SUR UN THÉOR`EME DE CASTELNUOVO JÉRÉMY BLANC, IVAN

SUR UN TH´
EOR`
EME DE CASTELNUOVO
J´
ER´
EMY BLANC, IVAN PAN1et THIERRY VUST
R´
esum´
e. Nous poursuivons l’´etude faite par G. Castelnuovo en 1892 au su-
jet du groupe des transformations birationnelles du plan complexe qui fixent
points par points une courbe de genre >1 ; nous nous servons comme lui des
syst`emes lin´eaires adjoints de la courbe fixe.
Nous d´emontrons que ces groupes sont ab´eliens, et qu’ils sont soit finis,
d’ordre 2 ou 3, soit conjugu´es `a un sous-groupe du groupe de de Jonqui`eres.
Nous montrons ´egalement que ces r´esultats ne se g´en´eralisent pas aux courbes
de genre 1.
Mots-cl´
es. transformations de Cremona, transformations birationnelles, courbes
fixes, courbes de genre sup´erieur, syst`emes lin´eaires adjoints, transformations
de de Jonqui`eres.
Abstract. We continue the study of G. Castelnuovo on the group of birational
transformation of the complex plane that fix each point of a curve of genus
>1 ; we use adjoint linear system of the curve as Castelnuovo does.
We prove that these groups are abelian, and that these are either finite, of
order 2 or 3, or conjuguate to a subgroup of the de Jonqui`eres group. We show
also that these results do not generalise to curves of genus 1.
Keywords. Cremona transformations, birational transformations, fixed curves,
curves of big genus, adjoint linear system, de Jonqui`eres transformations.
Mathematical subject classification. 14E07, 14J26, 14H50.
1. Introduction
On d´esigne par P2=P2
Cle plan projectif sur le corps Cdes nombres com-
plexes ; une transformation de Cremona de P2est une application birationnelle
P2//___ P2et on dit qu’une telle transformation est de de Jonqui`eres si elle
pr´eserve un pinceau de droites. L’ensemble des transformations de Cremona forme
un groupe, appel´e groupe de Cremona.
L’origine de ce travail est l’envie de comprendre le tr`es beau th´eor`eme de G.
Castelnuovo [Cas] :
Se una transformazione Cremoniana fra due piani sovrapposti muta in s`e stesso
ciascun punto di una curva irreduttibile C di genere superiore ad 1, la transforma-
zione o `e riduttibile al tipo Jonqui`eres, oppure `e ciclica di 2,3o4grado2.
Il affirme en particulier : une transformation de Cremona d’ordre infini qui fixe
points par points une courbe irr´eductible de genre (g´eom´etrique) >1 est conjugu´ee
1Partiellement soutenu par le CNPq-Brasil et la Section de Math´ematiques de l’Universit´e de
Gen`eve
2Traduction litt´erale : Si une transformation Cremonienne entre deux plans superpos´es envoie
sur eux-mˆemes chaque point d’une courbe irr´eductible Cde genre sup´erieur `a 1, la transformation
ou bien est r´eductible au type Jonqui`eres, ou alors est cyclique du 2,3ou 4degr´e.
1
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`a une transformation de de Jonqui`eres. C’est ce r´esultat qui est peut-ˆetre le plus
ineressant puisque on n’a que peu de prise sur les transformations d’ordre infini.
Dans cette note nous d´emontrons une version un peu plus pr´ecise du th´eor`eme
de Castelnuovo :
Th´eor`eme 1.1. Soit F:P2//___ P2une transformation de Cremona diff´erente
de l’identit´e qui fixe points par points une courbe irr´eductible de genre >1. Alors
Fest conjugu´ee `a une transformation de de Jonqui`eres ou bien Fest d’ordre 2 ou
3. De plus, dans le premier cas, si Fest d’ordre fini, c’est une involution.
Rappelons les exemples suivants.
Exemples 1.2.([Hud], [God], [Coo], [SeRo], [BaBe], [dFe], [Bla1])
a) Les involutions de Geiser fixent une courbe non hyperelliptique de genre 3.
b) Les involutions de Bertini fixent une courbe non hyperelliptique de genre 4 `a
mod`ele lisse sur un cˆone quadratique.
c) Les involutions de de Jonqui`eres fixent une courbe hyperelliptique.
