant jamais bénéficié de rééducation obtient des scores proches de ceux de la patiente S1, qui débute sa prise en charge, voire inférieurs pour la motricité linguale. - La déglutition et la mastication L’évaluation de la déglutition (Tableau IV) n’a pas révélé de véritables troubles, les patientes (S2 et S3) ayant bénéficié d’une rééducation spécifique présentent les meilleurs scores. Comme pour la motricité faciale, les troubles de la déglutition et de la mastication sont essentiellement présents en phase initiale et diminuent avec la rééducation, ce que confirme notre étude. En effet, si spontanément la mastication se fait du côté sain, la translation des aliments du côté opposé est possible pour deux de ces patientes avec translation de la langue dans la joue du côté paralysé. Les deux autres patientes ont des résultats différents ; l’une ne peut y parvenir, et la seconde ne possède qu’une ébauche de mouvement. Ainsi, les perturbations que décrivent certains auteurs (7) concernant l’entassement des aliments contre la joue ont été confirmées par les patientes dont certaines ont même usé de substituts tels que l’utilisation d’une paille ou d’une petite cuiller pour pallier ces difficultés. L’une d’entre elles relate également la nécessité d’un détartrage dentaire plus fréquent qu’auparavant. Les quat re sujets se plaigne nt et présentent des phénomènes de « bavages » tant diurnes que nocturnes, majoritairement présents chez la patiente S1 opérée récemment. - L’articulation L’analyse descri ptive des résultats obtenus par le groupe ne montre aucune relation évidente entre les performances obtenues sur entrée auditive (répétition) et sur entrée visuelle (lecture et dénomination). Quelle que soit la modalité testée (Répétition de mots versus Lecture de mots), les scores pour le groupe de sujets sont tous supérieurs à 95 % de réussite (Tableau V). 69 Aucune influence de la longueur des mots sur l’articulation n’a été mise en évidence. On observe dans cette série, une régression des troubles en fonction du temps écoulé depuis la réalisation de l’AHF puisque les performances du sujet 1 sont inférieures à celles des autres patientes quelles que soient les tâches proposées. Les patientes ne présentent pas de troubles articulatoires (Tableau VI), le phonétisme (scores de répétition des consonnes : Tableau V) est correct pour les patientes S2 et S3, mais il existe des altérations liées à l’accumulation de la salive expliquant un phénomène de schlintement sur les phonèmes /ch/ et /j/ pour les deux autres patientes. Ces perturbations semblent dépendre du temps écoulé depuis l’AHF et leur disparition est favorisée par la rééducation. L’étalonnage auprès des sujets contrôles montre que le facteur vitesse de lecture semble également être un facteur distinctif entre les deux populations puisque les patients obtiennent des scores nettement inférieurs en terme de vitesse d’exécution de la tâche concernée, malgré un pourcentage de réussite toujours > à 90% pour chaque groupe (Tableau VII). - Satisfaction de l’intervention Comme pour les précédentes épreuves proposées, le sujet 1 est le moins satisfait et se sent encore très gêné tandis que les trois autres patientes relatent des appréciations plus positives de leur intervention et surtout de ses conséquences. La patiente 4 opérée 3 ans auparavant estime être très satisfaite de ses capacités expressives mais présente encore quelques difficultés avec la déglutition. Les patientes 2 et 3 (ayant bénéficié de 30 séances de rééducation) expriment l’inverse, ne se plaignant plus du tout de leur articulation ni même de leur déglutition (Tableau VIII). Discussion Comme l’ont souligné plusieurs auteurs (5,6,15,16), notre étude confirme que les troubles observés après HFA régressent avec le temps. Cette régression est d’autant plus rapide qu’une rééducation de la motricité linguale et faciale est mise en oeuvre précocement après l’intervention. Nous n’avons pas mis en évidence de trouble de l’articulation ou de la déglutition. Les perturbations rencontrées relèvent toutes du dysfonctionnement du sphincter buccal, à l’origine du schlintement d’une part et des phénomènes de bavages d’autre part. Il est donc évident comme l’affirme A.M Chevalier (5) « qu’une rééducation est primordiale » puisqu’elle comprend l’aspect thérapeutique et psychologique. Vacher (18), dans son étude montre combien des séances de kinésithéra- 70 pie précoce améliorent non seulement la motricité faciale mais favorisent également la récupération linguale. Notre étude, au vu des scores réalisés quelle que soit la tâche testée par les patientes 2 et 3, confirme la nécessité absolue d’une rééducation précoce. Toutefois, bien que les scores soient relativement élevés (supérieurs à 95 % de réussite), les rares altérations relevées ne sont pas de réels troubles articulatoires mais semblent être le fait d’une accumulation de salive responsable d’un schlintement. On s’aperçoit manifestement que cette perturbation est la plus présente pour chaque patiente et majoritairement chez la patiente la plus récemment opérée (S1). Ce schlintement, essentiellement perceptible sur les constrictives alvéolaires ou post-alvéolaires, est donc lié à la stase salivaire et de ce fait à l’insuffisance du sphincter buccal, problème résultant de l’atteinte du nerf facial et non pas de la paralysie linguale. En effet, la réalisation de ces phonèmes nécessite non seulement le resserrement du canal buccal mais encore la projection des lèvres en avant. La bonne réalisation des phonèmes apico-dentaux nécessitant seulement l’élévation et le contact de la langue avec les arcades dentaires supérieures confirme bien que les troubles observés ne sont liés qu’à l’atteinte de la motricité faciale. D’autre part, l‘épreuve de lecture d’un texte, alors qu’il n’existe pas de réels troubles articulatoires comme nous l’avons vu, montre une très nette dissociation entre sujets contrôles et patients et soulève une question. En effet, les quatre sujets ont une vitesse de lecture très nettement inférieure à celle réalisée par leurs sujets contrôles. Ce trouble est-il secondaire à un déficit moteur, lié à un ralentissement lingual, phénomène décrit par Vacher si l’anastomose est réalisée avec la branche descendante du XII (18), ou à une stase salivaire ? Notre étude ne nous permet pas d’apporter une réponse à cette question. Il semblerait également que ces perturbations observées, à savoir l’insuffisance du sphincter buccal et la stase salivaire, aient un certain rôle au niveau de la déglutition. Les forces mises en jeu (pression labiale et linguale) étant les mêmes que pendant l’articulation, les mêmes forces « pathologiques » entraîneront des déformations identiques. En effet, notre étude n’a pas révélé de réels troubles de la déglutition ni de la mastication mais a permis de mettre en évidence la persistance de phénomènes de « bavages » importants. Ces perturbations sont essentiellement présentes au cours du premier temps de la déglutition et correspondent au même titre que la réalisation des constrictives alvéolaires à la faiblesse du sphincter buccal. Cette gêne a, d’après les patientes, nécessité l’utilisation quotidienne d’un mouchoir en journée ou une serviette de toilette la nuit. 71 Plusieurs études soulignent ces perturbations (5, 6, 15, 16), principalement à la phase initiale puis régressant secondairement. Dans notre étude, à 18 mois comme à 36 mois, les difficultés persistent, élément qui confirme l’atteinte du nerf facial et non pas d’un dysfonctionnement lingual. Il semblerait qu’une stase salivaire soit omniprésente et que la vidange salivaire ne puisse se faire automatiquement en raison de la faiblesse jugale. Enfin, contrairement aux études de Kunihiro & al (13) et de l’Acoustic Neuroma Association (16), notre étude met en évidence une certaine satisfaction de l’intervention. Si pour ces auteurs, l’absence de correspondance entre l’évaluation globale du résultat par le patient comparée aux tests pratiqués ou à l’évaluation du chirurgien est manifeste, elle ne nous paraît pas pouvoir constituer un critère pertinent. En effet, les résultats obtenus à l’échelle de satisfaction corroborent tout à fait les productions et les performances réalisées par les patientes au sein de notre étude. Conclusion Cette étude, à la fois qualitative et quantitative, souligne une certaine satisfaction d’une telle chirurgie et justifie donc l’absence de mécanismes sousjacents tant au niveau de l’articulation que de la déglutition après anastomose hypoglossofaciale. Cependant, si l’on se réfère à l’ensemble de la population, et grâce à l’homogénéité de nos résultats sur le plan individuel nous constatons des perturbations (schlintement et bavages) non pas liées à la paralysie linguale mais à la paralysie faciale. Ces perturbations, présentes en phase initiale, régressent avec le temps et grâce à une prise en charge rééducative précoce, et feront l’objet d’une étude longitudinale regroupant une cohorte de patients plus import ante. Tableau I : Données cliniques des patientes Patientes Age Histologie Délai 1 (mois) Délai 2 (mois) Rééducation Nombre de séances Rééducation de la déglutition Sujet n° 1 38 Neurinome du VIII 3 10 Sujet n ° 2 66 Neurinome du VII 18 18 Sujet n° 3 54 Neurinome du VIII 1 24 Sujet n° 4 56 Neurinome du VIII 1 36 5 non 29 oui 35 oui 0 non Délai 1 correspond au délai entre l’intervention (neurinome) et l’AHF. Délai 2 correspond au délai entre l’AHF et la passation des tests. 72 Tableau II. Protocole d’évaluation de la musculature faciale et motricité bucco-linguo-faciale 0 1 2 3 Tâches de réalisation motrice Muscles FACE Déviation Symétrie de la face au repos Modifications lors du sourire Fermer les yeux avec force Lever les sourcils Froncer les sourcils Orbiculaire inf. des paupières Occipito-frontal Sourcilier LEVRES Pincer les lèvres Buccinateur Etirer les lèvres Zygomatique/buccinateur Fermer les lèvres avec force Orbiculaire/masséter Sourire en ouvrant la bouche Zygomatique/risorius Découvrir les dents du haut Canin/releveurs du nez Découvrir les dents du bas Mentonnier Faire un « u » Orbiculaire des lèvres Siffler Orbiculaire des lèvres Souffler Orbiculaire des lèvres JOUES/MANDIBULES Ouvrir la bouche Buccinateur/orbiculaire Fermer la bouche Masséter/orbiculaire Gonfler les joues ensemble Buccinateur/orbiculaire Gonfler la joue gauche Buccinateur/orbiculaire Gonfler la joue droite Buccinateur/orbiculaire Faire passer l’air entre les 2 joues Buccinateur/orbiculaire Rentrer les joues Buccinateur/orbiculaire Mâchoire à droite bouche ouverte Ptérigoïdiens Mâchoire à gauche Ptérigoïdiens Mâcher bouche fermée LANGUE Tirer la langue Génio-glosse/transverse Rentrer la langue Hyoglosse/lingual supérieur Mettre la langue à droite Pharyngo-glosse Mettre la langue à gauche Pharyngo-glosse Mettre la langue en haut Lingual supérieur Mettre la langue en bas Lingual inférieur Passer la langue sur les dents Stylo-glosse/hyo-glosse Déplacer la langue joue droite Déplacer la langue joue gauche Elever la pointe dans la bouche Péristaphylin/glossostaphylin Elever la pointe hors de la bouche Péristaphylin/glossostaphylin Click de réprobation Péristaphylin/glossostaphylin Galop du cheval PALAIS Elévation du palais sur un « a » Elévation du palais sur série « a » « K » répété 73 Tableau III : Performances sur la motricité faciale. % de réussite Musculature faciale Face Lèvres Joues / mandibules Langue Palais Sujet 1 26 % 11 % 33 % 71 % 100 % Sujet 2 26 % 20 % 50 % 82 % 100 % Sujet 3 53 % 28 % 43 % 84 % 100 % Sujet 4 26 % 15 % 36 % 66 % 66 % Tableau IV : Performances en déglutition. % de réussite Patientes Mastication Bavage Fuites labiales Déglutition des Solides Déglutition des Liquides Sensibilité Sujet n°1 33 % 0% 0% 66 % 33 % 83 % Sujet n°2 100 % 66 % 66 % 100 % 66 % 100 % Sujet n°3 66 % 33 % 66 % 100 % 66 % 100 % Sujet n°4 33 % 33 % 33 % 100 % 66 % 100 % Tableau V. Résultats de l’évaluation de l’articulation. % de réussite Articulation Répétition Consonnes Voyelles Groupes conso Mots Phrases Lecture Consonnes Voyelles Groupes conso Phrases Mots Textes Dénomination Mots 74 Sujet 1 Sujet 2 Sujet 3 Sujet 4 97 % 100 % 83 % 94 % 82 % 100 % 100 % 100 % 99 % 94 % 100 % 100 % 83 % 97 % 88 % 97 % 100 % 83 % 98 % 88 % 97 % 100 % 100 % 64 % 93 % 95 % 100 % 100 % 100 % 76 % 97 % 95 % 100 % 100 % 100 % 88 % 98 % 97 % 100 % 100 % 100 % 88 % 98 % 95 % 96 % 98 % 98 % 98 % Tableau VI. Analyse des réponses par sujet. Nature des perturbations Réponses/116 Correctes Nombre d’erreurs Schlintement Substitutions Elisions Sujet 1 99 17 15 1 1 Sujet 2 113 3 3 - Sujet 3 110 6 4 2 - Sujet 4 111 5 4 1 Tableau VII : Analyse des épreuves des sujets et de leur contrôle en fonction du temps mis au sein d’une entrée auditive (Répétition) versus entrée visuelle (Lecture) Patients Sujet 1 Sujet A Sujet 2 Sujet B Sujet 3 Sujet C Sujet 4 Sujet D MOTS Répétition (temps) 4’07’’ 2’03’’ 2’59’’ 2’09’’ 3’06’’ 2’12’’ 3’26’’ 2’16’’ Lecture (temps) 2’23’’ 1’08’’ 2’06’’ 1’01’’ 1’56’’ 1’22’’ 1’46’’ 1’14’’ PHRASES Répétition (temps) 1’42’’ 1’16’’ 1’56’’ 1’30’’ 2’00’’ 1’18’’ 1’52’’ 1’19’’ Lecture (temps) 57’’50 35’’47 54’’10 39’’37 54’’68 41’’24 48’’85 43’’93 TEXTES Réussite (%) 95,53% 99,10% 95,53% 98,27% 95,53% 99,10% 95,53% 99,10% Lecture (temps) 52’’81 36’’88 50’’75 44’’03 54’’38 37’’34 50’’72 40’’81 Tableau VIII. Echelle de Satisfaction en fonction de l’autoanalyse des patients. % de satisfaction Patients Expression avant anastomose Expression après anastomose Articulation Déglutition Sujet 1 25% 50% 50% 75% Sujet 2 25% 75% 100% 100% Sujet 3 25% 75% 100% 100% Sujet 4 25% 100% 100% 75% 75 REFERENCES 1/ CHEVALIER AM (1990), Rééducation des paralysies faciales centrales et périphériques. Editions techniques. Encyclopédie Médicale et Chirurgicale, kinésithérapie 26463 B10 2/ COUTURE G. MARTIN F, EYOUM I, CIESCO S (1997), Evaluation des paralysies faciales périphériques, Rééducation Orthophonique, vol 31, n° 176 3/ CONLEY J (1979), Hypoglossal facial nerve anastomosis for reinnervation of the paralyzed face, Plast. Reconstr Surgery 63, 63-71 4/ C.R.E.N.O.P.S. (1993), Evaluation des fonctions de la face, du cou et de la déglutition. Ortho Edition 5/ DARROUZET V & al. 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Facial electromyography Abstract Electromyography, a type of examination that can easily be repeated several times, is useful in the follow-up of patients. It significantly contributes to the diagnosis of neuromuscular disorders. Key Words : electromyography, face, electroneurogram. Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 77 Hélène LE SIMPLE Orthophoniste 15, avenue Thérèse 94420 Le Plessis-Trevise Généralités Principes L’éle ctromyographie consiste à enregistrer au moyen d’aiguilles-électrodes insérées dans l’épaisseur du muscle ou d’électrodes de surface collées sur la peau en regard du muscle, les potentiels électriques des unités motrices recrutées au cours d’un mouvement volontaire ou involontaire. Une unité motrice correspond à l’ensemble formé par la cellule nerveuse de la corne antérieure de la moelle (motoneurone), l’axone qui la prolonge, ses branches de divisions ainsi que toutes les fibres musculaires qui lui sont subordonnées. L’électromyogramme normal Aucune activité électrique n’est observée au repos. Lorsque le muscle se contracte, il y a apparition de potentiels, et la richesse de l’activité électrique croît avec la force de contraction par : - recrutement temporel : augmentation de la fréquence de décharge des potentiels d’unité motrice. - recrutement spatial : augmentation du nombre d’unités motrices recrutées. Les deux paramètres principalement analysés sont la morphologie des potentiels d’unité motrice et leur recrutement. L’électromyogramme pathologique Le syndrome myogène Il n’existe pas d’activité électrique spontanée au repos dans la plupart des cas. La perte de fibres musculaires réduit la taille des unités motrices tandis que leur nombre reste normal. L’électromyogramme met en évidence une réduc- 78 tion de l’amplitude des potentiels d’unité motrice, pour une durée inférieure ou égale à la normale et une polyphasicité généralement augmentée. Le recrutement spatial des unités motrices est anormalement élevé et précoce pour de faibles niveaux de contraction musculaire. Le syndrome neurogène périphérique Au repos, on peut enregistrer des potentiels de fibrillation électrique correspondant à une activité spontanée aberrante au niveau de la membrane des fibres musculaires dénervées, mais l’apparition de ces potentiels est inconstante et tardive (après 15 jours de dénervation). La disparition secondaire de cette activité de fibrillation en l’absence d’un début de ré-innervation est un critère de mauvais pronostic. Les potentiels des unités motrices intactes sont initialement de morphologie norm ale. Puis un phénomène de ré-innervation collatérale (bourgeonnement) des fibres musculaires dénervées par les fibres nerveuses intactes peut survenir, conduisant à l’apparition de petits potentiels polyphasiques satellites de durée allongée. En l’absence de repousse axonale, cette ré-innervation collatérale se stabilise et se synchronise avec l’unité motrice initiale, aboutissant à la formation de grands potentiels larges et polyphasiques. Sur le plan du recrutement, l’activité électromyographique reste appauvrie (intermédiaire, élémentaire ou simple). La perte d’unités motrices n’autorise pas de phénomènes compensateurs par augmentation du recrutement spatial, la compensation s’effectue par augmentation du recrutement temporel (tracés « accélér é s ») . Explorations électrophysiologiques du nerf facial Détection Les activités électriques sont recueillies à l’aide d’électrodes de surface ou d’aiguilles-électrodes insérées dans différents muscles de la face, principalement l’orbiculaire des paupières ou l’orbiculaire des lèvres. Au repos On recherche la présence de potentiels de fibrillation. L’apparition de ces potentiels vers le 10-12e jour traduit l’existence d’une dénervation. Contraction volontaire On analyse le tracé en terme de morphologie des potentiels et de richesse d’unités motrices. On recherche la présence de potentiels de ré-innervation. 79 L’absence d’activité volontaire ou une grande pauvreté des tracés six mois à un an après la paralysie initiale est de mauvais pronostic. Stimulation RÉPONSES MOTRICES DIRECTES On stimule au niveau du trou stylo-mastoïdien et on recueille les résultats par des électrodes situées au niveau du frontal, de l’orbiculaire des paupières, et de l’orbiculaire des lèvres, généralement. L’électromyogramme recueilli permet d’analyser l’amplitude des potentiels, la latence distale motrice, et éventuellement une vitesse de conduction motrice. L’absence de réponse directe à la stimulation du facial ou la diminution de l’amplitude de plus de 90 % par rapport au côté sain sont de mauvais pronostic 15 jours après la lésion initiale et sont le signe d’une dégénérescence distale sévère. L’apparition de réponses des muscles du côté atteint par stimulation du facial controlatéral indique une extension du territoire du nerf facial controlatéral par bourgeonnement de ses fibres. Cette ré-innervation croisée aberrante a un intérêt fonctionnel limité, mais peut expliquer dans certains cas une récupération clinique partielle. RÉFLEXE TRIGÉMINO-FACIAL (BLINK REFLEX) La stimulation se situe au niveau du trou sus-orbitaire, la détection est réalisée au niveau de l’orbiculaire des paupières. La stimulation du trijumeau (V) permet d’enregistrer une réponse R1 représentant l’arc réflexe court (nerf V- noyau sensitif du V- noyau moteur du VII- fibres nerveuses efférentes du VII), celle-ci est suivie d’une réponse plus tardive R2 engendrée par l’arc réflexe polysynaptique empruntant le tractus spinal du V. Parallèlement on observe une réponse tardive R2 identique au niveau controlatéral en raison de la bilatéralisation de ces voies polysynaptiques (figure 1). Le réflexe de clignement permet d’explorer le VII sur toute sa longueur et de montrer s’il existe un ralentissement ou un bloc de conduction. Le pronostic est favorable si R1 reste présent durant les 10 premiers jours ou s’il réapparaît durant cette période. Le pronostic est mauvais lorsque R1 et R2 restent absents durant les 2 ou 3 premières semaines. La réapparition du réflexe signale la libération du bloc canalaire. 80 Figure 1 : Réflexe trigemino-facial Voies des arcs réflexes (d’après Ongerboer de Visser) : Les influx (1) provenant de la stimulation électrique du nerf trijumeau au trou supra-orbitaire (2) gagnent le noyau sensitif du V (3) par la branche ophtalmique du ganglion de Gasser (4). Il existe une liaison interneuronale (5) entre le noyau du V et le noyau du VII (6). Le nerf facial (7) provoque alors une réponse (R1) du muscle orbicularis oculi (8). Parallèlement, une collatérale du V (9) gagne le noyau spinal du V (10). Une liaison synaptique (11) joint la partie caudale de cette voie au noyau facial (6), par des interneurones ascendants (12), bilatéralement, engendrant une seconde réponse (R2). L’électroneuronographie (Fisch et Esslen) Cette méthode est destinée à apprécier la perte en fibres nerveuses motrices. Cette forme d’exploration du nerf facial repose sur le concept d’un potentiel global recueilli par électrodes de surface engendré par une stimulation supramaximale du nerf. On compare l’amplitude du potentiel évoqué du côté sain et l’amplitude du côté atteint, on peut ainsi calculer un rapport qui correspond au pourcentage de fibres nerveuses actives ou de fibres nerveuses dégénérées. L’électroneuronographie quantifiée est le meilleur test pronostic au cours des 12 premiers jours. Elle reflète le pourcentage de fibres nerveuses détruites, mais il est important de connaître aussi le pourcentage de fibres nerveuses en état de bloc canalaire, réversible. Elle doit donc être associée à l’électromyographie. 81 Détection des syncinésies Trois types d’analyse permettent de mettre en évidence les syncinésies : 1 - A l’électromyographie de détection, il est possible d’observer la cocontraction de différents muscles. 2 - La stimulation d’une branche distale du facial provoque une réponse retardée des muscles innervés par d’autres branches. Les syncinésies peuvent être mises en évidence à un stade infra-clinique. 3 - Au blink-reflex : normalement le réflexe de clignement est enregistré uniquement dans le muscle orbiculaire des paupières, mais s’il y a présence de syncinésies œil-bouche, la réponse réflexe va diffuser aux muscles de la commissure labiale. Lorsque les syncinésies sont installées, on observe un réflexe organisé dans l’orbiculaire des lèvres de la même façon que dans l’orbiculaire des paupières. Suivi et pronostic L’exploration électrophysiologique permet de distinguer deux phases dans l’évolution de la paralysie faciale : - la phase aiguë s’étend du début des premiers signes cliniques jusqu’à la fin de la période de dégénérescence (12è jour). - la phase de récupération correspond d’une part à la levée du bloc nerveux, d’autre part à la ré-innervation collatérale ou à la repousse axonale. Le pronostic est formulé durant la phase aiguë selon le test d’Esslen. - jusqu’à une altération électroneuronographique de 50 %, la récupération est toujours très bonne, - jusqu’à 90 %, la récupération est bonne mais considérablement plus longue, - jusqu’à 98 %, la récupération peut être satisfaisante, mais avec souvent un déficit séquellaire lié à une ré-innervation aberrante ou à une transmission éphaptique entre différentes branches du nerf, - entre 98 et 100 %, la récupération est toujours mauvaise ou nulle. La persistance ou non d’un blink reflex contribue à l’avis pronostic. Aux phases plus chroniques, cet avis sur la récupération est plus généralement fourni par l’étude de l’activité électromyographique de détection. Ces principes sont valables pour toutes les paralysies faciale aiguës. Mais cela n’exclut pas le fait que certaines étiologies modifient défavorablement l’évolution. La paralysie faciale zostérienne présente un degré de dégénéres- 82 cence nerveuse et de séquelles plus important que celui de la paralysie de Bell. Il semble également que l’on observe plus de séquelles (syncinésies) après une paralysie très sévère, et une récupération très lente (retard à la ré-innervation). Un suivi électrologique régulier (vers 5-12 jours, 1 mois, 3 mois, 6 mois et 1 an après la lésion initiale) se justifie donc dans le but d’objectiver les progrès de la ré-innervation et/ou de témoigner de l’apparition de syncinésies, même à un stade infra-clinique. REFERENCES BAJAJ-LUTHRA A., VANSWEARINGEN J., THORNTON RH., JONHNSON PC. 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Ces thérapeutiques kinésithérapiques ne sont utiles que dans les troubles fonctionnels des A.T.M. Le diagnostic différentiel avant traitement est donc indispensable. Mots clés : rééducation orofaciale, troubles fonctionnels, diagnostic différentiel. Physical Therapy and T.M.J. Disorders Abstract T.M.J disorders can be treated in a non intrusive way through occluso-dontic adjustment. Physiotherapeutic techniques are often very useful in the optimization of mandibular sector based splint appliance by lingual and postural rehabilitation. It is essential to use reverse video-mirror techniques. Only functional disorders can be treated efficiently with these techniques; it is therefore imperative that differential diagnosis be established prior to the implementation of treatment. Key Words : orofacial rehabilitation, functional T.M.J.disorders, differential diagnosis. Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 85 Jean-Michel HUGLY Stomatologue 8 rue des Fossés 77000 Melun tél. et fax 01 64 37 02 73 D ans les troubles des A.T.M. la douleur est le plus souvent le motif principal de la consultation. Même si les signes associés sont nombreux, anciens, parfois invalidants (bruits articulaires, gêne à l’ouverture, gêne masticatoire) ils ne sont pas suffisants pour déclencher la démarche du patient. La douleur, dans la sphère orofaciale, est extrêmement diverse dans ses manifestations et son origine est le plus souvent difficile à apprécier. Ainsi, même si le patient est conscient de ses troubles articulaires, il n’établira pas forcement une relation avec les douleurs ressenties, celles-ci étant itératives ou aléatoires ou ressenties à distance de la zone d’origine. Les patients ne vont pas consulter, en conséquence, directement le chirurgien dentiste mais souvent être adressés par leur médecin à un radiologue, un O.R.L., un rhumatologue, un neurologue voire un psychiatre. Ces patients arrivent dans nos cabinets avec un long passé médical (et un long vécu de souffrance). Ils sont souvent méfiants, agressifs et difficiles à gérer sur le plan relationnel. Le fait de pouvoir proposer un traitement non invasif et réversible est un facteur important dans l’établissement de la relation thérapeutique, qui ne peut s’établir qu’avec la confiance du malade, et chez des malades qui ont suivi (ou subi) un certain nombre de traitements aussi divers que décevants tel que : - meulages sélectifs, - arthroscopies, - traitements anti-inflammatoires au long cours, - traitements antibiotiques d’une éventuelle otite ou sinusite, - prise au long court de Benzodiazépines, - voire psychothérapie... ! 86 Cette confiance ne sera conquise que par la qualité de l’écoute, l’attention aux signes associés et l’évaluation de l’intensité de la plainte. Les douleurs orofaciales sont polymorphes de siège, d’intensité et de périodicité variables. Si elles sont souvent en relation avec des troubles de l'articulé dentaire (troubles occlusaux) tous les patients qui ont des perturbations de leur articulé ne présentent pas pour autant des troubles algo dysfonctionnels des A.T.M. Il faudra donc se garder de vouloir persister à appliquer un traitement occlusal à une douleur dès lors que l’étiologie n’est pas clairement établie. Dans le Syndrome Algo Dysfonctionel des A.T.M. (SADAM) il faut distinguer les troubles purement fonctionnels de ceux résultant d’une atteinte dégénérative (arthrose, tumeur, maladie systémique à expression articulaire) ou traumatique. Il faut également tenir compte des diverses expressions douloureuses d’autres affections (trompeuses par leur site d’irradiation à l’appareil manducateur et déclenchées ou exacerbées elles aussi par les fonctions). De même, certains troubles cranio-mandibulaires peuvent induire des irradiations douloureuses très à distance des articulations temporales et égarer ainsi le diagnostic. Enfin, un certain nombre de syndromes douloureux de la face peuvent avoir en commun l’absence de signes objectifs radiologiques. Ces diverses affections peuvent donc induire un diagnostic erroné de trouble de l’A.T.M. Les migraines, bien sûr, quand elles sont sans signes d’accompagnement, les algies vasculaires de la face, avec des crises de 15 minutes à quelques heures parfois jusqu’à 8 par 24 heures, parfois répétées en bouquet pendant des semaines ou des mois mais qui toutes deux cèdent aux dérivés de l’ergot de seigle, aux antalgiques, aux bêtabloquants ou aux dérivés du Sumatriptan. Il faut penser aussi aux céphalées post traumatiques, aux hémorragies cérébrales et cérébro-méningées, songer également aux tumeurs cérébrales dont la céphalée, d’apparition récente, qui d’intermittente devient permanente, pulsatile et aggravée par l’effort, est souvent le seul symptôme. Les sinusites frontales, avec une douleur irradiant vers la tempe, les otalgies, très trompeuses, avec des douleurs exacerbées par la mastication et la déglutition et accentuées par la pression sur le tragus ! L’examen otoscopique fera le diagnostic. Citons les douleurs du glaucome et les céphalées dues à la fatigue visuelle. 87 Les algies cervicales avec les douleurs déclenchées par la rotation du cou, la flexion et l’extension, les projections vers les épaules, vers les régions occipitales et frontales avec parfois des irradiations fulgurantes sont également trompeuses, d’autant plus qu’elles peuvent être majorées par un trouble associé de l’articulé dentaire. Les algies d’origines bucco-dentaires, caries profondes ignorées, accident de désinclusion des 3es molaires avec irradiations aux A.T.M. ou aux oreilles, avec trismus associé, avec hyper esthésie cutanée, voire paralysie faciale associée. Les lithiases salivaires, en particulier les parotidites peuvent donner des douleurs irradiées aux A.T.M. Enfin il ne faut pas passer à coté d’une névralgie essentielle du V ou du IX. Citons également les douleurs du zona du V. Si les troubles fonctionnels des A.T.M. sont accessibles aux thérapeutiques fonctionnelles ce n’est pas le cas des affections dégénératives, infectieuses ou tumorales. Si ces maladies peuvent être transitoirement améliorées par le traitement fonctionnel, il ne sera pas possible d’obtenir un résultat stable, et le retour plus ou moins rapide des signes initiaux sera inéluctable. Dans le cas d’arthrite infectieuse aiguë, les tentatives de traitement fonctionnel vont aggraver la douleur ! L’arthrite infectieuse associe rougeur, tuméfaction de la région prétragienne, palpation très douloureuse, le patient est bouche entrouverte en position antalgique, la douleur est exacerbée par toute tentative de mobilisation. Les arthrites chroniques dont le diagnostic est radiologique peuvent induire une limitation fonctionnelle importante, d’installation progressive associée à des douleurs spontanées. Les remaniements osseux sont alors importants. Les différentes pathologies tumorales temporo-mandibulaires sont rares et la douleur et les troubles fonctionnels sont tardifs et modérés, encore une fois la radiographie fait le diagnostic. Il convient donc de faire un bilan préalable complet : interrogatoire, et examen clinique approfondi. Il faudra en particulier tenir compte des données de la palpation et de l’auscultation. Les bruits articulaires doivent être identifiés et associés aux diverses perturbations de la cinématique mandibulaire. 88 Enfin un bilan radiographique est indispensable (en 1 re intention, un film panoramique dentaire numérisé avec A.T.M. visibles est suffisant). Les troubles fonctionnels (ou dysfonction algique des A.T.M.) sont accessibles à des thérapeutiques non invasives (par gouttières sectorielles) qui bien conduites apportent un soulagement rapide et durable au patient avant de constituer par ailleurs une véritable modélisation du traitement prothétique ou orthodontique final. Ces traitements peuvent être potentialisés utilement par la rééducation maxillo-faciale. Les dysfonctions cranio mandibulaires (D.C.M) sont à l’origine de la plupart des troubles fonctionnels des A.T.M. Par D.C.M il faut entendre que la position de la mandibule par rapport au crâne ne permet pas un jeu équilibré de la musculature élévatrice et abaissante. Un certain nombre de contractures vont apparaître évoluant vers la crampe douloureuse et le spasme. Les muscles spasmés sont alors perceptibles à la palpation. Des para fonctions sont associées : bruxisme en particulier, avec usure dentaire et attrition, ou fracture de l’émail. La position d’occlusion gouvernée par l’engrènement dentaire ne permettant pas un positionnement fonctionnel des pièces articulaires de l’A.T.M. a induit un déséquilibre musculaire qui va s’exprimer par un positionnement perturbé des différentes surfaces articulaires de l’A.T.M. Il faut rappeler que cette articulation complexe et duale (la seule du corps humain !) compte 5 surfaces articulaires : - 2 interfaces condyle temporal ménisque, - 2 interfaces condyle mandibulaire ménisque, - 1 interface arcade dentaire maxillaire arcade dentaire mandibulaire. Il importe donc que l’engrènement des surfaces dentaires ne perturbe pas l’agencement des interfaces condylo-méniscales intra articulaires. Une déviation à droite ou à gauche de la mandibule va aboutir à une position trop reculée d’un condyle mandibulaire et trop avancée de l’autre. Du côté du condyle trop reculé les conditions d’une luxation méniscale antérieure sont réunies, et vont être entretenues par le spasme de la musculature péri articulaire et en particulier du ptérygoidien latéral chef supérieur. 89 La douleur et l’inflammation de la capsule articulaire vont entraîner un spasme secondaire des élévateurs (muscles puissants) verrouillant la luxation et augmentant les douleurs par la compression des zones non articulaires de l'A.T.M. Il importe alors de faire la part de ce qui est purement musculaire et de ce qui est articulaire. Différents tests diagnostiques simples peuvent être utilisés : * morsure sur une cale postérieure (soulageant la douleur par décompression intra articulaire) ou l’aggravant si le problème est d’origine purement musculaire, * recherche de points douloureux des muscles spasmés, * tests de mobilisation. Si la mobilisation passive est indolore et la mobilisation active douloureuse le problème est sûrement musculaire et/ou postural, * test de diduction compressive vers la droite ou la gauche. Si la douleur est en arrière du condyle on pensera à une atteinte articulaire, si la douleur est en avant on pensera à une atteinte musculaire (ptérygoïdien latéral), * l’observation de la cinétique mandibulaire. Si la diduction est normale et l’ouverture limitée on se dirigera vers un diagnostic musculaire. En revanche, si la diduction est altérée, on penchera pour un problème intra articulaire. L’examen des malades souffrant de SADAM est avantageusement complété par un bilan postural. Des perturbations de la statique entraînent une dissymétrie des chaînes musculaires et une modification posturale cervicale avec, par l’intermédiaire des sterno-cléido-mastoidiens, un retentissement sur les A.T.M. Il faut faire un bilan statique avec et sans cale inter dentaire (rouleau de coton) pour bien faire la part de l’occlusal et du postural * sur podoscope, talons écartés de 20 cm, * de face : recherche d’un genu valgum ou varum, examen de la position du bassin, de la position des épaules. * de profil : examen des courbures rachidiennes (en position habituelle – pas de garde à vous). 90 En cas de scoliose, il faudra rechercher une différence de longueur des membres inférieurs. Enfin, des tests posturaux statiques (ex Romberg) ou dynamiques (ex Fukuda). Le test de piétinement de Fukuda doit être exécuté 2 fois. Une fois avec les dents en inoclusion, une fois avec les arcades dentaires en position d’occlusion terminale habituelle serrée. Tous ces renseignements vont permettre d’éclairer et d’orienter le bilan occlusal avant de mettre en œuvre le traitement par gouttières sectorielles. Celui-ci va avoir pour but de lever les douleurs et les spasmes en supprimant les contacts prématurés iatrogènes. En supprimant les para fonctions et les réflexes posturo-occlusaux, il va permettre de retrouver une position mandibulaire d’équilibre, myocentrée, permettant un fonctionnement normal des A.T.M. Pendant cette phase du traitement, les thérapeutiques kinésithérapiques vont être utilisées pour faciliter une récupération plus rapide et une optimisation des gouttières. Il pourra s’agir de massages, effleurements, toucher roulé… etc. Les exercices (après échauffement musculaire par massage ou compresses chaudes) se feront devant un miroir (ou mieux une vidéo miroir selon la technique mise au point par F. Clouteau). Enumérons brièvement : - ouverture rectiligne en gardant une petite amplitude de mouvement, - mouvement de propulsion diduction rectilignes. En cas de luxations « irréductibles » ces mêmes mouvements sont faits en mordant sur une cale postérieure pour augmenter l’espace intra articulaire. Les exe rcices de décontraction neuro mu s c u l a i re et de prise de conscience des positions vicieuses et des para fonctions doivent être pratiqués dans les mêmes conditions, lentement et sous contrôle miroir et /ou vidéo. La langue joue un rôle dans les D.C.M. En se positionnant entre les arcades, elle peut induire béances, perte du guidage incisif, migrations dentaires et perturber la posture mandibulaire. La rééducation de la déglutition et de l’articulation phonétique est indispensable pour la stabilité des traitements. 91 Le massage des muscles cervicaux faciaux et la physiothérapie sont très utiles en début de traitement pour aboutir à la résolution des spasmes musculaires en diminuant le recours aux myo résolutifs et en fin de traitement pour potentialiser la stabilité des résultats. La kinésithérapie et la rééducation des fonctions orofaciales joue donc un rôle de choix dans le traitement des SADAM d’origines fonctionnelles et posturales en facilitant et accélérant la thérapeutique occlusale ou occluso orthodontique. Elle renforce la motivation du patient et, en l’impliquant dans son traitement, verrouille sa coopération. Elle augmente enfin la stabilité à moyen et long terme des résultats du traitement. 92 Utilisation des gouttières thermoformées dans les pathologies articulaires des A.T.M. Une approche non invasive Jean-Michel Hugly Résumé Cet article présente une nouvelle façon d’aborder les troubles des A.T.M. En utilisant des gouttières mandibulaires sectorielles thermoformées, on privilégie une approche non invasive basée à la fois sur la rééducation des réflexes posturaux iatrogènes, et la résolution rapide des contractures musculaires, pour retrouver la position mandibulaire myocentrée de référence. Cette technique permet une simulation en vrai grandeur, et autorise le choix du plan de traitement le mieux adapté, orthodontie, prothèse ou chirurgie, ou traitement pluridisciplinaire. L’approche non invasive permet de gagner ou regagner la confiance des patients, et leur coopération. Mots clés : gouttières sectorielles, traitement non invasif, rétablissement de l’occlusion myocentrée. Sector-based Mandibular splint in T.M.J. disorders A non offensive approach Abstract T.M.J. disorders are often treated surgically, when non intrusive approaches have failed. A new type of mandibular sector-based splint is presented in this article; it is well tolerated, can be easily adjusted, (right and left) and can also be used unilaterally. It offers rapid pain relief for the patient, easy laboratory procedures, and moderate cost. The patient wears the splint on a full time basis and can swallow and speak easily. It is an appropriate alternative to surgical treatment and its medical-legal liabilities. Key Words : mandibular sector-based splint, non intrusive treatment, symmetry of masticatory muscle activity. Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 93 Jean-Michel HUGLY Service d’O.D.M.F. U.F.R. de Stomatologie et Chirurgie Maxillo-Faciale C.H.U Pitié Salpêtrière 75013 Paris L es troubles articulaires les plus fréquents sont des dysfonctions de l’appareil condylo-méniscal. Ces dysfonctions dues à la fois aux distensions ligamentaires et aux contractures musculaires peuvent se décrire comme des incoordinations de l’appareil intra capsulaire : c’est à dire un déplacement du ménisque par rapport à sa position normale en direction antérieure ou antéro médiale partiellement ou totalement. La luxation peut être réversible ou irréversible, aiguë ou chronique. Jusqu’à présent les thérapeutiques proposées étaient en principe uniquement chirurgicales : chirurgie à ciel ouvert (arthrotomie) ou par voie arthroscopique (1, 5, 6, 8, 12, 18). Dans une logique particulière qui fait dépendre le bon fonctionnement des A.T.M. uniquement d’un bon engrènement dentaire (logique du tout occlusal), la thérapeutique proposée peut même envisager une chirurgie orthognatique. Ces thérapeutiques lourdes peuvent dissuader des patients, ces patients très particuliers qui souffrant depuis longtemps ont déjà subi plusieurs traitements non ou peu efficaces. Ils sont inquiets de la chronicité de leurs troubles et agressifs sur le plan relationnel. L’utilisation raisonnée de gouttières occlusales therm oformées d’une conception originale permet de proposer une altern ative aux traitements ch irurgicaux et de s’attacher leur confiance en ne leur donnant pas l’impression d’engager un processus irré versible. Au contra ire, ils peuvent à tout moment interro mpre le traitement en re trouvant ad integrum leur état initial. Indications Les traitements par gouttières ne sont indiqués que dans les dérangements internes de l’A.T.M. : incoordinations condylo-méniscales, luxations discales, 94 réversibles ou non, chroniques ou aiguës. Ces différentes pathologies peuvent être discrètes ou invalidantes selon l’ampleur des signes d’accompagnement. Le diagnostic repose sur l’histoire clinique. L’interrogatoire précise : - les circonstances de survenue - la périodicité ou la permanence des troubles - leur caractère spontané (par exemple au réveil) déclenché par les bâillements ou la mastication d’aliments fortement résilients, consécutif à une chute ou à un choc (sport de combat, agression, etc.). D’un point de vue médico-légal, on précise également s’il existe une hyper laxité constitutionnelle (bruits articulaires d’autres articulations, luxation de la rotule, entorses récidivantes). Il faut également rechercher les antécédents thérapeutiques : orthopédie dento-faciale avec forces extra-buccales, grandes reconstitutions prothétiques, avulsions de dents de sagesse sous A.G. L’examen clinique Il faut rechercher les points douloureux les plus fréquents : prétragien, rétro-sous-angulaires, médio-masséterin, intra-auriculaire. Palper intra-buccal des insertions du ptérygoïdien latéral. Rechercher et palper les ressauts accompagnant les bruits articulaires (uni ou bi-latéraux, réciproques à l’ouverture ou à la fermeture, palpables ou non, réductibles ou non par la contention digitale, audibles ou non par l’entourage). Tous ces bruits signent l’asynchronisme du déplacement du condyle et du disque. Enfin, il faut observer les trajets d’ouverture et de fermeture : déviations, amplitude, coïncidence des anomalies avec les bruits audibles. Ces tableaux cliniques sont modulés par l’association des douleurs ou des gênes fonctionnelles, avec les modifications objectives de la cinématique mandibulaire, et permettent de distinguer les luxations méniscales réductibles spontanément, plus ou moins tardivement, ou irréductibles avec ou non une diminution douloureuse de l’ouverture (les luxations irréductibles chroniques, avec douleurs modérées, et ouverture sub normale étant alors de diagnostic différentiel difficile). 95 Les examens complémentaires En première intention un panoramique numérisé, avec A.T.M. visibles, élimine les pathologies tumorales ou dégénératives. Avec en complément et à la demande : - un télécrâne profil qui précise une dysharmonie sagittale maxillomandibulaire, - une tomographie numérisée des A.T.M. (SCANORA), utile pour apprécier la morphologie des cavités glénoïdes et les modifications de l’interligne articulaire, bouche ouverte et fermée. Les examens tomodensitométriques, ou par I.R.M., ne sont à notre avis indiqués qu’en deuxième intention, après échec du traitement fonctionnel bien conduit. Ces examens confirment alors une luxation méniscale antérieure non réductible ancienne, avec une cinématique sub-normale, douloureuse et non améliorable, posant le problème du traitement chirurgical de seconde intention. LE TRAITEMENT PAR GOUTTIERES SECTORIELLES Il s’agit d’une proposition thérapeutique originale que nous pratiquons avec succès depuis une dizaine d’années. Le principe directeur est d’ignorer, et même d’annuler la référence occlusale dentodentaire. Nous ne tenons pas compte de la notion si imprécise et fluctuante d’occlusion centrée pour lui préférer celle d’occlusion myocentrée. Il s’agit donc de rechercher l’équilibre fonctionnel de la musculature manducatrice et posturale en annulant la possibilité d’interc uspidation des arcades dentaires. Les A.T.M. étant des articulations suspendues, la référence positionnelle anatomique est inexistante, les surfaces articulaires n’étant pas en relation en position de repos et ne s’affrontant que pendant les mouvements de fermeture et d’ouverture. La référence dentodentaire ne représente par ailleurs que l’une des cinq surfaces articulaires en présence (ménisco-temporale, condylo-méniscales droite et gauche) (2, 3, 4, 16, 17). Il existe trois situations type : - des désordres majeurs de l’A.T.M. avec des signes occluso-articulaires sub cliniques 96 - des signes douloureux majeurs sans désordres cliniques de l’A.T.M. (ni d’anomalies radiologiques) - des destructions très importantes de l’A.T.M. sans signes fonctionnels ni douloureux. Mise en œuvre des gouttières La consultation initiale Deux cas possibles : soit la douleur ou la limitation autorise la prise d’empreintes, soit elle est impossible. Il faut alors prescrire dans un premier temps des myorésolutifs : thiocolchicosides de préférence, type COLTRAMYL, 1 comprimé 3 fois par jour. Des anti-inflammatoires non stéroïdiens : VOLTARENE 50, PROFENID 100, etc. 1 cp matin et soir, associé à un I.P.P. : MOPRAL, ZOLTUM, une gélule matin et soir. Un antalgique banal : DAFALGAN, DOLIPRANE, ou DIANTALVIC. Dès que possible, on réalise la prise d’une empreinte mandibulaire pour construire les gouttières qui ont le double rôle de décompression articulaire et de relaxation musculaire. Les gouttières sont toujours sectorielles, toujours mandibulaires, toujours postérieures. (De première prémolaire à dernière molaire) ceci dans un double but : créer un effet pivot avec une décompression maximum de l’A.T.M., permettre un réglage différentiel droit et gauche. Dans un premier temps, les gouttières sont lisses, c’est-à-dire sans engrènement homothétique aux faces occlusales. La réplique de celle-ci, réalisée par le thermoformage, est nivelée par meulage et apport de résine (au laboratoire ou en bouche) pour obtenir une surface de contact avec l'arcade antagoniste totalement plane. Selon les impératifs cliniques, l’épaisseur est adaptée à l’intensité des contractures musculaires (5,8,ou12/10°), de façon différentielle à droite et à gauche, ou selon l’existence ou non d’un bruxisme associé qui implique une réalisation plus robuste ; selon également qu’il sera souhaitable ou non de porter les gouttières pendant les repas. Le thermoformage (photo 1) permet d’obtenir confort maximum, (par le faible encombrement de la réalisation) confort sans comparaison par rapport aux gouttières maxillaires ou mandibulaires précédemment décrites dans la littérature (14, 17, 21). Le thermoformage apporte aussi invisibilité, personnalisation, rapidité et reproductibilité (il peut être utile de remettre d’avance plusieurs jeux de gouttières au patient). 97 La deuxième consultation Si l’on a obtenu au bout de 48 H minimum : - cessation des spasmes et des douleurs, - recoïncidence des milieux fonctionnels (freins labiaux maxillaires et mandibulaires), - sensation de confort du patient, il est alors possible d’enregistrer la relation inter-arcades myocentrée. L’enregistrement après sédation des troubles fonctionnels et douloureux est un des points fondamentaux de la thérapeutique proposée. En effet les techniques actuellement décrites d’élaboration des gouttières sur articulateur semiadaptable avec la relation inter-arcade enregistrée en phase initiale ne sont basées sur aucun autre renseignement que l’enregistrement de la position de dysfonctionnement. De cet enregistrement est alors déduit par programmation des paramètres de l’articulateur une position thérapeutique théorique (mais sans fondement réellement clinique) à partir de laquelle sont élaborées les gouttières. (14, 16, 21). La mise en articulateur en phase initiale nous parait inutile, parce que souvent pénible pour le patient qui souffre et ouvre souvent difficilement, et surtout parce que ne donnant aucun renseignement réellement fiable sur la position thérapeutique à retrouver. Le patient nous semblant à ce stade être lui-même l’articulateur le plus fiable puisque capable d’exprimer son confort ou son inconfort. La position de confort étant donc retrouvée par le patient, il est maintenant possible d’enregistrer la relation inter-arcade myocentrée, afin de repérer les interférences occlusales iatrogènes et les éliminer une par une. On demande au patient de refermer doucement la bouche, le plus passivement et lentement possible, jusqu’à ce qu’il perçoive un premier contact dentodentaire. Cette manœuvre est répétée plusieurs fois, jusqu’à pouvoir être exécutée facilement de façon fiable et reproductible. Il peut être utile que le patient s’aide d’un miroir pour bien comprendre ce qu’on attend de lui. Il faut alors repérer le ou les contacts prématurés tout en vérifiant que les milieux physiologiques restent alignés. Ces contacts sont alors supprimés et les gouttières sont remises en place. Elles sont diminuées de hauteur pour obtenir un nouveau calage bilatéral et simultané des arcades dentaires (si nécessaire le réajustage droit et gauche est modifié par meulage controlatéral ou par meulage pour diminuer la hauteur). 98 Ces séquences peuvent être répétées plusieurs fois, les gouttières sont alors diminuées à chaque séance pour arriver le plus près possible de la relation inter-arcade la plus proche de la position myocentrée recherchée. Le réglage et la construction sectorielle permettent éventuellement de supprimer une des 2 gouttières partiellement ou totalement. Il faut arriver à une cessation complète de troubles articulaires : spasmes, ressauts, et déviation du trajet d’ouverture et de fermeture (photo n° 2). A ce stade la mandibule est positionnée, sur la gouttière réglée en bouche : - dans la position myocentrée recherchée, - dans la limite de l’espace d’innoclusion, - l’effet nociceptif des contacts prématurés est annulé. Stade d’articulation du traitement C’est alors que le traitement est mené vers ses deux objectifs : sédation finale des troubles et suppression des gouttières (c’est à dire restauration et consolidation après rééducation proprioceptive finale). La position myocentrée est vérifiée et affinée : s’il existait une limitation initiale de l’ouverture, on va demander au patient de trouver sur les gouttières qui sont encore lisses à ce stade la position à partir de laquelle il ouvre sans aucune douleur, ni sensation de gêne, et éventuellement sans bruit. Cette position une fois repérée sera fixée dans la gouttière par apport de résine autopolymérisante en enregistrant des indentations. Ces indentations seront alors meulées pour être réduites à des reliefs très doux, quelques dixièmes, voire moins dans les cas de très grande sensibilité neuromusculaire. Ces indentations doivent permettre une sollicitation proprioceptive maximum afin d’obtenir une récupération réflexe de la position mandibulaire fonctionnelle. A ce stade et seulement à ce stade, une axiographie est utile (une axiographie initiale, dans un contexte douloureux est inutile car elle ne fait que confirmer ce qui est évident cliniquement et n’apporte aucun élément complémentaire en raison des spasmes musculaires). Les axiographies successives seront alors réalisées à chaque nouveau réglage, qu’elles permettront d’affiner. (Afin d’obtenir des courbes identiques à droite et à gauche). Les gouttières de rééducation proprioceptives peuvent être combinées avec le port nocturne de gouttières lisses dans les cas de forte tonicité des éléva- 99 teurs avec bruxisme associé afin d’éviter la destruction par usure nocturne du réglage obtenu ou pour que le contact involontaire cuspide des dents maxillaires et de la crête des indentations mandibulaires ne crée une position iatrogène nocturne Les séances successives de réglages par coronoplastie des contacts prématurés et la suppression des épaisseurs de gouttières aboutissent ainsi à une modélisation de l’arcade finale (la gouttière résiduelle figurant les coronoplasties additives à réaliser ultérieurement). A ce stade le confort articulaire et postural doit être acquis, les signes douloureux doivent avoir disparu et les signes cliniques de dérangement intracapsulaires doivent être améliorés (des bruits articulaires épisodiques ne sont pas un signe d’échec mais de la laxité ligamentaire résiduelle). La fin du traitement et la suppression des gouttières La mise en articulateur adaptable ou semi-adaptable devient indispensable. Les gouttières ont permis de retrouver la position mandibulaire cranioadaptée de référence qui, confortable et asymptomatique est compatible avec toutes les autres adaptations posturales développées par le patient au cours de l’établissement de sa malocclusion. Cette mise en articulateur permet de visualiser les modifications nécessaires des arcades dentaires et d’établir le plan de traitement final mono ou pluridisciplinaire en faisant appel à l’O.D.M.F., la prothèse ou la chirurgie ou le mélange de plusieurs de ces options. La position craniomandibulaire myocentrée donne la référence occlusale du patient, sans être prédéterminée par un concept occlusal mécaniste ou prothétique comme il a été trop souvent proposé de procéder (occlusion centrée) (8, 15, 21, 22). Effet thérapeutique des gouttières sur l’A.T.M. intra capsulaire La sédation des douleurs est quasi immédiate (24 à 48 heures), le repositionnement discal n’est pas visible radiologiquement (photo 2). Le disque n’étant pas innervé n’est en lui-même pas douloureux, son repositionnement n’a aucun rôle sur la douleur. La douleur est liée aux tendinites d’insertion des ptérygoïdiens, à des entorses ligamentaires, à des élongations du ligament latéral externe. La luxation antéro-interne du ménisque entraîne une compression de la zone bilaminaire et une surpression des surfaces non articulaires (7, 9, 10, 11). 100 La douleur n’est pas corrélée à l’intensité des bruits articulaires. La sédation rapide des douleurs par le port des gouttières peut s’expliquer par la levée du spasme et des contractures musculaires liées à des dysfonctions occlusales ou posturales et à des surpressions intra-capsulaires. On fait ainsi passer au second plan une étiologie purement occlusodentaire. Le concept erroné d’occlusion centrée est donc ainsi disqualifié et apparaît comme purement prothétique et non physiologique. Conclusion Le concept nouveau de gouttières sectorielles thermoformées et uniquement mandibulaires permet d’obtenir de la part des patients un port facile contrairement aux autres gouttières maxillaires et monoblocs qui sont difficiles à supporter 24 heures sur 24. Ces mini gouttières ne gênent en rien la phonation, ne sont pas visibles et peuvent même être éventuellement conservées pendant les repas. Portées en permanence, elles assurent une mise au repos rapide du complexe musculoméniscal. Elles régulent la pression intra-articulaire et le métabolisme des tissus intracapsulaires (19). En l’absence de perforations ou d’adhérences, dans les cas de luxations méniscales antérieures non réductibles, leur port prolongé peut permettre un épaississement hyalin de l’attache méniscale postérieure (19) et permettre la création d’une néoformation discale, que l’I.R.M. peut mettre en évidence (après un an de port, comme l’a montré MONGINI à la S.F.O.D.F. de 1997). Les gouttières mandibulaires sectorielles décrites permettent donc un essai thérapeutique véritable de la position de référence mandibulaire. Elles doivent être laissées suffisamment longtemps pour que les inévitables adaptations posturales soient stables et que la normalisation fonctionnelle de l’appareil intra-capsulaire soit consolidée. Cette thérapeutique totalement non invasive et totalement réversible permet, pour un coût modéré, une simulation thérapeutique en vraie grandeur. Elle permet la sédation rapide des troubles fonctionnels et des douleurs. Elle permet de rassurer des patients qui sont souvent au départ sceptiques, peu coopérants et souvent difficiles sur le plan relationnel. 101 REFERENCES 1. CANAL, P. LEJOYEUX, E., Chirurgie de l’A.T.M.. Rev Orthop Dento Faciale. 21 : 547-559, 1987 2. COULY, G. BROCHERIOU, C. VAILANT, J-M., Les ménisques temporomandibulaires,.Rev. stomatol. Paris 1975, 76, 303-310 3. COULY, G. HUREAU, J. VAILLANT, J-M., Le complexe dynamique du ménisque temporomandibulaire, Rev. Stomatol. Paris 1975, 76, 597-605 4. DELAIRE, J. BILLET, J. LEMARTRET, J-P. Considérations sur la physiologie du ménisque temporomandibulaire Rev Somatol. Paris 1974, 75, 447-454 5. DEFFRENNES, D., NEGRIER, B., HADJEAN, E., Place de la chirurgie dans les dysfonctionnements des A.T.M. Orthod Fr 61 : 797-811, 1990 6. DEFFRENNES, D., NEGRIER, B., HADJEAN, E., Les techniques chirurgicales dans la pathologie des A.T.M. Orthod Fr 61 : 785-796. 1990 7. FARRAR, Clininical outline of T.M.J. 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Surg. 45 : 299-305, 1987. 102 Le sourire temporal Rééducation orthophonique post-myoplastie d’allongement du temporal, pour le changement de fonction du muscle temporal et la réanimation de la face paralysée Marie-Pascale Lambert-Prou Résumé Cet article présente le traitement orthophonique post- myoplastie d’allongement du temporal (technique chirurgicale pour la correction des paralysies faciales définitives, consistant au transfert du muscle temporal valide sur la commissure labiale paralysée). Sont développés les principes de base de toute rééducation de la face paralysée, les bilans pré et postopératoires et la rééducation spécifique. Dans le but principal de réhabiliter le sourire (composante majeure des codes sociaux de communication), la rééducation conduit le temporal transféré à intégrer les fonctions labiales et jugales. Ce changement de fonction s’obtient par étapes : dans un premier temps, stade du « sourire » mandibulaire, une mobilisation mandibulaire (fonction originelle du temporal) est nécessaire pour qu’une contraction du temporal transféré provoque une élévation commissurale. Dans une seconde étape, stade du sourire temporal volontaire , on obtient la contraction temporale indépendante des déplacements mandibulaires, celle-ci demeurant encore volontaire. Le sourire réalisé doit devenir aussi symétrique que possible. Enfin, on vise le sourire à la fois spontané et indépendant d’une mobilisation mandibulaire, stade du sourire temporal spontané. Pour obtenir ce dernier stade, le patient doit perdre ses attitudes d’évitement du sourire (crainte du regard de l’autre) et présenter une bonne appétence à la communication. À ce niveau de la rééducation, la contraction temporale doit assurer, dès lors, un sourire au sens littéral du terme (mimique d’expression), mais aussi une articulation et une vidange salivaire de meilleure qualité. L’acquisition du sourire temporal nous renvoie à la plasticité cérébrale. C’est pourquoi la rééducation doit opérer à la fois aux niveaux périphérique et central. Mots clés : paralysie faciale, chirurgie maxillo-faciale reconstructrice, transfert musculaire, sourire temporal, plasticité cérébrale. Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 103 Temporal smile. Post myoplastic speech and language therapy designed to change temporal muscle function and revive the paralyzed face Abstract This article presents a speech and language treatment program for post-myoplastic stretching of the temporal muscle (a surgical technique designed to correct irreversible facial paralyses and involving the transfer of the intact temporal muscle to the paralyzed labial commissure). The article describes basic principles common to all treatment approaches to facial paralysis, as well as pre- and post-surgical evaluations and specific treatm ent approaches. In order to rehabilitate smiling (a major component of social codes and communication), treatment seeks to facilitate the integration of labial and jugal functions by the temporal muscle. This functional change is obtained through a step approach. During the first stage, that of the mandibular smile, mandibular involvement (the original function of the temporal muscle) is needed for contraction of the transfered muscle to induce commisural rising. During the second stage, that of the voluntary temporal smile , temporal contraction becomes independent from mandibular movements, although it still reflects voluntary effort. The smile thus obtained must be as symmetrical as possible. Finally, smiling must become both spontaneous and separate from mandibular involvement during the stage of spontaneous temporal smile. To reach this stage, the patient must relinquish his smile avoidance attitudes (fear of being observed by others) and be interested in communicating with others. At this stage, temporal contraction must produce true smiling (as a facial expression), as well as better articulation and salivary draining. The acquisition of temporal smiling reflects cerebral plasticity. For this reason, treatment must involve both peripheral and central levels. Key Words : facial paralysis, reconstructive maxillary-facial surgery, muscular transfer, temporal smile, cerebral plasticity. 104 Marie-Pascale LAMBERT-PROU Orthophoniste 17, place Saint-Martin 14000 Caen Tél. 02.31.50.25.32 L a paralysie faciale périphérique est liée à une lésion du nerf facial VII à partir de son noyau. Elle provoque des troubles esthétiques et fonctionnels sévères et affecte notamment la communication en parasitant la lecture des émotions exprimées sur le visage. Le sourire, composante essentielle des codes sociaux de communication, est particulièrement atteint (voir photos de l’article suivant, p. 121). La Myoplastie d’Allongement du Temporal (MAT) a été mise au point en 1994 par le Dr Daniel LABBÉ (voir la description de cette technique chirurgicale dans l’article précédent). Elle permet l’insertion directe du muscle temporal - d’innervation différente, nerf trijumeau V - sur la commissure des lèvres paralysées qui se trouvent alors en posture normale de repos (voir photos de l’article suivant, p. 121). La rééducation postopératoire spécifique a pour objectif d’exploiter le muscle temporal transféré pour réanimer les fonctions normalement dévolues aux lèvres et aux joues paralysées : mimiques (principalement le sourire), articulation de la parole, déglutition. J’ai été amenée à prendre en charge la rééducation des premiers bénéficiaires de la Myoplastie d’Allongement du Temporal. Il a été indispensable de concevoir des bilans pré et postopératoires adaptés, ainsi qu’une rééducation orthophonique spécifique. 