FAIRE FAMILLE 2016 Journal des EJE

Telechargé par jean-jacques Joussellin
FAIRE FAMILLE !
Faire famille…
Une famille ça sert à quoi ?
Comprendre et aider les familles !
Familles et cultures !
Dr Jean-Jacques JOUSSELLIN
Pédopsychiatre
Centre hospitalier Gérard Marchant
134, route d'Espagne
31057 Toulouse cedex 1
N°37 octobre-novembre 2012 N°38 décembre 2012-janvier 2013 N°39 février-mars 2013 N°40 avril-mai 2013
Faire Famille
Recomposée, monoparentale, homoparentale, la famille évolue, se transforme... à tel point qu’il
devient difficile de parler de la famille au singulier. Si ces changements ont, sûrement, une
incidence sur les jeunes enfants, et notamment leur socialisation, qu’en est-il de fait ? Le
fonctionnement même plus que la composition de la famille ne serait-il pas la raison des
problèmes que peuvent rencontrer certains enfants ?
À la découverte de la diversité familiale
À la sortie de l’école, « Petit Paul » est tout excité, il saute partout. Il est content parce que ce soir
il va chez Léa. Elle a 7 ans, comme lui, et c’est sa copine depuis la maternelle. C’est super d’aller
chez Léa. Sa famille est extraordinaire. Il y a Jacques et Sarah, les parents, mais aussi Pierre et
Sophie, les enfants de Jacques, mais pas de Sarah. Et aussi Amandine, la fille de Sarah, mais pas
de Jacques. Léa, elle, c’est la fille de Jacques et de Sarah !
« Petit Paul » a appris que c’est une famille recomposée, parce qu’avant, Jacques et Sarah avaient
un autre amoureux, et ils se sont séparés pour vivre ensemble, mais sans être mariés cette fois-ci.
C’est comme pour Déborah, elle, elle a deux mamans qui ne sont pas mariées, mais qui vivent
ensemble.
« Petit Paul », lui, il est tout seul avec sa maman et sa petite sœur. Il se demande comment c’est
d’avoir un papa, comme Léa, ou deux mamans, comme Déborah.
Ça l’a toujours intéressé ces histoires de famille. Peut être parce que lui, il ne connait pas son
papa!
Mais ce qu’il aime, chez Léa, c’est que Sarah, elle raconte toujours des histoires au moment d’aller
se coucher. Sa maman à lui, elle n’a jamais le temps. Et dans ces histoires il y a toujours des
familles extraordinaires !
Le conte y est !
Tiens, Cendrillon, elle aussi c’était une famille recomposée :
« Il était une fois
un Gentilhomme qui épousa en secondes noces une femme, la plus hautaine et la plus fière
qu'on n’eût jamais vue. Elle avait deux filles de son humeur, et qui lui ressemblaient en toutes choses. Le mari
avait de son côté une jeune fille, mais d'une douceur et d'une bonté sans exemple. Elle tenait cela de sa Mère, qui
était la meilleure personne du monde.
Les noces ne furent pas plus tôt faites, que la Belle-mère fit éclater sa mauvaise humeur. Elle ne put souffrir les
bonnes qualités de cette jeune enfant, qui rendaient ses filles encore plus haïssables.
Elle la chargea des plus viles occupations de la maison: c'était elle qui nettoyait la vaisselle et les montées, qui
frottait la chambre de Madame, et celles de Mesdemoiselles ses filles. Elle couchait tout au haut de la maison, dans
un grenier, sur une méchante paillasse, pendant que ses soeurs étaient dans des chambres parquetées, elles
avaient des lits des plus à la mode, et des miroirs où elles se voyaient depuis les pieds jusqu'à la tête. »
Déjà une famille recomposée avec ses grands et petits soucis !
Mais, la plus étrange des familles pour « Petit Paul », c’est celle de Peau d’âne.
« Il était une fois
un roi, le plus grand qui fut sur la terre, aimable en paix, terrible en guerre, seul enfin
comparable à soi: ses voisins le craignaient, ses états étaient calmes, et l'on voyait de toutes parts fleurir, à l'ombre
de ses palmes, et les vertus et les beaux arts.
Son aimable moitié, sa compagne fidèle, était si charmante et si belle, et avait l'esprit si commode et si doux qu'il
était encore avec elle moins heureux roi qu'heureux époux. De leur tendre et chaste hyménée, pleine de douceur et
d'agrément, avec tant de vertus une fille était née.
