1 CHAPITRE 1 : LE CADRE DE L’AUDIT FINANCIER SECTION 1 : DEFINITION DE L’AUDIT : Un audit (du latin audire : entendre, comprendre) se définit comme une mission à l’issue de laquelle est donnée une opinion motivée du niveau d’adéquation entre une situation existante et un cadre de référence. Par 1 : la nécessité d’un référentiel : Pour qu’il y ait un audit réalisable, il est donc nécessaire qu’il existe un référentiel. On peut ainsi auditer des activités, des résultats, des performances … à partir du moment où il est possible d’établir des comparaisons, des standards, des normes. Si on envisage par exemple de faire un audit d’environnement, il faut au préalable connaître le cadre dans lequel on se situe. Si le cadre est simplement juridique et institutionnel, l’auditeur doit s’assurer que l’organisation qu’il analyse est en conformité avec les lois sur l’environnement du ou des pays dans lesquels l’organisation exerce son activité. Mais si le cadre est plus large et que l’organisation considère comme stratégique de devancer les règlements et de développer une image de firme soucieuse de son environnement, un audit de la politique environnementale dépassera le cadre législatif. Il faudra alors doter l’auditeur d’un nouveau cadre de référence, plus étendu que le précédent ; la formulation du cadre de référence est un préalable à la mission proprement dite. Cette définition de l’audit, fondée sur le concept de référentiel, permet de distinguer les missions d’audit de celles de conseil. Le conseil en entreprise est en effet fondé sur l’expérience du conseiller ; spécialiste de son domaine, il utilise son expérience et son savoir-faire pour donner une opinion motivée sur un sujet n’ayant ni référentiel ni même parfois d’existant dans l’entreprise. Par 2 : l’opinion motivée : L’audit s’achève par la remise d’un rapport circonstancié, qui peut contenir quelques lignes de synthèse ou quelques centaines de pages. Toutes les conclusions de l’audit doivent être étayées par des faits. Cette collecte de faits est l’essentiel du travail de l’auditeur pendant sa mission. Un audit est fondé sur des réalités qui doivent pouvoir être établies. Après avoir recensé les faits, l’auditeur les met en correspondance avec le référentiel. Pour tout dysfonctionnement, il cherche les causes, les risques qui en découlent ainsi que les solutions. Un auditeur raisonne en termes de faits, de causes, de conséquences et de recommandations. Par exemple, s’il s’avère que le délai de recouvrement des factures clients dans une région est de 75 jours contre 45 en moyenne dans la profession, il doit en chercher les causes. Supposons qu’il s’aperçoive que la rémunération des vendeurs est fonction du chiffre d’affaires et qu’ils utilisent le crédit aux clients comme argument commercial ; ils accordent ainsi des délais anormalement longs, au détriment des intérêts de leur M1 Finance – audit et conseil – chapitre 1 : le cadre de l’audit financier 2 société. Après avoir trouvé les causes du problème, l’auditeur devra en mesurer l’impact et fournir une recommandation pour remédier à cet état. Il pourra établir son constat de la façon suivante : Fait Cause Délais de recouvrement excessifs Délais accordés par les commerciaux Risques / Recommandations conséquences Augmentation du ✓ Fixer des règles quant aux BFRE de X millions délais de recouvrement. d’€ ✓ mettre en place une procédure normalisant la conduite des commerciaux SECTION 2 : DEFINTION DE l’AUDIT FINANCIER : L’audit peut porter sur plusieurs champs d’application différents, par exemple : audit social de conformité : vérification que les procédures, actes et décisions de l’entreprise sont conformes à la loi (audit des procédures de licenciement, de la conclusion des contrats de travail…) audit fiscal de conformité : vérification que l’entreprise applique bien les règles fiscales et qu’elle ne s’expose pas à des risques fiscaux (de redressement) qu’elle n’aurait pas identifiés, suite à l’inobservation des obligations fiscales ; on vérifie ainsi les déclarations de TVA, d’IS… Dans le cadre de ce cours, on s’intéressera uniquement à l’audit financier. Les missions d’audit financier ont pour objectif général de s’assurer que les documents financiers traduisent correctement la situation économique et l’activité de l’entité étudiée. Les documents financiers doivent en effet donner une image fidèle de l’entité. L’activité de l’entité doit être fidèlement traduite dans les documents financiers. Il est admis que cette traduction est correcte si l’établissement des états financiers a été effectuée en conformité avec les règles et usages comptables. On retient donc l’hypothèse implicite que les règles comptables permettent de traduire la réalité économique. Cette hypothèse est fortement critiquable, car l’harmonisation internationale des règles comptables n’empêche pas encore tous les pays de développer leurs propres règles comptables ; aussi la transcription d’une activité économique prend des aspects différents en fonction du cadre qui lui est imposé. Toutefois, si on admet que les règles comptables permettent de traduire l’activité économique, alors l’audit financier vise la conformité aux règles pour savoir si les documents financiers fournissent une image fidèle de l’entreprise, comme le montre le schéma suivant : M1 Finance – audit et conseil – chapitre 1 : le cadre de l’audit financier 3 Activité économique R E G L E S C O M P T A B L E S pièces justificatives (factures, bons de livraison…) l’audit financier a pour objectif de s’assurer de l’application des règles et normes légales comptabilité financière : journal, grand-livre, balance états financiers : bilan, compte de résultat, annexe SECTION 3 : LOGIQUE THEORIQUE DE L’AUDIT FINANCIER : L’objectif de l’audit financier est d’analyser les comptes d’une société sous l’aspect de la qualité de l’information. Il s’agit de savoir si les chiffres sur lesquels s’appuient les décisions des investisseurs, des responsables et des tiers sont fiables, à savoir fondées sur des conventions connues et attendues des utilisateurs. En d’autres termes, il s’agit de contrôler les comptes. La nécessité de contrôler les comptes peut s’expliquer par la théorie de l’agence. Selon cette théorie, à partir du moment où l’entrepreneur propriétaire de l’entreprise décide de faire appel à un spécialiste (un agent) pour diriger son entreprise, une symétrie d’informations existe entre lui et le dirigeant, les deux parties ayant intérêt à mettre en commun un certain nombre d’informations ; l’entrepreneur fournit au dirigeant tous les éléments nécessaires à la gestion, tandis que le dirigeant doit justifier de son utilité en maximisant la richesse de l’actionnaire sans prendre en compte son seul intérêt personnel. Mais après avoir transmis la direction de l’entreprise au dirigeant, le propriétaire perd de l’information, alors que le dirigeant en accumule. Tout individu rationnel au sens de la théorie micro-économique standard agit en fonction de son utilité et de ses intérêts. Aussi le dirigeant peut être tenté de s’éloigner de l’objectif qui lui était assigné au départ (maximiser la richesse de l’actionnaire) pour privilégier ses propres intérêts. Il peut même être tenté de modifier la présentation des états financiers pour donner une vision de la performance de l’entreprise plus favorable à ses intérêts ; il en est ainsi notamment quand la rémunération du dirigeant est pour partie indexée sur des mesures de performance comptable ; pour réduire les asymétries d’information, l’audit a pour objet de fiabiliser tout ou partie des informations transmises ; elles peuvent concerner la performance passée, pour mesurer la pertinence a posteriori de la stratégie du dirigeant, M1 Finance – audit et conseil – chapitre 1 : le cadre de l’audit financier 4 mais elles peuvent également prendre la forme de prévisions, quand il s’agit de faire appel public à l’épargne ou de déterminer les modalités d’une fusion ou d’une acquisition. C’est cette théorie de l’agence qui justifie l’existence d’une fonction de contrôle indépendante de la direction générale et explique pourquoi il faut faire appel à des tiers extérieurs pour vérifier les informations transmises aux actionnaires. SECTION 4 : L’AUDIT FINANCIER EXTERNE ET L’AUDIT FINANCIER INTERNE : On distingue traditionnellement deux types d’auditeurs : les auditeurs externes (experts indépendants) et les auditeurs internes (salariés de la société). Dans le cadre de ce cours, on s’intéressera davantage aux auditeurs internes. Par 1 : l’audit financier externe : L’examen de certaines entités est obligatoire et doit être effectué une fois par an par des professionnels indépendants : les Commissaires Aux Comptes (CAC). A ) rôle des commissaires aux comptes : Généralement en même temps experts-comptables, les CAC agissent dans l’intérêt des actionnaires et des tiers à qui ils doivent fournir leur rapport général de certification. Ce sont des professionnels indépendants inscrits auprès des Cours d’Appel et regroupés au sein de la CNCC (Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes). La CNCC est elle-même soumise au contrôle du H3C (Haut Conseil du Commissariat aux Comptes), organisme créé par la Loi de sécurité Financière du 1er août 2003. Le H3C a une triple mission : assurer la surveillance de la profession avec le concours de la CNCC (mais le H3C est au-dessus de la CNCC) ✓ organisation des examens d’activité des CAC : c’est le H3C qui organisera désormais les programmes de contrôle qui resteront effectués par la CNCC. ✓ inscription sur la liste des CAC : le H3C est chargé d’assurer l’inscription avec le concours des commissions régionales de CAC. ✓ discipline : le H3C est l’instance devant laquelle les décisions des chambres régionales de discipline sont susceptibles de recours (Cour d’appel