28 patients ne présentant pas de trouble associé à leur paralysie faciale ont suivi ce traitement complet et ont été régulièrement évalués. La demande principale des personnes atteintes de paralysie faciale concerne le sourire. Le sourire est un mouvement labial qui exprime un état affectif en réponse à des stimuli sociaux ou internes au sujet. Il constitue un mode de communication extra-verbal. Dans la rééducation des Myoplasties d’Allongement du Temporal, l’orthophoniste aura donc deux objectifs : 105 1. restaurer le mouvement labial en recherchant et en perfectionnant la contraction du temporal transféré ; 2. établir le lien entre cette motilité retrouvée et la fonction sourire, intègre au niveau cortical. Cet article informera globalement le lecteur sur plusieurs aspects de la prise en charge orthophonique : 3. les principes de base de toute rééducation de la paralysie faciale ; 4. les bilans et entretiens pré et postopératoires spécifiques ; 5. les stades pour l’obtention du « sourire temporal spontané » : leur définition et le pourcentage des patients y accédant ; 6. la rééducation spécifique : la détente et l’assouplissement du visage ; le travail musculaire ; le travail fonctionnel ; 7. le vécu psychologique et l’appétence à la communication ; 8. le rôle de la plasticité cérébrale. Principes de base de toute rééducation de la paralysie faciale périphérique Avant de prendre en charge une rééducation post-Myoplastie du Temporal, il est capital de connaître les principes d’une rééducation classique de la paralysie faciale. La MAT est indiquée pour les patients qui présentent une lésion définitive et complète, ou quasi complète, de leur nerf facial, ainsi que pour ceux qui ont récupéré moins de 50% de la force des muscles releveurs et abducteurs des lèvres, après 18 mois de rééducation. Souvent, avant d’être opérés, les patients ont donc déjà suivi une rééducation de leur paralysie. Les zones qui ne sont pas directement concernées par le transfert du temporal sont celles de l’œil, du front, de la langue, du nez, du menton et du cou. Ces zones font parfois également l’objet d’une rééducation classique parallèle à celle du muscle transféré. Dans toute rééducation de la paralysie faciale, on doit observer des principes de base afin d’éviter les risques de complications inhérentes à cette pathologie. Ces risques de complication sont : . les syncinésies : elles correspondent à un défaut d’orientation de l’influx nerveux dans les branches du nerf lésé. C’est le cas, par exemple, lorsque la contraction de l’orbiculaire labial provoque la fermeture des paupières. 106 . les spasmes : plus rares, ce sont des mouvements de masse incontrôlés, . l’hypertonicité : en début de paralysie, on observe une flacidité. Lors de la récupération, il arrive que la tonicité récupère démesurément. Au repos, l’asymétrie est moins marquée, mais en mouvement, les risques de syncinésies deviennent majeurs, . l’hyperactivité du côté sain : le côté sain, n’ayant plus d’antagoniste, emporte le côté paralysé qui se trouve alors en position d’étirement, ce qui est contre-indiqué pour qu’un mouvement puisse réapparaître (un muscle étiré ne peut fixer l’actine et la myosine). L’hyperactivité du côté sain aggrave également l’asymétrie, surtout lors des fonctions (parole, mimiques, mastication...). La rééducation aura donc plusieurs principes de base : . demander des mouvements lents et sans forçage, pour recruter le maximum de fibres et contrôler l’apparition des syncinésies ; . dissocier les muscles ou groupes de muscles (travail musculaire analytique) pour éviter les syncinésies ; . retenir le côté sain pour mettre les muscles du côté paralysé en position neutre. Pour cela, on pourra appliquer le plat de la main sur le côté sain. Nous préférons appuyer toute la longueur de l’index sur la partie médiane du visage au niveau de la zone travaillée (par exemple, pour exercer les lèvres, l’index sera posé sur celles-ci comme pour le geste accompagnant l’onomatopée « chut ! »). Il est important de bien cerner ces risques et principes de base car la rééducation de la myoplastie doit considérer le visage dans sa globalité pour parvenir au meilleur équilibre possible (même si pour cela, on doit pratiquer des exercices analytiques). Les bilans et entretiens pré et postopératoires spécifiques à la myoplastie du temporal En préopératoire, on pratique, comme pour toute paralysie faciale périphérique, un bilan complet des fonctions de la face, du cou et de la déglutition, en prenant connaissance des gestes chirurgicaux déjà effectués sur la face (tarsorraphie, myectomies, lifting, etc.). Le bilan postopératoire est effectué 15 à 20 jours après l’intervention (en raison du temps de cicatrisation des sutures ligamenteuses) et sera réitéré afin de juger des délais de récupération dans les étapes de la rééducation. 107 A - L’examen, au repos, de la face, du cou et de la langue On privilégie l’étude de la chute de la commissure labiale, de l’effacement du sillon nasogénien, de l’affaissement de la base de l’aile du nez. En effet, la Myoplastie d’Allongement du Temporal va permettre la récupération d’une symétrie au repos, grâce à la suspension de la commissure labiale et à la reconstitution du sillon nasolabial. B - L’examen de la force des muscles Les muscles labiaux Examen attentif de l’action de chacun des muscles releveurs et abducteurs de la commissure labiale, et des constricteurs de la joue (en contrôlant de la main le côté sain, pour éviter l’hyperactivité). Pour les besoins rééducatifs, je pratique une cotation plus précise que la cotation classique : (O : contraction nulle / 1 : infime / 2 : faible / 3 : moyenne / 4 : ample avec effort / 5 : normale). Une diminution sévère de la force de ces muscles constitue l’indication majeure de la MAT. à Mesure de la course de la commissure labiale, de la posture de repos au sourire exagéré. Cette mesure se pratique avec une règle plate transparente. Dans les cas de paralysie totale des muscles labiaux, la course commissurale est nulle, voire négative (si l’hyperactivité du côté sain attire la commissure paralysée vers le côté opposé). Chez un sujet sain, le sourire exagéré se produit selon une amplitude - mesurée d’un seul côté - de 0,7 à 2,2 cm (Paletz et Manktelow, étude de 20 sujets normaux en1993). à Examen de la direction de la course commissurale, de la posture de repos au sourire exagéré. En préopératoire, il arrive que la mesure de la course commissurale donne un résultat correct (1 cm), mais sa direction peut être orientée vers le bas ou horizontalement (si les muscles abaisseurs ou abducteurs génère nt plus de force que les muscles releveurs). Paletz et Manktelow délimitent la direction d’une course commissurale normale entre 24 et 58 degrés par rapp ort à l’hori zon ta le. Les mesures de Paletz et Manktelow sont très utiles mais l’objectif pour chaque patient est le rétablissement d’une bonne symétrie par rapport au sourire du côté sain. à 108 Les muscles masticateurs à Bilan préopératoire : On apprécie leur qualité, ainsi que celle des trois types de déplacements de la mandibule. La prise de conscience de ces mouvements et leur sollicitation volontaire constitueront la base des exercices du premier stade de la rééducation : occlusion forcée, rétropulsion, diduction côté paralysé. à Bilan postopératoire : L’articulation temporo-mandibulaire et le fonctionnement des trois muscles élévateurs de la mandibule restants devront être surveillés. Jusqu’à ce jour, l’A.T.M. n’a jamais souffert des myoplasties pratiquées. C - L’examen fonctionnel concernant : Le sourire : à Bilan préopératoire : On a déjà mesuré et noté la direction de la course commissurale, lors de l’examen de la force musculaire. L’insertion du temporal sur les muscles labiaux sera réalisée en fonction du type de sourire constaté : « Mona Lisa », pleines dents ou canin (classification proposée par Rubin en 1974, développée dans l’article suivant, p. 121). Le travail rééducatif de la symétrie devra également tenir compte de cette classification. à Bilan postopératoire : Côté réanimé, le sourire est obtenu de manière différente selon les stades de la rééducation (voir leur définition paragraphe suivant) : « sourire » mandibulaire, sourire temporal volontaire, sourire temporal spontané. On notera également la mesure de l’amplitude de la course commissurale, du repos au sourire, ainsi que l’orientation précise de la traction. Les autres mimiques ont aussi leur importance (dégoût, tristesse, sévérité, étonnement). L’articulation qui nécessite la participation active des lèvres et des joues. On porte une attention particulière à : . l’étirement labial sur les phonèmes abducteurs-élévateurs de la commissure (/ i, é, in /) ; . la force jugale et labiale sur les phonèmes bilabiaux (/ p, b, m /) et labiodentaux (/ f, v /). En bilan postopératoire, on évalue le rôle du temporal transféré dans la production de ces mêmes phonèmes. 109 La mastication et le premier temps de la déglutition : La Myoplastie d’Allongement du Temporal et la rééducation, en améliorant la force jugale et la symétrie labiale, permettront une meilleure vidange salivaire du sillon jugal et la régression des écoulements salivaires au niveau labial. D - L’entretien et l’information du patient Lors du bilan préopératoire, il convient aussi de s’assurer des capacités du patient à suivre la rééducation spécifique postopératoire. Une bonne partie de l’entretien préopératoire sera réservée à l’information du patient, en employant un vocabulaire adapté (l’anatomie, la technique chirurgicale, les raisons de cette technique dans son cas, les avantages et inconvénients, les résultats pronostiqués au réveil et en fin de rééducation, les stades de la rééducation et le nouveau rôle du muscle temporal, l’importance de l’entraînement quotidien à domicile). On explique au patient qu’il est tout autant auteur du résultat que le chirurgien et l’orthophoniste. Véritable outil thérapeutique, une plaquette d’information est actuellement en cours de réalisation dans le cadre du mémoire d’orthophonie de Bélinda Lainé – Institut Orthophonique de Lille – 2002 : « Vous êtes atteint d’une paralysie faciale, une chirurgie et une rééducation du sourire vous sont proposées ». Les stades pour l’obtention du « sourire temporal spontané » : leur définition et pourcentage des patients y accédant Les trois stades auxquels je fais constamment référence pendant la rééducation, peuvent être définis ainsi : Stade du « SOURIRE » MANDIBULAIRE : élévation-abduction commissurale obtenue par contraction temporale dépendante d’une mobilisation mandibulaire. Les trois mouvements mandibulaires (serrage, rétropulsion et diduction côté réanimé, toujours réalisables grâce aux muscles masticateurs restants) s’accompagnent de la contraction du temporal transféré qui n’a pas abandonné sa fonction masticatrice originelle. Celui-ci étant dorénavant inséré sur le sillon nasolabial au lieu de l’être sur la mandibule, il entraîne une élévation-abduction de la commissure labiale. D’un point de vue esthétique, c’est déjà un progrès considérable : en 110 mobilisant la mandibule, le patient réalise ses premiers « sourires » postopératoires. D’un point de vue neuropsychologique, cet effet est indirect : il ne s’agit pas d’un sourire au sens littéral du terme (d’où les guillemets) puisque le cerveau doit passer par la programmation d’une autre fonction qui n’a rien de commun avec l’expression d’une satisfaction ou d’un amusement. On pourrait aussi nommer ce stade « sourire exclusivement moteur », « sourire indirect », « pseudo-sourire par mobilisation mandibulaire »... 100 % des patients opérés, rééduqués ou non, présentent les caractéristiques de ce stade. Stade du SOURIRE TEMPORAL VOLONTAIRE : sourire volontaire obtenu par contraction temporale indépendante de toute mobilisation mandibulaire. Le temporal répond à l’ordre volontaire de sourire, de même que le ferait le muscle zygomatique. Le patient s’applique, comme on peut le faire lorsque l’on maintient son sourire pour le photographe. La rééducation a exploité la plasticité cérébrale, le cerveau a déjà assimilé le muscle temporal transféré à un muscle labial. A ce stade, on peut commencer à user du terme sourire, sans équivoque au niveau rééducatif. 100 % des patients opérés et rééduqués y accèdent et peuvent faire varier l’amplitude de la course commissurale. Stade du SOURIRE TEMPORAL SPONTANÉ : sourire spontané obtenu par contraction temporale indépendante de toute mobilisation mandibulaire. Le sourire (au sens le plus complet du terme) peut être obtenu, en fin de rééducation, par contraction spontanée du temporal, sans aucune mobilisation de la mandibule. Cette commande spontanée reflète, par définition, l’intégration totale - par le système nerveux central - du muscle temporal désormais affecté aux fonctions labiales. 96,4 % des patients (ne présentant pas de troubles associés) parviennent à une élévation commissurale à la fois spontanée et indépendante de tout mouvement mandibulaire, lors du sourire, de l’articulation des phonèmes « étirés » et de la vidange salivaire. Cette élévation spontanée n’est cependant pas de qualité constante (variable selon la fatigue et les circonstances). Les patients qui obtiennent les meilleurs résultats semblent être ceux qui présentent une excellente appétence à la communication. 111 La rééducation spécifique Elle commence 15 à 20 jours après l’intervention. A – La détente et l’assouplissement du visage Elle sera obtenue grâce à plusieurs techniques : . la relaxation : méthode du Dr Le Huche que nous avons complétée en demandant des crispations isolées de muscles ou groupes musculaires du visage ; . les respirations profondes, étirements, bâillements… . les auto-massages quotidiens de la cicatrice nasogénienne ; . les massages et auto-massages de tout le visage, principalement pour réduire l’œdème et les tuméfactions post-ch irurgicaux. En ce qui concerne les massages, les kinésithérapeutes proposent des techniques spécifiques. Une thérapie rééducative dans laquelle collaborent l’orthophoniste et le kinésithérapeute correspond à un traitement complet dont le patient tirera le plus grand bénéfice. B – Le travail musculaire Dès la première séance (15 à 20 jours après l’intervention), on recherche l’élévation et l’abduction commissurale. Au début, on sollicite les aires corticales liées au nerf V : seuls les mouvements mandibulaires qui correspondent à la fonction originelle du temporal transféré provoquent une ébauche de sourire. C’est le 1er stade de la rééducation, celui du « sourire » mandibulaire. Le patient (qui se contrôle devant un miroir) doit donc mobiliser la mandibule par occlusion, diduction côté réanimé ou rétropulsion de la mandibule. Les mouvements sont perfectionnés pour obtenir une bonne amplitude de la course commissurale. La musculature labiale et jugale antagoniste et de proximité est également travaillée afin de stimuler les zones proches et favoriser l’élasticité et l’allongement du temporal. La jonction labiale, quant à elle, demande à être améliorée dans sa nouvelle position. Les mouvements sont bien sûr exécutés sans forçage, en contrôlant le côté sain. C – Le travail fonctionnel Le sourire L’élévation et l’abduction commissurale est, le plus rapidement possible, recherchée sans déplacement mandibulaire. C’est le 2 nd stade de la rééducation, 112 celui du sourire temporal volontaire. A partir de cette étape, le travail rééducatif opère essentiellement au niveau cérébral. Il s’agit d’établir le lien entre le muscle sain innervé par le V et l’aire corticale du sourire actuellement encore connectée au noyau moteur du VII. On propose principalement des exercices lents et tenus, sollicitant alternativement les aires cérébrales liées au V et les aires liées au VII. Par exemple, exécuter un sourire bilatéral provoqué par un mouvement mandibulaire, alterné avec un sourire bilatéral sans ce mouvement mandibulaire (le patient compare les perceptions proprioceptives différentes) ; ou bien encore, réaliser un hémisourire côté sain, alterné avec un hémi-sourire côté réanimé, sans mobiliser la mandibule ; Le patient doit se représenter l’image mentale somesthésique du sourire recherché (ce qui favorise le contrôle cortical), mais aussi essayer le plus souvent possible de sourire volontairement sans pour autant penser aux muscles sollicités (de même que l’on immobilise son sourire pour le photographe). Pour acquérir le sourire temporal, c’est un peu comme pour apprendre à faire du vélo : à vélo, il faut regarder devant soi et non ses jambes ; pour sourire, il faut diriger son attention sur ce qui fait sourire ou rire et non seulement sur ses muscles peauciers. J’insiste, dès la première séance, sur l’importance de s’essayer au sourire dans la vie quotidienne. La plasticité cérébrale est ainsi sollicitée au plus tôt. En effet, pour que la spontanéité du sourire temporal app a rai s s e (3 stade, celui du sourire temporal spontané), il faut que celui-ci intervienne à la fois très fréquemment (pour la mémoire somesthésique) et dans des situations quotidiennes (pour une adéquation entre l’acte et la nécessité de souri re). e Dans cet objectif, j’ai donc proposé de nombreux exercices spécifiques. Par exemple en séance, on pourra, tout en contrôlant la qualité du sourire, écouter des sketches humoristiques, raconter un souvenir amusant, téléphoner pour des renseignements… Hors séances, les patients sont encouragés à se confronter à des situations concrètes, brèves au départ (chez le boulanger…), puis prolongées et plus difficiles à contrôler (conve rs ation avec plusieurs amis durant toute une soirée, par exemple). Ils peuvent également, à divers endroits du domicile, placer des gommettes autocollantes dont chacune – dès qu’elle est aperçue - incite à s’entraîner en effectuant un sourire appliqué. À ce stade, l’entourage est sollicité pour faire souri re et rire le patient le plus souvent possible. 