[…] Arrivée a sa dernière heure la reine dit au roi son époux : trouvez bon qu'avant que je ne meure, j'exige une
chose de vous ; - c’est que s'il vous prenait envie de vous remarier quand je n'y serai plus... je veux avoir votre
serment que si vous rencontrez une femme, celle-ci soit plus belle, mieux faite et plus sage que moi.
[…] Au bout de quelques mois le roi voulut procéder à faire un nouveau choix : ni la cour en beautés fertile, ni la
campagne, ni la ville, ni les royaumes d'alentour dont on alla faire le tour, n'en purent fournir une telle.
- L’infante seule était plus belle et possédait certains tendres appas que la défunte n'avait pas. Le roi le remarqua
lui-même et brulant d'un amour extrême alla follement s'aviser que par cette raison, il devait l'épouser. »
Pour « Petit Paul », cette histoire d’un papa qui veut se marier avec sa fille est incroyable. Et
pourtant, la morale de cette histoire continue à vivre dans toutes les familles
« Le conte de Peau d ‘âne est difficile à croire, mais tant que dans le monde on aura des enfants, des mères et des
mères-grands, on en gardera la mémoire », dit Mr Charles Perrault !
Pour « Petit Paul », sa décision est prise, il se mariera avec Léa. Sa maman lui a expliqué qu’il ne
pouvait pas se marier avec elle, et que l’amour d’une maman pour son enfant, ce n’est pas le
même que celui pour son « amoureux ».
D’ailleurs, « Petit Paul » l’a bien compris, quand les parents divorcent, comme ceux de Pauline, les
parents ne divorcent pas de leurs enfants. Leur amour pour les enfants continue, même s’ils ne
vivent plus ensemble.
D’ailleurs, chez Léa, c’est un peu compliqué les week-ends, parfois ils sont trois, parfois cinq, et
parfois six. « Petit Paul » s’y perd, mais Léa, elle, elle s’y retrouve très bien !
Au fil du temps, la famille évolue
Des familles différentes...
Si « Petit Paul » avait été à la place de Manon, son papa pédopsychiatre lui aurait expliqué que la
façon dont les familles existent, évolue au fil du temps. D’ailleurs, il n’y a pas à s’en inquiéter,
puisque, partout dans le monde, les adultes « font famille », mais ils organisent leurs familles très
différemment.
Et ça n’empêche pas la terre de tourner, le monde d’exister, et les hommes et les femmes de
faire société.
Ce n’est pas la famille qui est à la base de la Société, ce sont les rapports de pouvoir, d’autorité, et
de croyance. D’ailleurs, quelques siècles auparavant, c’était Dieu qui organisait les rapports des
hommes entre eux. Dieu, le Roi, le Père et le fils ainé, la famille ne devait pas s’écarter de ce
chemin qui organisait la répartition des richesses et des pouvoirs, la tradition et les places de
chacun.
Puis c’est le peuple qui a mis à la tête des pays les élus et les dirigeants. La famille s’est ainsi, peu à
peu, démocratisée. L’autorité ne va plus « de soi », elle existe toujours, mais elle s’explique, se
discute, se négocie. Pour certains, la « famille démocratique » a remplacé la « famille
traditionnelle».
Depuis les années 1970, des transformations importantes ont modifié la façon de « faire famille ».
La baisse du nombre des mariages, l’augmentation de la « cohabitation » et la multiplication du
nombre des divorces sont à l’origine de l’accroissement du nombre de familles recomposées et
monoparentales.
Les enfants nés hors mariage représentaient 6 % des naissances en 1965, ils représentaient plus de
42 % en 1999. Et l’on sait que la plupart des enfants qui vivent en famille recomposée, ont
d’abord vécu avec leurs deux parents,… sauf pour 14 % d’entre eux qui sont issus d’une famille
monoparentale. Ces dernières représenteraient, quant à elles, environ 16 % de l’ensemble des
familles, et dans 86 % des cas, le chef de famille est la mère.
... que peut-on en penser ?
Il est difficile de parler de la famille au singulier, puisqu’on peut rencontrer une grande diversité
d’organisation pour « faire famille ». Ces transformations ont, bien sûr, une incidence sur la
socialisation des jeunes enfants.
Par exemple, qu’en est-il de l’ouverture aux autres ? La place et le rôle du père permettent ils
l’introduction du tiers ou non ? Et le travail, qui introduit une diversité des modalités d’accueil :
assistantes maternelles, crèches, mise à l’école plus précoce, etc., permet-il plus facilement la
relation aux autres ?… Ou bien est-il un facteur de stress et de stagnation dans le
développement?