jusqu’alors). veiller au respect de la déontologie et de l’indépendance des CAC : Le H3C donnera un avis avant l’approbation du code de déontologie par décret. définir les bonnes pratiques professionnelles : Les NEP (Nomes d’Exercice Professionnel) sont élaborées par la CNCC mais sont ensuite homologuées par le garde des sceaux (le ministre la justice), après avis du H3C. Les missions des CAC sont très variées : mission générale de certification des comptes : Le code de Commerce stipule que « les CAC ont pour mission permanente, à l’exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la société et d’en contrôler la conformité aux règles en vigueur. M1 Finance – audit et conseil – chapitre 1 : le cadre de l’audit financier 5 Ils vérifient également la sincérité et la concordance avec les comptes annuels des informations dans le rapport de gestion du Conseil d’Administration, du directoire ou tout autre organe de direction, et dans les documents adressés aux actionnaires ou associés sur la situation financière et les comptes annuels. Ils vérifient le cas échéant, la sincérité et la concordance avec les comptes consolidés des informations données dans le rapport sur la gestion du groupe. De même, ils vérifient les comptes consolidés et les informations semestrielles pour les sociétés cotées en bourse ». mission de garantir l’égalité des actionnaires : Tout au long de leur mission, ils s’assurent que « l’égalité des actionnaires est respectée, et dans cet esprit, ils adressent à l’AGO un rapport spécial sur les conventions intervenues entre la société et l’un de ses dirigeants ou entre 2 sociétés ayant un dirigeant commun. mission de contrôler les documents prévisionnels : L’établissement des documents prévisionnels est obligatoire par les sociétés qui emploient plus de 300 salariés ou qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 18 000 000 €. Ces documents prévisionnels (compte de résultat prévisionnel, plan de financement prévisionnel, situation de l’actif réalisable et de l’actif disponible, tableau de financement) sont étudiés par le CAC, qui doit apprécier la vraisemblance des hypothèses retenues et surtout si les délais d’établissement et de communication sont bien respectés. déclenchement de la procédure d’alerte : Les CAC doivent déclencher une procédure d’alerte lorsqu’ils relèvent des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. On peut citer les exemples suivants de faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation : altération des conditions d’exploitation : ✓ accumulation d'exercices déficitaires ✓ baisse anormale de l'activité du fait de pertes de marchés importants ✓ affaiblissement du carnet de commandes au-dessous du seuil de rentabilité ✓ pertes de licences ou de brevets ✓ fin d'un contrat de franchise ✓ non-renouvellement de concessions ou de régies ✓ rupture d'approvisionnements en matières premières essentielles ✓ sinistre survenu dans les installations de production ✓ accroissement excessif des charges d'exploitation et baisse de la marge ✓ insuffisance des investissements dégradation de la situation financière : ✓ trésorerie négative. ✓ insuffisance ou dégradation du FRNG. ✓ demande par les tiers de sûretés exorbitantes. ✓ recherche de sources de financement excessivement onéreuses. ✓ crédit fournisseur inférieur aux normes ou nul. ✓ déconfiture d'un débiteur important. ✓ abandon de la politique habituelle de distribution de dividendes ou dividendes distribués malgré d'importants résultats déficitaires. ✓ décision de la société-mère de supprimer son soutien financier. ✓ rupture d'un concours bancaire. M1 Finance – audit et conseil – chapitre 1 : le cadre de l’audit financier 6 autres critères : ✓ conflits sociaux graves et répétés. ✓ destruction de l'outil de production. ✓ changements de lois ou projets de loi défavorables. ✓ départ de personnes indispensables. ✓ conflits graves chez des clients ou des fournisseurs importants ou difficultés politiques sérieuses dans leur pays. ✓ dépendance significative à l'égard du succès d'un projet. ✓ non-paiement des impôts et des cotisations sociales. ✓ risque d'un redressement fiscal important. ✓ dissentiment grave entre les associés. Dans un 1er temps, le CAC demande des explications au président du CA ou du directoire sur les actions qu’il compte mettre en œuvre pour remédier à la situation. Dans un 2ème temps, si le CAC n’est pas satisfait des réponses reçues ou s’il n’y a pas eu de réponse dans un délai imparti, le CAC demande la convocation du CA ou du directoire. Dans un 3ème temps, si le CAC n’est pas satisfait des délibérations du CA ou du directoire et des décisions qui ont été prises, il rédige un rapport spécial qu’il remet aux actionnaires en vue de la prochaine AG. Dans un 4ème temps, si le CAC estime que les décisions de l’AG des actionnaires ne sont pas suffisantes pour remédier à la situation, il informe le président du TC de ses démarches et des raisons qui l'ont conduit à juger insuffisantes les décisions prises. Il lui adresse en même temps tous les documents utiles à son information. révélation des faits délictueux au Procureur de la République : Le CAC doit révéler les faits délictueux dont il a eu connaissance au cours de sa mission. Il s’agit des infractions en violation du droit des sociétés ou toute autre matière quand le fait délictueux est susceptible d'avoir des incidences sur la situation de la société. Ces faits doivent être significatifs (faussent l’interprétation de la tendance de l’entreprise ou sont de nature à porter préjudice à l’entreprise ou à des tiers) et délibérés (commis en toute connaissance de cause et non par erreur). Par exemple : abus de biens sociaux, délit de présentation ou de publication de comptes ne donnant pas une image fidèle. Si le CAC a connaissance d’un délit et qu’il ne le révèle pas au Procureur de la République, il commet le délit de non-révélation, et engage sa responsabilité. missions spéciales : Le CAC peut être appelé pour des missions spécifiques où il est tenu d’établir un rapport. On peut citer comme exemples : le paiement de dividendes en actions la réduction de capital la fusion de sociétés B ) champ d’intervention des CAC : Sont tenues de désigner un CAC les sociétés qui atteignent 2 des 3 critères suivants : ✓ chiffre d’affaires HT : 8 000 000 € ✓ total bilan : 4 000 000 € seuils applicables à compter du 01/01/2019 ✓ salariés employés : 50 (loi PACTE) M1 Finance – audit et conseil – chapitre 1 : le cadre de l’audit financier 7 Remarque : A côté de la mission légale de l’audit externe (mission de certification des comptes), on trouve aussi les missions d’audit contractuel : l’entreprise fait appel à un cabinet d’audit pour réaliser une mission précise définie dans le cadre d’un contrat. Par exemple, en vue d’acheter une entreprise, l’acquéreur potentiel demande un audit d’acquisition, pour s’assurer de la fiabilité des comptes présentés (vérification des stocks, des créances, des provisions.. ;). Par 2 : l’audit interne : L’audit interne est à l’intérieur d’une entreprise, une activité indépendante d’appréciation du contrôle des opérations ; il est au service de l’entreprise. Il est chargé d’en examiner l’ensemble du fonctionnement afin de détecter les dysfonctionnements et les risques qui peuvent nuire à ses résultats. C’est un contrôle qui a pour fonction d’estimer et évaluer l’efficacité des autres contrôles. Son objectif est d’assister les membres de l’entreprise dans l’exercice efficace de leurs responsabilités. Dans ce but, l’audit interne leur fournit des analyses, des appréciations, des recommandations, des avis et des informations concernant les activités examinées. L’audit interne exerce ses fonctions dans tous les domaines financiers, comptabilité financière, comptabilité de gestion, trésorerie, crédit, recouvrement des créances, mais aussi dans des domaines opérationnels, comme la gestion des stocks, la fonction approvisionnements et logistique. L’audit interne doit évaluer l’efficacité de l’organisation et proposer des améliorations. Il est amené à contrôler les comptes, mais pas uniquement ; il est aussi orienté vers les procédures et l’organisation des services comptables ainsi que la pertinence des tableaux de bord et la rapidité d’émission du reporting. Au-delà de la conformité aux règles, l’audit interne s’assure de l’efficacité du système, et cherche à remédier aux dysfonctionnements. Non seulement il doit détecter les problèmes mais il doit aussi générer une organisation plus efficace. Or trouver une solution satisfaisante et la faire appliquer par les membres de l’organisation n’est pas toujours chose aisée. L’audit interne est rattaché soit à la Direction Générale, soit au Comité d’Audit quand il existe. Dans les grandes sociétés en effet, le Conseil d’Administration est chargé de contrôler la gestion de l’entreprise, et s’assurer en particulier de l’absence d’anomalies (voire même de fraudes… ) dans l’établissement des comptes. Les entreprises ont ainsi mis en place de manière systématique un comité spécialisé du conseil d’administration, appelé Comité des Comptes ou Comité d’Audit. Le rôle de ce Comité d’Audit est multiple : il suit l’élaboration de l’information financière et s’assure de la qualité de ce processus il prépare les travaux du Conseil d’Administration dans le cadre de l’arrêté des comptes ou de l’examen des comptes intermédiaires il suit l’efficacité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques il doit agir en interne pour inciter à une amélioration des processus d’audit interne il doit contrôler l’indépendance et la qualité des auditeurs externes (qu’il contribue également à désigner). Dans le cadre de ce cours, on étudiera uniquement l’audit interne au niveau du contrôle des comptes. M1 Finance – audit et conseil – chapitre 1 : le cadre de l’audit financier