Exemple 1.3.([dFe], [DoIs], [Bla1]). Dans l’espace projectif `a poids P(3,1,1,2)
consid´erons une surface lisse Sd’´equation w2=z3+F6(x, y) o`u F6est homog`ene
de degr´e 6 : c’est un type particulier de surfaces de Del Pezzo de degr´e 1. La
restriction de (w:x:y:z)7→ (w:x:y:ωz), o`u ω6= 1 est une racine cubique de
l’unit´e, d´efinit un automorphisme de Sd’ordre 3 dont l’ensemble des points fixes
contient une courbe irr´eductible de genre 2.
Voici encore un autre type d’exemple.
Exemple 1.4.Soit hC[x] un polynˆome de degr´e 2g+ 2 sans racines multiples.
Notons Jhle tore de PGL(2,C(x)) image du sous-groupe
Th:= na1ha2
a2a1:aiC(x), a2
1ha2
26= 0o
de GL(2,C(x)).
Alors, pour tout ATh, en d´esignant par al’image de Adans Jh, l’application
rationnelle Fa:C2//___ C2d´efinie par
(x, y)7→ x, a1y+ha2
a2y+a1
est de de Jonqui`eres et laisse fixe la courbe hyperelliptique Cd’´equation (y2=
h(x)). Lorsque a1= 0, on retrouve l’exemple 1.2c).
On observe que Thest isomorphe au groupe multiplicatif C(C)du corps C(C)
des fonctions rationnelles sur Cet donc que Jhest isomorphe `a C(C)/C(x).
En fait, les exemples 1.2, 1.3 et 1.4 d´ecrivent tous les types de transformations
´etudi´ees par Castelnuovo, et ceci mˆeme lorsqu’on ´etend la recherche `a des sous-
groupes du groupe de Cremona, comme l’´enonce le th´eor`eme 1.5 ci-dessous.
Si pP2, on d´esigne par Jonp(P2) le groupe des transformations de de Jonqui`eres
en p, c’est-`a-dire celles qui stabilisent le pinceau des droites par p.´
Evidemment, si
qP2, le groupe Jonq(P2) est conjugu´e `a Jonp(P2) dans le groupe de Cremona ;
pour all´eger on ´ecrira Jon(P2).
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Th´eor`eme 1.5. Soit M6={id}un sous-groupe du groupe de Cremona de P2;
supposons qu’il existe une courbe irr´eductible Cde genre >1qui est laiss´ee fixe
points par points par tous les ´el´ements de M. Alors Mest cyclique d’ordre 2 ou
3 engendr´e par l’une des transformations des exemples 1.2, 1.3, ou bien Mest
conjugu´e `a un sous-groupe de Jh(exemple 1.4) ; en particulier si Mest infini, C
est hyperelliptique et Mest ab´elien conjugu´e `a un sous-groupe de Jon(P2).
Notre d´emarche suit exactement celle de Castelnuovo qui consiste `a montrer
qu’il existe un pinceau de courbes rationnelles ou elliptiques qui est laiss´e fixe par
la transformation Fdans l’´enonc´e du th´eor`eme 1.1 (resp. par toute µMdans 1.5).
Ce pinceau est obtenu en construisant les syst`emes lin´eaires adjoints successifs de
la courbe de points fixes de F. Cette m´ethode est ´egalement d´ecrite dans les livres
de L. Godeaux [God, chap. VIII, §2]3et de J. L. Coolidge [Coo, Book IV, chap.
VII, §3, Thm. 14]4
Lorsque Mest fini, l’existence de ce pinceau se d´emontre aussi avec des m´ethodes
plus modernes. En effet, pour commencer on observe qu’il existe une surface ra-
tionnelle lisse Set une application birationnelle ϕ:S//___ P2telle que ϕ1µϕ
est un automorphisme bir´egulier de S, ceci pour tout µM([dFE], [DoIs]). On
peut donc supposer que Mest un sous-groupe d’automorphismes de Set de plus
qu’on se trouve dans l’une des situations suivantes ([Isk], [DoIs]) :
1) il existe un fibr´e en coniques π:SP1et un homomorphisme
MAut(P1), µ 7→ µ
tel que πµ=µπ;
2) Sest une surface de Del Pezzo.
Dans le premier cas, puisque Mfixe une courbe Cde genre 1, on a µ=id
pour tout µM: autrement dit Mfixe un pinceau de courbes rationnelles.
Dans le second cas, consid´erons l’application rationnelle anticanonique
γ:S//___ | − KS|
qui est ´equivariante. Puisque aucun ´el´ement du syst`eme anticanonique ne peut
contenir C(voir lemme 2.16), la courbe γ(C) engendre |KS|et par cons´equent M
op`ere trivialement au but (i.e. , d’o`u l’existence d’un pinceau de courbes elliptiques
laiss´e fixe par M.
Par contre, si Mest infini, la m´ethode des “adjoints successifs” reste d’actualit´e.
Finalement, nous d´emontrerons `a la derni`ere section (Proposition 4.1) que les
th´eor`emes 1.1 et 1.5 ne se g´en´eralisent pas aux courbes rationnelles ou elliptiques
(de genre 0 ou 1). Pour une ´etude plus approfondie du cas des courbes elliptiques
(fait avec d’autres m´ethodes, l’utilisation des adjoints ´etant impossible), voir [Bla2].
Les auteurs remercient le rapporteur pour ses remarques concernant le pr´esent
article.
3Citation du th´eor`eme de Castelnuovo selon [God] : Si une transformation birationnelle poss`ede
une courbe unie irr´eductible (ou une partie irr´eductible de la courbe unie) de genre sup´erieur
`a l’unit´e, elle peut se ramener, par une transformation birationnelle, `a une transformation de
Jonqui`eres , ou c’est une transformation cyclique de p´eriode deux, trois ou quatre.
4Citation du th´eor`eme de Castelnuovo selon [Coo] : If, in a Cremona transformation, there be
a curve of fixed points of genus greater than 1, the transformation is either equivalent to a De
Jonqui`eres transformation, or periodic with a period of two, three, four, or six.
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2. Syst`
eme adjoint
On adoptera la convention suivante : toutes les surfaces consid´er´ees sont tacite-
ment suppos´ees projectives lisses, rationnelles et connexes.
Soit Cune courbe irr´eductible contenue dans la surface Xet π:YXune
r´esolution plong´ee des singularit´es de C; notons e
Cla transform´ee stricte inverse de
Cpar π. Si h0(e
C+KY)>1, autrement dit si le syst`eme lin´eaire |e
C+KY|n’est pas
vide ni r´eduit `a un seul diviseur, on note Adj(C) le syst`eme lin´eaire π|e
C+KY|priv´e
de ses ´eventuelles composantes fixes : c’est le syst`eme adjoint de C. Ce syst`eme est
ind´ependant de la r´esolution choisie : soient en effet πi:YiX(i= 1,2) deux
r´esolutions de C; Consid´erons alors un diagramme commutatif
Y
σ1
~~}
}
}
}
}
}
}σ2
A
A
A
A
A
A
A
Y1
π1
A
A
A
A
A
A
AY2
π2
~~}
}
}
}
}
}
}
X
o`u σi(i= 1,2) sont des morphismes birationnels, et notons f
Ci,e
Cles transform´ees
strictes inverses de Cpar πiet πiσirespectivement. Soit maintenant Di∈ |f
Ci+
KYi|et supposons pour simplifier que σiest l’´eclatement d’un point Oi; alors le
transform´e total σ
iDide Diappartient `a |e
C+miEi+KYEi|o`u Eid´esigne la
fibre exceptionnelle de σiet mi∈ {0,1}la multiplicit´e de e
Cien Oi; par cons´equent
σ
iDi+ (1 mi)Ei | e
C+KY|et donc Di(σi)|e
C+KY|. En d´ecomposant σien
une succession d’´eclatements, on d´emontre ainsi que
(σi)|e
C+KY|=|e
Ci+KYi|
d’o`u r´esulte
(π1)|e
C1+KY1|= (π1σ1)|e
C+KY|
= (π2σ2)|e
C+KY|
= (π2)|e
C2+KY2|.
Insistons sur le fait que si h0(e
C+KY)1, alors le syst`eme lin´eaire adjoint de
Cn’existe pas, par d´efinition. En g´en´eral, lorsqu’on parlera de syst`eme lin´eaire, il
est sous-entendu que celui-ci contient au moins un pinceau, c’est-`a-dire un syst`eme
lin´eaire de dimension 1.
Proposition 2.1. Le syst`eme adjoint Adj(C)existe si et seulement si g(C)>1.
De plus, dans ce cas, l’intersection avec Cinduit un isomorphisme Adj(C)' |KC|.
Ici g(C) d´esigne le genre de la normalisation e
Cde Cet KCl’image par π:e
CC
d’un diviseur canonique sur e
C.
D´emonstration. Consid´erons la suite exacte
0//OY(e
C)//OY//Oe
C//0
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qui, apr`es tensorisation avec OY(e
C+KY) induit la suite exacte
· · · H0(Y, KY)//H0(Y, e
C+KY)//H0(e
C, K e
C)//H1(Y, KY)//· · ·
(pour simplifier les notations, dans les groupes de cohomologie nous identifions
les diviseurs `a leurs faisceaux associ´es). Puisque Yest rationnelle les deux termes
extrˆemes sont r´eduits `a {0}, d’o`u le r´esultat.
Exemple 2.2.Soit CP2une courbe irr´eductible de degr´e d, avec des singularit´es
p1, . . . , p`, de multiplicit´es m1, . . . , m`2 respectivement (`0). Supposons que
g(C)2 ; observons qu’alors dest au moins ´egal `a 4.
a) Si toutes les singularit´es p1, . . . , p`sont ordinaires, une r´esolution plong´ee des
singularit´es de Cest obtenue en prenant pour π:YP2l’´eclatement de p1, . . . , p`
dans P2. Alors Adj(C) est le syst`eme lin´eaire
π|(d3)L
`
X
i=1
(mi1)Ei|
priv´e de ses composantes fixes, o`u Lesigne l’image inverse par πd’une droite
g´en´erale et Eiest la courbe exceptionnelle au dessus de pi. C’est le syst`eme lin´eaire
des courbes de degr´e d3 qui passent par piavec multiplicit´e mi1 (i= 1, . . . , `),
priv´e de ses composantes fixes.
b) Supposons que Cposs`ede des singularit´es non ordinaires. Toute r´esolution
plong´ee πde Cse factorise `a travers l’´eclatement de p1, . . . , p`dans P2, mais elle
peut ˆetre diff´erente de celui-ci. N´eanmoins, si la r´esolution est minimale, Adj(C)
est un syst`eme lin´eaire de la forme
π(d3)L
`
X
i=1
(mi1)EiXaij Fij
priv´e de ses composantes fixes, o`u Fij est un diviseur effectif contract´e par πsur pi
et aij >0.
Remarque 2.3.Comme il suit de l’exemple pr´ec´edent, lorsque Cest une courbe
plane, le degr´e des ´el´ements de Adj(C) est deg(C)3.
Exemple 2.4.a) Soit C=Cg+2 P2une courbe g´en´erale de degr´e g+ 2 2 avec
un point singulier ordinaire pde multiplicit´e g(donc g(C) = g). Si g1 le syst`eme
Adj(C) n’existe pas et si g2, il est constitu´e de (g1) droites passant par p.
b) Si CP2est une sextique avec deux points triples ordinaires pet q, alors,
Adj(C) est obtenu `a partir du syst`eme des cubiques avec point double en pet qen
suprimant la droite pq qui est une composante fixe : ainsi Adj(C) est le syst`eme
lin´eaire des coniques passant par pet q.
c) Le syst`eme lin´eaire Ddes cubiques planes passant par un ensemble Ide 7
points en position g´en´erale d´efinit une application rationnelle γ:P2//___ P2de
degr´e 2, l’involution correspondante σ´etant une involution de Geiser. Consid´erons
l’´eclatement π:XP2de I: alors σ0:= π1σπ est un automorphisme de X
(c.f. [BaBe]). Puisque le groupe des classes de diviseurs sur Xinvariants par σ0est
engendr´e par KX, la courbe Cdes points fixes de σest de degr´e 3davec multiplicit´e
den les points de I. Par ailleurs, la restriction de γ`a un membre g´en´eral Dde D
est un revˆetement double DP1ramifi´e en 4 points puisque g(D) = 1. Ainsi
l’intersection libre de Cet Dest constitu´ee de 4 points, d’o`u aussitˆot d= 2 : la
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