Les recherches récentes montrent que ce n’est pas la diversité de l’organisation des familles qui
peut poser problème quant au devenir de ses enfants.
Ainsi, une étude menée par une équipe de l’IEP de Grenoble (1) (La structure familiale n’explique pas
la délinquance des jeunes !) en mars 2008, montre que l’environnement et le contexte de vie
expliquent bien plus la délinquance juvénile, que la structure familiale. Cette étude montre
également que le fonctionnement familial (entente des parents, supervision parentale) et le
parcours scolaire ont une certaine influence sur le devenir des jeunes, mais pas la structure
familiale.
La façon dont la famille s’organise, se structure (famille traditionnelle, famille monoparentale,
famille homoparentale, famille recomposée, etc.), n’est en rien responsable de la délinquance des
jeunes.
Par contre, la façon dont la famille fonctionne et existe, dans un environnement à problème, peut
être prédictives de problèmes chez les jeunes. La supervision, la déscolarisation et le contexte
environnemental sont des facteurs importants de prédiction dans la marginalisation des jeunes et
de ses conséquences.
1 IEP Grenoble, « La structure familiale n’explique pas la délinquance des jeunes »!, Dossier d’étude de la CNAF, numéro 102
Une famille, ça sert à quoi ?
Si on sait forcément ce qu’est une famille, sait-on vraiment à quoi elle sert ? Il y a, certes, la
fonction de reproduction. Mais une fois que le petit est « fabriqué », il faut lui permettre de se
construire en tant que personne. Voilà la grande mission de la famille : offrir au petit, en son
sein, une sécurité de base grâce à laquelle il pourra se construire une image de lui suffisamment
rassurante lui permettant de s’engager dans la découverte du monde et des autres, sans craindre la
différence.
La construction de l’humain au cœur même de la famille
Si la famille n’est pas à la base de la structuration de la société, elle a un rôle majeur à jouer dans
la construction de l’humain : elle est chargée, par la société, de construire des « petits d’hommes »,
à la fois « humains », comme tous les autres, mais aussi « uniques », différents les uns des autres !
Traditionnellement, dans notre société occidentale, il n’y a pas de conception et de procréation
sans que l’union de deux êtres différents (un homme et une femme) fasse que… « Deux
différents » vont construire… « Un bébé nouveau venu ». C’est à partir de la différence des sexes
que notre société a pensé pendant très longtemps la construction de l’humain, dès la conception.
Un homme et une femme, de sexe différent, vont construire un « petit d’homme » !
Pour de nombreuses sociétés, dites traditionnelles, la question de savoir comment un bébé,
garçon ou fille, ne peut être résolue uniquement par la différence des sexes. Il faut également une
intervention divine ou celle des ancêtres. Par exemple, chez les Inuits, un enfant, même s’il nait
garçon, pourra être nomet éduqué comme une fille, puisqu’il est la réincarnation d’un ancêtre
féminin.
Mais sommes-nous si loin de cette pensée qui fait intervenir d’autres facteurs que la biologie dans
la naissance et dans la famille ? Car après tout, Jésus est né de la vierge Marie, mais sans
l’intervention de Joseph. Et Sarah, femme d’Abraham, a 90 ans quand elle met au monde Isaac.
Pourtant, Joseph est bien le père de Jésus, et il fait famille avec Marie, tout comme Abraham et
Sarah font famille.
Ensuite, une fois le bébé présent, il n’y a pas de naissance d’un individu, sans la rupture du lien
symbiotique qui différencie les uns, des autres. Si, au départ, existe un bébé à protéger et à élever,
il va falloir, petit à petit, construire un être humain, homme ou femme. Toute société organise ce
trajet qui inscrit l’identité et la différenciation dans la construction du « petit d’homme », par des
rites et des rituels culturellement déterminés.
Toutes les sociétés du monde s’organisent pour répondre à ce besoin, mais elles le font
différemment en organisant leur espace familial et social. Dans notre société occidentale, les
croyances religieuses nous ont longtemps accompagnées sur ce terrain ! Mais, au fond, la Bible
nous dit elle pas que ce qui fait famille, ce n’est pas tant le père et la mère biologique
que…«l’esprit de famille » ?
La parenté est sociale, plus que biologique, le cadre culturel et familial doit permettre de répondre
à cette mission de construction de l’humain, au-delà de la biologie. C’est d’ailleurs comme cela
que l’adoption pose le rôle et la place des parents et de la famille.
Mais les temps changent et les sociétés évoluent !
1 / 16 100%

FAIRE FAMILLE 2016 Journal des EJE

Telechargé par jean-jacques Joussellin
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !