*LIBERALE PSII 51 3/02/04 17:00 Page 43 Libérale Tchernobyl Quel impact sur la thyroïde ? Dix-sept ans après, la catastrophe de Tchernobyl suscite toujours autant de polémiques. Les multiples apports d’experts éminents n’arrivent pas à contrer les échos qui montent du public. Le plus souvent dénoncé : le manque de transparence. L’ unanimité est totale lorsqu’il s’agit de dénoncer la mauvaise gestion initiale de la catastrophe. D’ailleurs, on peut constater que les accusations portent davantage sur la justesse des informations données sur les niveaux de contamination que sur le niveau des risques réels encourus. Il faut ajouter à cela l’image désastreuse qu’en ont donnée les médias. Les intervenants n’ont pas réussi à faire partager leurs convictions affichées sur le faible danger encouru par la population française. Mais il faut reconnaître aussi qu’il avait fallu improviser rapidement l’organisation de la communication officielle et que celle-ci fut jugée trop centralisée. Cancer de la thyroïde Au mois de juin 2003, l’interrogatoire de cent malades consécutifs venant pour exploration thyroïdienne relève que, pour la moitié d’entre eux, c’est une conséquence de Tchernobyl. Or, seulement 1 % souffrent de cancer thyroïdien. Il est vrai que les personnes atteintes de maladies bégnines se trouvent délaissées dans le rapport IPSN-INVS paru en décembre 2000, qui ne tient compte que des cancers thyroïdiens. Le meilleur moyen d’évaluer précisément le risque sanitaire est de mesurer la contamination humaine. Mais les données communiquées sont rares, généralement tardives, y compris pour l’iode 131, et concernent des travailleurs du nucléaire dont on peut supposer qu’ils ont spontanément pris des mesures de prévention. En fait, le nombre recensé de cancers de la thyroïde augmente lentement et régulièrement en France, depuis 1975, comme dans les autres pays européens ou aux États-Unis (non contaminés par Tchernobyl), mais la mortalité par ce type de cancer ne croît pas. Cette augmentation (trouvée plus forte dans certaines régions françaises moins affectées par les retombées de Tchernobyl !), qui n’est donc pas propre à la France, traduirait simplement l’amélioration des moyens diagnostiques durant les dernières décennies, en particulier l’emploi de l’échographie. En France, les niveaux d’irradiation furent mille fois inférieurs à ceux de certains pays, comme la Grèce, par exemple. Or, on ne constate pas d’induction dans ces pays de cancers de la thyroïde. De la terre à l’homme Le niveau réel de contamination du territoire français a fait l’objet de contestations diverses. De plus, il est difficile de transposer le degré de radioactivité depuis le sol jusqu’à son effet sur l’homme. Ainsi, l’herbe et les légumes à feuilles ont été les végétaux les plus touchés. Les transferts de radioactivité au lait sont intervenus en quelques heures et l’activité en iode 131 a pu atteindre localement 1 000 Bq/l les premiers jours. L’activité mesurée dans le lait des brebis a été 2 à 3 fois supérieure du fait de leur alimentation. L’activité en césium de la viande a mis 3 à 6 mois pour redescendre à 10 Bq/kg, sauf celle de certains sangliers (2 000 Bq/kg mesurés dans les Vosges). Les champignons qui ont un vaste réseau souterrain à faible profondeur concentrent les minéraux et le césium. Leur contamination peut varier de 15 à 50 000 Bq/kg. L’accroissement d’irradiation globale résultant des retombées de Tchernobyl est très inférieur aux variations sur notre territoire de la radioactivité naturelle (sans parler de celle, bien supérieure due au radon dans certaines habitations). Les mesures de concentration en césium 137 de l’atmosphère, faites à Orsay depuis 50 ans, montrent par ailleurs que la part due à Tchernobyl ne représente que 2 % environ de celle due aux essais nucléaires aériens des années de guerre froide. Pour qu’un consensus puisse s’établir, les ministres de la Santé et de l’Environnement ont demandé au Pr André Aurengo (hôpital de la Pitié-Salpêtrière) de présider un groupe de travail chargé de réaliser sous six mois la cartographie de la contamination du territoire français, et notamment de se prononcer sur le mode d’utilisation de ces informations afin de reconstituer les doses et les risques correspondants pour la population française. A.-L.P. Échanges et controverses 2003, 10es Journées du centre René-Huguenin (Saint-Cloud). Professions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003 43