AU-DELÀ DE LA PLEINE CONSCIENCE APPROCHE DIRECTE DE LA PAIX, DU BONHEUR ET DE L’AMOUR DURABLES STEPHAN BODIAN Titre anglais : Beyond mindfulness – The direct approach to lasting peace, happiness and love Stephan Bodian entraîne le lecteur dans l’expérience directe de son sujet : le terrain paisible et libérateur de la Conscience au sein de laquelle les expériences se succèdent. Sa propre profondeur de vue et de cœur transparaît à chaque page, où il propose des descriptions claires de sujets subtils, des suggestions pratiques et des pratiques concrètes. Ce livre est un véritable trésor." - Rick Hanson, PhD, auteur du ‘’Cerveau du Bouddha’’ et du ‘’Cerveau du bonheur’’ "Ce livre provocateur et profond met en lumière la manière dont la pratique de la méditation peut réifier le pratiquant – à savoir, le moi attentif. Avec beaucoup de lucidité et de minutie, l'auteur, Stephan Bodian, présente des approches provenant des traditions de sagesse non duelle, qui nous permettent de nous détendre et de réaliser l'indivisible et radieuse Conscience, qui est déjà et toujours ici." - Tara Brach, PhD, autrice de ‘’L’acceptation radicale’’ et de ‘’Trouver le véritable refuge’’ "Stephan Bodian nous emmène au-delà des simples mots, des idées et des fabrications du mental, au cœur même du sujet. Je recommande chaleureusement cet excellent livre." - Lama Surya Das, auteur des best-sellers ‘’Eveillez le Bouddha qui est en vous’’ et ‘’Eveillez votre spiritualité’’ 2 SOMMAIRE Avant-propos 4 Introduction 6 Chapitre 1 : Les limites de la pleine conscience 10 Chapitre 2 : Des bourriques ! 23 Chapitre 3 : Le remède ultime 34 Chapitre 4 : Lorsque la conscience s’éveille à elle-même 48 Chapitre 5 : Pratiquer l’approche directe 60 Chapitre 6 : La Conscience éveillée dans la vie quotidienne 74 Chapitre 7 : La tête dans la gueule du démon 88 Epilogue 104 A propos de l’auteur 106 3 AVANT-PROPOS Il peut être compliqué d'imaginer ce qui transcende les pratiques et les enseignements de la pleine conscience, étant donné leur caractère clairement bénéfique et omniprésent. Ne suffit-il pas de porter une attention ouverte, sans jugement et curieuse à notre expérience présente et de cultiver la bienveillance ? Oui, pour certains. Mais pour d'autres, qu'ils soient pratiquants de longue date ou débutants, il se peut qu'ils sentent qu'il existe une voie plus directe vers la liberté, l'amour et le bonheur. Si vous êtes l'un de ces lecteurs, vous avez trouvé un livre superbe et un guide digne de ce nom. Stephan Bodian, un ami et collègue très cher rencontré lors d'une retraite à la fin des années 1980, a suivi rigoureusement la voie de la pleine conscience en tant que pratiquant et prêtre zen. Il a ensuite étudié avec des maîtres spirituels non duels issus des traditions du bouddhisme tibétain et de l'Advaita Vedanta, dont notre maître commun, Jean Klein, puis il est devenu psychothérapeute agréé. Grâce à ce parcours riche et varié, il offre ce qui est peut-être une première en son genre : une critique de la méditation et des enseignements de la pleine conscience par un initié, à la fois appréciative et stimulante. Plus important encore, il fait éloquemment ressortir la Conscience éveillée inhérente qui sous-tend la pratique de la pleine conscience - l'enseignement phare de ce livre. Il y a beaucoup de choses à apprécier dans les enseignements et les pratiques de la pleine conscience. Pour beaucoup, ils ont été leur première introduction à la méditation et au dharma - un portail vers leurs profondeurs intérieures et vers une vérité plus profonde. La pleine conscience développe une relation plus spacieuse avec les pensées et les sentiments, réduit l'anxiété et la dépression et améliore la concentration et l'ouverture d'esprit. Dans certains cas, elle a conduit des personnes à réaliser leur véritable nature. Cependant, elle peut facilement vous faire chercher à vous améliorer. Après tout, nous pouvons toujours être plus attentifs, n'est-ce pas ? Cette tendance à vouloir nous "améliorer" présente un énorme piège potentiel. Nous pouvons facilement rester dans un état subtil de manque plutôt que de reconnaître notre plénitude intrinsèque. Il s'avère que les qualités essentielles que les pratiquants de la pleine conscience essaient de cultiver délibérément, comme la sagesse et la compassion, sont des sous-produits spontanés de l'éveil à notre véritable nature. L'auto-investigation profonde est comme le 4 processus de découverte d'une Source pure. Au terme d'une enquête minutieuse, la distinction entre soi et les autres s'atténue et se dissout. Il en ressort naturellement la clarté, l'amour et une Conscience profondément éveillée et lumineuse. De prime abord, on peut avoir l'impression de n'être personne - d'être indéfini et non délimité - un espace infiniment ouvert et libre. Avec le temps, on découvre également que l’on n’est séparé de rien, ni de personne. Cette prise de conscience va bien au-delà de la constatation que nous sommes interconnectés à un niveau phénoménal, c'est-à-dire que nous faisons partie d'un Tout plus grand. Il s'agit plutôt de l'intuition que le voyant et le vu, le connaisseur et le connu, ne sont pas deux. Nous nous expérimentons comme étant la pure lumière de la Conscience, la source et la substance de tous les phénomènes. C'est là le fruit de la sagesse du cœur. Bien sûr, il faut du temps pour que cette compréhension se transfère au corpsmental conditionné. Quand nous nous éveillons de la transe du moi séparé, nous accueillons naturellement ce qui est - la vie telle qu'elle apparaît - et nous trouvons des moyens de répondre de manière créative qui coupent le cycle de la réactivité. Ce changement affecte à la fois notre conditionnement psychologique résiduel et nos réponses aux événements et aux personnes de notre vie quotidienne. Alors qu'auparavant nous abordions nos pensées et nos sentiments gênants comme quelque chose à changer ou à éliminer (une autre forme de réaction), nous y faisons face honnêtement et nous les accueillons innocemment, comme ils sont, à la lumière de la Conscience. Que se passe-t-il, quand vous vous sentez pleinement considéré et accepté ? Nos parties et nos schémas rejetés réagissent de la même façon. Quand nous découvrons notre liberté intérieure, nous l'offrons naturellement aux autres. Il en va de même pour l'acceptation et l'amour. Le bonheur et la paix se propagent sans effort, comme une bénédiction spontanée inconsciente. Profitez des propos éclairants d’Au-delà la Pleine Conscience et du Silence, d'où ils émanent. Grâce aux judicieux conseils de Stephan, puissiez-vous reconnaître et incarner plus pleinement votre véritable nature. - John J. Prendergast, Ph.D., auteur de In Touch : How to Tune In to the Inner Guidance of Your Body and Trust Yourself 5 INTRODUCTION Pendant de nombreuses années, j'ai pratiqué la méditation de pleine conscience en tant que moine bouddhiste. Chaque jour, pendant des heures, je prêtais une attention particulière au va-et-vient de ma respiration et aux sensations de mon corps pendant que je méditais. Je suis devenu habile à remarquer les pensées et les sentiments au fur et à mesure qu'ils se manifestaient, et je me suis senti plus calme, plus spacieux et plus détaché du drame que semblait être ma vie. Avec le temps, mon anxiété coutumière a diminué, et un sentiment d'aisance et de contentement m'a gagné. Mes relations se sont améliorées, mon esprit s'est calmé et ma concentration s'est approfondie. Au lieu de m'inquiéter pour l'avenir ou d'être obsédé par le passé, je vivais de plus en plus dans l'instant présent, en me concentrant sur l'accomplissement de la tâche suivante avec autant de soin et de conscience que possible. D'un intellectuel nerveux, je suis devenu un modèle de patience, de stabilité et d’équanimité. J'étais une personne complètement différente. Néanmoins, après avoir passé des années à suivre attentivement ma respiration, à étudier les subtilités de la méditation avec d'excellents maîtres et à enseigner moi-même la pleine conscience, j'ai atteint ce qui me semblait être les limites de la pleine conscience. J'étais certainement devenu plus calme et moins réactif, mais je me sentais aussi plus dissocié de la vie, comme si je la vivais à distance, au lieu d'être plongé dans l'immédiateté du moment. Mes méditations étaient indiscutablement plus concentrées et exemptes de bavardage mental, mais elles semblaient en quelque sorte sèches et manquer de vitalité et d'énergie. Quand j'ai décrit mon expérience à mon maître zen, il m'a simplement dit de méditer davantage. Après mûre réflexion, j'ai décidé de ranger mes robes bouddhistes et mon coussin de méditation pour aller étudier la psychologie occidentale. Je savais qu'il existait d'autres façons de travailler avec l'esprit et le cœur, et je voulais apprendre ce qu’elles avaient à offrir. Plusieurs années plus tard, après avoir essayé d'autres formes de méditation bouddhiste, un ami m'a présenté un maître de sagesse non duelle, extérieur à la tradition bouddhiste, qui m'a conseillé d'arrêter de pratiquer la pleine conscience et de m'interroger directement sur la nature de la réalité. J'ai été intrigué par ses paroles et par le silence profond que j'ai ressenti en sa présence, et j'ai entrepris de suivre ses conseils. Un jour, alors que je conduisais sur l'autoroute, une phrase qu'il avait souvent répétée — "le chercheur est le 6 cherché" — flottait dans ma conscience, et subitement, ma réalité s'est transformée. Au lieu de m'identifier au petit moi dans ma tête, j'ai réalisé que j'étais la Conscience illimitée, inconditionnelle et toujours éveillée, au sein de laquelle les pensées et les sentiments pour lesquels je m'étais pris abusivement se manifestaient et disparaissaient. En dépit du fait que je ne méditais plus, j'étais tombé sur l'expérience que j'avais recherchée pendant tant d'années par le biais de la méditation. Mes années de pratique avaient-elles contribué à ce moment de réussite ? Je n'en doute pas, mais la méditation seule s'était avérée insuffisante pour révéler le secret que je m'efforçais de découvrir. Ce livre reflète mon propre parcours de recherche et de découverte, et il s'appuie sur mes nombreuses années passées à guider les autres dans la découverte de ce qui ne peut pas vraiment être enseigné, mais seulement évoqué et réalisé. Bien que j'aie trouvé la pleine conscience extrêmement utile pour vivre le moment présent et pour apaiser mon mental et mon cœur turbulents, j'ai finalement dû aller au-delà pour découvrir la paix, l'amour et le bonheur que je recherchais. Le titre se veut provocateur, mais il ne diminue en rien les bénéfices exceptionnels que confère la pleine conscience. Pour les débutants en méditation, je recommande toujours de cultiver une pratique de la méditation de pleine conscience, comme le moyen le plus efficace de gérer le stress, l'anxiété, la dépression, le chagrin, la colère et d'autres émotions et états d'esprit difficiles, de percevoir les causes de la souffrance et d'atteindre une paix et une équanimité relatives. Mais pour diverses raisons dont je discute longuement dans ce livre, il est possible que la plénitude durable vous échappe, à moins que vous n'alliez au-delà de la pleine conscience pour reposer dans ce que j'appelle la Conscience éveillée. Parmi les enseignants de la pleine conscience les plus connus en Occident, beaucoup apprécient cette perspective. Influencés par les maîtres non duels et les enseignements de la tradition bouddhiste et d'autres traditions, ils mettent en garde contre une pratique instrumentale de la pleine conscience, c'est-à-dire une méthode visant juste à atteindre un état futur plus désirable. Au lieu de cela, ils mettent en avant une perspective non instrumentale, où la pleine conscience vous ouvre à une dimension de sagesse intérieure que vous possédez déjà, mais à laquelle vous devez simplement accéder. Certains utilisent même les termes "pleine conscience", comme synonyme de la Conscience elle-même. Ils enseignent que la pratique 7 de la pleine conscience vous conduit finalement au-delà de la pleine conscience au sens conventionnel du terme, jusqu'à la réalisation de la Conscience éveillée. Pour la plupart, néanmoins, ces enseignants ne formulent aucune critique de la pleine conscience. Et ils ne proposent pas l'approche plus directe que je décris dans ce livre. COMMENT UTILISER CE LIVRE J'ai structuré ce livre de manière à refléter les retraites que je dirige : chaque chapitre comprend des enseignements, des méditations guidées et un dialogue. Les enseignements utilisent des mots pour indiquer au-delà des mots notre état naturel de Conscience éveillée. Les méditations, qui sont intercalées tout au long du chapitre, vous invitent à dépasser votre esprit conditionné pour faire l'expérience d'un aperçu direct de la Conscience éveillée par vous-même. Et les sections questions-réponses, qui sont placées à la fin de chaque chapitre, abordent les sujets qui nécessitent un approfondissement. Si vous voulez bénéficier au maximum du temps que vous passez dans ces pages, je vous suggère de résister à la tendance habituelle à accumuler de nouvelles idées et de nouveaux concepts et de laisser au contraire les mots contourner votre esprit conceptuel, tout en laissant s'épanouir une véritable intuition. Immergez-vous dans les enseignements, arrêtez-vous de temps en temps pour pratiquer les méditations, et tournez-vous vers les dialogues pour obtenir des réponses à certaines des questions qui peuvent se poser en cours de lecture. Puisse la vérité qui est décrite dans ces pages prendre vie pour vous, et puisse ce livre vous guider sur la voie directe du retour à la paix et au bonheur de la Conscience éveillée. QUELQUES REMARQUES SUR LA PLEINE CONSCIENCE Dans le cadre de ce livre, j'ai choisi de critiquer la forme progressive de la pleine conscience, qui est largement pratiquée de nos jours dans les milieux laïques et dans de nombreux centres de retraite du monde entier, et de l'opposer à l'approche directe décrite dans ces pages. Mais pour certains enseignants, la pratique délibérée de la pleine conscience est un tremplin naturel vers un niveau de conscience plus spontané, sans effort et automatique, qui est essentiellement identique à celui que je présente dans ce livre. Finalement, la pleine 8 conscience elle-même, lorsqu'elle est pratiquée sous la direction d'un maître qui connaît la voie directe pour rentrer chez soi, peut vous amener au-delà de la pleine conscience jusqu'à votre état naturel de Conscience éveillée. 9 CHAPITRE 1 : LES LIMITES DE LA PLEINE CONSCIENCE Une fois que vous reconnaissez le soleil radieux de la Conscience éveillée, la pratique de la pleine conscience peut ressembler à l'utilisation d'une lampe de poche en plein midi dans l'espoir de rendre les choses plus claires. Dans le contexte dans lequel je l'ai apprise et pratiquée, la pleine conscience a toujours été un tremplin, et non une fin en soi : une méthode habile pour aller au-delà de la pleine conscience et reconnaître le fondement d'où elle émane. Selon cette tradition - qui peut prendre plusieurs formes différentes, mais qui, dans mon cas, s'est exprimée dans le cadre du bouddhisme zen - la pleine conscience est un portail vers une Conscience plus profonde et permanente qui ne peut ni être produite, ni être pratiquée. Cette Conscience plus profonde opère toujours, que nous le sachions ou non. En fait, il s'agit de notre état naturel de Présence spontanée, sans laquelle il n'y aurait pas d'expérience du tout. Au lieu de la cultiver comme un talent ou de la renforcer comme un muscle, nous devons simplement la reconnaître et y revenir. Dans ce contexte, la pleine conscience n'est pas conçue pour maximiser les performances, améliorer la santé, remonter le moral ou conférer tout autre avantage que les études scientifiques des dernières décennies ont identifié. Même le bonheur relatif et d'autres émotions positives, qui sont un résultat inévitable de la pratique régulière de la pleine conscience, que les enseignements traditionnels reconnaissent et estiment, sont euxmêmes considérés comme un moyen d'atteindre une fin absolument plus satisfaisante : la reconnaissance de notre vraie nature et la libération de la souffrance, les autres bénéfices n'étant que de simples effets secondaires, des bonus sur la voie de la réalisation du Soi. L'attention portée à l'apparition et à la disparition de l'expérience peut donner lieu à un aperçu pénétrant de la nature impermanente et insubstantielle du monde dit matériel et de la collection de pensées, de sentiments, de souvenirs et d'images que nous prenons pour un moi distinct. Dans certaines approches de la pleine conscience, cet aperçu n'est généralement obtenu qu'après des années de pratique concentrée de la méditation, mais il existe une approche plus immédiate qui cible directement ce niveau plus profond et invite à une reconnaissance instantanée, au-delà du mental. Cette approche plus directe du 10 bonheur durable et de la paix mentale est la spécificité de ce livre. La pleine conscience peut préparer le terrain, mais à un moment donné, il est nécessaire d’aller au-delà. LA PLEINE CONSCIENCE EN OCCIDENT Telle qu'elle est actuellement pratiquée en Occident, la pleine conscience provient essentiellement de la tradition bouddhiste theravada d'Asie du sud-est. À l'origine, le terme pali sati (généralement traduit par "pleine conscience") comprenait le sens de se souvenir (être présent) et de distinguer les états mentaux et émotionnels désirables et indésirables, une connotation qu'il conserve dans de nombreuses traditions. La pleine conscience en tant qu'"attention nue, sans jugement, à l'expérience du moment présent", qui est enseignée dans les retraites vipassana, les cours de diminution du stress par la pleine conscience (MBSR) et la plupart des formations profanes à la pleine conscience, de nos jours, est devenue l'approche principale en Occident grâce à l'influence de plusieurs maîtres bouddhistes et des enseignants occidentaux de leur lignée, qui l'ont ramenée d'Asie au milieu des années 1970. À peu près à la même époque, le moine bouddhiste zen vietnamien et candidat au prix Nobel de la paix, Thich Nhat Hanh, entreprit d’enseigner une approche similaire de la pleine conscience en Europe et aux États-Unis. Même si ces approches diffèrent légèrement, elles ont en commun de vouloir mettre l'accent sur la pratique et la culture de certains états d'esprit afin de devenir plus sage et plus compatissant et, dans les versions profanes, de réduire le stress, améliorer la santé, soulager la dépression, maximiser les performances et obtenir les autres avantages de la pratique de la pleine conscience. Les enseignements directs qui sont présentés dans ce livre adoptent une approche différente : vous êtes déjà l'amour, la compassion, la plénitude, la santé et le bonheur que vous recherchez — vous n'avez pas besoin de vous entraîner pour devenir cela ; il vous suffit de le reconnaître et de l'être. Bien sûr, c'est plus facile à dire qu'à faire, et je consacre les chapitres suivants à vous guider dans ce retour direct vers ce que vous avez toujours été. Mais l'approche directe est sensiblement différente de la voie progressive généralement enseignée dans la tradition de la pleine conscience et a un effet très différent. 11 La différence entre les approches directe et progressive peut se résumer à la façon dont elles comprennent la conscience. Pour les traditions de la pleine conscience, la conscience est généralement considérée comme un moyen d'arriver à une fin, une faculté que l'on apprend à cultiver pour atteindre un état d'esprit plus calme, plus compatissant, plus concentré - et finalement pour développer une vision de la nature impermanente et insubstantielle de la réalité. Pour l'approche directe, qui peut être enseignée en conjonction ou en complément de la pleine conscience, la Conscience n'est pas seulement une fonction ou une faculté, c'est la fin de toute recherche, car c'est ce que vous êtes, et ce qu'est la réalité, fondamentalement. Quand la conscience s'éveille à elle-même, par votre intermédiaire, en tant que nature essentielle de l'Être même, vous êtes parvenu à l'aboutissement de votre recherche et vous demeurez en tant que Conscience éveillée. La faculté de la pleine conscience, comme rappel de ce que vous êtes peut continuer à opérer, mais non pas comme une pratique que vous faites, mais comme un retour à soi spontané. Soyez simplement ce que vous êtes déjà - voilà ce que préconise l'approche directe. La pratique de la pleine conscience n'est pas un prérequis. Tout ce dont vous avez besoin, c'est d'une saine curiosité et de la volonté de découvrir la vérité par vous-même. LES BIENFAITS DE LA PLEINE CONSCIENCE De nos jours, la pleine conscience est vendue comme un remède efficace contre le stress et le malaise qui accablent les citoyens de l'ère numérique. Et ce n'est pas sans raison : de nombreuses études démontrent que la pratique régulière de la pleine conscience peut enrichir notre vie d'innombrables façons. A côté des aspects subjectifs les plus évidents, comme une plus grande joie de vivre, des relations plus harmonieuses, une réduction du stress et de l'anxiété et un soulagement de la dépression, la recherche démontre qu’elle modifie le cerveau de manière positive. Il suffit de prêter régulièrement attention à votre expérience sans la juger pour que votre vie s'améliore complètement. L'effet le plus significatif et le plus profond de la pratique de la pleine conscience, qui ne peut pas être mesuré par les EEG, ni par les IRMf, est peut-être la tendance croissante à voir vos pensées et vos sentiments pour ce qu'ils sont et à ne plus les prendre au sérieux ou personnellement. D'ordinaire, nous sommes complètement séduits et captivés par nos 12 pensées et par nos sentiments, et nous les confondons avec la réalité ; avec la pleine conscience, vous apprenez à développer un certain espace ou une certaine distance saine par rapport à eux. Ce léger espace vous permet d'être présent aux idées, aux images, aux fantasmes, aux souvenirs et aux émotions qui traversent votre conscience avant d'y répondre, plutôt que de vous laisser immédiatement emporter par eux et de les laisser vous contrôler. Par exemple, un ami ou un membre de la famille vous dit quelque chose de brusque et d'inconsidéré, et votre réaction immédiate pourrait être de vous sentir choqué, blessé, honteux ou furieux. Au lieu de marquer une pause pour prendre conscience de vos sentiments et des pensées qui les accompagnent, vous pouvez vous mettre en colère et vous disputer jusqu'au bout de la nuit. Ou vous vous retirez, vous vous éloignez de l'autre personne et vous boudez, pendant que votre esprit se remplit de jugements et de critiques négatives. La pleine conscience vous permet de capter les sentiments, alors qu’ils se manifestent, sans y réagir, puis d'y réfléchir calmement avant de répondre de manière plus appropriée. Plutôt que de vous égarer dans vos sentiments, vous apprenez à développer une relation saine avec eux. Qualifiée d'intelligence émotionnelle par le psychologue Daniel Goleman, cette capacité à établir un rapport spacieux et équilibré avec vos sentiments et à les communiquer clairement sans réaction est une compétence très prisée dans les salles de réunion, les lieux de travail et les familles du monde entier. En plus de sa valeur en matière d'intelligence émotionnelle, la conscience spacieuse cultivée dans la pratique de la pleine conscience a une valeur inestimable dans d'autres domaines pratiques : elle aide les personnes souffrant de douleurs chroniques à prendre de la distance par rapport à leur douleur ; elle permet aux innovateurs et aux penseurs créatifs de sortir du cadre de la pensée habituelle ; et elle permet aux personnes souffrant de stress de prendre du recul par rapport aux situations et aux pensées difficiles et d'explorer des façons plus fructueuses de réagir. Mais même la pleine conscience a ses limites. 13 MÉDITATION : ÊTRE CONSCIENT DE LA CONSCIENCE La Conscience est au cœur de la pleine conscience et de l'approche directe. Dans cette méditation, il est possible de réfléchir la lumière de la Conscience sur elle-même, d'observer comment la Conscience opère et de réfléchir à ce qui est conscient. Trouvez un endroit calme et confortable où vous asseoir pendant une dizaine de minutes. Prenez quelques respirations profondes et permettez à votre attention de passer des pensées et des sentiments aux sensations de flux et de reflux de votre respiration. Si votre esprit s'égare dans des pensées, ramenez-le doucement à la respiration. Remarquez comment votre attention ne cesse de vagabonder et de revenir. Soyez conscient du mouvement de l'attention, lorsqu’elle passe d'une chose à l'autre, des pensées aux sentiments et aux sensations et vice-versa. En d'autres termes, soyez conscient de la Conscience elle-même. Ce faisant, vous accédez à un niveau de conscience qui est antérieur à votre conscience habituelle. Maintenant, demandez-vous : si je suis celui qui est conscient de mes pensées, qui est celui qui est conscient du mouvement de la Conscience ? En étant conscient de la pensée, ne suis-je pas totalement extérieur au processus de pensée lui-même ? Puis-je localiser celui qui est conscient ? Penchez-vous simplement sur cette question et voyez ce qui en ressort. LES LIMITES DE LA PLEINE CONSCIENCE Au début, réorienter consciemment votre attention, encore et encore, des pensées et des sentiments aux sensations de la respiration vous aide à contrecarrer une vieille habitude par une nouvelle. Habitué à faire une fixation sur les histoires, les fantasmes, les rêveries et les souvenirs qui se déroulent dans votre tête, vous vous concentrez maintenant sur l'expérience sensorielle, qui est plus immédiate et plus directement liée au moment présent. Avec le temps, ce changement d'attention vous amène à une relation plus harmonieuse avec votre corps et votre expérience corporelle ressentie, et vous entraîne à prêter attention à ce qui se passe en ce moment, plutôt qu'à votre interprétation de ce qui se passe. 