113 L’articulation Grâce au temporal transféré, on obtient un étirement labial sur les phonèmes /i, é, in/. Par ailleurs, une meilleure force temporo-jugale peut s’opposer au gonflement de la joue paralysée provoqué par l’articulation des phonèmes bilabiaux et labiodentaux /p, b, m, f, v/. Tous les phonèmes articulés imparfaitement - et récupérables - sont donc exercés afin d’obtenir la spontanéité des « étirements » de la commissure et des contractions jugales. On demandera par exemple de s’entraîner sur des mots utilisés fréquemment (les prénoms des membres de la famille, le vocabulaire du métier pratiqué, etc.). La déglutition Sa qualité est dépendante de : à l’amélioration de la préhension labiale : on proposera, par exemple, l’exercice du fil (une extrémité entre les lèvres, on le rentre dans la bouche uniquement par des mouvements labiaux). Le temporal transféré est sollicité quand les lèvres amènent la bouchée vers les dents (ou amènent le fil, pour l’exercice). Ce travail répété très fréquemment (réalisable tout en se livrant à une autre activité) permet d’obtenir une spontanéité de la contraction temporale lors de la préhension labiale. à l’amélioration de la jonction labiale à la mastication et la force temporo-jugale lors de la mastication. La joue doit chasser du sillon jugal les stagnations de salive ou les débris alimentaires, en les pressant vers l’intérieur. Lors du stade du « sourire » mandibulaire, cette évacuation est effectuée par contraction temporale volontaire liée à un mouvement mandibulaire (pour lequel il est plus pratique de choisir la diduction, côté opéré). Lors des stades suivants, elle est effectuée indépendamment de ce mouvement. On proposera au départ un travail musculaire jugal (en contrôlant les éventuelles syncinésies préexistantes), pour arriver à un travail plus spontané en s’exerçant lors des repas. La fermeture palpébrale Chez un sujet sain qui sourit largement, la commissure est relevée, mais aussi la joue et, par entraînement, la paupière inférieure (surtout s’il est jeune). Les yeux participent au sourire, et celui-ci a donc, accessoirement, un effet de protection de l’œil. Au cours de la rééducation, le sourire temporal sera, si possible, associé à une élévation de la paupière inférieure, le sujet se contrôlant devant un miroir. 114 Il faudra cependant avoir en mémoire que tout exercice de l’orbiculaire palpébral doit s’effectuer lentement, bouche détendue et entrouverte, si des syncinésies ont lieu sur les lèvres. La respiration nasale La fixation étalée des fibres du tendon du temporal jusqu’à la partie haute du sillon nasolabial élargit l’ouverture nasale et, par là même, peut améliorer la respiration ainsi que l’évacuation et le drainage des sécrétions (parfois limités par la paralysie). On demande d’exécuter quelques inspirations, associées à une ouverture narinaire provoquée par la contraction du muscle temporal. Le vécu psychologique et l’appétence à la communication Comment lire les expressions d’un visage paralysé ? Avant le traitement, le patient réalise combien son visage ne reflète plus, voire déforme, ce qu’il veut exprimer. Lors de la rééducation, on constate que le travail de contrôle devant le miroir est souvent mal accepté. Certains patients supportent difficilement d’être confrontés à leur image. La fonction sociale du sourire suppose le regard de l’autre, regard difficile à accepter lorsque l’on est conscient de l’imperfection d’un moyen de communication aussi important (et du caractère artificiel du sourire avant qu’il ne devienne spontané). S’essayer à sourire dans les situations quotidiennes, à l’extérieur du domicile, est donc une étape délicate. En abordant la spontanéité du sourire, on se trouve confronté à la portée psycho-sociale et affective de cette mimique. C’est un mode de communication non verbal qui transmet un message affectif en réponse à des stimuli sociaux ou internes au sujet. Le sourire (comme le rire) obéit à des règles d’expression codées par et pour le groupe. Cette même réponse comportementale recouvre une grande diversité de sens et de fonctions : plaisir, communication, séduction, reflet de la personnalité, civilité, masque, timidité, humour avec toutes ses significations qui lui sont propres. Comment nos patients investissent-ils tout cela avant et après la Myoplastie d’Allongement du Temporal ? Concernant la rééducation, la difficulté majeure me semble être la perte des habitudes de retenue lors des fonctions (par peur de révéler ou d’accenRééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 115 tuer une asymétrie). D’une part, cette retenue abolit le plaisir de la communication et une grande partie des avantages du sourire et du rire. D’autre part, elle compromet l’accès à la spontanéité du sourire temporal, et donc au changement de fonction du temporal transféré. Il est capital d’aider le patient à dépasser cette inhibition (qui n’a plus guère lieu d’être, depuis l’opération) car elle freine la plasticité cérébrale nécessaire à l’évolution du traitement orthophonique. La paralysie reste une histoire personnelle (vécue différemment selon l’âge, le sexe, le caractère acquis ou congénital de l’affection, la personnalité, le recul pris quand la paralysie est consécutive à une intervention qui a sauvé la vie, etc.). L’orthophoniste tentera de comprendre la souffrance du patient, elle cherchera à restaurer son désir de communiquer et l’aidera à se réconcilier avec son sourire, condition essentielle pour qu’il s’essaie au sourire temporal spontané. Le rôle de la plasticité cérébrale La rééducation a simultanément stimulé et exploité la plasticité cérébrale. Pour ce faire, elle a pris en compte l’importance des critères suivants (en se basant, pour les deux premiers points, sur les travaux de Nelson Annunciato) : Nécessité de stimuler les éléments afférents : Stimulations visuelles, tactiles et proprioceptives ont été proposées : miroir, assouplissement, relaxation, image mentale somesthésique du mouvement à obtenir. Nécessité de stimuler les éléments efférents : Pour cela, ont été mis en place : - la sollicitation alternée des aires corticales liées au noyau du V et des aires liées au noyau du VII, pour un même résultat (sourire en serrant les dents / sourire sans serrer les dents) ; - l’exercice de tous les muscles impliqués dans l’élévation et l’abduction commissurale (et non seulement du temporal transféré) ; - le respect de mouvements lents et tenus afin de favoriser le feed-back proprioceptif et de permettre au système neurologique d’intégrer les nouvelles informations nécessaires à l’établissement de nouveaux relais centraux ; - un travail de toute la musculature de proximité ; - un entraînement régulier, quatre fois par jour. 116 Nécessité de rééduquer toutes les fonctions impliquant l’élévation commissurale et la contraction jugale. Nécessité de rechercher la spontanéité : - travail bilatéral simultané pour favoriser un déclenchement symétrique spontané au niveau moteur et cérébral ; - entraînement en situation, hors séances : adéquation entre l’opportunité et l’acte de sourire pour créer le lien entre le sourire programmé cérébralement et le sourire moteur ; - entraînement à ce sourire en situation, le plus tôt et le plus fréquemment possible (sollicitation de la mémoire somesthésique). Pour cela, il faut abandonner les attitudes d’évitement (retenue du sourire, posture pour masquer le visage) et s’exercer à chaque fois que la situation s’y prête dans la vie quotidienne, en se fixant des objectifs de plus en plus complexes (situations brèves puis de plus en plus prolongées ou difficiles à contrôler). Prise en compte des composantes psychologiques. Les principales sont : - la restauration ou le renforcement du désir de communiquer, de sourire, de rire, de parler ; - la mise en confiance (information, écoute), toute situation de stress bloquant la disponibilité mentale ; - la motivation du patient. Il doit être en situation de demande, pour une bonne intégration des exercices et une mémorisation des processus neuronaux ; - l’adaptation de la rééducation à chaque cas. Les processus neurologiques exacts ne sont pas encore parfaitement connus. Il est important de retenir la rééducation d’ensemble, tout autant que les quelques exercices qui provoqueront les premières manifestations du « sourire temporal ». Conclusion La Myoplastie d’Allongement du Temporal permet l’insertion directe du muscle temporal sain sur la commissure des lèvres paralysée, et doit être suivie d’une rééducation orthophonique spécifique. La rééducation amène le temporal à devenir un muscle labial à part entière. On observe trois stades dans l’acquisition, par ce muscle masticateur, des fonctions labiales et jugales : 117 . stade du « sourire » mandibulaire : l’élévation commissurale est obtenue à condition d’être associée à des déplacements mandibulaires (cérébralement, ce « sourire » est indirect : il doit passer par la fonction originelle du temporal). . stade du sourire temporal volontaire : le sourire est réalisé sans mobilisation mandibulaire, la contraction temporale restant volontaire. Le sujet peut faire varier l’amplitude de la course commissurale. . stade du sourire temporal spontané : l’élévation commissurale est à la fois spontanée et indépendante de tout mouvement mandibulaire, lors du sourire, de l’articulation des phonèmes « étirés » et de la vidange salivaire. Les patients sont donc parvenus à ce que j’appelle le « sourire temporal » qui peut être défini ainsi : « sourire obtenu par la contraction du muscle temporal sain transféré sur la commissure et le sillon nasolabial paralysés, la contraction du temporal rééduqué étant devenue indépendante de sa fonction originelle (mouvements mandibulaires). Le “sourire temporal” est dans un premier temps volontaire, il peut ensuite devenir spontané. Il est un sourire au sens littéral du terme : une véritable mimique d’expression ». L’appétence à la communication est indispensable à son acquisition. Le changement de fonction du muscle transféré procède de la plasticité cérébrale. C’est pourquoi, la rééducation du sourire temporal devra opérer au niveau central et non seulement périphérique. La rééducation des Myoplasties d’Allongement du Temporal est encourageante, passionnante et gratifiante car les patients retrouvent le sourire dans tous les sens du terme. Les résultats de la rééducation sont étroitement dépendants de la qualité de l’acte chirugical et de l’implication du patient. En réanimant le sourire, la Myoplastie d’Allongement du Temporal et la rééducation orthophonique qui lui est associée agissent sur un vecteur essentiel et délicat de la sensibilité et de la communication humaine. Les répercussions de ce traitement complet sont multiples et s’inscrivent dans un champ de réflexion très vaste. 118 REFERENCES BACK-Y-RITA P. - Brain Plasticity as a basis for recovery of function in humans - Neuropsychologia Vol. 28. No 6 pp 547-554 - 1990. CHARACHON R., BEBEAR J.-P., STERKERS O., MAGNAN J., SOUDAT J. - La paralysie faciale, le spasme hémifacial - Edition de la Société française d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale - 1997. COQUET F. - Praxies. Jeux, histoires, exercices - L’Ortho Edition - 1994. COUTURE G., EYOUM I., MARTIN F. - Les fonctions de la face. Evaluation et rééducation - L’Ortho Edition - 1997. 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LAMBERT-PROU M.-P. - Prise en charge orthophonique de la paralysie faciale périphérique corrigée par transfert du muscle temporal sur la commissure labiale - Revue Glossa, n° 63 p. 4-25 - L’Ortho Edition. - sept. 1998. LAMBERT-PROU M.-P., EYOUM I. – Redonnez-moi mon sourire ! La paralysie faciale périphérique. Bilans et rééducations orthophoniques avec ou sans traitement chirurgical – L’Ortho Édition – À paraître fin 2002. LEGRAY P. - Traitement chirurgical des paralysies faciales - Thèse de doctorat en médecine - 1977 - Université F. Rabelais - Faculté de Tours. NELSON F. ANNUNCIATO - La plasticité du système nerveux -Les fonctions oro-faciales, évaluation, traitements et rééducation - Actes des 3èmes rencontres d’orthophonie - L’Ortho Edition NELSON F. ANNUNCIATO - Régénération du système nerveux et facteurs neurotrophiques - Les fonctions oro-faciales, évaluation, traitements et rééducation - Actes des 3èmes rencontres d’orthophonie - L’Ortho Edition - 1998. PALETZ Justin L. 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Ce traitement fait appel à la myoplastie d’allongement du muscle temporal, technique de réanimation des lèvres, intégrée dans une stratégie de traitement global, et suivie d’une rééducation orthophonique précoce pour obtenir un sourire volontaire puis spontané. Mots clés : paralysie faciale, traitement palliatif, stratégie globale, myoplastie d’allongement du temporal, traitement du côté sain, rééducation. Myoplastic stretching of the temporal muscle and treatment of facial paralysis Abstract Irreversible facial paralysis may benefit from palliative surgical treatment which corrects an optimal number of morphological and functional sequels at all levels, thus giving facial symmetry both when the face is at rest and in movement. This type of treatment involves myoplastic stretching of the temporal muscle, a technique which brings life back to the lips ; it is integrated into a comprehensive treatment strategy and followed by early speech and language therapy aimed at obtaining smiling, first of a voluntary then of a spontaneous nature. Key Words : facial paralysis, corrective treatment-comprehensive strategy, myoplastic stretching of the temporal muscle, treatment of the non-impaired side-rehabilitation. Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 121 Daniel LABBÉ Chirurgien plasticien E. SOUBEYRAND Service de chirurgie maxillo-faciale, plastique et reconstructrice, et stomatologie CHU Côte de Nacre 14033 Caen Cedex L a paralysie faciale définitive et complète constitue une disgrâce insupportable, à l’origine d’handicaps majeurs, aussi bien esthétiques que fonctionnels. La face est un des reflets principaux de la vie de relation, dont la mimique traduit les différentes émotions. Tout individu présentant, dans notre société actuelle, une paralysie faciale souffre d’un handicap émotionnel et social de grande importance. Il existe aussi des troubles fonctionnels, comme l’exposition cornéenne, qui doivent être prévenus ou traités précocement. Le traitement de la paralysie faciale est avant tout étiologique, c’est-à-dire que le nerf facial doit être réparé chaque fois que cela est techniquement possible, par suture ou greffe nerveuse. Si la paralysie faciale est définitive, il faut alors envisager de recourir au traitement palliatif. Ce traitement doit permettre outre d’obtenir une symétrisation du visage au repos, une symétrisation du visage lors de la mimique volontaire (ou mieux spontanée) émotionnelle. En plus de la réhabilitation esthétique, le traitement palliatif doit corriger les différents troubles fonctionnels, notamment à l’étage orbitaire, car l’exposition cornéenne peut être à elle seule une urgence médicale vraie. Nous souhaitons à travers cet article présenter la technique de myoplastie d’allongement du muscle temporal, technique chirurgicale de réanimation des lèvres, et l’intégrer dans une stratégie globale de traitement de la paralysie faciale (corrigeant en un temps tous les étages de la face). Nous exposerons, bien entendu, les principes de la rééducation orthophonique, dont la pratique soigneuse et répétée permet d’acquérir les trois stades du sourire : mandibulaire, temporal volontaire et spontané. 