Il s'agit ici de stratégie, les objectifs, et de tactique, l'organisation des opérations.
La série montre les deux héros chargés des opérations, les pseudo Legassov et Chtcherbina, quasi passifs, terrifiés à
l'idée d'envoyer des hommes décontaminer les installations, passant leur temps à procrastiner et ne se résolvant qu'à
l'automne 1986 à lancer les préparatifs de la construction d'un sarcophage. L'irrésolution serait telle que la décision
de constituer une équipe de trois hommes chargée d'aller ouvrir une vanne dans le sous-sol du bloc accidenté se
prendrait lors d'une conférence tendue, au Kremlin, en présence de Gorbachov à qui on demanderait son aval ! C'est
absurde, à un niveau d'absurdité sidéral… personne ne l'a relevé… or cela se passe au début et sert à créer un
insoutenable suspens à la fin du premier épisode, quand on nous montre les trois hommes, « volontaires-désignés »
dans la réalité, avec une bonne prime à la clef, passer la porte sensée les conduire à une mort quasi certaine…
Restons-en là, le décor est planté.
Dans la vraie vie, la crise de Tchernobyl n'a pas été autrement gérée que comme un Blitzkrieg, une guerre éclair
imposée par la puissance et la célérité des assauts de l'adversaire, d'une part, mais surtout par la décision des
autorités de restaurer au plus vite les conditions d'environnement permettant la remise en service de la centrale. En
URSS comme en France, l'énergie atomique est une religion d'Etat8. Sauver la foi lorsqu'elle est gravement menacée
impose bien des sacrifices : aux sommes massivement investies au détriment des autres secteurs de l'économie
succède, mais aussi s'ajoute, la mobilisation de toutes les forces vives du pays en vue, coûte que coûte – militaro
sensu, de rétablir le statu quo ante :
« Fondamentalement, la décision du pouvoir de redémarrer les autres réacteurs le plus vite possible a été cruciale.
Elle a été critiquée par beaucoup, même en interne, qui estiment qu’elle a permis une irradiation majeure de bon
nombre de liquidateurs, non seulement les hommes du toit mais aussi tous ceux qui ont dû réparer des milliers de
tuyaux et de câbles, construire une séparation entre les bâtiments 2 et 3, décontaminer à la hâte le site, construire le
sarcophage dans des délais accélérés.9 »
« On nous a donné l'instruction de préparer le calendrier de reconstruction du 4eréacteur. Tout le monde riait sous
cape, mais nous faisions tous semblant de plancher sur ce travail insensé.10 »
Et de rappeler que le ministre de l'Energie de l'URSS de l'époque avait même osé annoncer « devant des
responsables scientifiques, que le 4eréacteur serait remis en route en novembre 1986 » [cf.Rapport Legassov pp. 45-
46, NDA]. Il était même prévu « qu'un 5eserait construit à côté ». Ce cinquième était en construction à l'époque de
l'accident. Le chantier fut définitivement stoppé.
Dans son récit posthume Valery Legassov, le vrai, n'écrit pas autre chose. On ne regardera pas à la dépense :
« Au terme de tous ces rapports, après que nous eûmes expliqué la situation et la façon dont nous la comprenions
nous-mêmes, on prit les principales mesures qui allaient déterminer la chronologie des opérations pendant toute la
période suivante, le volume des travaux ainsi que leur coordination avec tous les services et les entreprises de notre
pays. On mit sur pied un groupe opérationnel sous la direction de N.I. Ryjhkov, et il fut pris contact, pour ainsi dire,
avec l'industrie soviétique toute entière. La Commission gouvernementale devint dès lors un rouage administratif
dans cet immense travail de salut public qui se fit sous la direction du groupe opérationnel du Politburo du Comité
central ».
Pour bien enfoncer le clou, citons ici le passage du livre où Marc Molitor décrit les décisions stratégiques et
l'organisation du champ de bataille11 :
« À Moscou comme à Kiev, le pouvoir fut informé de l'accident tôt dans la nuit. une première délégation arrivera
dans la matinée à Tchernobyl; un deuxième groupe de très haut niveau, politique, militaire, judiciaire, arrivera en
fin d'après-midi. C'est cette commission gouvernementale qui dirigera toutes les opérations de l'immédiat après-
catastrophe, jusqu'à l'hiver 1986-1987. Outre la destruction du réacteur et les premières victimes, le problème
central qui se pose pour la gestion de ce type d'accident est le danger posé par le niveau de radioactivité. Il
détermine la façon dont les secours doivent être organisés, les conditions de travail des secouristes, l'accès plus ou
moins malaisé à la zone accidentée, et les populations à évacuer – ou pas. Boris Chtcherbina, le président deBoris Chtcherbina, le président de
cette commission, est aussi le vice-président du comité central du parti communiste. Dès lescette commission, est aussi le vice-président du comité central du parti communiste. Dès les
premiers contacts téléphoniques vers Yaltapremiers contacts téléphoniques vers Yalta [en fait il était à Barnaul dans l'Altaï pour une mission de
concertation avec les caciques du coin qu'il fallait convaincre d'appliquer la politique "d'accélération" promue par
Gorbachov lors du Congrès du PC de février 1986, une politique dont le volet énergie accordait la priorité à un