122 Rappel clinique Bien entendu, lorsque la paralysie faciale est complète et définitive (non accessible au traitement par suture ou greffe nerveuse), les indications du traitement palliatif dépendent notamment de l’examen clinique initial, pré-opératoire, réalisé conjointement par le chirurgien et l’orthophoniste. Cet examen doit étudier, étage par étage, les deux types de séquelles rencontrées : esthétiques, d’une part, et fonctionnelles, d’autre part. Il repose sur un testing musculaire précis des principaux muscles peauciers de la face, réalisé au repos, lors de la contraction volontaire, et lors de la mimique émotionnelle. Ces muscles sont cotés de 0 à 3 : 0 = absence de contraction, 1 = contraction minime, 2 = contraction ample sans force, 3 = contraction normale. Cet examen peut être renforcé par un examen électromyographique. Étage fronto-sourcilier À cet étage, les muscles concernés sont le frontal et le sourcilier, dont les fonctions respectives sont d’élever et de froncer les sourcils. En cas de paralysie, il existe au repos un effacement des rides frontales, une chute du sourcil, et à la contraction, une abolition du froncement et du plissement du front. Étage orbito-palpébral L’orbiculaire palpébral est responsable de la fermeture des paupières. Son antagoniste, le releveur de la paupière supérieure, est quant à lui innervé par le nerf III. Il en résulte une lagophtalmie avec élévation de la paupière supérieure, abaissement de la paupière inférieure, pouvant être responsable dans certains cas d’ectropion. L’exposition cornéenne, qui en résulte, peut être source de kératites, de conjonctivites, et d’ulcères cornéens. La chute et l’éversion palpébrales inférieures entraînent un écoulement des larmes sur la joue. Étages moyens et inférieurs de la face Au niveau de ces deux étages, la paralysie met en cause de nombreux muscles (orbiculaire de la bouche, releveur et abaisseur de l’angle de la bouche, buccinateur, risorius, mentonnier, transverse du menton, releveur de la lèvre supérieure et de l’aile du nez, abaisseur de la lèvre inférieure, grand et petit zygomatique), et est donc à l’origine d’un affaissement et d’une latéro-déviation majeure de l’hémiface paralysée. 123 Au repos, on note ainsi du côté lésé un affaissement de l’aile du nez, de la lèvre, et une latéro-déviation du philtrum et du menton vers le côté sain. Apparaissent aussi un effacement du sillon nasogénien et une chute de la commissure labiale. Ces troubles morphologiques sont majorés lors de la contraction et s’accompagnent de troubles fonctionnels : respiratoires par collapsus de l’aile narinaire, alimentaires par hypotonie jugale et accumulation des aliments dans le sillon gingival. Une fois le bilan pré-opératoire réalisé, le type de paralysie et son retentissement déterminés, le traitement palliatif chirurgical est mis en œuvre, corrigeant étage par étage les lésions observées (cf. paragraphes 3 et 4). Myoplastie d’allongement du muscle temporal La myoplastie d’allongement du muscle temporal est une technique de r é a n i m ation des lèvres, présentant les cara c t é ristiques générales des myoplasties : elle utilise un muscle de voisinage, le muscle temporal, innervé par le V (et non par le VII), pour réanimer les lèvres dont les différents muscles sont paralysés. Cette myoplastie sera réalisée après une étude pré-opératoire du sourire, afin de définir des groupes morphologiques de sourire, pour déterminer au mieux le type d’insertion du transfert musculaire. Cette étude utilise la classification de Rubin : l le sourire Mona-Lisa (67 %) : grand zygomatique prédominant l le sourire canin (31 %) : élévateurs prédominants l le sourire à pleines dents (2 %) : contraction simultanée des élévateurs et abaisseurs Technique : la voie d’abord est coronale classique. Un décollement souspériosté permet d’exposer le zygoma, qui est sectionné et basculé vers le bas avec ses insertions massétérines. Ceci permet une bonne exposition du processus coronoïde qui est sectionné de façon à conserver le tendon du muscle inséré sur un fragment osseux pour son passage dans la joue. Le muscle est désinséré de la fosse temporale, en respectant ses deux pédicules vasculo-nerveux. Un abord dans le sillon nasogénien permet de créer un tunnel pour le passage du muscle vers la commissure buccale en suivant la boule de Bichat. Le tendon est libéré de son fragment osseux, étalé et réinséré de la commissure à l’aile du nez, en tenant compte des différents types de sourire (selon la classification de Rubin). 124 Le tendon est donc suturé à l’emplacement exact des muscles dominants. Le point mobile étant transféré et fixé, le muscle est remis en tension. Les fibres du muscle se redistribuent aux dépens du tiers postérieur, les deux tiers antérieurs suturés à la bande d’aponévrose temporale laissée en place au niveau de la crête. Le zygoma est reposé et ostéosynthésé. La myoplastie permet donc de transférer le tendon du muscle temporal du coroné sur la commissure buccale, permettant une conservation du point fixe temporal, l’allongement étant obtenu par redistribution des fibres musculaires. Le passage sous le zygoma et le masséter n’entraîne aucune déformation de la joue et permet une traction sur la commissure dans l’axe des muscles zygomatiques. Cette technique se différencie des myoplasties temporales partielles, type Gillies. En effet, le transfert partiel du muscle ne permet pas d’obtenir un changement de fonction de muscle masticateur à muscle du sourire. De plus, le passage du muscle en sous-cutané par-dessus le zygoma était responsable d’une déformation de la région. Rééducation : la rééducation est débutée dès la 3 e semaine post-opératoire. Les différents stades de la rééducation orthophonique doivent permettre dans un premier temps d’évoluer d’un sourire volontaire mandibulaire (c’est-àdire dépendant des mouvements mandibulaires) à un sourire volontaire temporal, et dans un second temps, l’obtention d’un sourire spontané. Ce dernier peut être obtenu après un délai variable, parfois 1 an de rééducation, grâce à la plasticité cérébrale (temps nécessaire au cerveau pour intégrer le changement de fonction du muscle). Traitement global Nous présentons ici un plan de traitement global de la paralysie, corrigeant en un temps unique, tous les étages de la face. Cette stratégie est bien entendue préférable car elle évite des interventions chirurgicales répétées, dont les résultats sont partiels, et l’impact du traitement global sur la réappropriation du schéma corporel du malade semble indispensable. La réanimation de l’étage labial a été décrite précédemment avec la technique de myoplastie du muscle temporal. 125 La réanimation des paupières paralysées ou de l’étage orbitaire peut être réalisée par des procédés statiques ou dynamiques. L’une ou l’autre des deux méthodes est importante, puisqu’il s’agit outre de traiter les troubles esthétiques, de prévenir l’exposition cornéenne. l Blépharroraphie externe : technique statique. Elle consiste en l’avivement de la portion externe des paupières (la zone d’avivement inférieure est double de la supérieure), et suture de l’une à l’autre. l Allongement du releveur de la paupière supérieure : technique dynamique. Elle correspond à la section de l’aponévrose du releveur et du muscle de Muller, par une incision horizontale au bord supérieur du tarse, et la mise en place d’une greffe d’aponévrose temporale. Le degré de son allongement doit être corrélé à l’importance de la lagophtalmie. Bien entendu, ces deux techniques sont des techniques de référence, mais les techniques sont nombreuses et devront être adaptées à chaque cas. La chirurgie du côté sain prend, enfin, toute sa place dans le traitement palliatif de la paralysie faciale, étant donné l’importance de l’hyperactivité controlatérale au côté paralysé. Elle tend donc à corriger la latéro-déviation et l’hypertonie du côté sain. l Myectomies : les résections musculaires portent sur les muscles les plus actifs du côté sain, déterminés en préopératoire. Au niveau de la lèvre supérieure, les myectomies concernent les muscles grand et petit zygomatique, canin, et élévateur de la lèvre supérieure, par voie exo ou endobuccale en regard du sillon nasogénien. Au niveau de la lèvre inférieure, la résection des muscles abaisseurs est réalisée par voie endobuccale vestibulaire. Au niveau frontal, les myectomies des muscles frontal et sourcilier sont réalisées par la voie d’abord de mask lift, nécessaire à la réalisation de la myoplastie. l Injection de toxine botulique : d’emploi moins fréquent, elle agit sur les plaques neuromusculaires et permet d’optimiser le résultat grâce à une action sélective sur les faisceaux musculaires. 126 REFERENCES GILLIES SH. Experiences with fascia lata grafts in the operative treatement of facial paralysis. Proc R Soc Med 1934 ; 27 : 1372-1379 KRASTINOVA-LOLOV D. Chirurgie palliative des séquelles de paralysie faciale périphérique. Com SOC FCPRE, Paris, Janvier 1989. LABBE D, BARDOT J, LAMBERT-PROU MP. Paralysie faciale périphérique. Cédérom EMC édition multimédia (Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales. NIKLISON J. Facial paralysis : Moderation of non paralysed muscles. Br J Plast Surg 1965 ; 18 : 397 TESSIER P, DELBET JP, PASTORIZA J, LEKIEFRE M. Les paupières paralysées. Ann Chir Plast Esthet 1969 ; 14 : 215-223 127 Le biofeedback électromyographique appliqué aux fonctions oro-faciales Frédéric Martin, Sylvie Bellème, Sophie Léon Résumé Les applications du biofeedback électromyographique dans la rééducation des pathologies oro-faciales sont nombreuses et très intéressantes en terme d’évaluation et d’objectivation de la récupération. Une étude sur 32 sujets « normaux » a permis de déterminer et valider les applications du biofeedback en rééducation orthophonique, particulièrement dans les cas de paralysies faciales, dysfonctionnement de l’appareil manducateur, infirmités motrices d’origine cérébrale, dysphagie, troubles de la déglutition et de la posture linguale. Mots clés : biofeedback, électromyographie de surface, rétro-action biologique, fonctions oro-faciales, syncinésies. Surface electromyographic feedback techniques applied to facial functions Abstract Surface electromyography (sEMG) feedback techniques can be very useful in the clinical evaluation and rehabilitation of facial functions. Slight movements that may remain undetected by the patients are made visible through sEMG biofeedback which reinforces the proper movement pattern and demonstrates the presence of muscle activity to the patient. An initial evaluation was conducted on 32 normal control subjects – responses were analyzed qualitatively and quantitatively –which allowed us to determine specific strategies for the rehabilitation of facial functions and to develop a specific facial movement program using the sEMG biofeedback-assisted technique for retraining (facial paralysis, temporo-mandibular dysfunction, dysphagia…). Key Words : surface electromyography, biofeedback, facial functions, facial paralysis, synkinesis. Rééducation Orthophonique - N° 210 - Juin 2002 129 Frédéric MARTIN Sylvie BELLÈME Sophie LÉON Orthophonistes 64, avenue Philippe-Auguste, 75011 Paris Tél. : 01 43 67 54 25 E-mail : [email protected] L ’évaluation et la rééducation des fonctions oro-faciales nécessitent l’appui d’outils objectifs qui permettent de quantifier la récupération, notamment dans les cas de paralysies ou de mouvements musculaires anormaux. Souvent, on a recours à l’examen électromyographique - technique de mesure et d’enregistrement des influx électriques produits lors de la contraction musculaire - qui permet l’étude des potentiels d’une unité motrice grâce aux aiguilles-électrodes. Cet examen est généralement pratiqué dans les services d’exploration fonctionnelle ou par certains neurologues. Le biofeedback (BFB) est une électromyographie de surface qui a des applications très intéressantes en rééducation myo-fonctionnelle ; son utilisation en orthophonie reste peu développée en France, mais les expériences commencent à se développer, ce qui devrait permettre, à terme, la réalisation d’appareils mieux adaptés à la profession. Principe Le biofeedback est une technique de rééducation calquée sur un mécanisme physiologique : « Le biofeedback n’est pas une panacée. Il ne peut tout faire et guérir de tous les maux. Ce qui est réellement une panacée, c’est le pouvoir inscrit dans l’être humain de s’autoréguler, de s’autoguérir, de se rééquilibrer constamment. Le biofeedback par lui-même ne fait rien à l’individu, il n’est qu’un instrument qui permet de mettre à profit ce potentiel. » ( Ré mo nd, 1994) A l’état normal, le cerveau humain reçoit en permanence un retour d’informations concernant le mouvement en cours. Ce retour d’information (feedback) permet un contrôle de l’activité musculaire et un ajustement constant de celle-ci par rapport à la cible. « Le feedback est un système de régulation assurant une rétro-information, un rétro-contrôle et une rétro-commande. » (André, 1986) 130 Le captage de l’information à retourner s’effectue selon un mode interne (sensibilité proprioceptive et intéroceptive) ou externe par la vue ou l’ouïe. Suit un rétro-contrôle du cervelet qui intervient pour vérifier que l’action en cours est bien conforme à l’action voulue. Si tel n’est pas le cas, une rétro-commande est activée par un signal d’erreur de façon à rectifier l’activité effectivement développée. L’appareil de biofeedback permet à un patient de se rendre compte de façon évidente de ses mouvements volontaires et involontaires. Grâce à des électrodes de surface et des signaux visuels et sonores constituant un dispositif de rétro-information externe, il sera possible de suppléer le système physiologique défaillant de façon à rétablir le rétro-contrôle et la rétro-commande. A la différence de l’électromyographie élémentaire de détection qui utilise des électrodes-aiguille afin de capter les potentiels d’une unité motrice et permettre une analyse plus fine de chaque muscle, l’EMG intégrée de surface recueille avec les électrodes cutanées toute activité électrique dans le voisinage de l’unité motrice ; la détection est plus globale. Composition du matériel Selon les applications, l’appareil de biofeedback est plus ou moins complexe ; les éléments principaux sont : - les capteurs : capteurs myoélectriques (électrodes de surface), capteurs de pression, capteurs de déplacement articulaire ; - l’unité de traitement : elle analyse le signal qu’elle transforme en une animation visuelle ou sonore ; - le commutateur de sensibilité. Les appareils Il existe sur le marché différents types d’appareils, dont les caractéristiques varient selon la taille, la présentation et les fonctions. Certains peuvent être couplés à un logiciel de recueil de données. On retrouve commu nément un écran, un canal de branchement pour les électrodes de surface, parfois un canal distinct pour l’électrode de référence. Il existe systématiquement un réglage de la sensibilité, plus ou moins précis selon l’appareil. La plupart possèdent 2 voies afin de travailler en bilatéral et certains sont munis d’un retour sonore. 131 Quelques appareils de Biofeedback Pour la rééducation des fonctions oro-faciales, on travaille avec un jeu d’électrodes de surface. Elles sont au nombre de trois : pôle positif, pôle négatif et neutre. La plupart existant sur le marché sont des électrodes autocollantes réutilisables ; elles ne sont pas toujours adaptées à la face, car de surface trop importante, ne permettent pas toujours une analyse fine d’un seul muscle et sont parfois difficiles à placer, notamment sur l’orbiculaire des lèvres. Quand on le peut, on préfère l’utilisation d’électrodes de petit diamètre, non collantes. Utilisation Le patient est face à l’appareil, de préférence devant un miroir. La surface de la peau est asséchée avec de l’alcool. On place les électrodes sur le muscle à travailler. On recherche dans un premier temps le relâchement maximal puis on choisit la sensibilité : celle-ci est déterminée en fonction d’une contraction forcée quelques secondes. La réponse ne doit pas saturer et se situer sous les 100 %. On augmente ou diminue la sensibilité en fonction de la réponse obtenue. On laisse au patient la liberté d’utiliser le contrôle visuel ou sonore et de regarder ou non le mouvement dans le miroir. Dans la pratique, on constate que les patients préfèrent le contrôle sonore, ce qui leur permet de travailler les yeux fermés et d’être souvent plus relâchés. On travaille ainsi : 132 1 - Mouvement maximal : on demande d’effectuer un mouvement exagérément sans le maintenir 2 - Mouvement en résistance : on recherche le seuil maximal au-dessus duquel le maintien est possible pendant 3 secondes 3 - Mouvement en endurance : on teste la capacité de maintien du mouvement pendant dix secondes lorsque le seuil est fixé à la moitié du seuil de résistance 4 - Syncinésies : on recherche les contractions involontaires du muscle étudié lors de la contraction d’un autre muscle 5 - Contrôle moteur : on exerce 5 poussées consécutives en cherchant à ne pas dépasser un seuil fixé à 20 % de l’amplitude maximale atteinte ; entre chaque contraction, les seuils lumineux et sonore doivent redescendre à zéro 6 - Repos complet : aucun mouvement. Etude Problématique Entre janvier et avril 2000, nous avons pratiqué une étude épidémiologique auprès d’une population témoin de 32 sujets, afin de déterminer une référence pour un travail ultérieur sur une population pathologique. Les muscles étudiés ont été : le frontal, l’orbiculaire des lèvres, le zygomatique et le masséter. Pour chaque muscle, les 6 items pré-cités ont été effectués. Le même appareil a été utilisé ainsi que les électrodes (électrodes d’EMG de surface pédiatriques, moins larges que les électrodes classiques). Une étude statistique a été faite afin de valider les résultats. Résultats Pour le mouvement maximal, on obtient les valeurs moyennes suivantes : - frontal : 74 microvolts - orbiculaire des lèvres : 156 microvolts - zygomatique : 172 microvolts - masséter : 200 microvolts. Pour le mouvement en résistance : - frontal : 50 microvolts - orbiculaire des lèvres : 104 microvolts - zygomatique : 126 microvolts - masséter : 134 microvolts. 133 Les classements obtenus sont homogènes, aussi on peut supposer qu’ils reflètent la puissance relative de chaque muscle dans la population normale. Le frontal serait le plus faible, puis dans un ordre croissant, apparaissent l’orbiculaire des lèvres, le zygomatique et le masséter. Pour le mouvement en endurance, on obtient 4 échecs pour l’ensemble des muscles testés, ce qui permet de confirmer qu’au seuil correspondant à la moitié du seuil de résistance de chacun, cette consigne est facilement réalisable, quel que soit le muscle testé. Les syncinésies ou contractions parasites sont assez répandues mais ne sont pas pathologiques dans la mesure où lors d’un deuxième essai, quand on demande au sujet de faire attention, elles disparaissent ou s’amenuisent. D’autre part, elles restent dans l’ensemble assez faibles en intensité. Elles se sont le plus souvent révélées au niveau du frontal et de l’orbiculaire des lèvres L’épreuve du contrôle moteur est en général réussie. Les quelques échecs portent essentiellement sur le muscle frontal. Ces échecs sont liés au non respect du retour à zéro entre chaque contraction. Les résultats sont meilleurs après apprentissage. Par ailleurs, à tous les niveaux de sensibilité exploités dans cette étude, nous observons des cas où le contrôle moteur n’est pas réalisé tel que nous l’avons défini, même à faible sensibilité (forte valeur absolue) où il serait logique que l’exercice soit plus facile. Cette observation montre que les capacités de contrôle de la motricité faciale sont indépendantes de la puissance musculaire. Le repos complet, comme l’endurance, est facilement obtenu, sauf pour quelques cas isolés. Conclusion Après analyse des résultats, les valeurs apparaissent largement dispersées pour l’ensemble des muscles testés et la répartition aléatoire des valeurs ne permet pas d’établir une norme au sein de la population normale. Toutefois, l’étude a permis de classer les muscles selon un ordre croissant de puissance, grâce à la sélection d’une sensibilité adaptée. Seule la plus faible sensibilité ne paraît pas nécessaire dans les exercices de praxies bucco-faciales. Ce réglage concerne des muscles plus puissants. Enfin, il semble indéniable que les rétro-contrôles auditifs et visuels stimulent considérablement le patient. Les sujets ont manifesté d’emblée le désir de performance. Au fur et à mesure de la familiarisation avec l’appareil, nous avons relevé, pour une grande partie des sujets, une tendance à reproduire la consigne spontanément afin d’améliorer leurs performances. D’autres ont même tenté de se positionner par rapport aux autres sujets. La 134 volonté de perfectionnement est évidente. Nous avons noté un ensemble de comportements liés à l’aspect ludique du matériel, apparaissant encore plus clairement auprès des deux enfants testés, qui ont très vite commencé à élaborer les règles d’un jeu. Utilisation du biofeedback en rééducation En France, le biofeedback est principalement utilisé par les kinésithérapeutes dans le cadre de la rééducation uro-génitale, avec les capteurs de pression, mais il peut être appliqué à toutes les pathologies provoquant soit des paralysies ou hypotonies musculaires, soit des spasticités ou des hypertonies. Depuis quelques décennies, le biofeedback connaît un formidable essor au Canada, aux Etats-Unis, en Angleterre ou au Japon. Son champ d’application est devenu très vaste : neurologie, psychiatrie, rhumatologie, ORL, médecine sportive, cardiologie… Les applications en rééducation orthophonique sont les suivantes : - Dysphagie : la rééducation par biofeedback dans les cas de syndromes pseudo-bulbaires, de syndrome de Wallenberg, de paralysies pharyngolaryngées après intubation et de myopathies, a trois objectifs : ¡ l’amélioration de la musculature faciale (BFB positif) ¡ la limitation de la tension des muscles masticateurs (BFB négatif) ¡ l’entraînement de l’élévation du larynx par les mouvements de base de langue (BFB positif). Pour les deux premières procédures, on utilise les électrodes de surface ; pour la troisième, il faut un capteur de pression (en l’occurrence, une sonde uro-gynécologique peut être utilisée). La sonde est placée entre la langue et le palais, et le patient peut suivre ses contractions linguales en temps réel, en exerçant des pressions sur la sonde. - Algie et dysfonctionnement de l’appareil manducateur (ADAM) : les électrodes sont placées sur le masséter et le temporal. On peut alors visualiser les déséquilibres. Dans les ADAM, on doit privilégier une posture de langue haute afin de permettre un relâchement des masticateurs, notamment en déglutition ; le contrôle est plus efficace avec le biofeedback. On travaille également le digastrique, qui est naturellement difficile à mobiliser de façon volontaire. - Infirmité motrice d’origine cérébrale : le biofeedback présente un intérêt pour le contrôle des mouvements anormaux de la face et le double feedback sonore et visuel s’est souvent avéré très utile. On peut 135 également travailler les mouvements de préhension labiale et linguale avec une sonde de pression. - Rééducation myo-fonctionnelle de la déglutition et de la posture de langue : le biofeedback augmente considérablement la motivation, notamment chez les enfants, et permet une quantification des résultats, très utile pour apprécier l’évolution. Les appareils couplés à un logiciel informatique sont les plus intéressants pour leur côté ludique (il existe des animations vidéoscopiques telles que : évolution d’une courbe, deux enfants sur une bascule, visage d’un enfant dont la bouche se mobilise de la tristesse au sourire, etc.). - Paralysies faciales : c’est dans ce cadre que le biofeedback est utilisé de façon la plus fréquente. On peut travailler sur les deux canaux et comparer ainsi l’hémiface saine et l’hémiface paralysée, ce qui permet de limiter l’hypertonie du côté sain, restaurer l’équilibre de la face, contrôler les syncinésies. Le feedback sonore est indispensable afin de travailler la fermeture palpébrale. Les limites Les appareils existant actuellement sur le marché sont généralement assez complexes et présentent de multiples fonctions rarement utilisables en rééducation orthophonique : on trouve souvent la double fonction biofeedback/électrostimulation ; le retour sonore n’est pas toujours très adapté et l’on préfère un son qui varie sur une gamme (chaque déplacement de diode ou d’aiguille correspond à une fréquence sonore), plutôt qu’une variation d’intensité peu fiable pour le patient ; parfois les réglages de sensibilité manquent de précision. D’autre part, le choix des électrodes est très important : elles doivent être de petit diamètre. Les électrodes autocollantes pédiatriques sont intéressantes. Enfin, ces appareils restent coûteux ; il faudra développer avec un constructeur un appareil mieux adapté aux besoins des orthophonistes, plus simple, couplé à un logiciel d’animation ludique, pour la rééducation auprès d’enfants. Des études sont actuellement en cours sur ce développement. Perspectives L’apport du biofeedback en rééducation est indéniable par son effet stimulant grâce aux rétro-contrôles visuels et sonores. Il permet en outre une évaluation plus fine des performances et donne au sujet des indications précises de 136 son évolution d’une séance à l’autre. Il est nécessaire de travailler avec des appareils d’utilisation simple, nécessitant peu de réglages, avec des électrodes fiables. A terme, la rééducation des pathologies oro-faciales devra s’appuyer sur des systèmes d’évaluation et de rééducation objectifs, d’où l’intérêt de développer ce type d’appareillages pour une prise en charge plus complète et plus efficace. 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Tél. : 01 43 67 54 29 CERROF (Cercle d’Etudes et de recherche en Rééducation Oro-Faciale) – 50, rue de la Gare, 77760 La Chapelle-la-Reine Sites Paralysies faciales : www.bellspalsy.ws Cicatrices faciales et rééducation : www.jmhebting.free.fr Dysphagie : www.dysphagiaonline.com Déglutition et dysphagie : www.deglutition-dysphagie.net Références bibliographiques COUTURE G., EYOUM I., MARTIN F. (1997). Les fonctions de la face, évaluation et rééducation, Isbergues, Ortho Edition, 231 pp. DUPAS P-H. (1993). Diagnostic et traitement des dysfonctions cranio-mandibulaires. Paris : Editions CdP, 137 pp. 139 FOURNIER E. (1998) : Examen électrophysiologique et étude de la conduction nerveuse. Collection explorations fonctionnelles humaines, Editions Médicales Internationales, Cachan, 1998, 587 pp. HEBTING J-M, DOTTE J-P. (1992). Rééducation des fracas de la face. Paris : Masson, 103 pp. LEGENT F., FLEURY P., NARCY P., BEAUVILLAIN C. (1999). ORL pathologie cervico-faciale. 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MONCLA) - Expansions instables de répétitions de trinucléotides (J. AMIEL) — Examens et interventions : Syndrome de Prader-Willi (A. MONCLA) - Syndrome de Prades-Willi : prise en charge médicosocio-éducative (A. POSTEL-VINAY) - La prise en charge orthophonique du jeune enfant Prader-Willi (I. BARBIER) - Syndrome de Moebius (M. LE MERRER) - Conduite orthophoniste dans la rééducation de l’enfant atteint d’un syndrome de Moebius (I. EYOUM) - Micro-délétion 22q11, Syndrome de DiGeorge (N. PHILIP) - Bilan des troubles du langage chez l’enfant avec une délétion du 22q11 (C. COUTANCEAU) - Syndrome de Rubinstein-Taybi (D. LACOMBE) - Prise en charge orthophonique de l’enfant avec un syndrome de Rubinstein-Taybi (C. TOFFIN) - Syndrome de Robin (ou séquence de Robin) (V. ABADIE) L’oralité perturbée chez l’enfant avec Syndrome de Robin (C. THIBAULT, C. BRÉAU) - Syndrome de Franceschetti-Klein ( P. E DERY, Y. MANACH) - Prise en charge de l’enfant aplasique auriculaire majeur bilatéral (C. TOFFIN) - Dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne (M.-L. BRIARD) - Dystrophie myotonique de Steinert (S. MANOUVRIER, M.-L. BRIARD) - Maladie de Steinnert. Troubles cog,itifs chez l’enfant (M. GARGIULO, N. ANGEARD) - Prise en charge des troubles de déglutition de l’enfant présentant une pathologie neuro-musculaire (M.- F. A BI NUN, C. GOLOVTCHAN) - Syndrome de l’X fragile (A. POSTEL-VINAY, M.-L. BRIARD) - Prise en charge médico-socio-éducative (M.L. BRIARD) — Perspectives : La communication augmentée : un système original, le programme Makaton (S. F RANC) Expérience belge du d épistage du syndrome X fragile : questionnaire X fragile (J.P. FRYNS, M. BORGHGRAEF) - Importance de la guidance parentale (I. BARBIER) - Les troubles du langage oral des enfants atteints d’anomalies héréditaires du métabolisme des protéines (I. PASQUIER, G. TOUATI, M. TOUZIN) N °2 06 : LE BÉGAIEMENT - Données Actuelles : Le bégaiement : hypothèses actuelles (J. MARVAUD) - A propos du bégaiement (J. MARVAUD, A.-M. SIMON) - Bégaiement acquis : une étude rétrospective (J. VAN BORSEL) - Synthèse de l’étude récente de E. Yairi sur les facteurs prédisposant à la chronicisation du bégaiement chez le jeune enfant (C. HAFFREINGUE) — Examens et interve ntions : Bilan du bégaiement chez la personne adulte (M.-C. MONFRAIS-PFAUWADEL) - Bredouillement (D. HANSEN) - Troubles d’évocation de mots associés au bégaiement (N. TEITLER-BREJON) - De retour de Northwestern (V. BOUCAND) — Perspectives : Elaboration du psychisme - Elaboration du bégaiement chez l’enfant (C. BEAUBERT) Le traitement du bégaiement : son approche selon différents pays, influences diverses et leçons générales (D. A. SHAPIRO) N °2 07 : AUTISME - Rencontre : Orthophonie et autisme : les attentes des parents (C. MILCENT) — Données Actuelles : Les troubles autistiques : données actuelles (C. BURSZTEJN) — Examens et interventions : Problèmes posés par le diagnostic précoce de l’autisme infantile chez le très jeune enfant (A. DANIONGRILLIAT, C. BURSZTEJN) - L’évaluation des compétences commu nicatives chez l’enfant autiste (M.-J. FERNANDES) - L’imitation dans la prise en charge orthophonique de l’enfant autiste (N. DENNIKRICHEL, C. ANGELMANN, S. BOUR) - Le programme Makaton pour des enfants autistes : expérience d’une institution, expérience institutionnelle (N. SARFATY) - Le système P.E.C.S. - Un système alternatif au langage (C .B ROU S SE) - Intérêt et limite de l’utilisation de l’ordinateur avec des enfants autistes (A. BARRÉ) — Perspectives : Les enjeux de l’intervention précoce chez l’autisme (B. ROGÉ, G. MAGEROTTE, J. FREMOLLE-KRUCK) - Témoignage sur l’évaluation et sur la prise en charge précoce d’un enfant autiste (F. CUNY, B. MARAIS) - Les Centres de Ressources pour l’Autisme - Principes généraux et illustration du fonctionnement du CRA du Languedoc-Roussillon (C. AUSSILLOUX, A. BAGHDADLI) N °2 08 : LE LANGAGE : UN CARREFOUR D’INTERACTIONS COGNITIVES - Langage et Mémoire sémantique : Mémoire sémantique : aspects théoriques (Marie-José GAILLARD, Didier HANNEQUIN, Elodie CROCHEMORE, Carine AMOSSÉ) - Les troubles de la mémoire sémantique dans la démence sémantique (Serge BELLIARD) - Evaluation et prise en charge des troubles de la mémoire sémantique (Jany LAMBERT, DanièlePERRIER, Danielle DAVID-GRIGNOT) — Langage et Mémoire de travail : Historique et évolution du concept de mémoire de travail (Alix SEIGNEURIC, Marie-France EHRLICH) - Mémoire à court terme et pathologies du langage (Martine PONCELET, Steve MAJERUS, Martial VAN DER LINDEN) - Troubles de la rétention à court terme d’informations auditivo-verbales : évaluation et prise en charge (Martine PONCELET, Steve MAJERUS, Martial VAN DER LINDEN) — Langage et Fonctions Exécutives : Approche théorique et fractionnement des fonctions exécutives (Philippe ALLAIN, Ghislaine AUBIN, Didier LE GALL) - Evaluation et rééducation des syndromes dysexécutifs (Ghislaine AUBIN, Philippe ALLAIN, Didier LE GALL) N °2 09 : L’O RTHOPHON IE DAN S LES TROUBLES SPÉCIFIQUES DU DÉVELOPPE MENT DU LANGAGE ORAL CHEZ L’ ENFANT DE 3 A 6 ANS - Méthode générale - Stratégie de recherche documentaire - Glossaire - Texte des recommandations - Argumentaire - Annexes - Références (ANAES - Mai 2001 - Service des Recommandations et Références professionnelles)