14 Contrairement à la pensée, la sensation directe est un portail vers le présent, alors que la pensée vous transporte généralement vers un passé ou vers un avenir imaginaire. Avec la maturité de votre pratique, vous devenez capable d'élargir votre conscience aux sensations, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de votre corps, pour y inclure également les pensées et les sentiments, sans vous y laisser prendre. C'est la conscience spacieuse dont nous avons parlé auparavant. À un certain moment, cependant, la pratique de la pleine conscience, en tant qu'état d'esprit particulier qu’il faut s’efforcer de maintenir, peut commencer à sembler laborieuse et mécanique, et on peut se retrouver à désirer une façon plus spontanée et moins manipulatrice d'être présent. Lorsque j'étais moine, je me suis tellement focalisé sur le maintien d'une attention délibérée à mon expérience du moment présent que j'ai perdu mon aisance naturelle pour devenir une sorte d'automate de la pleine conscience. Ce n'est qu’après avoir abandonné la pleine conscience que j'ai pu découvrir une qualité de présence plus détendue et sans effort. Si bénéfiques soient-elles, les techniques ne peuvent vous amener qu'à un certain point, et l'objectif de la pleine conscience n'est pas une pleine conscience supérieure et plus concentrée, mais une plus grande ouverture, une plus grande spontanéité et une plus grande authenticité. Bouddha a comparé la technique à un radeau conçu pour vous emmener jusqu’à l'autre rive. Une fois arrivé, inutile de transporter le radeau sur votre tête, on peut le laisser sur la rive. Correctement enseignée et pratiquée, la pleine conscience peut être souple, légère, spacieuse et compatissante, ainsi que je l'ai décrit précédemment, et un bon enseignant vous guidera dans un relâchement graduel de votre effort, au moins jusqu'à un certain degré. Seul notre conditionnement axé sur la réussite tend à transformer la pratique en quelque chose d'obsessionnel. L'habitude de se focaliser sur un objectif futur et de considérer la méditation, non pas comme une opportunité d'être paisible, présent et ouvert au moment présent, mais plutôt comme une méthodologie orientée vers une tâche à accomplir pour atteindre un but lointain, est profondément ancrée dans les esprits. Cette orientation vers un objectif va à l'encontre du dessein même de la pleine conscience, qui est de vous inviter à être présent à votre expérience, sans jugement, interprétation ou programme. L'engouement croissant pour les avantages de la pleine conscience et les résultats impressionnants de la recherche risquent de transformer la pleine conscience en un nouveau programme d'amélioration personnelle, une tâche supplémentaire sur la liste 15 interminable des choses à faire, plutôt qu'en une opportunité de passer du faire et de l'accomplissement à simplement être. À un niveau plus subtil, l'accent mis sur l'application délibérée de l'attention, quoique utile au début, présente un certain nombre de pièges et de limites potentiels. Tout d'abord, elle peut renforcer progressivement une nouvelle identité d'observateur détaché. Plutôt que de faire tomber les barrières apparentes qui vous séparent des autres et du monde qui vous entoure, la pleine conscience peut effectivement les renforcer, en vous donnant le sentiment d'être un ego observateur distinct, localisé dans la tête, qui regarde attentivement son expérience et ses actions depuis une certaine hauteur. Au lieu de vous inviter à être plus intime avec la vie et les autres, la pleine conscience peut devenir une sorte de distanciation délibérée et habituelle qui vous prive de la chaleur et de la spontanéité. Comme le dit un maître zen : "Si vous êtes attentif, vous créez déjà une séparation. Lorsque vous marchez, marchez simplement. Laissez la marche se produire. Permettez à la communication, au repas, à l'assise et au travail de se produire.’’ Ce piège est subtil, et même les méditants les plus expérimentés (surtout eux, d'ailleurs) ont du mal à le reconnaître. Le mot clé ici, c'est l'ego : la Conscience spacieuse et sans fixation se transforme, en quelque sorte, en une position fixe (l'ego), qui entretient la séparation. Les personnes qui se laissent prendre à cette fixation peuvent s'identifier à leur détachement et être difficiles à atteindre, même dans les relations intimes, où elles ont tendance à se retirer de toute interaction authentique et spontanée. Pendant mes années de moine, je me sentais fier de mon statut de méditant confirmé et je me cachais derrière le détachement que j'avais cultivé pour éviter d'être vulnérable. La différence entre la Conscience spacieuse et l'observation détachée est essentielle ici, mais elle peut être difficile à discerner : la Conscience spacieuse apaise le sentiment de séparation et favorise une plus grande chaleur et une plus grande intimité avec ce qui est ; l'observation détachée crée une distance, une réserve et une aversion subtile (ou pas si subtile que ça) à l'égard de ce qui est. Associée à cette fixation sur le détachement, il y a la tendance à utiliser la pleine conscience pour éviter ou pour réprimer activement les émotions que vous trouvez inconfortables ou menaçantes. Plutôt que d'y faire face et de les accueillir, comme la pleine conscience est censée l'encourager, vous développez un niveau de conscience concentré qui vous permet 16 de vous élever au-dessus d'elles et de les transcender, en apparence, alors qu'en fait elles continuent de bouillonner sous la surface et s'expriment finalement de manière inconsciente. Vous avez peut-être déjà rencontré des méditants de ce genre : la collègue de travail qui exsude la tristesse et le chagrin qu'elle a refoulés, et qui prétend que la pleine conscience l'a élevée au-delà de ces petites faiblesses humaines, ou l'ami proche qui prétend n’avoir aucune colère, mais qui pète parfois un câble avant d’en revenir rapidement à un calme forcé, comme si rien ne s'était passé. Lorsque j'ai finalement réalisé que la méditation ne m'aidait pas à gérer certaines émotions difficiles, j'ai quitté la vie monastique pour étudier la psychologie et explorer d'autres options. L’aptitude à manipuler l'attention, que la pleine conscience enseigne, peut devenir un moyen pour contrôler sa vie intérieure et aboutir à une forme de dérive spirituelle, c'est-à-dire à l'utilisation de techniques méditatives pour éluder des préoccupations plus quotidiennes et plus humaines. En tant que moine bouddhiste, j'ai rencontré beaucoup de personnes qui, comme moi, recouraient à la méditation comme à un refuge contre les défis de la vie, en se retirant sur leur siège de méditation, si la situation devenait ardue dans l’idée de suivre leur respiration et de calmer leur mental turbulent et leur cœur. Malheureusement, elles n'ont jamais franchi l'étape suivante, elles n'ont jamais utilisé la lucidité pénétrante que procure la méditation pour rechercher les causes profondes de leur malaise et de leur angoisse. En fait, certaines personnes deviennent dépendantes de la méditation - il est vrai qu'en matière de dépendance, il y a pire - et croient qu'elles ne peuvent pas fonctionner sans leur dose quotidienne de pleine conscience. Dès qu'elles ressentent une émotion ou un état d'esprit qu'elles trouvent inconfortable ou indésirable, elles pensent devoir y remédier en méditant. Si vous pratiquez régulièrement la méditation de pleine conscience depuis des mois et des années, vous pouvez prendre l'habitude d’activer un mode de pilotage automatique de la pleine conscience, une observation routinière qui prive la Conscience de son ouverture naturelle non conditionnée et de sa spontanéité. Utilisée ainsi, la pleine conscience ne fait que perpétuer votre dépendance à l'égard d'un état modifié qui doit être constamment maintenu, et elle ne vous permet jamais vraiment de faire l'expérience d'une paix, d'une liberté et d'une authenticité durables, qui sont après tout la promesse ultime de la pleine conscience. 17 Évidemment, lorsqu'elle est utilisée comme il se doit, la pratique régulière de la pleine conscience peut être extraordinairement utile pour voir à travers le filtre des pensées, des sentiments et des histoires qui vous séparent des autres. Mais ces pièges — la tendance à s'identifier à l'observateur séparé, distant et attentif, la tendance à faire de la méditation une tâche orientée vers un objectif, la tendance à réprimer les pensées et les sentiments difficiles pour préserver une tranquillité forcée, et la tendance à glisser dans un genre d'attention habituelle et conditionnée — peuvent être profondément ancrés et difficiles à reconnaître ou à démanteler. L’appellation même de la "pleine conscience" peut alimenter ces méprises en semblant localiser le processus dans la tête. Vous pouvez être en mesure de maintenir votre observation calme et détachée par le biais d’une vigilance constante, mais si votre énergie faiblit et si vous relâchez votre effort, la qualité de l'observation et le calme qu'elle génère commencent à faiblir également - jusqu'à ce que vous fassiez à nouveau un effort pour être attentif. PASSAGE À L’APPROCHE DIRECTE De nombreuses personnes se contentent de pratiquer régulièrement la méditation de pleine conscience et ne voient pas la nécessité d'aller plus loin en participant à des retraites, ou d'élargir ou d'approfondir leur pratique. D'autres peuvent participer à une retraite occasionnelle et devenir habiles à maintenir une conscience spacieuse, mais continuent à se sentir tout à fait à l'aise dans le cadre habituel de la pleine conscience. D'autres encore peuvent se sentir amenés à poursuivre la pleine conscience dans l’une de ses versions en tant que voie de compréhension de la nature de la réalité. Mais si vous lisez ce livre, vous faites peut-être partie de ceux qui ont atteint les limites supérieures de la pleine conscience. Peut-être vous sentez-vous coincé dans l'un de ces pièges, et peu importe vos efforts, vous ne parvenez pas à vous en libérer en utilisant les techniques de pleine conscience à votre disposition. Il est possible que vous vous sentiez comme un chien qui court après sa propre queue, en recourant à la pleine conscience pour vous libérer des pièges de la pleine conscience, mais sans jamais y parvenir. L'un de mes étudiants a décrit ainsi la situation : 18 Je méditais depuis des années et j'étais capable de rester attentivement présent pendant des heures sur mon coussin de méditation. Dans la vie de tous les jours, je me sentais lucide et calme, mais quelque peu détaché. Je ne pouvais pas vraiment ressentir ma propre vitalité, ni la chaleur de la connexion avec les autres. J'avais l'impression de me retrouver dans une impasse, et j’ignorais comment procéder. Mon instructeur m'a juste dit de continuer à méditer, mais je savais que ce n'était pas ce dont j'avais besoin. Ou bien peut-être appréciez-vous la conscience spacieuse que vous avez découverte, mais las de l'action constante et de la dépendance au maintien d'un certain état, vous vous demandez s'il n'y a pas moyen de dépasser, de transcender la pleine conscience pour atteindre un niveau de conscience plus profond, plus naturel et plus durable. Ou alors, vous pouvez connaître des moments où votre pleine conscience disparaît spontanément, où vous perdez totalement le contact avec l'observateur et où vous vous retrouvez sans effort hors de la conscience spacieuse dans une sorte de no man's land sans point de référence. Ces moments peuvent être désorientants et déstabilisants, et vous pouvez finir par chercher à retrouver votre pleine conscience. MÉDITATION : REPOSER DANS L’ESPACE Habituellement, l'esprit est rempli d'un flux ininterrompu de pensées et de sentiments qui peuvent paraître écrasants ou oppressants. En pratiquant la pleine conscience, vous pouvez progressivement développer un espace intérieur qui vous permet de respirer profondément et de négocier ce flux. Dans l'approche directe, vous pouvez découvrir spontanément des espaces naturels ou des pauses entre les pensées, où un silence intérieur et un calme se révèlent sans effort. Prenez quelques minutes pour vous asseoir tranquillement et portez une attention particulière à votre respiration. Orientez ensuite votre attention vers la cascade des pensées et des sentiments. Même si celle-ci peut paraître incessante, vous remarquerez de temps en temps un minuscule espace entre les pensées, qui est ouvert, silencieux et vacant. Une pensée jaillit et disparaît, et avant que la pensée suivante ne jaillisse, il y a un vide. 19 Permettez-vous de respirer dans cet espace ; ressentez-le pleinement, et prolongez-le doucement. Pendant les dix prochaines minutes environ, continuez à remarquer, sentir et prolonger les espaces ou pauses entre les pensées, d'une manière détendue et paisible, et ressentez le silence et la quiétude que révèlent ces espaces. Vous remarquerez peut-être que le sentiment d'un moi disparaît dans cet espace ; c'est-àdire que, contrairement aux pensées, cet espace n'est pas autoréférentiel, il est simplement ouvert et conscient. C'est un aperçu de votre état naturel. Continuez à explorer ces espaces de temps en temps, au fil de votre journée. Si vous vous approchez de cette limite supérieure, vous êtes sur le point de passer de la pleine conscience à une nouvelle phase de la pratique. C'est l'objet du livre, qui se veut un guide dans votre transition de la pleine conscience vers un niveau de conscience plus naturel, plus spontané et plus durable. J'appelle ce niveau —en réalité un niveau au-delà des niveaux - la Conscience éveillée, et je consacre le reste du livre à l'explorer et à vous proposer des méditations et d'autres moyens habiles pour vous aider à en faire l'expérience par vous-même. La Conscience éveillée n'est pas un nouvel état spécial d'esprit et de cœur qu’il faut cultiver ou créer, elle est réellement intrinsèque à ce que vous êtes en tant qu'être humain, votre condition naturelle, que des années de conditionnement ont concouru à obscurcir. Dans le bouddhisme et dans d'autres traditions spirituelles, cette condition ou cet état naturel est comparé au soleil, qui brille constamment, peu importe si le ciel est nuageux. Si vous voulez la lumière du soleil, il ne sert à rien de vous exercer à l'ensoleillement, ni à cultiver la clarté ; en fait, un tel effort aurait l’air ridicule. Il suffit plutôt de disperser les nuages qui bloquent la lumière - ou d’attendre qu'ils se dispersent d'eux-mêmes. Pareillement, une fois que vous reconnaissez le soleil radieux de la Conscience éveillée, la pratique de la pleine conscience peut ressembler à l'utilisation d'une lampe de poche en plein midi dans la perspective de rendre les choses plus claires. 20 EN CONCLUSION La méditation de pleine conscience présente des avantages considérables et bien documentés. Elle peut améliorer votre humeur, soulager votre stress, améliorer votre concentration et accroître votre intelligence émotionnelle. Mais elle peut aussi renforcer un sentiment subtil de séparation entre celui qui est attentif et les objets de l'attention, dont il peut être très difficile de se défaire. Si vous aspirez à surmonter l'illusion d'un moi séparé, vous risquez de trouver la pleine conscience contre-productive. Au lieu de cela, vous pouvez pratiquer l'approche directe décrite dans ce livre, qui, comme son nom l'indique, pointe directement vers votre éveil inhérent, votre état naturel de Conscience éveillée. Je n'ai jamais pratiqué la pleine conscience. Dois-je y revenir et la pratiquer d'abord avant de suivre l'approche que vous décrivez dans ce livre ? Absolument pas. J'ai conçu ce livre comme une critique de la pleine conscience et comme un guide vers une approche plus directe pour ceux qui ont l'impression d'avoir atteint les limites de la pleine conscience, mais vous pouvez aussi vous y engager directement, sans préparation. Comme je le mentionne dans ce chapitre, la pleine conscience présente de nombreux avantages et peut vous apprendre à être présent et attentif, mais elle a aussi des limites importantes qui peuvent s'avérer être des obstacles à une réalisation plus profonde. Profitez des indications et des méditations guidées de ces chapitres et découvrez ce qu'elles révèlent pour vous. Vous mettez en garde contre l'utilisation de la pleine conscience comme moyen de distanciation et de refoulement, mais franchement, j'ai le problème inverse : je me sens souvent submergé par un flot d'émotions puissantes et j'arrive à peine à garder la tête hors de l'eau. Je pratique la pleine conscience précisément parce qu'elle me procure plus de distance. Oui, il semble que la pleine conscience vous permette d'entrer en relation avec vos émotions sans vous laisser dominer par elles. Soyez simplement conscient du piège que représente le fait de devenir dépendant de votre pratique de la méditation comme d'un refuge contre les émotions difficiles, plutôt que d'utiliser la pleine conscience pour les accueillir lorsqu'elles se présentent. (Au chapitre 7, je décris comment entrer en relation 21 avec les émotions de manière spontanée du point de vue de la Conscience éveillée). Si la pleine conscience fonctionne bien pour vous et vous procure la facilité et la distance que vous recherchez, alors bien sûr, continuez à la pratiquer et profitez-en ! Vous parlez abondamment des limites de la pleine conscience. Quelles sont les limites de l'approche directe ? Chaque approche a ses pièges et ses limites. Étant donné que l'approche directe tend à s'appuyer sur des mots comme indicateurs, l'un des risques est de se laisser captiver par les mots et d'ignorer la réalité vers laquelle ils pointent. Je connais de nombreuses personnes qui semblent sages, parce qu'elles peuvent débiter le jargon non duel, mais qui n'ont aucune expérience directe de leur état naturel de Conscience éveillée. En l'absence d'une pratique régulière de la méditation pour ancrer votre attention dans le moment présent, vous pouvez facilement vous perdre dans le domaine conceptuel. De même, vous pouvez confondre l'accent mis sur la facilité et l'absence d'effort avec de la paresse et de la passivité et vous contenter de l'idée commode que la Conscience éveillée est votre état naturel, sans faire le moindre effort pour le réaliser par vous-même. Oui, votre état naturel de Présence inconditionnelle est toujours accessible, mais tant que vous ne le reconnaissez pas directement, vous êtes toujours coincé, comme aimait à le rappeler l’un de mes maîtres, et votre souffrance n'a pas changé du tout. Vous dites qu'il est facile pour l'ego de s'immiscer dans nos pratiques pour devenir celui qui les accomplit. Mais même dans la pratique consistant à simplement permettre à toute chose d'être telle qu'elle est, l'ego n’a-t-il pas toute latitude de s'immiscer en tant que celui qui permet ? Oui, l'esprit peut récupérer à peu près n'importe quelle pratique et l'utiliser au service de son propre besoin de contrôle. Tout comme il peut faire une très bonne imitation de la pleine conscience, il peut tout aussi bien imiter le fait de permettre, sans vraiment permettre. C'est l'un des pièges les plus subtils de l'approche directe, puisqu’il peut être particulièrement élusif et difficile à détecter. Finalement, l'esprit s’épuise à tenter de permettre, et retombe dans l'ouverture sans limite qui permet déjà toujours. 22 CHAPITRE 2 : DES BOURRIQUES ! Pendant des années, Nasruddin conduisit des bourriques transportant des paniers remplis d'objets divers de part et d'autre de la frontière avec le royaume voisin. Les gardesfrontières le soupçonnaient de faire de la contrebande, mais en dépit de toutes leurs recherches concertées, ils ne purent jamais rien trouver. Après son départ à la retraite, Nasruddin partit s'installer dans une ville éloignée et il tomba un jour par hasard sur l’un des gardes-frontières dans un café routier. "Holà Nasruddin !", le salua le garde, "quelle surprise !" Après quelques minutes de causette, le garde ne put s'empêcher de poser la question qui le taraudait depuis tant d'années. "Maintenant, tu peux me le dire, quel genre de contrebande faisais-tu ?" "Aaahh !", répondit Nasruddin en sirotant son thé. "Eh bien, je passais des bourriques." Comme les gardes-frontières, vous avez un cerveau humain qui est configuré pour ignorer le cadre et pour se focaliser sur le contenu, pour prêter attention à la forme, mais négliger le fond. Tout au long de la journée, votre attention est inévitablement attirée par des objets et par des personnes, par vos enfants, par vos amis, ou votre liste de tâches à accomplir, ou vos collègues de travail...Mais vous arrêtez-vous jamais pour remarquer l'espace qui entoure et imprègne ces objets, sans lequel ils ne pourraient pas être fonctionnels ? Ou considérez-vous l'espace comme allant de soi, comme le fond invisible où apparaissent des objets ? Bien sûr, l'espace est difficile à appréhender, n’ayant ni emplacement, ni taille, ni forme, ni substance ; il s'agit plutôt du potentiel qui rend les objets possibles, plutôt que d'une chose distincte qui peut être connue de manière indépendante. Néanmoins, vous faites l'expérience de l'espace, lorsque vous vous trouvez dans un endroit où il est bien présent, comme au sommet d'une montagne ou sur une plage déserte, ou bien lorsque vous ressentez son absence, comme dans une foule ou dans une pièce encombrée de meubles. De la même manière, vous considérez l'écran de votre ordinateur ou de votre smartphone comme allant de soi, et vous vous absorbez dans les images qui défilent sur l'écran. Pourtant, sans cet écran, qui constitue le fond sur lequel sont projetées les images et d'autres informations, vous ne seriez pas en mesure de rester en contact avec le monde et les personnes que vous aimez. De même, vous considérez l'air comme une évidence, à 23 moins que vous ne remarquiez son absence parce que vous êtes enfermé dans une pièce étouffante (ou que vous plongez sous la surface de l'océan), alors que sans air vous ne pourriez pas respirer. Le plus important peut-être (et le point essentiel du sujet de ce livre) c’est que vous ne prêtez pas attention à la Conscience, alors que sans elle vous n'auriez aucune expérience et que le monde cesserait d'exister pour vous. La Conscience est la bourrique négligée à laquelle renvoie la parabole de Nasruddin. Lorsque vous pratiquez la pleine conscience, vous découvrez que la conscience est une fonction que vous avez le pouvoir de manipuler et de contrôler. Au lieu de la laisser vagabonder sans but et inconsciemment d'un objet ou d'un sujet à l'autre, vous pouvez la concentrer délibérément, comme un faisceau lumineux, en passant de vos pensées à vos sensations physiques, puis aux mouvements de votre respiration, et inversement. Au fur et à mesure que votre pratique de la pleine conscience progresse, votre conscience s'affermit comme un muscle (ou, pour prolonger la métaphore, comme une lumière qui devient progressivement plus brillante), votre esprit pensant se tranquillise, et vous récoltez tous les merveilleux avantages que confère l'entraînement à la conscience. Néanmoins, il est rare de rencontrer un enseignant qui vous guide dans l'exploration de la nature de la Conscience elle-même et qui vous invite à accomplir le "pas en arrière" - lorsque vous retournez la lumière de la Conscience sur elle-même. SE DÉSIDENTIFIER DES PENSÉES ET DES SENTIMENTS Grâce à votre pratique de la pleine conscience, vous réalisez que votre Conscience est distincte de votre pensée ; sinon, vous ne pourriez pas être conscient de vos pensées. En fait, la capacité de prêter attention à vos pensées sans s'y identifier est un avantage essentiel de la pratique de la pleine conscience qui vous libère progressivement de la tyrannie de votre mental. Plus vous passez de temps à observer vos pensées, plus vous avez de l'espace ou de la distance par rapport à elles, et plus il est facile d'y réfléchir et d'y répondre de manière équilibrée et appropriée, plutôt que d'y réagir de façon impulsive et d'en récolter les conséquences. Vous finissez par développer ce que moi-même (et d'autres), nous appelons la conscience spacieuse, une sorte d'ouverture intérieure qui accueille les pensées et les sentiments sans 24 s'y identifier directement. La capacité de maintenir une conscience spacieuse au cours de longues périodes est l'une des étapes ou l'un des niveaux les plus significatifs de la pratique de la pleine conscience. Vous n'êtes plus constamment contrôlé par votre mental - vous êtes désormais plus libre de ses diktats. Mais lorsque vous pratiquez la pleine conscience, on vous enseigne généralement que la conscience spacieuse est une fonction que vous devez maintenir par une pratique assidue. Si vous relâchez votre pratique, la fenêtre ouverte de la conscience se referme progressivement. Et si, au lieu de cela, vous réalisiez que l'ouverture n'est pas un état spécial qui doit être maintenu, mais votre état naturel de Conscience qui est toujours présent, mais généralement obscurci par les nuages de la pensée discursive ? Lorsque vous ouvrez les yeux le matin, devez-vous faire un effort pour être conscient de votre environnement ? Ou bien la Conscience est-elle immédiatement présente et fonctionnelle, dès que vous ouvrez les yeux ? MÉDITATION : ENTRER DANS LA ZONE LIMINALE L'intervalle entre le sommeil et l'état de veille peut être un portail naturel ouvrant sur une conscience plus vaste. Quand vous vous réveillez le matin, vous pouvez remarquer une brève période, où vous vous situez entre le sommeil et l'état de veille, où vous avez quitté les rêves nocturnes, mais sans être encore entré dans les identités et les projets de la journée. Cet intervalle peut être extrêmement bref, mais si vous êtes attentif, vous pouvez le capter et le prolonger. Cet entre-deux recèle une qualité inconnue, peut-être un sentiment d'ouverture et de nudité ; c'est une sorte de zone liminale, où vous ne savez pas encore exactement qui ou ce que vous êtes. Vous pourriez avoir peur de cette ouverture et avoir tendance à vous précipiter dans le connu pour consulter votre smartphone ou pour ouvrir votre ordinateur afin de vous rappeler qui vous êtes. Restez plutôt simplement tranquillement allongé, et soyez ouvert à l'inconnu. 25 Résistez à la tentation d'être à nouveau quelqu'un. Permettez-vous de n'être personne ; permettez à votre esprit d'être vide de pensées, non meublé, jusqu'à ce que les identités se réinstallent progressivement. Remarquez l'espace entre vos identités et la conscience que vous en avez. Remarquez si un espace similaire apparaît à d'autres moments de la journée, un espace vide que vous avez peut-être ignoré auparavant, mais dans lequel vous pouvez maintenant vous plonger et que vous pouvez prolonger. Continuez à vous ouvrir à l'ouverture. INTRODUCTION À LA CONSCIENCE ÉVEILLÉE Cette distinction peut sembler subtile, mais elle a des implications considérables. Si vous n'avez pas besoin de maintenir une conscience spacieuse, vous pouvez vous détendre et la laisser survenir d'elle-même, plutôt que de la pratiquer comme s'il s'agissait d'une compétence. Si elle existe et se maintient d'elle-même, vous pouvez commencer à explorer votre relation avec elle. L'un des principaux problèmes de la pratique de la pleine conscience est que l'esprit peut la récupérer et la transformer en un exercice d'observation mentale, une sorte de fausse pleine conscience. En fin de compte, cette "pleine conscience" devient laborieuse et mécanique et sape votre tendance innée à être authentiquement et spontanément présent, ce qui est le but réel de la méditation. MÉDITATION : PERMETTRE AUX CHOSES D’ ÊTRE COMME ELLES SONT #1 Votre état naturel d'éveil inhérent, la Conscience éveillée, accueille la réalité telle qu'elle est, sans résistance ni saisie. Vous ne pouvez pas "pratiquer" la Conscience éveillée, mais si vous suivez cette méditation guidée, vous serez peut-être en mesure de vous détendre pour la retrouver. Prenez quelques minutes pour vous asseoir à votre aise et déplacez votre attention de votre esprit pensant vers le va-et-vient de votre respiration. Maintenant, au lieu de pratiquer votre technique de méditation habituelle, j'aimerais que vous vous asseyiez tranquillement et que vous laissiez tout être comme il est. Ne concentrez pas ou ne manipulez pas votre attention de quelque manière que ce soit, ne suivez plus votre 26 respiration, ne faites rien en particulier ; permettez simplement que tout soit, sans essayer de changer, d'éviter ou de supprimer quoi que ce soit. Au début, vous pourrez trouver ces instructions déconcertantes, puisque vous êtes tellement habitué à travailler avec votre attention. En méditation, comme dans la vie, vous êtes adepte du faire, mais peu habitué au non-agir. Considérez le ciel - il n'a rien à faire pour inclure les oiseaux, les avions et les autres objets qui le traversent. Par nature, le ciel est ouvert et inclusif. Il en va de même pour votre état naturel de Conscience éveillée. Tout effort pour pratiquer l'ouverture ne fait que vous éloigner de l'ouverture innée de votre état naturel. Lorsque je dis "Laissez tout être, comme cela est", votre esprit le prend comme une injonction à faire quelque chose de spécial. Au lieu de cela, considérez-le comme une invitation à vous reposer dans l'ouverture qui existe déjà en permanence. Au lieu de pratiquer l'attention vigilante, vous pouvez laisser tomber tout effort ou toute manipulation et permettre à la Conscience de survenir d'elle-même. Au lieu de perpétuer l'ego observateur, vous pouvez vous détendre dans l'observation naturelle qui a toujours lieu. Comme le soleil caché derrière les nuages, la Conscience brille constamment ; il vous suffit de voir à travers les couches de pensées, de croyances, d'identités et d'émotions qui l'obscurcissent. Tant que vous ne vous accrochez pas à l'ancienne version, votre pratique de la pleine conscience vous est d’un grand secours pour passer à la phase suivante de l'entraînement à la conscience. La capacité à rester présent durant de longues périodes, que vous avez développée grâce à la pleine conscience, peut maintenant être utilisée pour aider à pénétrer les couches. Mais pourquoi voudriez-vous changer la pleine conscience que vous pratiquez depuis des mois ou des années et expérimenter cette approche radicalement différente ? Eh bien, si vous appréciez toujours la pleine conscience conventionnelle et ses nombreux avantages, vous ne le ferez peut-être pas. Mais si vous êtes prêt à aller au-delà de la pleine conscience et à expérimenter une nouvelle façon d'être qui procure une paix, un bonheur et un bienêtre durables, alors vous serez peut-être enclin à découvrir la Conscience éveillée. 27 La Conscience éveillée n'est ni mon invention ni ma découverte ; elle est transmise et enseignée depuis des milliers d'années comme la prochaine étape naturelle après la pleine conscience, et même, comme l'aboutissement ultime de la pleine conscience. Dans la tradition bouddhiste, dont sont issues la plupart des formations laïques à la pleine conscience, on l'appelle "esprit vaste", "vrai Soi", "claire Lumière" ou "nature de l'esprit", et elle est considérée comme la réalisation ultime et la seule source d'épanouissement permanente. Comme je l'ai déjà suggéré, elle diffère de l'attention vigilante de plusieurs manières significatives. La plus importante est peut-être le fait que la Conscience éveillée n'est pas un état d'esprit. Alors que les états mentaux, aussi exaltés soient-ils, fluctuent, la Conscience éveillée préexiste avant tous les états temporaires, comme fondement de l'Être dans lequel toutes les expériences se produisent et disparaissent. Comme je l'ai suggéré précédemment, c'est comme l'espace ou l'air à cet égard ; sans lui, les expériences ne se produiraient pas. La base de la Conscience est la condition sine qua non en l'absence de laquelle rien ne pourrait exister. (Si vous n'en êtes pas persuadé, imaginez une expérience se produisant sans conscience ; la notion même d'expérience présuppose l'existence de la Conscience). J'utilise ici deux formulations distinctes, à savoir la base de la Conscience et la Conscience éveillée, pour une bonne raison. Au niveau le plus profond de la réalité, la Conscience est le champ libre où tout se produit. Que vous le reconnaissiez ou non, c'est toujours déjà le cas. Cependant, au niveau de l'expérience, la Conscience éveillée n'apparaît pas dans votre vie avant que vous ne réalisiez que cette base de la Conscience est votre état naturel, en fait, ce que vous êtes vraiment. Ce passage de la reconnaissance de la conscience en tant que fonction à la reconnaissance de la Conscience en tant que base, puis à la réalisation qu'elle est votre nature et votre identité fondamentales, est l'Eveil qui est décrit par les grands maîtres spirituels. Seul ce changement peut apporter l'épanouissement ultime, puisqu’il brise l'illusion d'être une personne distinct(iv)e en désaccord avec une réalité extérieure/ étrangère qui menace constamment d'attaquer, de refuser ou de décevoir. Comme l'a enseigné le Bouddha il y a plusieurs millénaires, l'illusion d'un moi séparé et l'avidité, la colère et l'ignorance que cette illusion suscite, sont la racine de toute souffrance. Ce n'est que si vous voyez à travers l'illusion de la séparation et si vous réalisez la nature non duelle essentielle de la réalité - ce que le maître zen, Thich Nhat Hanh, appelle notre essence commune - que vous pouvez enfin parvenir au terme de la souffrance et à la libération d'un cœur (r)assuré. 28 SE RÉVEILLER DE SON ÉTAT SECOND Les chercheurs qui étudient la conscience ont tendance à considérer les niveaux de conscience expérimentés pendant la méditation comme des états modifiés, parce qu'ils nécessitent un certain effort pour être cultivés et maintenus et parce qu'ils diffèrent de l'état de veille ordinaire des non-méditants. Mais comme je l'ai déjà indiqué, la Conscience éveillée n'est pas un état dans ce sens, car elle ne nécessite ni maintien ni préparation ; elle est toujours présente en arrière-plan de chaque expérience. Comme un écran vierge sur lequel des images défilent en laissant l'écran intact et inaltéré, la Conscience éveillée est l'espace ouvert et sans effort au sein duquel les états d'esprit apparaissent et disparaissent sans laisser de trace. De ce point de vue, la plupart des gens errent dans un état modifié, c'est-à-dire un état de conscience qui est fortement altéré et déformé par les histoires, les croyances, les souvenirs et les expériences accumulés au cours d'une vie. Pour reprendre les mots de l'apôtre Paul, nous voyons la vie "à travers un verre sombre", obscurci par le conditionnement qu’impose le mental. Ce conditionnement filtre chaque expérience et chaque situation à travers le prisme des traumatismes et des blessures du passé, des succès et des performances, des pertes et des amours, et nous réagissons à la vie actuelle non pas comme elle est vraiment, mais comme nous l'imaginons sur la base de nos expériences passées. En conséquence, nous ne vivons jamais réellement dans le présent nous errons dans un monde imaginaire de notre propre cru, en joutant comme Don Quichotte contre des moulins à vent que nous prenons pour des géants. Par exemple, vous vous réveillez le matin et commencez immédiatement à vous inquiéter de la réunion que vous devez avoir avec votre patron plus tard dans la journée. Au lieu de profiter du chant des oiseaux à l'aube ou de l'odeur du café, vous vous projetez dans le futur en anticipant ce que vous allez dire. Sur la base de vos expériences passées avec des figures d'autorité, vous supposez que vous allez être réprimandé ou critiqué d'une manière ou d'une autre, et vous ressentez déjà de la peur, de la honte et de la colère, avant même de sortir de chez vous. Lorsque vous arrivez au travail, vous êtes très perturbé et vous avez du mal à vous concentrer sur les projets en cours. Rien ne s'est encore produit - vous vivez dans un monde imaginaire, dans un état modifié fabriqué par votre mental, et vous voyez la vie à travers le voile épais des conditionnements du passé. 29 Lorsque vous percez ce voile sombre du conditionnement et que vous percevez la vie clairement, vous quittez l'état modifié que votre mental a créé pour en revenir à votre état naturel d'ouverture et de clarté, qui est votre droit de naissance en tant qu'être humain. Au lieu de réagir constamment à des menaces et à des humiliations imaginaires, vous répondez à la vie instantanément en vous basant sur une évaluation réaliste de ce qui se passe réellement. Et contrairement à la conscience spacieuse que vous cultivez dans la pleine conscience, cette ouverture n'a pas besoin d'être "pratiquée" mais elle est toujours accessible et à portée de main. Dans le zen, cette ouverture naturelle et inconditionnée est appelée ‘’l'esprit du débutant’’, et elle est assimilée à la conscience pleinement éveillée des grands maîtres zen. Au lieu de la cultiver, vous devez simplement la découvrir et la reconnaître. Attention, il ne s'agit pas ici de naïveté ou d'ignorance ; vous pouvez tirer des leçons des expériences de la vie et les appliquer consciemment à votre situation actuelle, mais sans laisser ces expériences limiter et déformer votre capacité à être pleinement présent et ouvert. La différence réside dans le fait d'être contrôlé par votre conditionnement psychologique ou d'utiliser délibérément ce que vous avez appris pour augmenter vos possibilités. Comme le dit un vieux dicton, le mental est un grand serviteur, mais un piètre maître. La question essentielle est la suivante : souffrez-vous ou pas ? La souffrance psychologique et le stress, quels qu'ils soient (par opposition à la douleur physique), sont uniquement le fait du mental et ne sont jamais causés par d'autres personnes, ni des événements, ni des situations extérieurs. Si vous luttez toujours contre la vie telle qu'elle est, c'est que le mental conditionné est devenu votre maître, et la solution la plus aboutie et la plus durable consiste à vous éveiller et à dépasser le mental pour trouver votre foyer dans la Conscience éveillée. EN CONCLUSION Comme l'air ou l'espace, nous considérons la Conscience comme allant de soi, alors que sans elle, le monde tel que nous le connaissons n'existerait tout simplement pas. La Conscience est l'arrière-plan de toute expérience, l'ouverture à partir de laquelle les 30 pensées, les sentiments et les sensations apparaissent et disparaissent. La première étape de l'approche directe consiste à reconnaître que la Conscience est constamment là, sans aucun effort de votre part. En vous reposant sciemment dans la Conscience, au lieu de vous efforcer d'être attentif, vous permettez la transition de la pleine conscience à la Conscience éveillée. Dans le chapitre suivant, je décrirai plus en détail la Conscience éveillée, j'énumérerai ses caractéristiques inhérentes et je démontrerai comment elle offre une solution durable à toutes vos souffrances et insatisfactions — le remède ultime à tous vos maux. Dans certaines traditions, la Conscience éveillée est connue comme étant le joyau qui exauce tous les souhaits, la perle de grand prix, qui confère une dimension de paix et de joie, que les hauts et les bas de la vie ne peuvent tout simplement pas détruire. Ces revendications sont peut-être audacieuses, mais tels sont le pouvoir et la promesse de l'approche directe. Dans la tradition bouddhiste, telle que je la comprends, la pleine conscience peut être utilisée comme une méthode pour atteindre les niveaux les plus profonds de la sagesse et de la compassion. Pourquoi devons-nous aller au-delà ? Dans la plupart des traditions qui indiquent la voie de l'Eveil spirituel, la pleine conscience est un tremplin, une pratique préliminaire qui mène soit à des pratiques plus avancées, soit à une approche plus directe, qui invite à une réalisation directe de notre nature non duelle par le biais d'indications verbales et d'une investigation guidée. Par exemple, l'auteur de Mindfulness in Plain English, le moine sri-lankais Bhante Gunaratana, a écrit un autre livre intitulé Beyond Mindfulness in Plain English décrivant les jhanas, des niveaux de concentration et d'absorption méditative de plus en plus profonds. Dans la tradition Vipassana d'Asie du Sud-Est, la pleine conscience est une base pour des niveaux d'investigation plus profonds et l'expérience de l'intuition de la nature impermanente et insubstantielle du monde phénoménal. Dans la tradition tibétaine, la pleine conscience peut être suivie de pratiques de visualisation, d'instructions ponctuelles (transmises directement par un maître) et/ou de méditations destinées à déconstruire l'illusion d'un moi séparé. Les exercices et les indications proposés dans ce livre ne nécessitent pas d'expérience en matière de pleine conscience, mais une pratique régulière 31 de la méditation peut constituer une excellente base, puisque vous savez déjà comment rester présent et être attentif. Si vous voulez atteindre les niveaux les plus profonds de la sagesse et de la compassion, vous devrez peut-être aller au-delà de la pleine conscience à un moment donné. Mais si vous appréciez les bienfaits de la pleine conscience et si vous ne voyez aucune raison d'aller au-delà, n'hésitez pas à poursuivre cette pratique aussi longtemps que vous le souhaitez. Soyez simplement conscient des pièges qui sont décrits au chapitre 1, et rappelez-vous que vous disposez d'autres options, si vous vous sentez prêt à explorer plus en profondeur. Vous suggérez que la Conscience éveillée n'est pas un état, mais l'arrière-plan immuable de tous les états. En même temps, vous dites que nous pouvons la quitter puis y revenir. S'il ne s'agit pas d'un état d'esprit, pourquoi change-t-il constamment ? Cela me semble être une question de sémantique. Revenons-en à l'analogie du soleil. Certains jours à Seattle, vous ne pourriez pas dire qu'il y a du soleil, mais vous savez bien que le soleil continue de briller, même si les nuages l'obscurcissent. Similairement, la Conscience éveillée est toujours présente et immuable, en tant qu'arrière-plan silencieux de toute expérience, mais elle peut être obscurcie par les nuages de la pensée discursive. Une fois que vous en avez un aperçu, vous êtes confiant et vous savez qu'elle est toujours accessible, si vous laissez les nuages se disperser. À la longue, vous parvenez à vous reposer de manière plus constante dans l'ouverture et la Présence inconditionnelles. La Conscience éveillée elle-même reste imperturbable et immuable ; la seule chose qui peut varier, c'est la clarté de votre reconnaissance, de même que la vue du soleil change avec le mouvement des nuages. Vous semblez sous-entendre que la méditation n'est pas nécessaire pour réaliser la vérité la plus profonde. Mais les grands maîtres de toutes les traditions soulignent l'importance de pratiques telles que la méditation, la prière et l'auto-investigation. Sinon, ne feronsnous pas les mêmes erreurs, encore et encore ? Les pratiques ne sont pas obligatoires, mais elles peuvent certainement être utiles, même dans l'approche directe décrite dans ce livre, tant que vous vous y engagez comme des expériences ou des explorations destinées à révéler une dimension plus profonde de l'Être 32 qui est déjà présente, mais pas encore pleinement reconnue. Tout au long de ces chapitres, je propose des indications directes et des méditations guidées, qui invitent à une réalisation immédiate et instantanée de cette dimension plus profonde, votre état naturel de Conscience éveillée. Si, toutefois, vous pratiquez dans le but de cultiver certains états d'esprit et d'atteindre un objectif futur d'Illumination ou de Libération, qui ne vous est pas déjà accessible, vous ne faites que vous éloigner de la radiance et de la complétude inhérentes à votre Être propre. Si vous avez déjà une compréhension intuitive de la Conscience éveillée, vous trouverez peut-être que des indications directes suffisent à déclencher une réalisation complète. Un maître bien connu a dit que ceux qui sont déjà bien sur la voie n'ont qu'à entendre l'instruction "Sois simplement qui tu es" pour réaliser leur véritable nature qui est par essence éveillée. Pour ceux qui ont besoin de plus de directives, il suggérait l'autoinvestigation et la prière. Vous seul pouvez savoir quelles pratiques et autres méthodes habiles sont appropriées pour vous. Expérimentez par vous-même et travaillez avec celles qui vous correspondent le mieux. 33 CHAPITRE 3 : LE REMÈDE ULTIME Reposer dans la Conscience inébranlable est le plus grand remède, puisqu'il permet de se détendre dans une paix sans faille, immaculée, non conditionnée et non née, libre de tout effort et de toute tentative, un équilibre continu et ininterrompu, où les yeux perçoivent sans analyser, et où le mental apparaît sans se réifier en tant que sujet séparé. - Le maître tibétain, Longchen Rabjam On considère généralement le Bouddha comme un maître spirituel pionnier et comme le fondateur de l'une des principales religions du monde. Mais dans sa propre tradition, on l’appelle le Grand Médecin, qui a su diagnostiquer la cause des maux de l'humanité et apporter une solution, un remède, un traitement. Il n'est pas nécessaire d'être bouddhiste ou de s'intéresser au bouddhisme pour apprécier sa critique de la condition humaine. Bien qu'il ait mené une vie protégée en tant que prince, le futur Bouddha était profondément troublé par la maladie, par la vieillesse et par la mort qu’il observait autour de lui, et il se résolut à découvrir une solution. Après des années d'austérité et de méditation profonde, il conclut que nous souffrons, parce que nous désirons ardemment ce que nous ne pouvons pas avoir et que nous refusons ce que nous avons - les impulsions jumelles de l'attachement et de l'aversion. En fait, nous sommes constamment en guerre contre la façon dont les choses sont. De plus, il réalisa que l'attachement, l'aversion et l'ignorance reposent sur une illusion fondamentale, à savoir que nous sommes des êtres solides, séparés, et isolés vivant dans un monde matériel, qui menace constamment de nous spolier ou de nous détruire. Il découvrit que l’unique moyen de sortir de cette souffrance, et la voie sûre qui mène au bonheur, c’était de s'éveiller de l'illusion de la séparation et réaliser notre interdépendance - notre unité, en fait - avec la totalité de la vie. Une des approches pour parvenir à cette réalisation consiste à utiliser la méditation de pleine conscience comme un outil puissant pour pénétrer les couches de l'illusion et révéler l'impermanence et l'interdépendance au cœur de l'existence. Une autre approche développée plusieurs siècles après la mort du Bouddha consiste à s'éveiller directement, non seulement à l'interdépendance et à l'impermanence, mais également à un principe existentiel permanent et global, qui est à la fois vide et éternel, non localisé et omniprésent, 34 infiniment spacieux et profondément compatissant. Lorsque cette base de la conscience se révèle à un niveau humain individuel, elle est connue sous le nom de Soi véritable, Nature de Bouddha ou Conscience éveillée. Même si cette approche peut paraître abstraite et amorphe, elle est en fait éminemment pratique et pragmatique. En d'autres termes, elle fonctionne comme indiqué pour procurer un épanouissement durable, et la Conscience éveillée à laquelle elle renvoie est facilement accessible, si nous sommes prêts à la réaliser. Dans ce chapitre, je vais rendre la Conscience éveillée plus concrète et décrire ses principales caractéristiques, et je vous proposerai quelques exercices qui vous permettront de l'entrevoir par vous-même. Le but n'est pas de vous remplir la tête de jargon spirituel, mais de vous offrir des indications directes pour dépasser la souffrance et pour atteindre votre état naturel de bonheur et d'aisance. MÉDITATION : REPOSER DANS LA CONSCIENCE C'est une nouvelle invitation à vous reposer dans la Conscience éveillée qui est toujours et déjà présente. Prenez quelques minutes pour vous asseoir à votre aise, et déplacez votre attention de votre esprit pensant vers le va-et-vient de votre respiration. Maintenant, au lieu de pratiquer votre technique de méditation habituelle, j'aimerais que vous vous asseyiez tranquillement et que vous laissiez tout être, comme il est. Ne concentrez pas ou ne manipulez pas votre attention de quelque manière que ce soit, ne suivez plus votre respiration, ne faites rien en particulier ; permettez simplement que tout soit, sans essayer de changer, d'éviter ou de supprimer quoi que ce soit. D'ordinaire, notre attention se focalise sur les objets et les interprète, ce qui crée un monde intérieur chargé de sens qui n'a pas grand-chose à voir avec la façon dont les choses sont réellement. Au lieu de cela, laissez tomber cette fixation sur les objets et la tendance à juger et à interpréter, et détendez-vous dans la Conscience elle-même. Reposez-vous dans la Conscience ouverte et inconditionnelle dans laquelle les expériences se succèdent. Cette Conscience est par nature silencieuse, présente et immobile ; elle ne fait rien, elle accueille simplement ce qui est, comme tel. 35 Laissez-vous reposer dans cette Conscience ou cette Présence silencieuse, ouverte et inconditionnelle. Pas d’effort, de manipulation, de pratique, ni d’action, reposez-vous simplement dans la Conscience, et laissez tout être, tel quel. QU’EST-CE QUE LA CONSCIENCE ÉVEILLÉE ? Ainsi que je l'ai déjà mentionné, la Conscience éveillée, en tant qu'arrière-plan permanent de toute expérience, est autonome et toujours accessible. Puisque c'est votre état naturel, votre droit de naissance en tant qu'être humain, vous n'avez pas besoin de la cultiver ni de la maintenir, comme vous le faites avec la pleine conscience ; vous devez juste vous détendre en elle et la reconnaître. En fait, elle observe toujours par le biais de vos yeux et elle écoute par le biais de vos oreilles, mais vous ne la reconnaissez pas — comme l'espace que vous habitez ou l'air que vous respirez. Si vous vous reposez dans la Conscience éveillée (et en tant que telle), votre façon habituelle et conditionnée de voir les choses devient caduque, et vous expérimentez la vie avec acuité et clarté, sans filtre, et avec un regard et une écoute neufs. Cette nouvelle perspective peut être non seulement excitante et exaltante, mais aussi un peu déstabilisante et désorientante, du moins au départ. Après tout, vous avez passé toute une vie à vous connaître, vous et les autres, de la même façon banale et prévisible. Maintenant, les voiles ont été arrachés, et vous rencontrez la vie directement, brute et non filtrée. Il est rare que cette nouvelle perspective s'enracine immédiatement. Mais plus vous demeurez dans cette Conscience ou dans cette Présence ouverte et inconditionnelle, et plus vous faites l'expérience de certaines des qualités suivantes, que je présenterai brièvement ici, avant de les explorer en détail dans les chapitres suivants. Bien que j'en parle séparément, ces qualités ou ces caractéristiques ressemblent davantage aux facettes d'un diamant qu'à une liste de traits distincts. Une fois que vous découvrez la Conscience éveillée, elles se révèlent sans effort comme différents aspects d'une seule et même réalité. 36 MÉDITATION : EXPANSION DE LA CONSCIENCE AU-DELÀ DU CORPS Cette méditation utilise l'expérience sensorielle directe pour vous libérer de votre identification aux limites du corps physique et pour vous ouvrir à l'infini de la Conscience éveillée. Trouvez un endroit calme et confortable où vous asseoir pendant une dizaine de minutes. Prenez quelques respirations profondes et laissez votre attention se déplacer des pensées et des sentiments vers les sensations de votre corps dans l'espace : le contact de vos pieds avec le sol, de votre dos et de vos fesses avec la chaise, le flux et le reflux de votre respiration. Explorez plus particulièrement les sensations à la périphérie de votre corps, là où il rencontre votre environnement. Remarquez les contours, le poids, la chaleur. En explorant, remarquez si vous pouvez trouver une démarcation ou une frontière claire, où l'intérieur de votre corps se termine et où le monde extérieur commence. Les sensations tactiles se produisent-elles à l'intérieur de votre corps et les sons à l'extérieur ? Ou se produisent-ils tous dans le même espace fluide et continu ? Êtes-''vous'' quelque part à l'intérieur de votre corps, ou l'expérience de votre corps se passe-t-elle en vous ? Permettez maintenant à toutes les limites résiduelles de votre corps de se dissoudre dans l'espace qui vous entoure. Permettez à cet espace de continuer à s'ouvrir et à s'étendre loin au-delà des limites du corps pour inclure les sons, les odeurs, les objets et les autres personnes. Tout se passe dans cet espace sans limites, sans contours, ni centre. Si vous vous autorisez à vous dissoudre dans cet espace, qu'advient-il du sentiment localisé d'être une personne distincte ? Où vous situez-vous ? Où vous arrêtez-vous et où commence le monde extérieur ? Reposez dans cet espace sans limites, sans contours ni centre. 37 PAS DE SÉPARATION ENTRE SOI ET L’AUTRE, ENTRE LE DEDANS ET LE DEHORS Avez-vous déjà exploré les limites de votre corps par l'entremise de votre expérience sensorielle directe pour déterminer où vous vous arrêtez et où le monde extérieur commence ? Si oui, vous avez réalisé que les contours sont, au mieux, diffus. Sans le recours à la pensée et à l'interprétation, il est souvent difficile de distinguer ce qui se passe à l'intérieur de ce qui se passe à l'extérieur. Dans la Conscience éveillée, vous réalisez que vous êtes l'ouverture sans limites, l'espace éveillé et conscient, dans lequel tout advient. En d'autres termes, tout se passe en vous, plutôt qu'en dehors ! Pour autant, vous ne perdez pas de vue le fait que vous êtes aussi un être humain, avec un corps enveloppé de peau, et que vous devez éviter les objets brûlants et faire attention lorsque vous traversez la rue. Les deux dimensions sont vraies simultanément. Alors que le sens ordinaire et quotidien de l'individualité vous sécurise à un niveau relatif, la Conscience éveillée révèle que vous êtes intimement interconnecté avec tout le reste de l'univers - ou plus exactement, que vous êtes l'espace dans lequel tout est un et inséparable. Croyez-le ou non, il est possible de fonctionner avec cette perspective sans limites. En fait, le fonctionnement devient tellement plus fluide, plus harmonieux et plus satisfaisant, lorsque vous ne luttez pas constamment contre le monde "extérieur". Au lieu de la peur, de la méfiance, de la colère et du conflit, vous vous déplacez maintenant dans le monde avec un sentiment de confort, d'aisance, de confiance et d'appartenance. Au lieu de l'aliénation ou de la séparation, vous ressentez maintenant une profonde intimité et familiarité avec tout et tous ceux que vous rencontrez, pas seulement sur le plan des idées ou de la philosophie, mais dans votre expérience immédiate. NI CENTRE, NI PÉRIPHÉRIE, NI MOI Au fur et à mesure que les frontières apparentes entre l'intérieur et l'extérieur s'estompent, il en va de même pour la perspective habituelle d'être une personne distincte, un petit moi limité, centré dans un endroit particulier. Un examen attentif et une investigation minutieuse permettent de découvrir que le moi distinct et solide pour lequel vous vous preniez n'est qu'un ensemble fluctuant de pensées, de sentiments, de souvenirs, d'histoires et de croyances librement amalgamés et soudés par la colle de l'autoréférence. 38 Mais où est celui à qui appartiennent toutes ces pensées ? Où est le centre auquel tout se réfère, apparemment ? La Conscience éveillée répond à cette question en offrant une perspective globale, vaste et inclusive, où le centre apparent s'efface et où tout est accueilli pour ce qu'il est, sans être interprété en termes de bénéfice ou de menace pour le moi séparé. Non seulement cela, mais la Conscience éveillée confère la réalisation que ce qui regarde avec ces yeux et ce qui est regardé, le sujet apparent et l'objet apparent, ne sont en fait que des expressions du même champ illimité, ininterrompu et indivis, intrinsèquement éveillé, lumineux et rempli d'amour. MÉDITATION : INVESTIGUER LA NATURE DES PENSÉES Vous croyez peut-être savoir ce que sont les pensées, mais le savez-vous vraiment ? On vous a peut-être dit qu'elles sont le résultat d'impulsions nerveuses dans le cerveau, mais quelle est votre expérience directe ? Asseyez-vous tranquillement, installez-vous confortablement et passez quelques minutes à prendre conscience du flux et du reflux de votre respiration. Déplacez ensuite votre attention vers vos pensées pendant quelques instants. Commencez par remarquer si elles sont surtout visuelles ou auditives. En d'autres termes, avez-vous tendance à entendre vos pensées, à les voir, ou un peu des deux ? Vos pensées ont-elles une couleur ? Une forme ? Une taille ? Une densité ? Où sont-elles localisées ? Semblentelles se produire à l'intérieur de votre tête, à l'extérieur, ou ailleurs dans votre corps ? D'où viennent vos pensées ? Où vont-elles, quand elles ne sont plus là ? Remarquez maintenant que chaque pensée fait référence à une autre pensée, qu'il s'agisse d'une pensée concernant le passé ou d'une pensée concernant l'avenir, d'une pensée concernant les autres ou d'une pensée vous concernant. Les pensées se réfèrent constamment les unes aux autres dans un réseau vaste et complexe de pensées interreliées. Les sentiments forment un réseau autoréférentiel similaire. Mais où se trouve à l'intérieur cette personne soi-disant solide et distincte, à laquelle ces pensées et ces 39 sentiments font référence ? Pouvez-vous la localiser ? Ou bien cette personne en apparence distincte n'est-elle qu'un amalgame de pensées et de sentiments en constante évolution ? Quelle est votre expérience directe ? Demandez-vous ensuite : "Qui ou qu'est-ce qui est conscient de ces pensées et de ces sentiments ?" Vous êtes capable de parler de vos croyances, de vos sentiments, de vos souvenirs et de vos idées, puisqu’ils sont les objets de votre expérience. De fait, la personne pour laquelle vous vous prenez généralement est un amalgame de ces objets. Mais pouvezvous trouver celui qui en est conscient, le sujet ultime ? Le sujet peut-il jamais devenir un objet de votre expérience ? TOUT EST PARFAIT ET SIGNIFICATIF, COMME TEL, ET IL N’Y A QUE CELA Un corollaire inévitable de la reconnaissance que l'intérieur et l'extérieur ne sont que des aspects d'une réalité indivise est le constat que seul ce moment existe. Le passé n'est qu'un souvenir et le futur qu’une pensée qui surgit en ce moment même. Si vous tentez de désigner quelque chose qui existe en dehors du moment, vous verrez que tout ce que vous pouvez identifier s’actualise en fait maintenant, même vos accomplissements les plus significatifs et vos identités les plus chères. Bien sûr, vous pouvez les lister sur votre CV ou les poster sur les réseaux sociaux. Mais où existent-ils réellement, si ce n'est sous la forme d'une histoire, d'une pensée ou d'une image, en ce moment même ? Même le moment présent, si vous tentez de le capturer, ne peut être saisi et il vous glisse entre les doigts. Une fois que vous êtes pleinement conscient du caractère unique et précieux de ce moment éphémère, vous reconnaissez, d'une manière mystérieuse qui dépasse votre compréhension rationnelle habituelle, que tout ce qui se révèle en ce moment n'est pas seulement unique, mais aussi intrinsèquement abouti, significatif et parfait, même avec toutes ses imperfections évidentes. (Suivant les termes d`une célèbre expression, c`est l`Un sans second, et donc incomparable). Ces qualités n'ont absolument rien à voir avec les polarités duelles, comme completincomplet, parfait-imparfait, ou significatif-non significatif. Mais plutôt, chaque personne et chaque chose, aussi imparfaite ou problématique qu'elle puisse paraître, est parfaite en 40 ce sens qu'elle est simplement telle qu'elle est, qu'il ne pourrait en être autrement et qu'elle diffuse la perfection essentielle de l'Être lui-même. La réponse naturelle à cette reconnaissance est un mélange subtil d'amour, d'émerveillement, de gratitude et de joie. Dans la tradition judéo-chrétienne, ce sentiment d'émerveillement face à la perfection de la création divine est généralement réservé aux anges, mais il est en fait accessible aux humains en vertu d'une Conscience éveillée. MÉDITATION : QUELQUE CHOSE MANQUE-T-IL EN CE MOMENT PRÉCIS ? Cette méditation offre la possibilité de voir le monde avec un regard neuf, libre de toute superposition conceptuelle, et d'entrevoir la perfection inhérente. Consacrez cinq minutes à l'exercice suivant. Tout d'abord, asseyez-vous tranquillement et concentrez-vous sur le flux et le reflux de votre respiration. Sentez le soulèvement et l'affaissement de votre poitrine et de votre ventre pendant que vous respirez. Remarquez les sensations de votre dos et de vos jambes contre la chaise, et de vos pieds sur le sol. Soyez conscient des sons ambiants ainsi que des sensations à l'intérieur de votre corps. Reposez dans l’instant présent, sans effort, ni préoccupation. Maintenant, posez-vous cette question : "Sans consulter le mental - c'est-à-dire mes pensées, mes souvenirs, mes croyances, mes sentiments ou mes projets - est-ce qu'il manque quelque chose, en ce moment précis ?" Ecartez toute pensée qui pourrait surgir, et reposez-vous la question. Pouvez-vous trouver quelque chose qui manque ou qui fait défaut, et qui n'implique pas la pensée ? Que découvrez-vous ? NI EFFORT, NI LUTTE : LA VIE SE VIT PAR VOTRE ENTREMISE Lorsque vous cessez de traverser la vie comme si tout tournait autour de vous et que vous accueillez plutôt chaque instant à partir de la perspective globale de la Conscience éveillée, comme une parfaite expression de l'Être lui-même, vous mettez fin à votre lutte constante pour faire en sorte que la réalité réponde à vos attentes en matière de sécurité et de confort pour passer plutôt au sentiment intuitif de couler avec le courant continu de la vie. 41 Au lieu de vous imaginer comme le chorégraphe, vous réalisez que vous êtes à la fois un des danseurs et, à un niveau plus profond, un avec la danse elle-même. Votre rôle n'est pas d'imposer vos mouvements à tous les autres, mais de trouver votre place unique et appropriée dans la danse. Au lieu de faire une fixation sur ce que vous voulez et de vous efforcer de faire en sorte que la réalité accède à vos désirs, comme on nous l'apprend dès le plus jeune âge dans notre culture axée sur la réussite, vous écoutez avec attention le cours de la vie qui se diffuse à travers vous et vous lui permettez de vous porter là où il le souhaite. A la longue, vous réalisez que vous ne contrôlez pas du tout votre vie : c'est elle-même qui vous vit. Mais sans vous sentir "hors de contrôle", parce que vous savez que vous et la vie êtes indissociables, et vous avez confiance dans le fait qu'elle a son propre sens et son propre dessein plus profonds que votre esprit rationnel ne peut pas comprendre. ÊTRE PERSONNE ET QUELQU’UN, RIEN ET TOUT Du point de vue global de la Conscience éveillée, vous réalisez que vous êtes à la fois indissociable de tout et de tous, et en même temps, vous êtes ce corps et cet esprit uniques qui progressent dans le temps et l'espace, avec vos propres préférences, capacités et particularités. Vous vivez sur le fil du rasoir paradoxal de la pure Présence, où l'Essence jaillit dans la manifestation, où le Rien s'épanouit dans la totalité, et où l'impersonnel s'exprime sous la forme de quelqu'un. Parce que vous savez que vous êtes l'espace dans lequel tout se déploie, vous ne pouvez plus tout à fait vous identifier à ce petit moi, mais vous considérez avec tendresse et compassion cette personne que vous pensiez être dans la Présence spacieuse et universelle que vous êtes vraiment. Être quelqu'un, être rien, et être la totalité sont parfaitement indissociables et complémentaires (l’un des grands mystères de la Conscience éveillée). En fait, cette identification plus profonde avec le plan de l'Être façonne et infuse vos pensées et vos actions à tous les niveaux, en vous permettant de vous couler dans le courant de la vie et en vous conférant une empathie et une intimité profondes avec les expériences de tous ceux que vous rencontrez. 42 LA VÉRITÉ À TOUS LES NIVEAUX : UNE RÉPONSE APPROPRIÉE BASÉE SUR LA SITUATION EN COURS Si vous avancez dans la vie avec la clarté et la compassion de la Conscience éveillée, vous constatez que votre engagement envers la façon dont les choses sont est beaucoup plus fort que tout engagement tenace à défendre d'anciennes positions et d’anciens points de vue. Ainsi, vous abandonnez progressivement toute tendance à vous tromper vous-même et les autres, même de manière subtile, et vous avez plutôt confiance dans le fait que dire la vérité vous aligne avec le cours de la vie, plutôt que de vous mettre en porte-à-faux avec ce qui est. Lorsque vous n'êtes plus égocentré dans la posture contractée du moi imaginaire, mais ouvert à l'étendue illimitée de la Conscience éveillée, vous voulez naturellement ce qui est le mieux pour la totalité, plutôt que ce qui est uniquement le mieux pour une minorité. Dire la vérité à tous les niveaux n'est plus un choix que vous devez faire, mais devient inévitable, comme ouvrir les yeux le matin. Du point de vue de la Conscience éveillée, vous répondez aux gens et aux situations avec franchise, facilité, en toute liberté, et vos réponses sont appropriées au moment présent, car elles découlent spontanément d'une pleine appréciation du moment lui-même, plutôt que des stratégies égocentriques du moi individualiste. Au lieu de vous battre pour obtenir ce que vous pensez vouloir, vous aimez ce que la vie vous apporte, parce que vous savez que c'est exactement ce dont vous avez besoin. En conséquence, le stress, la lutte, la frustration et la dépression auxquels vous étiez habitué se transforment progressivement en détente, en aisance, en reconnaissance et en joie. UN MYSTÈRE AU-DELÀ DE TOUTE DESCRIPTION Au-delà des mots que je (ou qui que ce soit d’autre) puisse utiliser dans une vaine tentative d'exprimer l'inexprimable se trouvent la pureté et l'inviolabilité de la Conscience éveillée, notre condition naturelle et l'essence de ce qui est. Quelle que soit la portée de vos recherches, vous ne pourrez jamais sonder ses profondeurs, car elle ne peut jamais devenir un objet de connaissance. Elle-même est plutôt le Connaisseur suprême, le Sujet ultime de tous les objets, sans limites, non localisable et insaisissable. On ne peut jamais le connaître, 43 puisque vous êtes lui ; on ne peut l'être que consciemment, c'est-à-dire demeurer conscient en tant que Conscience éveillée. En même temps, parce que c'est un mystère si profond, vous ne pouvez jamais revendiquer la Conscience éveillée comme étant votre propriété, vous ne pouvez jamais la posséder comme les autres acquis que vous ajoutez à votre curriculum vitae, comme certains s'imaginent parfois pouvoir le faire, lorsqu'ils sont dans l'excitation de la découvrir. Par exemple, vous ne pouvez pas dire "Je suis éveillé" et avoir l'air sensé, car l'Eveil implique la reconnaissance que la personne séparée qui le revendique n'est qu'une illusion. Au contraire, vous en arrivez à réaliser que la personne pour laquelle vous vous prenez, et qui pense pouvoir tout posséder, n'est en fait qu'une expression de la Conscience éveillée, de même que la vague n'est qu'une expression de (et indissociable de) l'océan. Au lieu de l'orgueil de l'accomplissement, la découverte de la Conscience éveillée conduit à une humilité et à un émerveillement croissants face au mystère. DEMEURER EN TANT QUE CONSCIENCE ÉVEILLÉE Paradoxalement, la Conscience éveillée est donc votre état naturel, celle qui regarde toujours avec vos yeux et qui écoute avec vos oreilles, et en même temps, elle est l'essence illimitée, mystérieuse et insaisissable de ce qui est. En réalité, cette essence illimitée est ce que vous êtes fondamentalement, le socle de votre être, sous tous les drames, rôles et identités. Bien sûr, ces mots ne signifient pas grand-chose, si vous ne réalisez pas par vous-même la vérité à laquelle ils font référence. Lire que la Conscience éveillée est votre état naturel ne vous apporte ni le bonheur, ni la paix de l'esprit, ni aucune facilité d'être, de même que les repas succulents qui sont représentés sur les sites de cuisine ne sauraient pas vous rassasier. Il convient d'apprendre à s'en approcher et à y demeurer consciemment. Il faut une porte, une pratique, une voie qui vous permette de la manifester dans votre vie et de la laisser vous transformer et vous apporter la paix et le contentement que vous recherchez. Mais, contrairement à la pleine conscience, vous ne pouvez pas cultiver ou développer la Conscience éveillée, car elle est toujours là ; vous pouvez seulement la reconnaître, vous en rapprocher et vous y détendre. 44 EN CONCLUSION Dans ce chapitre, j'ai proposé une description détaillée de ce qui ne peut jamais réellement être décrit, non pas comme un catalogage à classer dans vos banques mémorielles, mais plutôt sous la forme d'une série d'indications orientant vers la lune de la Conscience éveillée. Notre espoir est que ces mots puissent vous en apporter le goût ou un aperçu direct — ou vous rappeler ce que vous savez déjà. Contrairement à la pleine conscience, qui doit être cultivée et soutenue, la Conscience éveillée est accessible sans effort à chaque instant. Dans le chapitre suivant, je continue à le montrer et à proposer des méthodes pour y accéder - en fait, ce livre n'est qu'une série d'indications de formes et de nuances diverses qui vous invitent à ramener votre attention sur elle-même et à vous réveiller du rêve de la séparation, une fois pour toutes. Je ne comprends pas cette idée de s'éveiller de l'illusion du moi séparé. Je veux dire que je me sens tout à fait réel et solide, tout comme les personnes de mon entourage. En quoi cela me fait-il souffrir ? Si vous êtes convaincu d'être une personne solide et distincte, limitée à votre esprit et à votre corps physique, entourée d'autres personnes tout aussi solides et distinctes, votre bonheur et votre tranquillité d'esprit dépendent du maintien de la survie de ce moi distinct et de l'accumulation du plus grand bien-être matériel et psychologique possible pour vous et votre famille. Par conséquent, vous êtes constamment en compétition avec les autres et vous luttez avec le monde matériel pour ce que vous percevez comme des ressources limitées. Vous pouvez vous sentir satisfait pendant un certain temps, mais vous retombez toujours dans l'insatisfaction et la souffrance, lorsque vous n'obtenez pas ce que vous voulez ou ce dont vous croyez avoir besoin. Si, en revanche, vous réalisez que le moi séparé est une construction arbitraire, que ce que vous êtes vraiment ne s'arrête pas à votre peau, et que vous êtes intimement interconnecté avec tout le monde et tout le reste, plutôt que d'être en compétition avec les autres, alors vous vivez dans un monde d'amour, d'empathie, de partage, de coopération et de bénéfice mutuel. Votre bonheur et votre tranquillité d'esprit sont inébranlables, parce que vous vous réjouissez du bonheur des autres, que vous avez confiance dans le déroulement des choses et que vous vous sentez satisfait avec ce que l’instant vous apporte. 45 Il y a une histoire merveilleuse qui illustre cette distinction. Imaginez que vous êtes assis à une longue table avec une douzaine d'autres personnes. On vous sert un repas somptueux, mais vos seuls ustensiles sont des baguettes d'un mètre de long. Vous avez beau essayer, mais vous n'arrivez pas à porter la nourriture en bouche et vous n'avez pas la possibilité de manger avec vos mains. Alors, que faites-vous ? Dans un scénario, vous mijotez dans un état constant de frustration et d'insatisfaction, car vous essayez vainement de trouver le moyen de vous nourrir. Dans un autre scénario, vous coopérez avec vos vis-à-vis à table et vous vous nourrissez mutuellement. Lorsque les distances entre soi et les autres ont disparu, prendre soin des autres signifie prendre soin de soi. J'ai eu des périodes où j'étais très en phase avec la perfection inhérente que vous décrivez, et où je pouvais ressentir l'émerveillement et la joie. Mais lorsque mon mari a fait de la chimio et qu'il pouvait à peine garder sa nourriture, ou quand nous avons perdu nos économies dans la débâcle du marché boursier, je luttais juste pour rester à flot. Il n'y avait là aucune joie. Si la vie se déroule relativement bien, avec les petites vicissitudes habituelles, il est beaucoup plus facile d'apprécier la perfection du moment. Mais lorsque vous êtes confrontée à des circonstances extrêmes qui semblent remettre en question votre survie même et que les vieux conditionnements entrent en jeu, ou que vous êtes trop éreintée pour vous reconnecter, le rêve peut brusquement sembler de nouveau bien réel. La vie peut s'avérer implacable. Rappelez-vous simplement que votre foyer de Conscience éveillée est toujours paisible et imperturbable, quelle que soit l'agitation de votre mental. Il ne s’agit pas d’un état qui fluctue comme les émotions, c'est ce qui subsiste comme le fondement de tous les états, ce qui reste quand tout le reste a été balayé - le confort, la foi, l'espoir, l'énergie, la patience, et l'optimisme. Même si elle peut paraître lointaine, elle est toujours accessible – car après tout, c'est elle qui observe à travers vos yeux en ce moment - et elle affleure souvent au premier plan pour être reconnue au cœur d'une crise. Quoi qu'il en soit, reconnectez-vous si possible ; sinon, soyez indulgente envers tout ce qui passe, y compris la frustration, la colère, la tristesse, le désespoir et la peur. En fin de compte, rien n'est exclu du champ non duel de la Conscience éveillée. (Pour davantage de détails sur la connexion et la reconnexion, voir le chapitre 4. Pour davantage de détails sur la relation avec les émotions puissantes, voir le chapitre 7). 46 La réalisation de la Conscience éveillée est-elle la même chose que ce que les maîtres zen appellent l'Illumination ? Le terme anglais "Illumination" est tellement imprégné de connotations culturelles et chargé de bagages historiques que je préfère l'éviter. Par exemple, il peut véhiculer un sentiment erroné de détachement surnaturel ou de perfection sainte qui la fait paraître distante et inaccessible. Dans de nombreuses écoles bouddhistes, le terme "Illumination" est réservé au Bouddha et aux autres personnes qui demeurent dans la Conscience éveillée en permanence, sans interruption. En revanche, le zen a tendance à utiliser le mot plus librement, tout en reconnaissant une série d'éveils avant la percée finale qui signale la fin de toute recherche. Je préfère des termes plus ordinaires et accessibles, tels que "réalisation" ou "éveil" pour désigner la reconnaissance de la Conscience éveillée. Un de mes maîtres zen avait coutume de dire qu'il n'y a pas de personnes éveillées, mais seulement des moments éveillés. Quoi qu'il en soit, vous ne pouvez pas revendiquer l'Illumination pour vous-même, puisqu’elle implique la réalisation qu'il n'y a pas de moi distinct(if) pour la revendiquer. Existe-t-il des étapes ou des niveaux au-delà de la Conscience éveillée, tout comme la Conscience éveillée est un niveau au-delà de la pleine conscience ? En fait, la Conscience éveillée n'est pas un niveau, c'est votre nature essentielle, votre visage originel avant la naissance de vos parents, l'ouverture inconditionnelle et infinie qui contemple continûment avec vos yeux et qui expérimente la vie par l’entremise de ce corps et de ce mental. La réalisation de la Conscience éveillée peut s'approfondir, et votre capacité à vous dégager de l'identification et à vous reposer en elle peut devenir plus stable et durable, mais la Conscience éveillée elle-même ne change jamais et ne se prête pas à des classifications de niveau supérieur ou inférieur. Au-delà de la pleine conscience se trouve l'étendue sans limites, stades et niveaux de la pure Conscience, de l'Être pur, sans qualification. 47 CHAPITRE 4 : LORSQUE LA CONSCIENCE S’ÉVEILLE À ELLE-MÊME J’ai vécu à la limite de la folie, voulant connaître des raisons, frapper à une porte, qui s’ouvre, en frappant à l’intérieur. - Jelalludin Rumi La pratique régulière de la pleine conscience vous apprend à accueillir les pensées, les sentiments et les autres expériences, sans nécessairement s’y identifier ni agir en conséquence. En cultivant une sorte de conscience spacieuse, qui ne s'attache pas aux objets ou aux expériences, vous vous libérez progressivement du conditionnement de l'esprit. Même si des schémas habituels de pensées et de sentiments continuent de se manifester, vous n'êtes pas nécessairement séduit par eux. Mais à elle seule, la pleine conscience ne peut pas offrir une paix et un bien-être stables et durables, parce qu’il s'agit d'un état d'esprit que l'on croit devoir cultiver, entretenir et protéger. C'est pourquoi de nombreux pratiquants de la pleine conscience deviennent dépendants de leur méditation et ressentent le besoin d'y revenir sans cesse pour calmer leur esprit, chaque fois qu’il s’agite. Comme n’importe quel autre état d'esprit, la pleine conscience est impermanente, et elle apparaît et disparaît en fonction de la force et de la constance de votre pratique. Si vous vous relâchez, votre état de pleine conscience faiblit et vous retombez dans le chaudron de la négativité. En fait, le principe même selon lequel votre esprit a besoin d'être stabilisé et calmé ou selon lequel les émotions négatives doivent être éliminées, sur la base d'une norme prédéterminée de l'apparence que devrait avoir votre esprit, marque une distinction majeure entre la voie de la pleine conscience et l'approche directe de la Conscience éveillée. Dans la perspective de l'ouverture inconditionnelle, chaque pensée et chaque sentiment qui surgit, aussi négatif ou discordant qu'il puisse paraître, est accueilli tel qu'il est, et cet accueil même révèle une équanimité qui ne peut guère être perturbée, même par les expériences les plus turbulentes. En ne privilégiant aucun état d'esprit par rapport à un autre, le prétendument positif par rapport au prétendument négatif, la Conscience éveillée 48 dépasse la pensée dualiste pour englober pleinement la vie dans toute sa richesse et sa complexité. Pour autant, la Conscience éveillée n'est pas un état que vous pouvez cultiver, mais votre état naturel qui est toujours et déjà accessible, et qui ne demande qu’à être reconnu. SORTIR DU PIÈGE DU TÉMOIN Si elle offre de merveilleux avantages, la pratique de la pleine conscience présente un autre inconvénient : elle tend à maintenir la division sujet-objet, c'est-à-dire le clivage entre celui qui est attentif, l'acte d'être attentif et l'objet de l'attention vigilante. En d'autres termes, aussi attentif que vous soyez, il y a toujours un "vous" qui doit faire un effort pour être attentif à un objet distinct de vous. Par conséquent, la pleine conscience perpétue le sentiment même de séparation qu'elle est censée surmonter. Ce point peut être subtil et ne pas être particulièrement pertinent dans les premiers stades de la pratique, mais au fur et à mesure que votre pratique mûrit, vous pourriez éventuellement constater que vous êtes piégé dans la position du témoin détaché, sans savoir comment vous libérer ; plus vous pratiquez la pleine conscience, plus le piège se referme. Le témoin est devenu une autre identité ou un autre point de vue qu'il vous faut finalement abandonner. Ce n'est que lorsque vous aurez pris conscience de la Conscience éveillée qui ne varie pas et qui demeure comme l’arrière-plan et l’essence de chaque expérience, que vous pourrez enfin vous sortir du piège du témoin et obtenir la paix et le bonheur durables que vous recherchez. La Conscience éveillée - également connue sous les noms de pure Présence, de véritable nature, de Je suis, etc. - ne nourrit pas la division, n'étant pas séparée de ce dont elle est consciente et ne préférant pas une expérience à une autre. Puisqu'elle existe avant toute pensée ou toute activité, elle ne peut pas être créée, manipulée, produite ou maintenue ; on peut seulement la reconnaître, s’y plonger pour finalement réaliser qu'elle est ce que vous êtes. Paradoxalement, si vous voulez accéder à la liberté et au bonheur visés par la pleine conscience, il vous faut renoncer à la pratique qu'elle impose et vous plonger dans la Conscience éveillée. Cela dit, contrairement à la culture de la pleine conscience, que l'on peut apprendre et pratiquer méthodiquement, le chemin de la découverte de la Conscience éveillée tend à être 49 plus tortueux, aléatoire et particulier. En d'autres termes, il diffère généralement d'un individu à l'autre et il ne comporte pas de repères ni d'étapes universellement applicables. Paradoxalement de nouveau, on la qualifie souvent d'approche directe, par contraste avec l'approche progressive de la pratique et du perfectionnement - et elle est certainement directe dans le sens où elle indique clairement et sans hésitation la nature de l'esprit, notre état naturel de Conscience éveillée, et invite à une réalisation instantanée qui ne nécessite ni préambule, ni préparation. En même temps, le chemin de la découverte peut être plus indirect et hasardeux du point de vue du chercheur, qui peut ne pas avoir le sentiment confortable de progression qu'offre la pleine conscience. Vous pouvez vous asseoir tranquillement, écouter les enseignements, réfléchir et investiguer, mais sans avoir le sentiment d'avancer, ni de faire le moindre progrès, jusqu'à ce que vous entrevoyiez soudainement la Conscience éveillée. L'auteur, Stephen Levine parle d'un "sentier escarpé et sans garde-fou", parce que vous n'avez aucun repère, ni aucune structure pour vous soutenir en chemin. Traditionnellement, la réalisation de la Conscience éveillée se transmet en personne, de l'enseignant à l'étudiant, dans le cadre d'un dialogue et d'une investigation intimistes. Pour ceux que cela intéresse, je propose des séances et des retraites individuelles et collectives qui permettent ce type d'opportunité intimiste. Mais pour ceux qui ne peuvent pas disposer d'un enseignant vivant, l'approche directe comprend des pratiques avec lesquelles vous pouvez jouer et des portails ou des portes que vous pouvez approcher et qui, une fois ouverts, donnent accès à une toute nouvelle façon d'être. L’EXPÉRIENCE D’UN TRANSFERT FIGURE-FOND La réalisation de la Conscience éveillée implique généralement un transfert figure-fond soudain, souvent surprenant, et parfois même choquant. A un moment donné, vous vaquez à vos occupations quotidiennes en vous prenant pour une personne distincte, avec un foyer identitaire centré dans la tête, et l'instant d’après, vous reconnaissez être la vaste ouverture dans laquelle cette personne apparemment distincte et tout autre objet d'expérience apparaissent. Au lieu de vous considérer comme un corps-esprit avec une histoire personnelle et un futur imaginaire localisé là, vous réalisez que vous êtes cette Conscience insubstantielle, mais omniprésente dans laquelle la vie se déploie d'une manière 50 mystérieuse et insaisissable. Le centre de votre univers s'est spectaculairement déplacé en fait, il se pourrait que vous ayez entièrement perdu votre centre - et vous ne pourrez plus jamais tout à fait revenir à votre ancienne façon d'expérimenter la vie. Quoique ce transfert puisse ressembler à une expérience mystique, à un aperçu d'une autre dimension plus spirituelle de la réalité, il s'agit en fait d'un aperçu profond de la nature même de la réalité, au-delà du voile. De même que les scientifiques ont, au fil des siècles, utilisé la méthode scientifique de l'expérimentation objective pour percer progressivement les secrets de l'univers physique, les méditants, les pratiquants du yoga et les sages ont utilisé une méthode scientifique similaire d'investigation subjective pour découvrir le fondement métaphysique de l'existence. Comme les expériences de physique et de chimie, ces exercices et ces méditations ont des résultats reproductibles, même si certains peuvent s'avérer plus efficaces que d'autres pour un individu particulier. Choisissez ceux qui vous semblent les plus efficaces, poursuivez-les scrupuleusement et sincèrement, et vous finirez par réaliser ce que les grands maîtres ont réalisé avant vous. Dans ce chapitre, je vous propose quelques expériences et des directives que vous pouvez tester par vous-même. PASSER PAR LA PORTE SANS PORTE Au cœur de l'approche directe se trouve un paradoxe : comment peut-on devenir ce que l’on est déjà ? Si la Conscience éveillée existe déjà en tant qu'état naturel et qu'elle ne peut pas être cultivée ni pratiquée, pourquoi faudrait-il s’en approcher ou la devenir, de quelque manière que ce soit ? Pourquoi ne pas simplement l'être ? Eh bien, le fait est que vous l'êtes déjà, du moins intrinsèquement, et pourtant vous continuez à souffrir, parce que vous ne reconnaissez pas consciemment ce que vous êtes. Il est clair que vous devez faire quelque chose, changer votre point de vue, d'une certaine manière, pour pouvoir vous aligner sur ce qui est déjà là. C'est-à-dire que vous devez l'être en toute connaissance de cause - la conscience doit s'éveiller à elle-même. Dans le zen, ce paradoxe d'être cela, mais sans le reconnaître, est connu sous l'appellation de la porte sans porte. Vous vous trouvez devant une porte qui semble vous séparer de la vérité fondamentale au cœur de la réalité, et vous essayez toutes les méthodes possibles pour la franchir. Lorsque vous atteignez finalement l'autre côté et que vous découvrez ce 51 que vous avez essayé d'atteindre si péniblement, vous constatez que la porte n'était qu'une invention de votre imagination, et que vous n'avez jamais été devant cette porte, même pendant un instant. Mais sans l’exploration et l’investigation, l’assise et la recherche, vous n'auriez peut-être jamais reconnu que la porte n'existait pas. Aucune des descriptions et explications que je vous propose ne peut résoudre ce paradoxe pour vous ; seule l'expérience directe et immédiate fera l'affaire. Les exercices de ce chapitre vous invitent à franchir vous-même la porte sans porte. ACCUEILLIR CE QUI EST Puisque la Conscience éveillée n'a aucune opinion pour ou contre quoi que ce soit et accueille tout, tel quel, sans jugement ni interprétation, on peut l'approcher en s’asseyant tranquillement et en s’ouvrant à la réalité d'une manière accueillante et dépourvue de jugement. Le risque de cette approche est que l'esprit, qui est un parfait simulateur, puisse produire une excellente imitation de l'accueil et donner l'impression d'être inconditionnellement ouvert, tout en portant en réalité des jugements et en conservant un point de vue limité. Le secret consiste à cesser de contrôler son attention et à lui permettre de fonctionner sans effort, sans l'intervention de l'esprit. En un sens, on doit échouer en tant que méditant attentif pour aller au-delà de la pleine conscience ; c'est-à-dire que votre pleine conscience doit céder et s'ouvrir spontanément pour révéler l'ouverture inconditionnelle qui précède la pleine conscience. Toute tentative de "pratiquer l'accueil" est condamnée à être une impasse qui vous laisse coincé dans l'effort et qui n'a rien à voir avec l'ouverture inconditionnelle et illimitée. Si cette entreprise vous paraît délicate, subtile et (une fois de plus) paradoxale, vous êtes sur la bonne voie. Comme le conseille Lao Tzu, le grand sage du Tao Te King, il faut apprendre à "pratiquer le non-agir" pour que la Conscience éveillée s'épanouisse. Et s'asseoir tranquillement peut favoriser ce passage au non-agir, pour autant que vous renonciez à vos tentatives habituelles d'arriver quelque part ou d'accomplir quelque chose en cultivant un état particulier, s’agirait-il d'une plus grande présence et d'une plus grande paix de l'esprit. (Comme vous l'avez peut-être remarqué, lorsque vous faites des efforts pour que votre esprit se calme, vous ne faites qu'agiter les eaux et provoquer davantage de 52 turbulences). Laissez tomber la pleine conscience et contentez-vous d'être. (Pour des instructions sur la façon de simplement être, voir le chapitre 3). UN ESPRIT COMME LE CIEL Comme je l'ai signalé dans un chapitre précédent, votre état naturel de Conscience ouverte, éveillée et inconditionnelle est semblable au ciel — celui-ci n'a pas besoin de faire d'effort ou d'essayer de quelque manière que ce soit pour tout accueillir, sans jugement, ni discrimination dans son embrassement illimité. Accueillir est la nature spontanée et sans effort du ciel. Les avions, les oiseaux, les parachutistes et les ballons n'ont pas besoin de demander au ciel de s'ouvrir pour les laisser passer. La permission a toujours été accordée, et le ciel les reçoit sans être aucunement troublé. De même, en laissant tomber vos efforts pour être attentif, vous pouvez vous asseoir tranquillement et imaginer que vous êtes le ciel, sans centre, ni limites. Les pensées, les sentiments, les images, les souvenirs et les jugements vont et viennent dans la présence illimitée de la Conscience éveillée - qui est ce que vous êtes fondamentalement. Tout se passe en vous ! Au fur et à mesure que votre compréhension s'approfondit, vous passez de la pratique de la pleine conscience à la culture de la conscience spacieuse, au repos dans l'ouverture et à la réalisation que cette ouverture semblable au ciel est votre véritable nature. La réalisation finale que vous êtes l'ouverture, l'espace sans limites, et qu'en même temps vous êtes inséparable de ce qui survient dans cet espace, marque la pleine floraison de la Conscience éveillée. MÉDITATION : REPOSER DANS LA CONSCIENCE GLOBALE La plupart du temps, notre conscience est contractée et fixée sur des objets particuliers, mais la Conscience éveillée est totalement inclusive, comme le ciel. Prenez quelques minutes pour vous asseoir à votre aise et déplacez votre attention de votre esprit pensant vers le va-et-vient de votre respiration. Maintenant, au lieu de pratiquer votre technique de méditation habituelle, j'aimerais que vous vous asseyiez 53 tranquillement et que vous laissiez tout être comme il est. Ne concentrez pas ou ne manipulez pas votre attention de quelque manière que ce soit, ne suivez plus votre respiration, ne faites rien en particulier ; permettez simplement que tout soit, sans essayer de changer, d'éviter ou de supprimer quoi que ce soit. Laissez-vous reposer dans cette Conscience ou Présence silencieuse, ouverte et inconditionnelle pendant environ cinq minutes. Sans effort, manipulation, développement, ni action, reposez-vous simplement dans la Conscience et laissez tout être, comme tel. Maintenant imaginez l'espace directement devant votre corps. Les objets situés devant n'interfèrent nullement avec cet espace. Ressentez cet espace ; en respirant, permettez à votre conscience de s'étendre pour inclure cet espace. Imaginez maintenant l'espace situé directement derrière votre corps. Les objets situés derrière n'interfèrent en aucune façon. Ressentez cet espace ; en respirant, permettez à votre conscience de s'étendre pour inclure cet espace. Faites maintenant de même avec l'espace à droite de votre corps, l'espace à gauche de votre corps, l'espace au-dessus de votre corps et l'espace en-dessous de votre corps. Ressentez cette ouverture globale et spacieuse dans toutes les directions. Est-elle consciente ou inconsciente ? A-t-elle des limites ou des frontières ? A-t-elle un centre ? Où commence-t-elle et où s'arrête-t-elle ? Rejette-t-elle ou s'accroche-t-elle à quelque chose ? Demeurez dans cette ouverture globale - sans limites, sans attaches, toute inclusive, comme le ciel. CONSIDÉRER DES INDICATIONS DIRECTES Un autre moyen puissant pour accéder à la Conscience éveillée consiste à considérer les enseignements directs des grands sages de toutes les traditions qui l'ont intimement comprise et vécue. Ces enseignements sont parfois qualifiés d'instructions de rappel, car ils renvoient la conscience à elle-même pour découvrir qui ou ce qui est conscient, c'est-à-dire la Conscience éveillée. Si vous avez beaucoup de chance, vous entendrez peut-être ces 54 mots de la bouche d'un enseignant vivant. Sinon, vous pouvez trouver ces instructions dans des livres et commencer à répondre spontanément à leur invitation. Dans mon propre cas, j'ai rencontré un maître qui m'a dit : "Le chercheur est le cherché. Celui qui cherche est ce qu'il cherche". Ces paroles ont résonné profondément en moi et elles ont initié un genre de questionnement spontané, comme le font souvent les instructions de rappel. Mais il a fallu des mois avant que cela ne porte ses fruits dans un moment soudain et éclairant de compréhension de leur sens profond. Si vous voulez bénéficier de la sagesse de ces indications et si vous n'avez pas de maître vivant à qui vous pouvez rendre visite en personne, vous pouvez trouver de très bonnes instructions en ligne ou dans des livres. Le secret, c'est d'éviter les enseignements qui remplissent votre esprit d'informations et d'interprétations, et de privilégier ceux qui pointent directement vers la Conscience éveillée, la Présence intemporelle au-delà du mental. Dans le zen, ces indications directes sont reconnues comme des tournants, car elles retournent l'esprit vers la vérité. Il est également question de paroles vivantes, car elles sont imprégnées de l'énergie vibrante de leur source, par opposition aux vocables morts qui ne font que véhiculer des pensées et des concepts. Les koans, ces histoires énigmatiques auxquelles les étudiants du zen réfléchissent et qu'ils s'efforcent de décrypter, aboutissent souvent à un tournant, bien que beaucoup utilisent une sorte de jargon zen qui les rend difficiles à déchiffrer. Ces formules classiques sont élaborées spontanément, sur le moment, en réponse à la question cruciale d'un étudiant, et sont adaptées de manière unique à la situation et aux besoins de l'auteur de la question. CHERCHER QUI EST CONSCIENT En plus de réfléchir aux indications directes des autres, vous pouvez vous interroger activement sur la nature de celui qui est conscient. L'approche classique consiste à poser une variante de la question "Qui suis-je ?", étant entendu que les réponses habituelles - par exemple, je suis une femme, un danseur, un enseignant, un père, un entrepreneur, un méditant, un chrétien, un joueur de tennis, un artiste - ne correspondent pas à ce que vous êtes réellement. Il s'agit de diriger l'attention au-delà de toutes les histoires, de tous les rôles et de toutes les identités que vous avez accumulés au cours de votre vie pour arriver à 55 ce que vous êtes essentiellement, avant l'histoire de votre vie et votre conditionnement. Dans le zen, on appelle cette nature fondamentale, essentielle, votre "visage originel avant la naissance de vos parents". Dans le cadre de ce livre, nous l'appelons la Conscience éveillée. Pour de nombreuses personnes, la question "Qui suis-je ?" est trop abstraite et n'a pas de résonance ou d'attrait. Dans ce cas, vous pouvez utiliser quelque chose de plus concret et proche de l'expérience, comme "Qui expérimente ce moment actuellement ?" ou "Qui regarde avec ces yeux maintenant ?" L'objectif n'est pas de faire appel à l'esprit logique et déductif, mais de poser une question qui va directement au cœur du problème et qui entraîne une résolution par le biais d'un autre mode de connaissance, plus spontané. Vous devez poser la question avec tout votre être et la laisser résonner énergétiquement dans tout votre corps, comme si vous lanciez un caillou dans un étang et que vous laissiez les ondulations se propager sans résistance. La réponse finit par se révéler d'une manière que vous n'auriez jamais pu prévoir. ÊTRE CONSCIENT DE CE QUE VOUS N’ÊTES PAS ; REPOSER DANS CE QUE VOUS ÊTES Au lieu de vous demander "Qui suis-je ?" ou l'une de ses alternatives, vous pouvez vous pencher sur les énigmes ou paradoxes suivants, qui vous mèneront inévitablement dans la même direction. Encore une fois, ne perdez pas votre temps à essayer de les résoudre avec votre esprit rationnel et analytique. Laissez-les plutôt résonner profondément et induire une réponse provenant d'un autre niveau de connaissance, au-delà du mental. Comme pour le questionnement sur soi, la réponse n'arrive pas sous la forme d'un joli paquet conceptuel, comme le font les pensées ; elle vous submerge plutôt et se révèle à vous sous la forme d'une intuition ou d'un aperçu profond, qui change la vie. • Tout au long de celle-ci, vous avez utilisé votre nom et le pronom "je" pour vous désigner, même si vous êtes une personne totalement différente de celle que vous étiez il y a dix, vingt, trente ou quarante ans. Les cellules de votre corps sont mortes et elles ont été remplacées plusieurs fois ; votre corps ressemble peu à celui que vous aviez lorsque vous aviez cinq ou dix ans ; vos pensées et vos sentiments sont 56 complètement nouveaux ; et votre récit intérieur change tout le temps. Vous avez pourtant le sentiment intuitif de quelque chose qui est resté inchangé au fil des ans, auquel le mot "je" fait référence. Où se trouve ce "je" immuable et fixe ? • Tout ce que vous pouvez expérimenter est un objet de votre conscience. Lorsque vous dites "je vois un arbre", "j'entends un oiseau" ou "je connais un fait", l'oiseau, le fait ou l'arbre est un objet, et "je" est le sujet. Pour cette raison, vous ne pouvez jamais connaître ou expérimenter ce "je", car sitôt que vous pensez l'avoir saisi et transformé en objet, il vous échappe. "Je" est le sujet ultime de tous les objets, mais il ne peut jamais lui-même devenir un objet d'expérience ou de connaissance. Il peut pourtant être connu d'une manière plus directe, qui ne passe pas par le mental et le processus de la connaissance objective. Qui est ce "Je" ? • Tout ce que vous expérimentez n'est pas ce que vous êtes essentiellement. Les pensées, les sentiments, les sensations, les souvenirs, les croyances, les images et les histoires avec lesquels vous vous confondez généralement ne sont que des objets de votre attention, et ils ne peuvent pas être ce que vous êtes réellement. Mais lorsque vous êtes conscient de ce que vous n'êtes pas - le corps, les sens, le mental - vous demeurez dans ce que vous êtes. Qu'est-ce que c'est ? VOUS ÊTES LA VOIE En définitive, il n'y a pas de voie ni de méthodologie prédéterminée pour découvrir qui vous êtes fondamentalement, votre foyer de Conscience éveillée, car personne ne peut savoir quelles questions, quelles méditations et quelles explorations résonneront pour vous et déverrouilleront votre porte sans porte. Les enseignements traditionnels recommandent de s'asseoir tranquillement, d'écouter les paroles d'un Maître éveillé, de méditer les enseignements, de chercher par soi-même et de s'associer à d'autres personnes qui suivent une voie semblable, mais vous devez trouver ce qui fonctionne pour vous en vous mettant en phase avec votre propre connaissance intérieure et en ayant le sentiment intuitif de savoir quand vous vous en rapprochez et quand vous vous en éloignez. Ce genre de résonance plus profonde est difficile à enseigner et elle ne se produit généralement que graduellement, dans la mesure où vous vous orientez vers la vérité que ces enseignements transmettent. 57 Dans ce chapitre, j'ai proposé un certain nombre de méditations et d'explorations, mais qui ne sont pas destinées à constituer une pratique systématique. Trouvez celles qui vous attirent le plus et entreprenez-les résolument, mais sans vous attendre à des résultats particuliers, car cela fausserait les découvertes que vous pourriez faire. Gardez la fraîcheur de "l'esprit du débutant", et vous finirez par réaliser vous-même la Conscience éveillée. Après tout, l'esprit du débutant et la Conscience éveillée sont une seule et même chose ! De la même manière, les indications et les descriptions présentées dans ce livre ne sont pas censées constituer des réponses, mais des hypothèses que vous devez prouver ou réfuter. Par exemple, on vous a dit que la Conscience éveillée est votre état naturel, antérieur à la pensée, qu'elle est toujours accessible et qu'elle est la source ultime de la paix, du bonheur et de l'amour durables, mais connaissez-vous réellement par vous-même la vérité de ces affirmations ? Jusqu'à ce que ce soit bien le cas, tout ce qui est dit dans ce livre n'est que du blabla. Avec une pratique régulière comme la pleine conscience, vous avez le réconfort de savoir que vous faites quelque chose avec des bénéfices bien étudiés qui semblent s'appliquer plus ou moins également à tout le monde, mais comme je l'ai mentionné précédemment, l'approche directe est plus singulière. Faites confiance à votre intuition, soyez sincère et zélé dans votre expérimentation, et soyez une lampe pour vous-même, ainsi que l'a conseillé le Bouddha. EN CONCLUSION : SOYEZ SIMPLEMENT QUI VOUS ÊTES Si vous êtes aventureux, vous pouvez essayer l'approche la plus directe de toutes, qui est aussi la plus élusive et la plus précaire : soyez simplement qui vous êtes. Ne vous embarrassez pas des méthodes présentées dans ce chapitre, laissez tomber toute tentative de manipuler votre attention de quelque manière que ce soit, et demeurez dans l'ouverture inconditionnelle, sans préambule, préparation ou pratique. La Conscience éveillée est l'arrière-plan éternel, imperturbable et immuable de toute expérience, la lumière derrière toutes les perceptions, le sujet ultime de tous les objets, l'écran vide sur lequel se projette le monde phénoménal apparent, la sphère non duelle dans laquelle la vie se déroule. On ne 58 saurait la pratiquer, la créer ou la cultiver de quelque manière que ce soit. Au lieu de cela, il suffit de l'être. Lorsque j'essaie de lâcher prise, comme vous le suggérez, je ne fais que me crisper et je finis par me sentir plus tendu et stressé qu'au départ. Est-ce que je fais quelque chose de mal ? Le paradoxe, bien sûr, c'est que vous ne pouvez pas accomplir le lâcher-prise, vous pouvez seulement le permettre. Tant que vous essayez de l'"accomplir", vous ne lâchez pas vraiment prise, vous vous accrochez à votre tentative. Arrêtez d'essayer, et le lâcher prise se fait tout seul. C'est comme lâcher une balle que vous serriez si fort : ne la lâchez pas, arrêtez simplement de la tenir, et la balle tombe de votre main. Parfois, le simple fait de remarquer que vous vous accrochez déclenche spontanément un lâcher-prise. Après tout, la détente et l'aisance sont votre condition naturelle, votre mode par défaut, avant qu'une vie entière de conditionnement ne vous apprenne que vous devez garder le contrôle pour survivre. Je ne suis pas certain d'avoir suffisamment confiance en moi pour être une lampe pour moi-même et voir où je vais, comme vous le suggérez. Après tout, mon jugement n'a pas été très fiable dans le passé ; c'est pourquoi j'ai commencé à pratiquer la pleine conscience. Peut-être que l'attention vigilante que vous portez à votre expérience d'un moment à l'autre vous a permis de mieux vous mettre au diapason de votre propre connaissance intérieure et intuitive, ce lieu où, au-delà de l'analyse ou du jugement, vous sentez ce qui est le mieux pour vous. Par exemple, comment avez-vous choisi une carrière ou une partenaire, quel livre lire ensuite, ou avec qui vous lier d'amitié ? Comment savez-vous quels aliments manger et à quel moment ? Vous consultez constamment un GPS intérieur pour vous guider dans la vie, et le processus de reconnaissance de votre vraie nature n'est pas différent. En fin de compte, vous seul pouvez savoir ce qui est le mieux pour vous ; personne d'autre, pas même le maître le plus sage, ne peut être une autorité sur votre chemin vers la Conscience éveillée. Bien sûr, les conseils d'un enseignant expérimenté peuvent être inestimables, et il existe d'innombrables enseignements disponibles de nos jours pour vous guider sur votre chemin. Mais en fin de compte, c'est à vous de discerner quelle orientation suivre. 59 CHAPITRE 5 : PRATIQUER L’APPROCHE DIRECTE Lorsque vous vous permettez de reposer dans l'ouverture inconditionnelle, vous êtes imprégné et infusé de la plénitude de l'Être, qui s'exprime dans notre cœur par des qualités telles que l'émerveillement, la gratitude, la joie, la luminosité et l'amour. Avec la réalisation de la Conscience éveillée, votre expérience de la vie change radicalement : au lieu de vous imaginer comme un ensemble de pensées, de sentiments, de souvenirs et d'histoires situés quelque part à l'intérieur de votre corps, généralement la tête, vous vous reconnaissez comme l'ouverture illimitée dans laquelle le corps-mental et tout autre objet apparaissent. Comme le changement cognitif qui se produit avec ces figures-fonds que l'on étudie en classe de psycho, une fois que vous voyez qui vous êtes vraiment, c'est-à-dire le champ de conscience dans lequel le monde de la réalité objective se révèle, il est impossible de vous considérer à nouveau de la même manière. Vous vous êtes réveillé d'un rêve, et vous ne pouvez pas prétendre ne pas voir ce que vous avez déjà vu. En même temps, vous pouvez continuer à dévier de la vérité que vous avez découverte et vous rendormir. L'attraction du mental étriqué, de l'ego, est tellement forte qu'elle ne cesse de se raviver et de vous ramener dans le vieux schéma qui consiste à vous prendre pour votre histoire plutôt que pour celui qui est conscient de (et au-delà de) l'histoire. En d'autres termes, vous vous méprenez pour un objet, même si vous savez que vous êtes le sujet ultime. Après la réalisation, la pratique ne consiste pas à essayer de voir quelque chose que vous n'avez pas déjà vu, mais à revenir et à demeurer dans la vérité que vous savez être. Si vous asseoir tranquillement ou vous interroger, comme vous le faisiez avant, vous aide à revenir à la Conscience éveillée, alors n'hésitez pas à le faire, pour autant que vous vous rappeliez que vous n'essayez pas de cultiver un état que vous n'avez pas déjà ou de parvenir à un endroit que vous n'habitez pas déjà. La Conscience Eveillée est ce qui vous est le plus proche, aussi proche de vous que la respiration, aussi intime que d'ouvrir les yeux et de regarder le monde comme si c'était la première fois. Comme dans la pratique de la pleine conscience, chaque moment de la pratique de la Conscience éveillée offre un point de choix : est-ce que je me laisse distraire et me laisse à nouveau séduire par le drame ? Ou est-ce que je choisis l'ouverture, la clarté, la 60 désidentification et la liberté que j'ai découvertes, mais que je continue à oublier ? La différence est qu'avec la pleine conscience, vous continuez à choisir d'être conscient, tandis qu'avec l'approche directe, vous continuez à vous rappeler que vous êtes la Conscience elle-même. C'est le sens de la Conscience éveillée - la Conscience qui repose consciemment et délibérément en elle-même, sans s'attacher aux objets ou aux résultats. À la fois subtile et profonde, cette distinction marque la limite entre l'approche directe et l'approche progressive. (Pour plus de détails sur cette distinction, voir le chapitre 1.) Dans la pleine conscience, on met l'accent sur les objets de la conscience ; dans l'approche directe, on met l'accent sur le sujet ultime : la Conscience éveillée, elle-même. Après avoir localisé votre foyer d'origine (qui est paradoxalement sans limites et non localisable), vous y retournez, encore et encore. Au fond, vous vous exercez à être ce que vous êtes déjà, ce qui est (une fois de plus) paradoxal et dénué de sens pour l'esprit rationnel. MÉDITATION : PERMETTRE AUX CHOSES D’ ÊTRE COMME ELLES SONT #2 Une fois que vous avez découvert la Conscience éveillée, vous pouvez continuer à y revenir directement, lorsque vous vous asseyez en méditation, plutôt que de pratiquer une technique quelconque pour y parvenir. Certes, il s'agit là d'une pratique avancée, mais à un certain moment, quand votre compréhension s'approfondit, vous pouvez rentrer directement chez vous sans détours. Commencez par vous asseoir tranquillement et prenez conscience du flux et du reflux de votre respiration pendant quelques minutes. Ensuite, laissez tout être tel quel, sans efforts, ni manipulations. Même l'idée d'être ouvert est un genre d'effort ou de manipulation, à ce stade, alors laissez tomber même toute tentative d'être ouvert et permettez à tout d'être tel quel. C'est l'instruction de base : laisser être. Laisser être est l'ouverture ultime ; il s'agit de permettre plutôt que de faire quoi que ce soit. Si des pensées et des sentiments vont et viennent, n'essayez pas de les changer, de les éviter, de vous y attacher ou de vous en débarrasser. Laissez-les simplement être. En les laissant être, vous restez dans l'ouverture de la Conscience éveillée. Votre foyer est toujours ouvert et libre de ce dont il est conscient, et en étant conscient des objets sans 61 vous y laisser prendre, vous reposez dans l’Être-Conscience, le sujet ultime de tous les objets. Encore une fois, la différence entre la conscience sans choix de la tradition de la pleine conscience et la Conscience éveillée est subtile, mais cruciale : avec la conscience sans choix, on met encore l'accent sur les objets de la conscience, en permettant à l'attention de se déplacer librement et spontanément d'un objet à l'autre. En laissant être, vous reposez consciemment en tant que sujet, la Conscience elle-même, et vous laissez faire les objets sans vous focaliser aucunement dessus. A l’instar du ciel, vous êtes libre par rapport à ce qui le traverse. A l’instar d’un miroir, vous êtes n’êtes pas troublé par ce qui se reflète dedans. Telle est la nature de la Conscience éveillée. DEMEURER DANS LA PLÉNITUDE DE L’ÊTRE À un niveau pratique, la Conscience éveillée a une dimension expérientielle, énergétique. Si vous vous permettez de reposer dans l'ouverture inconditionnelle, vous êtes imprégné et infusé par la plénitude de l'Être, qui s'exprime à travers le cœur par certaines des qualités que j'ai énumérées dans les chapitres précédents : le confort, l'aisance, la confiance, la complicité, l'émerveillement, la gratitude, la joie, la luminosité et l'amour. Quoique nous utilisons des mots et des concepts différents pour décrire ce qui semble être des qualités différentes, elles ne sont en fait que des facettes du joyau de la Conscience éveillée, telle qu'elle est vécue au niveau physique ou énergétique. A la différence de la pleine conscience, vous n'avez pas besoin de faire un effort pour cultiver ces qualités, qui se manifestent naturellement, quand vous reposez dans la plénitude et dans l'ouverture de la Conscience éveillée. Pour cette raison, demeurer dans la Conscience est la pratique phare (si on peut appeler cela une pratique) qui suit la réalisation de la Conscience éveillée. Soyez simplement qui vous êtes ! En y demeurant, vous permettez à la plénitude de l'Être de s'exprimer à travers vous sans aucune intervention ou manipulation de votre part. Dans votre corps, vous expérimentez inévitablement cette plénitude comme une dilatation infinie qui englobe tout et toutes les possibilités, une sorte de oui passionné et total à la vie, comme elle est. Certains enseignants utilisent des mots, comme ''inspiration'' (infusion par l'Esprit) ou 62 ''enthousiasme'' (être rempli de Dieu) pour décrire cet espace ouvert, expansif, compatissant. C'est comme si vous vous aligniez sur le cours naturel de l'univers et que vous vous sentiez porté par son énergie. Bien entendu, il ne s’agit là que de concepts jusqu'à ce que vous arriviez à l'expérience qui en résulte. Une fois que vous vous êtes familiarisé avec cette dilatation et avec cette plénitude énergétiques, vous pouvez continuer à y revenir directement, d'instant en instant, sans utiliser des pratiques intermédiaires. Continuez juste à vous focaliser sur l'ouverture/plénitude et demeurez là. MÉDITATION : DEMEURER DANS LA PLÉNITUDE DE L’ÊTRE Au fur et à mesure que vous vous habituez à lâcher prise et à laisser être, vous commencez à faire l'expérience de la plénitude de l'Être en tant qu'expérience énergétique, telle qu'elle est décrite dans la partie précédente. Comme un joyau, cette expérience est extrêmement riche, lumineuse et pleine de facettes, et elle est en fin de compte dépourvue d'expérimentateur, puisque quand vous vous trouvez dans la plénitude de l'Être, le sentiment d'être une personne distincte faisant l'expérience de quelque chose a déjà disparu. Tout au long de la journée, il est possible de continuer à revenir à l'expérience de la plénitude de l'Être en vous focalisant dessus pendant quelques instants, puis de retourner à ce que vous étiez en train de faire. De nouveau, cela n'a rien à voir avec le fait d'être attentif. Il s'agit plutôt de se dissoudre dans le courant d'amour, de gratitude et de joie qui imprègne l'existence, courant qui ne peut ni être enseigné, ni décrit. S’agissant de l'Essence de ce qui est, on peut juste l’indiquer, mais quand vous tombez dessus, vous le reconnaissez immédiatement, tout comme le fils prodigue reconnut sa maison abandonnée depuis longtemps. Dans certaines traditions, cette Essence indescriptible est connue comme étant le joyau qui exauce tous les souhaits, le nectar des dieux, ou le remède ultime à tous nos maux. Demeurez en elle et permettez-lui d'imprégner votre corps et votre esprit, et vous découvrirez qu'elle est profondément curative à tous les niveaux. 63 RENTRER CHEZ SOI, QUAND ON S’ÉGARE "Tout ça, c'est bien beau", vous demandez-vous peut-être, "mais comment puis-je rentrer chez moi et y demeurer, quand je me suis éloigné de la vérité de mon Être ? Sitôt que j'ai l'impression d'avoir perdu le contact, je me démène anxieusement pour le retrouver et je finis par me fourvoyer de plus en plus loin. À ce stade, la directive d'être simplement qui je suis et d’y reposer et d’y demeurer ne signifie absolument rien pour moi." La clé ici est de se rappeler que vous n'avez rien perdu : ce que vous cherchez et ce que vous essayez d'appréhender si fort est ce qui cherche ; le chercheur est le cherché. Au lieu de chercher à l'extérieur de vous-même pour tenter de retrouver un état d'esprit particulier, comme s'il s'agissait d'un objet que vous pourriez récupérer, asseyez-vous simplement tranquillement une fois encore et permettez à tout d’être tel quel. Via cette permission, par laquelle vous êtes complètement détaché de tout état d'esprit, y compris au fait d'être le foyer de la Conscience, vous revenez immédiatement (et paradoxalement) au foyer que vous pensiez avoir perdu, mais qui était en réalité toujours accessible pour vous. Pour reprendre un grand maître, "Lâchez prise, et Cela vous comble". Vous pouvez également vous poser la question "Qui suis-je ?" (ou bien toute autre forme d'interrogation qui trouve un écho en vous) et vous reconnecter instantanément à votre foyer d'origine, sans avoir à fouiller dans votre esprit à la recherche de réponses. Ou vous rappeler une simple indication ou une formule qui vous ramène immédiatement chez vous. Familiarisez-vous avec ce qui fonctionne pour vous et, si cela ne fonctionne plus, expérimentez jusqu'à ce que vous trouviez quelque chose qui fonctionne. Plus vous revenez reposer dans la Conscience, et plus le chemin du retour devient facile et rapide. Finalement, il vous suffit de claquer des talons et de vous rappeler que rien ne vaut votre foyer, comme Dorothy dans le Magicien d'Oz ! C'est-à-dire que le retour se produit spontanément et instantanément, au fur et à mesure, jusqu'à ce que vous ne quittiez plus jamais votre foyer. Rappelez-vous simplement que ce vers quoi vous retournez n'a pas d’emplacement ni de substance, ce n'est ni un objet ni une chose, c'est l'ouverture inconditionnelle insaisissable, où la séparation apparente entre l'intérieur et l'extérieur, le moi et l'autre, a disparu, et où tout se déploie librement, tel quel. 64 SANS CESSE SE RÉVEILLER Bien sûr, vivre dans une telle ouverture inconditionnelle et une telle plénitude d'être, libre d'identités et de programmes fixes, peut sembler ardu et désorientant au début, d'autant plus que la culture, les gens qui vous entourent et votre propre conditionnement concourent pour vous convaincre de vous identifier à nouveau à une personne distinctive. Chacun de nous vit dans un monde de rêves qu'il a lui-même créé et qu'il prend pour la réalité. L'histoire du moi est un drame jalonné de héros et de vilains, de succès et d'échecs, de gains et de pertes, généralement marqué par la lutte et par le conflit et qui a pour centre le moi séparé. Se découvrir en tant que Conscience éveillée signifie s'éveiller de ce rêve à la plénitude de la vie telle qu'elle est, en ce moment même, dans cet instant intemporel, libre des limitations que vos idées, interprétations et histoires imposent, mais le rêve est si familier, et les autres personnages du rêve sont si attachés à votre investissement dans le rêve, que vous ne cessez de vous y laisser entraîner, encore et encore. À ce stade, la clé pour demeurer dans la Conscience éveillée, c’est de clarifier une fois pour toutes où se situe réellement votre foyer et de vous rappeler sans cesse d'y retourner. Les schémas habituels de pensées, de sentiments et de réactions, ainsi que l'histoire confortable et auto-satisfaisante que vous tramez à votre sujet, peuvent sembler aussi familiers et accueillants qu'une bonne vieille paire de pantoufles, mais est-ce qui vous êtes vraiment ou là où vous demeurez réellement, au niveau le plus profond ? Si vous optez pour le confort et la familiarité plutôt que pour la clarté et la liberté de la Conscience éveillée, vous errerez sans fin par les hauts et les bas de l'existence conditionnée, et les montagnes russes des naissances et des morts, ce que les bouddhistes appellent le samsara. Vous devez être convaincu que vous ne pouvez pas trouver là un épanouissement durable. Par exemple, vous pouvez être très fier de vos accomplissements : les difficultés que vous avez surmontées, les relations que vous avez cultivées, les endroits que vous avez visités, l'argent que vous avez gagné, mais les souvenirs des meilleures expériences passées peuvent encombrer votre esprit et vous empêcher d'être pleinement présent en ce moment et d'apprécier la joie et la plénitude que cet instant irremplaçable vous offre potentiellement. Ou bien vous vous retrouvez à repenser avec tristesse et honte à vos échecs, à vos occasions manquées, à vos erreurs, aux personnes que vous avez blessées, 65 aux traumatismes que vous avez subis, mais ce brouillard de pensées et de sentiments négatifs vous empêche de vivre maintenant des expériences plus positives qui pourraient vous aider à soulager votre douleur. Vous pouvez aussi continuer à recycler l'histoire de la façon dont vous avez été lésé, abandonné ou négligé par les autres, et votre ressentiment vous a rendu amer et coupé de l'amour qui vous est maintenant accessible. Vous souffrez peut-être, parce que vous comparez défavorablement vos expériences actuelles à celles que vous avez vécues dans le passé, ou parce que vous vivez dans la crainte constante que les mêmes traumatismes et les mêmes déceptions qui vous ont frappé auparavant ne se reproduisent. Et vos relations ne sont jamais vraiment satisfaisantes, étant assombries par des jugements, par des attentes, par des projections et par l'ombre des peines et des pertes antérieures. En errant sans fin dans l'histoire de votre vie, vous souffrez, parce que vous vous êtes dissocié de la vie telle qu'elle est et parce que vous ne pouvez pas authentiquement vous y raccorder. MÉDITATION : APPRENDRE À CONNAÎTRE LE RÊVE QUE VOUS VIVEZ Comme première étape du processus d'éveil, vous pouvez vous familiariser intimement avec le rêve dont vous souhaitez vous réveiller et reconnaître qu'il n’est pas qui vous êtes. Pendant une semaine, prêtez une attention particulière au rêve que vous entretenez constamment à votre sujet. Faites-en l'objet de votre investigation, comme vous le feriez pour un mystère que vous tentez de résoudre. Remarquez les histoires que vous vous racontez sur les autres personnes de votre vie et comment elles figurent dans votre récit. Qui sont les méchants et qui sont les héros ? Avez-vous tendance à vous donner raison et tort aux autres ? Ou vous culpabilisez-vous pour toutes les erreurs que vous croyez commettre ? Remarquez la teneur des sentiments du rêve - la colère, la peur, la douleur, la honte. Quels sont les thèmes et les problèmes récurrents ? Où avez-vous appris à voir la vie de cette façon ? Remarquez que parfois les histoires semblent reléguées à l'arrière-plan et perdre de leur emprise. Comment vous sentez-vous alors ? Qu'est-il arrivé aux histoires ? Rappelez-vous 66 que les histoires que vous vous racontez sur la réalité ont généralement très peu à voir avec ce qui se passe vraiment. Ce sont des interprétations, des projections sur l'écran vierge des possibilités, qui ont ensuite un impact puissant sur ce qui se passe réellement. Qu'est-ce que cela ferait de vivre libéré de vos histoires ? Comment vous sentiriez-vous ? A quoi ressemblerait votre vie ? Si vous n'êtes pas le rêve ou le personnage du rêve, qui êtesvous ? PRENDRE REFUGE DANS LA CONSCIENCE ÉVEILLÉE La reconnaissance du fait que le moi séparé est un format pour la souffrance peut très bien vous avoir motivé à rechercher l'Eveil en premier lieu. Pour vous rappeler votre engagement à rester éveillé, il peut être utile de revenir à cette reconnaissance, de temps en temps, tout comme vous mettez parfois votre doigt sur un poêle brûlant pour confirmer qu'il a toujours le pouvoir de brûler. Sinon, la vie fait un excellent travail pour vous le rappeler, en vous confrontant à des situations où votre attachement à une position ou un programme fixe, une image ou une histoire de vous-même, ou un mode de réaction habituel, provoque des sentiments douloureux et familiers de colère, de peur, d’être sur la défensive ou de peine. Si vous vous retrouvez soudainement en train de souffrir à nouveau, prenez-le comme un avertissement pour vous rappeler votre véritable foyer et y retourner sur-le-champ. Dans la tradition bouddhiste, ce retour incessant à votre foyer de Conscience éveillée est connu comme une prise de refuge contre la souffrance de l'existence conditionnée. Une fois que vous vous êtes éveillé, vous ne pouvez plus vous réfugier dans le rêve ; vous avez été désillusionné pour de bon. Même si vous pouvez continuer à y retourner pour une visite, vous ne pouvez plus y établir vos quartiers. En fait, vos séjours dans le rêve peuvent être encore plus douloureux qu'avant. Dès lors, vous pouvez avoir l'impression que votre souffrance s'est intensifiée depuis que vous vous êtes rendu compte que vous êtes la Conscience éveillée, puisque chaque fois que vous vous approchez du poêle, vous vous brûlez. 67 La bonne nouvelle, c'est que votre engagement à réaliser la vérité de votre être a porté ses fruits et qu'il contribue maintenant à vous ramener chez vous, encore et toujours. En effet, cet engagement comporte une sorte de renoncement, non pas aux commodités matérielles ou aux relations intimes auxquelles un moine ou une nonne pourrait renoncer, mais à l'attachement au monde des rêves que vous avez créé. L'engagement, le refuge et le renoncement constituent trois aspects du mouvement vers la vérité. En renonçant à la croyance habituelle selon laquelle vous pouvez trouver le vrai bonheur et l'épanouissement dans le rêve, vous vous réfugiez dans la Conscience éveillée et vous vous engagez à vivre à partir de cette compréhension de manière aussi cohérente que possible. MÉDITATION : GARDER LES CHOSES DEVANT SOI Votre état naturel de Présence inconditionnelle étant l'arrière-plan de toute expérience, vous pouvez vous entraîner à permettre aux pensées et aux sentiments de défiler devant vous, comme un film qui se déroule devant vos yeux. Vous êtes la lumière derrière le film qui rend les images possibles et qui ne se trouve pas parmi les personnages. Et en même temps, paradoxalement, le personnage pour lequel vous vous prenez généralement continue de jouer son rôle dans le film. Au cours de la méditation assise, vous pouvez vous entraîner à être le ciel dans lequel les pensées et les sentiments se forment comme des nuages (comme c’est décrit dans le chapitre précédent). Le ciel accueille sans se mêler à ce qui apparaît. Au cours de la vie quotidienne, vous pouvez vous arrêter de temps en temps et reposer dans la Conscience éveillée - c'est-à-dire la Conscience qui repose sciemment en elle-même – tout en permettant à la vie se dérouler comme un rêve, sans interférer. Cette noninterférence ne signifie pas être passif, mais comprend également le fait de ne pas interférer avec le cours de vos propres actions. Les taoïstes appellent ça "pratiquer le nonagir", ou l'activité sans effort, centre ni agent. Vous interagissez dans le rêve autant que vous vous sentez poussé à le faire, mais vous n'êtes pas identifié au drame, ni attaché au résultat. Vous êtes en équilibre sur le fil du rasoir entre le fait de n'être personne et d'être quelqu'un, rien et tout. 68 Si rien de tout cela n'a du sens pour vous, ne vous tracassez pas. Mettez simplement cela de côté et expérimentez des pratiques qui vous parlent. PARTIR EN MIETTES, SANS CRAQUER Quand votre foyer d'identité passe du personnage du rêve à la Conscience éveillée, vous pouvez éprouver le sentiment déconcertant que votre vie, telle que vous la connaissiez, est en train de se déglinguer , et vous retrouver en train de tenter de vous démener pour rafistoler les morceaux, à l’image des compagnons d’Humpty Dumpty dans la comptine. Des expressions comme "se ressaisir’’ ou ’’se reprendre" et "mettre toutes les chances de son côté’’ ou ’’avoir toutes les cartes en main" trahissent le mythe d’après lequel il faut garder le contrôle de tous les aspects de sa vie, si l'on veut survivre dans un monde difficile. Mais la réalisation de la Conscience éveillée révèle un ordre plus profond et plus mystérieux au cœur de l'existence, qui n'est pas centré sur vous en tant que personne distinct(iv)e, mais qui trouve son expression dans la plénitude/globalité et la perfection inhérentes à la vie, telle qu'elle est. Suivant les mots d'un maître zen, "Tout est parfaitement géré dans le Non-né", c'est-à-dire qu'il existe un ordre implicite qui veille à tout et qui vous permet de vous défaire de l'illusion d'être aux commandes. Car une enquête approfondie montre que le contrôle n'est que cela, une illusion. Contrôlez-vous les battements de votre cœur, le fonctionnement de vos organes internes, ou votre respiration, la plupart du temps ? Pouvez-vous contrôler le flot de vos pensées et de vos sentiments ? Avez-vous même le contrôle de vos actions ? En fait, les recherches sur le cerveau démontrent que la décision de bouger le bras ou de manger un morceau intervient une fraction de seconde après que l'impulsion d'agir se soit réellement produite. Au quotidien, vous pouvez avoir l'impression que vous pouvez microgérer votre vie jusqu'à ce que vous ne le puissiez plus, parce que les circonstances de la vie, des événements imprévus ou des limitations physiques, psychologiques ou matérielles vous en empêchent. Mais lorsque vous réalisez la Conscience éveillée, vous êtes délogé de force du centre apparent de votre vie et vous passez à l'arrière-plan, ne serait-ce que pour un instant ou deux, alors que la vie se déploie devant vous et en vous à sa propre manière mystérieuse. Soudain, vous relâchez votre mainmise sur la vie et découvrez qu'elle était 69 complètement inutile. Vous pensiez que vous conduisiez la voiture, alors que vous n'étiez qu'un petit enfant serrant fermement le volant d'un jouet pendant que maman ou papa Dieu, le mystère, l'ordre implicite - conduisait. Après avoir perdu l'illusion du contrôle, il se peut que vous n'ayez plus la même volonté (ou, peut-être plus exactement, que vous ne vous sentiez plus motivé/mobilisé) et que vous ne trouviez plus le même sens à votre vie. En fait, l'effondrement du rêve a provoqué un effondrement correspondant du sentiment personnel que le rêve projetait. Le rêve qui prédomine en Occident est fondé sur le mythe du héros, d’un personnage fort, responsable de sa vie, qui trouve un sens absolu en surmontant les obstacles et en se battant contre vents et marées pour remporter le prix, franchir la ligne d'arrivée ou réussir une tâche herculéenne. On idolâtre les personnes qui vivent une version de ce mythe – tel le nageur vieillissant qui triomphe des éléments en traversant un plan d'eau infesté de requins, ou l'enfant défavorisé qui se fraye un chemin jusqu'au sommet d'une grande entreprise, ou la jeune fille qui fait le tour du monde en solitaire en dépit du mauvais temps et des pannes d'équipement. (La popularité des films de super-héros témoigne de la fascination exercée par ce mythe). Inutile de dire que le rêve du héros met l'accent sur la séparation entre l'individu et le reste de la réalité – c’est un rêve de lutte, de conflit et de triomphe total. Même si vous ne vous prenez pas pour un héros, vous vous jugez probablement à l'aune d'une version de ce modèle fondamental. En effet, l'ego se prend inévitablement pour le héros de sa propre histoire et trouve de la valeur dans la manière dont il réussit - à gagner sa vie, à trouver un compagnon/une compagne, à gagner l'amour et l'approbation. Mais lorsque vous réalisez que vous n'êtes plus le centre distinctif autour duquel votre vie tourne, mais simplement une autre expression du mouvement et du cours plus vastes de la vie elle-même, le rêve du héros et l’univers de sens personnel que vous avez érigé autour de lui s'effondrent. Et maintenant ? Si le sens de votre vie n'est pas fondé sur l'importance et la réussite personnelles, quel est donc l’intérêt ? Au lieu de vous efforcer de reconstruire le rêve et le sens qu'il contenait, ce qui est de toute façon voué à l'échec, vous pouvez toujours revenir à votre foyer de Conscience éveillée et y trouver le sens ultime. Lorsque vous abandonnez l'effort de forcer la vie et que vous demeurez plutôt dans une ouverture et une Présence inconditionnelles et sans centre, vous réalisez que rien n'a besoin d'être ajouté à ce moment pour le rendre plus complet – celui70 ci est intrinsèquement parfait et significatif, tel qu'il est. En vous désagrégeant en tant que moi séparé, vous avez découvert le fondement plus profond de l'indivis, de l'Un sans second, de la Source éternelle de laquelle provient toute séparation apparente. Une fois que vous avez réalisé votre identité avec ce niveau plus profond de l'Être, la recherche d'un sens personnel prend naturellement fin. EN CONCLUSION Il n'y a aucun moyen de pratiquer ou de maintenir la Conscience éveillée, comme vous pourriez le faire avec un état tel que la pleine conscience. Mais une fois que vous reconnaissez qu'il s'agit de votre essence même, de votre véritable nature, de votre état naturel, vous pouvez continuer à remarquer votre tendance à vous égarer dans l'identification et revenir sans cesse à ce que vous savez être. Ainsi que le disait un grand sage indien, "Il vous suffit de trouver votre source et d'y établir vos quartiers"1. Au fur et à mesure que l'habitude de s'identifier au mental disparaît, il en va de même du besoin de contrôler ou de manipuler la vie pour qu'elle réponde à vos attentes, et vous vous ouvrez naturellement à la complétude et à la perfection inhérentes à chaque instant, tel qu'il est. J'ai toujours essayé de vivre une "vie orientée vers un but" et de faire ce que je crois avoir un sens pour moi. Vous suggérez maintenant que la recherche d'un sens personnel est malavisée. Cela signifie-t-il que j'ai perdu mon temps pendant toutes ces années ? Je ne dirais pas que vous avez été malavisée, puisque ce que vous avez fait vous a amenée à remettre en question votre approche et à vous interroger plus profondément. Dans le contexte du rêve d'être une personne distinctive avec une biographie, un avenir attendu, certains objectifs et certaines attentes, et le désir d'avoir un impact et d'exercer un certain contrôle, choisir de poursuivre un but personnel est tout à fait logique. Mais la volonté d'imposer votre agenda, aussi noble soit-il, vous rend aveugle à ce qui est réellement nécessaire et vous met en porte-à-faux avec le cours naturel et l'orientation de la vie, qui a son propre sens inhérent. Plus vous vous délestez de vos objectifs et de vos idées préconçues et plus vous êtes ouverte à l'écoute de ce que la vie a à vous offrir, plutôt qu'à vos idées sur la façon dont les choses devraient être, plus la vie prend du sens et plus vous 1 Sri Nisargadatta Maharaj, NDT 71 êtes en mesure de répondre de façon appropriée au moment présent et de vous rendre véritablement utile. Reposer dans la Conscience éveillée implique une écoute intime et globale de l'ensemble de la situation telle qu'elle est, et permet à votre objectif d'apparaître spontanément en adéquation avec la situation en cours - et d'évoluer et de changer avec le processus. J'ai difficile à croire que "tout est parfaitement géré dans le Non-né", comme vous le soutenez. Regardez toute la violence, l'ignorance et la cupidité dans le monde, toutes les guerres, les attaques terroristes, la déprédation de l'environnement... La réalité ne me parait pas parfaitement orchestrée ! Comment pouvez-vous savoir que les guerres, les attaques terroristes et la dégradation de l'environnement ne sont pas absolument ce qui doit arriver selon un ordre mystérieux que votre esprit ne peut pas comprendre ? Pensez-vous que vous ou que quiconque sur la planète sache ce qui est le mieux pour l'ensemble ? Rappelez-vous que la perfection à laquelle je me réfère n'a rien à voir avec les opposés de ‘’parfait’’ ou ‘’imparfait’’, ‘’bon’’ ou ‘’mauvais’’. Elle est plutôt parfaite dans ce sens où il ne pourrait pas en être autrement c'est ce qui est censé se produire. Et comment le savez-vous ? Parce que c'est ainsi ! Sinon, vous entrez constamment en conflit avec la réalité, ce qui, comme le disait l'un de mes maîtres, fait de vous une perdante dans tous les cas. Bien sûr, si vous vous sentez poussée à faire des changements ou à vous joindre à d'autres pour protester contre le statu quo, n'hésitez pas à le faire - votre réponse à la vie fait également partie de la perfection. Mais ne vous attachez pas aux résultats, sinon vous serez sans cesse frustrée et déçue. La réalité évolue à sa manière propre, mystérieuse, inéluctable et, oserais-je le dire, parfaite, que vous le vouliez ou non. Vous pouvez choisir de laisser tomber votre lutte et votre séparatisme et vous détendre dans votre état naturel de Conscience éveillée, qui est intrinsèquement en phase avec le cours des choses. Ou vous pouvez vous épuiser à résister à la façon dont les choses sont. Là encore, si vous suivez le cours des choses, vous n'êtes pas nécessairement passive, mais vos réponses sont adaptées à la situation en cours. 72 Je sais que je ne suis pas mon corps, mon histoire ou ma personnalité, mais je n'ai jamais eu aucune des expériences énergétiques que vous décrivez. Il s'agit plutôt d'une simple intuition ou reconnaissance de ce qui est vrai. La réalisation initiale prendra souvent la forme d'une simple intuition. Au fur et à mesure qu'elle imprègne votre être et qu’elle touche votre cœur, elle s'épanouira sous la forme d'expériences énergétiques d'amour, de gratitude et des autres qualités que je décris. Il est essentiel que vous ayez une reconnaissance claire et incontestable de la trame non duelle de la réalité avec tout votre être, et pas seulement comme une vision du monde que vous comprenez avec votre esprit. Dans les traditions religieuses occidentales, on appelle gnose cette aperception directe, au-delà du mental ; en Orient, elle est connue sous le nom de jnana ou prajna. Elle est similaire à ce que nous appelons généralement l'intuition, comme lorsqu’on dit "je sais, mais je ne peux pas expliquer comment", et ce savoir est aussi indéniable que le nez au milieu de la figure. 73 CHAPITRE 6 : LA CONSCIENCE ÉVEILLÉE DANS LA VIE QUOTIDIENNE Si vous êtes concentré, vous créez déjà une séparation. Il n’y a pas lieu d’être concentré. Si vous marchez, marchez simplement. Laissez la marche s'effectuer. Laissez la parole, les repas, l'assise et le travail se produire. - Le maître zen Muho Noelke Abandonner votre identification au personnage rêvé et retourner à votre véritable foyer, l'ouverture inconditionnelle de la Conscience éveillée, aura un impact puissant sur votre vie, à tous les niveaux. Tout à coup, le fardeau de toute une vie tombe de vos épaules, les filtres opaques du conditionnement disparaissent de votre regard, et vous expérimentez la vie avec une fraîcheur, une vitalité et une clarté nouvelles. Chaque instant a un sens et une valeur inhérentes, resplendissant de la lumière de la Conscience éveillée, et une joie subtile et tranquille devient votre compagne de tous les instants. En effet, vous réalisez que le bonheur n'est pas quelque chose que vous devez gagner ou qui va et vient de manière capricieuse, selon les circonstances – il s’agit de votre état naturel, que le conditionnement de toute une vie a jusqu'à présent caché. L’ACCUEIL INCONDITIONNEL DE LA VIE, TELLE QU’ELLE SE DÉROULE Les frontières entre l'intérieur et l'extérieur ayant disparu à la lumière de la Conscience éveillée, vous reconnaissez maintenant que tout ce que vous rencontrez est une expression de ce que vous êtes fondamentalement, votre vraie nature essentielle et la source de tout. Il en résulte que vous rencontrez chaque situation avec une intimité, une confiance nouvellement découverte et l'assurance que tout se déroule comme il se doit, selon un ordre mystérieux que votre esprit ne peut pas comprendre. Parce que vous n'avez plus besoin de conditions et de personnes "extérieures" pour être heureux, vous êtes libre de profiter de la vie telle qu'elle est, sans avoir à lui imposer votre programme. En abandonnant votre dispute permanente avec la réalité - votre lutte, aussi subtile et insidieuse soit-elle, pour la manipuler afin qu'elle réponde à vos attentes - vous vous 74 retrouvez à accueillir ce qui se présente, comme vous le feriez avec un ami proche, sans jamais savoir qui peut apparaître, mais en restant ouvert, curieux et sans crainte de ce que le moment suivant peut apporter. En phase avec le rythme naturel des gens et des situations, vous traversez la vie avec aisance et avec un minimum d'efforts, plutôt que de vous forcer constamment à aller à contre-courant pour parvenir à vos fins. Plutôt que de faire l'expérience de la vie à travers la perspective étroite et égocentrique du moi particulier, vous la voyez à partir de la perspective globale et spacieuse de la Conscience éveillée, et vous réagissez de manière appropriée, non pas en fonction de vos désirs et de vos besoins personnels, mais des exigences de la situation dans son ensemble. A la fin, le sentiment d'être un acteur ou un décideur distinct disparaît, car vous réalisez que la vie se vit à travers vous, et que cet être corporel n'est qu'un véhicule ou un récipient pour la sagesse plus profonde et holistique de la Conscience éveillée. Malgré l'illusion du contrôle, vous n'avez jamais été en charge de votre vie, de toute façon, vous n'avez jamais dirigé le navire, et maintenant, vous pouvez faire confiance au mouvement plus vaste de la vie. Dans le passé, par exemple, vous n'avez peut-être pas profité de la plénitude ni de la richesse de votre vie, avec ses hauts et ses bas, ses défis et ses cadeaux, étant trop préoccupé par ce qui vous manquait et par ce que vous pouviez faire pour l'améliorer. Comment faire pour que les gens m'aiment ? Comment accéder à un certain confort matériel ? Comment être une meilleure personne ? Comment profiter de la situation, me démarquer, attirer l'attention, aller de l'avant ? Vous ne pouviez pas non plus apprécier les personnes les plus proches de vous, puisque vous ne cessiez de leur trouver des défauts et d'espérer qu'elles changent. A présent, avec la révélation de la Conscience éveillée, vous êtes ouvert à la perspective d'accepter les autres tels qu'ils sont et de recevoir ce que l’instant apporte, sans jugement ni manipulation, en appréciant sa parfaite imperfection, la radieuse indivisibilité de ce qui se présente en ce moment. Dans cette Présence ouverte, inconditionnelle et à l'écoute, tout se déploie naturellement et gracieusement, sans qu'il soit toujours nécessaire d'agir, de fignoler, ni d’améliorer. Bien sûr, les problèmes continuent de surgir comme avant, mais plutôt que d'être considérés comme problématiques, ils sont pris comme des occasions de demeurer en soi et reposer dans la Conscience éveillée, plutôt que de s'égarer dans la jungle impénétrable 75 des jugements et de la réactivité. Par exemple, quelqu'un vous coupe la route, et le vieux réflexe pourrait être de lui faire un doigt d'honneur en lâchant une bordée d'injures. Mais à la place, vous sentez la vague des émotions monter, vous reposez dans votre propre bonheur inné et votre ouverture, et vous laissez les émotions vous traverser en appréhendant la situation, sans réagir. Vous pouvez être à même de reconnaître que vous avez peut-être déjà agi exactement comme lui/elle, et que son manque de considération ne fait que refléter le vôtre, puisque nous partageons tous les mêmes pulsions et les mêmes faiblesses humaines. Les anciennes tendances et réactions peuvent resurgir brièvement, mais elles se dissolvent ensuite dans la lumière pénétrante de la Conscience éveillée, car vous les voyez pour ce qu'elles sont, sans y céder, ni les rejeter. MÉDITATION : MOURIR DANS LE NON-DUEL En combinant des éléments de plusieurs autres méditations, celle-ci vous guide jusqu’à une pleine réalisation de la nature illimitée et non duelle de la réalité, de l'inséparabilité entre soi et l'autre, le sujet et l'objet, l'expérimentateur et l'expérience. Déplacez votre attention de vos pensées vers vos sensations corporelles. Prenez conscience des sensations de votre corps contre la chaise, de vos pieds contre le sol, et de vos mains contre vos cuisses. Prenez conscience des sensations de vos bras et de vos jambes, de votre poitrine et de votre ventre, et de votre cou et de votre tête. Soyez conscient du jeu des sensations, de la façon dont elles changent et fluctuent constamment, et de la façon dont votre conscience vogue de sensation en sensation. En y regardant de plus près, vous vous rendrez peut-être compte que tout ce que vous pouvez vraiment connaître de votre corps, ce sont les sensations que vous éprouvez en cet instant. Tout le reste est une projection, une image que votre esprit utilise pour remplir les espaces. Par exemple, vous ne faites pas l'expérience de votre bras dans son intégralité, vous avez juste certaines sensations dans la zone où vous imaginez que se trouve votre bras, et vous y projetez l'image d'un bras. C'est comme un tableau impressionniste. Il y a des milliers de points de couleur sur lesquels nous projetons un nénuphar ou une femme ou un bâtiment. De la même manière, vous 76 projetez le concept "jambe" ou "tête" sur un ensemble de sensations. Laissez tomber ces projections, ces concepts, et soyez simplement avec les sensations telles qu'elles sont, sans interprétation. Remarquez qu'autour de ces sensations se trouve un espace ouvert, où aucune sensation n'existe. En fait, il y a beaucoup plus d'espace qu'il n'y a de sensations, et les sensations jouent ou dansent dans cet espace. En remarquant le jeu des sensations dans l'ouverture illimitée de l'espace, vous pouvez prendre conscience que vous ne pouvez pas vraiment trouver une ligne de démarcation claire entre l'intérieur et l'extérieur du corps ; il n'y a que le champ ininterrompu des sensations dans l'espace. Remarquez que les pensées et les sentiments jouent dans le même espace que les sensations. Maintenant, déplacez le focus des sensations vers l'espace lui-même. Reposez dans l'espace éveillé et conscient dans lequel les pensées, les sentiments et les sensations apparaissent et disparaissent. Soyez l'espace ouvert, non meublé, illimité, insaisissable. En reposant dans l'espace, examinez les expériences qui se jouent dans l'espace. En dehors de ces expériences, y a-t-il autre chose que vous puissiez savoir directement sur le monde extérieur qui ne soit pas simplement une pensée ou un concept ? Le monde extérieur n'existe-t-il pas simplement comme votre expérience du moment ? Tout le reste est une projection, une histoire. En examinant votre expérience, pouvez-vous trouver une distinction ou une différence entre l'espace conscient et ce qui apparaît dans cet espace ? Puisque le monde n'existe que sous la forme de votre expérience actuelle, y a-t-il une substance solide qui soit différente de la Conscience ou de l'espace dans lequel elle apparaît ? Ou bien la Conscience et l'expérience sont-elles faites de la même Essence insubstantielle ? Sentez l'indissociabilité de la Conscience et des expériences qui s’y produisent. L'intérieur et l'extérieur sont une seule et même Essence indivisible. Ce qui observe et ce qui est observé sont une seule et même chose. Reposez dans l'espace indivis, non duel, de la Conscience éveillée. 77 L’AMOUR INCONDITIONNEL POUR SOI ET POUR LES AUTRES Il est inutile de dire que les relations avec soi-même et avec les autres se transforment à la lumière de la Conscience éveillée, en réalisant que vous-même et les personnes que vous rencontrez sont des expressions d'une seule et même réalité indivise, la source et l'essence de tout. Si vous reconnaissez cette indissociabilité essentielle, l'unité inhérente entre vous et les autres, non seulement comme un concept, mais comme une aperception directe, une expérience immédiate, un amour inconditionnel jaillit naturellement dans votre cœur, non seulement pour les autres, mais aussi pour vous-même. En fait, vous reconnaissez que l'amour, comme le bonheur, est votre état naturel que toute une vie de conditionnement a dissimulé, enfermé, cloisonné dans votre cœur. Du point de vue de la pleine conscience, telle qu'elle est généralement enseignée, les sentiments attentionnés, comme l'amour bienveillant et la compassion doivent être délibérément et laborieusement cultivés par des pratiques de méditation spécifiques - qui peuvent certainement avoir un effet bénéfique puissant en vous permettant d'accéder à la dimension de l'amour. Mais du point de vue de l'approche directe, la réalisation de votre indissociabilité inhérente libère et révèle directement l'amour et la compassion inconditionnels qui caractérisent déjà votre état naturel de Présence ouverte et à l'écoute. Rien n'a besoin d'être développé ou cultivé. En revenant sans cesse à la Conscience éveillée, vous plongez dans un courant d'amour bienveillant, d'appréciation, de gratitude, de joie et d’autres qualités subtiles d'un cœur ouvert et éveillé. Il ne fait aucun doute que vous avez déjà eu des aperçus de cette manifestation spontanée d'amour inconditionnel, lorsque vous êtes "tombé amoureux" — dans cet amour qui est toujours présent et disponible pour vous. Mais, comme la plupart des gens, vous avez probablement attribué ce sentiment puissant à l'attrait d'une personne spéciale et vous n'avez pas reconnu sa vraie nature. Lorsque vous êtes amoureux, vous voyez la personne aimée, non pas à travers le prisme de vos jugements conditionnés et de votre histoire personnelle, mais avec un regard neuf qui voit au-delà des imperfections jusqu'à la nature essentielle qui se trouve au fond de vous. La Conscience éveillée se contemple elle-même à travers les yeux de l'autre et tombe amoureuse d'elle-même. Généralement, cet amour inconditionnel pâlit au fur et à mesure que la relation accumule une histoire, que vous vous 78 mettez à vous focaliser sur les imperfections apparentes de l'autre et que le vieux conditionnement reprend le dessus. Quand vous reconnaissez et demeurez dans la Conscience éveillée, vous voyez tout et tout le monde avec un regard neuf et ouvert et, comme Dieu dans la Genèse, vous trouvez le tout bon, complet et intrinsèquement aimable. Une personne, en particulier, peut susciter en vous des sentiments d'amour et d'attraction particulièrement forts, mais vous savez que cette personne n'est pas la cause de votre amour et n'est donc pas responsable de ce que vous ressentez. Plus exactement, vous savez que l'amour est ce que vous êtes (et ce que tout est), et que votre relation vous donne la possibilité de partager et d'apprécier cet amour avec une autre personne. Paradoxalement, vous et votre bien-aimé(e) êtes à la fois un et deux, distincts et inséparables, et la relation vous offre la possibilité de danser avec ce paradoxe. Si vous n'étiez pas distincts, il n'y aurait pas de relation, pas de réciprocité, pas d'échange et d'interaction, pas de danse. Mais si vous n'étiez que distincts, il n'y aurait pas d'amour, ou du moins l'amour serait conditionnel et caractérisé par des conflits et des négociations constantes. La beauté d'une relation éveillée réside dans le fait d'apprécier et de chérir votre altérité à la lumière de votre unicité, votre dualité à la lumière de votre indissociabilité. En gardant un regard neuf et ouvert et en ne tombant pas dans les vieux schémas, vous pouvez faire en sorte que la relation reste perpétuellement nouvelle, vivante et profondément épanouissante. Le secret n'appartient pas à l'autre personne - il réside dans le maintien d'une Conscience éveillée. Des différences - de préférences, de prédilections, de points de vue - surgissent inévitablement, mais sans nécessairement diviser, puisque la Conscience éveillée embrasse la vie exactement comme elle est et n'a pas d'opinion fixe pour ou contre quoi que ce soit. Vous aimez la vanille, et j'aime le chocolat ? Mais naturellement ! Vous préférez passer le week-end à la maison à vous détendre, alors que j'aimerais faire une excursion à la campagne ? Pas de souci, aucune raison de se chamailler, bien sûr. Écoutons-nous mutuellement avec une conscience ouverte, en restant sensibles au processus de l'interaction et à la solution qui se dégage, plutôt que de nous attacher à des positions fixes et de nous embourber dans un conflit. Vive la différence ! , comme disent les Français. Bien sûr, les vieux conditionnements se ravivent inévitablement, en particulier dans les relations amoureuses ou les amitiés proches, ce qui vous donne l'occasion de les accueillir 79 tels qu'ils sont, sans jugement ni rejet. En fait, une fois la conscience éveillée, les relations intimes offrent un miroir incomparable, qui révèle vos points de blocage, et les zones de votre cœur et de votre esprit où vous vous identifiez encore à un territoire et à un programme séparés. Plutôt que de vous retrancher et de défendre votre position en cas de conflit, votre engagement envers la vérité à tous les niveaux vous invite à investiguer pour découvrir où vous vous accrochez. Chaque fois que vous vous surprenez à réagir avec l'une des émotions conflictuelles de base, comme la colère, la peur, la peine, la jalousie ou l'impatience, vous avez l'opportunité de vous arrêter et de réfléchir à l'origine de la séparation, d'accueillir ces sentiments sans les traduire en actes et d'examiner les croyances profondes qui les perpétuent. Lorsque vous vous ancrez dans la compréhension que le problème ne se situe pas à l'extérieur de vous, mais provient plutôt des limites de votre propre perspective centrée sur le moi, vous reconnaissez votre partenaire, votre ami ou le membre de votre famille, non pas comme un adversaire, mais comme un enseignant impitoyable et compatissant dans le processus continu de retour au bercail et de maintien dans une Présence inconditionnelle et sans jugement. Les relations vous rendent profondément humble, dans le meilleur sens du terme, puisqu'elles vous dépouillent de toute identité ou de toute position à laquelle vous êtes attaché et ne vous laissent rien, si ce n'est le caractère brut et la richesse de l'instant présent, tel qu'il est. MÉDITATION : PLONGER DANS LE REGARD DE LA CONSCIENCE ÉVEILLÉE C’est la même Conscience qui contemple à travers chaque paire d'yeux. Invitez votre partenaire ou un( e) ami(e) proche à participer à cette méditation avec vous. Asseyez-vous l’un en face de l’autre, bien droit mais détendu, avec vos genoux se touchant presque. Gardez les yeux fermés pendant quelques minutes, tout en déplaçant votre attention de vos pensées et de vos sentiments vers vos sensations corporelles : le contact de votre dos et de vos fesses contre le siège, de vos pieds contre le sol, de vos mains sur vos genoux, et le flux et le reflux de votre respiration. Ouvrez maintenant les yeux et regardez doucement l'autre dans les yeux. Il ne s'agit pas de fixer ou de se concentrer, mais de porter un regard détendu, sincère et aimant dans les 80 yeux de l'être aimé. Si votre attention se fixe sur un point particulier ou si vous avez du mal à rester présent, revenez doucement à un doux regard dans les yeux de l'autre. Pendant que vous continuez à contempler, remarquez ce qui se passe. Vous sentez-vous mal à l'aise, tendu, anxieux ou honteux ? Portez-vous des jugements ou des interprétations sur vous-même ou sur l'autre, comme ‘’je ne fais pas ça bien’’, ‘’il me semble en colère’’, ou ‘’je ne comprends pas le but de cet exercice’’ ? Remarquez-vous des émotions — des éclairs de colère, des pointes de tristesse ou de regret, des vagues de joie, de gratitude ou d'amour ? Qu'advient-il des limites entre vous et l'autre ? Deviennent-elles plus rigides, ou commencent-elles à s'estomper et à se dissoudre ? Continuez à contempler de la sorte pendant cinq minutes ou plus, en accueillant tout ce qui se présente, sans jugement ni résistance. Maintenant, considérez que la Conscience qui contemple à travers les yeux de l'autre est la même Conscience qui contemple à travers vos yeux. La Conscience se contemple elle-même sous la forme d'un autre. Si vous vous sentez prêt, permettez à toute trace de séparation qui subsisterait de se dissoudre dans la lumière de la Conscience éveillée. L'intérieur et l'extérieur, moi et l'autre, ne forment qu'un seul champ de conscience indivis. Remarquez tous les sentiments qui jaillissent dans le cœur pendant que vous continuez à reposer dans le champ non duel aussi longtemps que vous le souhaitez. Après avoir terminé, prenez le temps de partager vos expériences et vos impressions avec l'autre, dans la mesure où vous vous sentez à l'aise. EMBRASSER VOTRE IMPERFECTION PARFAITE Comme vous pouvez le constater, vivre à partir d'une ouverture et d'une Présence inconditionnelles ne consiste pas à prétendre être un être spirituel parfait entouré d'une aura d'amour et de lumière - il s'agit d'accueillir tout ce que vous êtes, avec tout votre bagage humain et vos imperfections. Toute tentative de vous conformer à une norme de perfection spirituelle ne fait que vous embourber dans un esprit rempli de comparaisons et de jugements sur vous-même et vous met en porte-à-faux avec vous-même. Quand vous 81 renoncez à essayer d'être parfait en vertu d'une idée prédéterminée et quand vous vous permettez d'être comme vous êtes, avec tous vos défauts, votre perfection inhérente se révèle naturellement, tout comme la perfection d'un arbre ou d'un oiseau se révèle à votre regard ouvert et sans jugement. Cette perfection n'a rien à voir avec les polarités dualistes du parfait et de l'imparfait, du bon et du mauvais, mais fait plutôt référence à votre inestimable unicité - au fait qu'aucun être n'exprime le même mélange unique et incomparable de qualités que vous. Quand vous reposez dans cette ouverture inconditionnelle, vous ne ressentez plus le besoin de projeter une image ou de défendre une position ou un point de vue, et les limites artificielles entre soi et les autres s'estompent et se dissolvent. En conséquence, vous devenez plus sensible aux moments où vous agissez en désaccord avec la vérité de votre être, non pas parce que vous essayez de vous conformer à un idéal spirituel, mais parce que vous pouvez sentir la défensive et la séparation surgir à nouveau. De cette syntonie naturelle émane une action appropriée, basée non pas sur des préceptes préétablis de bien et de mal, spirituels ou non, mais sur la vision globale et intégrale de la Conscience éveillée. Aux yeux de la Conscience éveillée, comme je l'ai mentionné au chapitre 3, "chaque personne et chaque chose, aussi apparemment imparfaites ou problématiques soient-elles, sont parfaites dans le sens où elles sont simplement telles qu'elles sont, qu’il ne pourrait en être autrement, et qu’elles irradient la perfection essentielle de l'Être lui-même. En réponse naturelle à cette reconnaissance, il en résulte un mélange subtil d'amour, d'émerveillement, de gratitude et de joie." Mais vous trouverez peut-être qu'il est beaucoup plus facile de reconnaître la perfection inhérente des plantes et des animaux, du soleil et du ciel, des êtres chers et des amis, que de reconnaître et d'apprécier la vôtre. En effet, votre relation avec vous-même peut s'avérer être la relation la plus difficile de toutes - mais également celle qui importe le plus. La clé, c’est d'éviter de se laisser enfermer dans son propre jugement et d'accueillir son expérience telle qu'elle est. (Pour en savoir plus sur la relation avec les émotions et avec les schémas figés de pensée et de réaction, voir le chapitre 7). 82 MÉDITATION : ACCUEILLIR VOTRE EXPÉRIENCE SANS JUGEMENT Plutôt que de rejeter ou de vous attacher subtilement à chaque expérience, comme vous le faites la plupart du temps, vous pouvez vous entraîner à les accueillir telles qu'elles sont, comme une nouvelle occasion de reposer dans le cadre inclusif de la Conscience éveillée. Pendant les deux prochaines heures (ou plus longtemps, si vous le souhaitez), dites oui à tout ce que vous vivez. Dites oui aux sentiments difficiles, aux pensées négatives, aux tâches ardues, aux gens, au temps, aux nouvelles, aux bruits, aux odeurs. Par oui, je n’entends ni la résignation ni la défaite, mais bien une franche reconnaissance. Au cours de ce processus, vous remarquerez peut-être les nombreuses façons dont votre esprit continue de dire non à la vie - en réprimant vos sentiments et vos pensées, en jugeant les autres, en refusant d'accepter la façon dont sont les choses. Vous serez peutêtre étonné de découvrir combien d'énergie votre esprit dépense en refusant d'accepter ce qui se passe réellement sous vos yeux. À la place, pendant les deux prochaines heures ou plus, remarquez votre tendance à résister ou à nier et dites plutôt oui : oui à votre faim et à votre désir, oui à votre colère et à votre peur, oui à votre partenaire ou à vos enfants, oui à votre corps et à votre apparence, oui à votre vie. Reposez autant que possible dans l'ouverture inconditionnelle de la Conscience éveillée. Bien sûr, vous pouvez dire non si nécessaire ou changer ce que vous n'aimez pas, mais prenez d'abord un moment pour dire oui. Vous êtes peut-être tellement habitué à dire non que vous ignorez comment dire oui, au début. N'hésitez donc pas à vous répéter le mot "oui" pour vous lancer, et peut-être finirezvous par apprécier tellement la danse du oui que vous la transposerez à tous les domaines de votre vie. Oui, oui, oui ! MOURIR AVANT DE MOURIR Lorsque vous découvrez que vous n'êtes pas le contenu de votre vie — le corps, le mental, les pensées, les sentiments, la famille, les amis, les accomplissements, les relations et les 83 possessions matérielles auxquels vous vous assimiliez — mais l'espace ou le contexte sans limites dans lequel votre vie se déroule, vous mourez à une ancienne identité limitée dans le temps et vous vous découvrez comme étant éternel. En reconnaissant que ce que vous êtes vraiment est le substrat de l'Être — l'Essence insaisissable, immatérielle, indestructible qui demeure, immuable, lorsque tout le reste est enlevé — vous découvrez une confiance et un courage dans l'impérissable que la douleur, la maladie, la vieillesse et la mort ne peuvent pas ébranler. Comme le disent les anciens maîtres zen : "Mourez avant de mourir, et la mortalité ne pourra plus vous troubler." Dans le même temps, il se peut que vous ayez encore de fortes préférences pour la santé, la vitalité et l'absence de douleur, et que vous vous sentiez désappointé, anxieux, frustré ou accablé par l'apparition d'une maladie ou d'une infirmité grave. La maladie, la vieillesse et la mort font partie des expériences humaines les plus intenses et implacables. Néanmoins, sous les vagues des sentiments humains naturels se cachent la paix profonde et le renoncement de la Conscience éveillée, et une confiance profondément enracinée dans le mystère sacré de la vie. "Non pas ma volonté, mais que Ta volonté soit faite" n'est pas qu’une prière d'obéissance totale, c'est une description de la façon dont les choses sont vraiment. Après tout, vous n'avez jamais été aux commandes, même pendant un instant, et le renoncement n'est qu'une reconnaissance de ce qui a toujours été le cas. CRÉER UN ENVIRONNEMENT PROPICE À L’ÉPANOUISSEMENT DE LA CONSCIENCE ÉVEILLÉE Plus vous demeurez fermement dans la Conscience éveillée, plus vous revenez invariablement chez vous lorsque votre attention s'est égarée, et plus vous êtes à même de faire face aux circonstances les plus difficiles de la vie avec grâce et avec facilité. Initialement, toutefois, pendant que vous apprenez encore à vivre à partir de cette perspective radicalement différente, vous pourrez trouver utile de simplifier votre vie autant que possible et de vous accorder beaucoup de temps pour méditer tranquillement et approfondir. Comme le disait l’un de mes maîtres, travaillez autant que vous le devez et passez le reste de votre temps à vivre dans la beauté. Sinon, la complexité des exigences de la vie peut devenir si pressante qu'il ne vous restera que très peu de temps pour simplement exister. 84 Voici quelques suggestions pour vous permettre d'avoir plus de temps et d'espace dans votre vie pour vivre à partir de la Conscience éveillée : • Consacrez quotidiennement du temps à vous asseoir tranquillement, à être présent, à investiguer. • Appréciez la beauté que vous offre chaque instant. • Profitez du temps avec vos proches et vos amis, plutôt que de jouer avec votre smartphone ou votre tablette. • Prenez le temps, le week-end, d'être dans la nature, sans appareils numériques d'aucune sorte. • Utilisez des téléphones et des adresses électroniques spécifiques pour le travail et pour les affaires personnelles. • N'emportez pas votre travail chez vous et évitez de consulter vos e-mails professionnels après les heures de travail. • Coupez votre téléphone au moins une heure avant d’aller vous coucher. • Plutôt que de consulter une fois de plus vos e-mails ou les réseaux sociaux, restez tranquille et reposez dans l'instant présent. Bien sûr, vous ne pouvez pas faire en sorte que votre vie soit exactement comme vous le souhaitez - en fait, vous avez très peu de contrôle sur le déroulement des circonstances. Mais vous pouvez permettre que la priorité de votre vie passe des objectifs conventionnels d'accomplissement et de valorisation de soi à celui, plus subtil et plus insubstantiel, de vous aligner sur la vérité la plus profonde de votre Être. Une telle approche n'a pas de prix, et il n'est pas facile de l'expliquer à des collègues ou à des membres de la famille qui pourraient penser que vous devriez mettre davantage l'accent sur le travail et sur la réussite. Mais une fois que vous aurez goûté à la paix et à la joie de votre état naturel d'ouverture et de Présence, vous vous sentirez inexorablement attiré vers cet état, encore et encore, et vos priorités et vos préoccupations changeront en conséquence. EN CONCLUSION Si vous reposez et demeurez dans la Conscience éveillée, votre vie se transforme à tous les niveaux. Au lieu de vous efforcer de la changer ou de l'améliorer, vous l'accueillez telle 85 qu'elle est et vous trouvez de la joie dans son mystère, dans sa beauté et dans sa perfection inhérente. Les relations qui étaient marquées par le conflit et par l'insatisfaction, et cela inclut la relation avec vous-même, sont maintenant remplies d'appréciation mutuelle, de gratitude et d'amour. En fait, en l'absence d'un programme, d'une dispute permanente avec la réalité, vous tombez naturellement amoureux de ce qui est. Je ne comprends pas comment on peut faire face à la mort avec sérénité sans croire à une sorte de vie après la mort. Si vous vous considérez comme un ensemble de pensées, de sentiments, de souvenirs, d'histoires, de réussites et de croyances, vous ne pouvez pas accepter paisiblement la mort du corps physique, à moins de croire que le moi distinctif que le corps contient apparemment se réincarne ou renaît d'une façon ou d'une autre, que ce soit au ciel, au paradis ou sous une future forme humaine. Soucieuses d'apaiser la peur de la mort, de nombreuses religions, dont le bouddhisme, proposent une explication réconfortante de ce qui se passe après la mort. Mais lorsque vous vous réveillez du rêve d'être une personne distinctive liée au corps-mental et que vous reconnaissez votre identité avec l'Essence illimitée, sans forme et omniprésente de ce qui est (ce que j'ai appelé la Conscience éveillée), la mort ne fait plus peur, parce que vous réalisez avec chaque fibre de votre être que ce que vous êtes vraiment ne peut jamais mourir. Quelle révélation libératrice ! Je me connais trop bien pour croire être intrinsèquement parfaite. Si je ne fais pas un effort constant pour m'améliorer, je suis sûre que je ne ferai que répéter les mêmes comportements autodestructeurs, encore et encore. Le problème avec cette approche, c'est que votre effort constant pour vous conformer à une certaine idée de ce que devrait être votre vie peut être épuisant et n'a généralement qu'une efficacité limitée. En outre, vous devriez peut-être vous demander d'où vous vient cette idée. L'avez-vous formulée à partir de ce que vous avez lu dans un magazine populaire ou dans un best-seller de développement personnel, ou vu chez Oprah ou chez Dr Phil ? L'avez-vous puisée dans les enseignements sur l'apparence que doit avoir une personne spirituelle ? Ou est-ce le résultat d'un conditionnement de l'enfance, enraciné dans les croyances de vos parents et de leurs parents ? Vous pouvez passer toute une vie dans une insatisfaction sans fin à essayer d'être quelqu'un que vous n'êtes pas, en vous 86 comparant à des normes qui peuvent changer au gré de la culture populaire ou de vos propres intérêts et expériences de vie. Ou vous pouvez trouver le bonheur et le contentement dès maintenant en vous acceptant telle que vous êtes, ce que recommandent les grands sages. Le fait est que le moi distinctif que vous vous efforcez d'améliorer se sent inévitablement inadéquat, parce qu'il n'a aucune substance, aucune validité durables. Il s'agit au mieux d'une ombre fragile de ce que vous êtes vraiment, d’un pâle imposteur qui se fait passer pour la vérité au cœur de votre être. Vous aurez beau l'améliorer, vous n'en serez jamais satisfaite, puisqu'il ne peut vous procurer le bonheur et la paix inconditionnels que vous recherchez. À la place, cessez plutôt d'essayer d'être parfaite et permettez-vous d'être telle que vous êtes. Paradoxalement, cette profonde acceptation de soi et ce lâcher-prise constituent la plus grande amélioration de soi, puisqu'ils mettent un terme à votre relation conflictuelle et divisée avec vous-même. À partir de ce lâcher-prise et de cette liberté d'être, le bonheur se révèle être votre état naturel, et des actions appropriées aux circonstances s’ensuivent spontanément. 87 CHAPITRE 7 : LA TÊTE DANS LA GUEULE DU DÉMON Du point de vue de la Conscience éveillée, les émotions ne sont pas des problèmes à résoudre, mais des expériences à accueillir, sans leur donner libre cours ni les dramatiser. Dans l'expérience humaine, rien n'est peut-être plus mystérieux et confondant que la puissante attraction exercée par des émotions troublantes comme la rage, le chagrin, la terreur, la jalousie ou la concupiscence., qui semblent obéir à leurs propres lois et qui n'ont qu'un lien ténu avec l'esprit dit rationnel, qui s'efforce depuis longtemps de leur trouver un sens, car en effet, elles peuvent sembler exister dans un royaume inférieur qui leur est propre. Elles obscurcissent notre jugement, elles nous poussent à agir de manière étrange et autodestructrice, et elles peuvent nous empêcher de demeurer dans la paix et dans la clarté de la Conscience éveillée. Le Bouddha a qualifié le désir (tanha, "soif") de cause profonde de la souffrance, et il a enseigné une voie pour s'en libérer. Les ermites, les renonçants, les yogis et les sadhus de toutes les traditions religieuses ont passé leur vie à essayer de trouver la paix face à des émotions puissantes, en les éliminant ou en les transcendant. Plus récemment, Freud et ses successeurs, dans le domaine de la psychologie occidentale, se sont efforcés de découvrir les causes de ces émotions et la manière dont nous pouvons nous libérer de l'emprise qu'elles exercent sur nous. Et les entreprises pharmaceutiques ont mis au point des médicaments qui promettent de les atténuer ou de les supprimer. Cependant, du point de vue de notre état naturel d'ouverture et de Présence inconditionnelles, les émotions ne sont pas des problèmes à résoudre ; ce sont simplement des expériences à accueillir, telles qu'elles sont, sans leur donner libre cours, ni les dramatiser. LA RELATION AUX ÉMOTIONS D’UN POINT DE VUE CONVENTIONNEL Si vous êtes comme la majorité des gens, vous avez été conditionné pour aborder les émotions difficiles de différentes manières. La plus courante consiste peut-être à vous identifier à elles et à vous absorber dans l'histoire qui les perpétue. Par exemple, si votre amant vous rejette pour une autre, vous pouvez vous laisser aller à raconter que c'est quelqu’un d’odieux et vous complaire dans des sentiments de colère, d'amertume et de 88 désespoir. Ou si vous perdez votre emploi, vous pouvez blâmer votre patron et le dénigrer auprès de vos amis, tout en refusant catégoriquement de reconnaître votre propre comportement inadéquat. Vous êtes submergé par des émotions pénibles et perdu dans le drame sans fin qui se joue dans votre esprit. Une autre réaction courante consiste à éluder ces sentiments en recourant à un ou plusieurs mécanismes de défense, tels que la suppression, la répression, la projection, la sublimation ou l'identification projective. Généralement inconscients et donc difficiles à repérer, ces processus psychologiques complexes vous empêchent d'affronter et d'accepter les émotions difficiles en les occultant ou en les attribuant aux autres. Par exemple, vous n'avez pas besoin de faire face à votre propre douleur et à votre vulnérabilité, parce que les autres personnes dans votre vie vous apparaissent comme des victimes impuissantes. Ou encore, vous réussissez à maintenir votre personnage bien rodé de brave gars qui ne se laisse jamais démonter en enfouissant votre colère au plus profond de vous-même. Le problème avec cette approche, c’est que les émotions déplacées et mal comprises peuvent provoquer des maladies, des tensions, des conflits avec autrui et le sentiment d'être coupé de votre propre vitalité et de votre propre authenticité. Finalement, vous pouvez tenter de transcender vos sentiments (un genre de mécanisme de défense qui est populaire dans les cercles spirituels) en vous retranchant derrière le détachement et la désaffection, et en prétendant être trop évolué pour éprouver des émotions "négatives". Si vous êtes engagé dans une relation intime, votre partenaire pourrait vous reprocher une attitude de sainte nitouche, susceptible d'exclure la possibilité d'une véritable intimité, jusqu'à ce que la façade s'effrite. Ou encore, vous pouvez passer votre vie dans une espèce de limbes isolées, pendant que des émotions négatives continuent de s'exprimer de manière inconsciente. Reconnue comme une dérive spirituelle, cette approche s'est avérée courante parmi les enseignants spirituels occidentaux, qui peuvent prétendre être infaillibles, tout en sévissant contre leurs subordonnés, tout en entretenant des relations sexuelles avec leurs étudiantes et tout en détournant des fonds de leurs ashrams. 89 LA RELATION AUX ÉMOTIONS AVEC LA PLEINE CONSCIENCE ET AVEC LA CONSCIENCE ÉVEILLÉE Si vous pratiquez la méditation de pleine conscience, vous pouvez adopter une approche très différente. A la place de vous défendre contre vos sentiments ou de les extérioriser, vous pouvez apprendre à devenir ami avec eux en leur accordant une attention légère et sans jugement. Au fil du temps, vous pouvez développer un espace intérieur qui vous permet d'être conscient des pensées et des sentiments, sans nécessairement vous laisser happer par eux. Si des émotions fortes vous tenaillent, vous pouvez les explorer avec une conscience compatissante et mieux comprendre leurs caractéristiques et les circonstances qui peuvent les déclencher. Un examen attentif peut vous permettre de découvrir que les émotions sont composées de pensées, de souvenirs, d'images et de sensations corporelles, et de comprendre leur nature éphémère et insubstantielle, ce qui vous libère finalement de leur emprise. Dans le bouddhisme et dans d'autres traditions, la pleine conscience s'accompagne souvent de méditations qui visent à cultiver des émotions plus positives et favorables à la vie, comme l'amour bienveillant, la compassion, la joie et l'équanimité, comme antidotes à des émotions plus destructrices, comme la colère, la haine, la jalousie et la peur. Au final, avec une pratique plus avancée, vous serez peut-être en mesure de pénétrer l'insubstantialité du moi distinctif pour lequel vous vous prenez et au sein duquel ces émotions difficiles se produisent, apparemment. (Pour une analyse plus détaillée de la pleine conscience des émotions, consulter mon livre, ‘’La méditation pour les nuls’’). Dans la pratique, toutefois, la méditation de pleine conscience peut avoir tendance à perpétuer une position détachée et distante de témoin qui écarte subtilement certains sentiments jugés trop intenses ou menaçants et qui encourage l'utilisation de la conscience pour contrôler votre état mental et émotionnel. Plutôt que de laisser votre calme soigneusement entretenu être perturbé par des émotions difficiles, telles que la colère ou le chagrin, vous pouvez utiliser la pleine conscience pour les court-circuiter ou pour les supprimer et instaurer une paix de l'esprit qui dépendra du maintien de votre pleine conscience par un effort constant, et dès que vous sentez votre équanimité s'effriter, vous vous précipitez sur votre siège pour une nouvelle dose de méditation. 90 En revanche, la Conscience éveillée accueille et embrasse spontanément les émotions comme elles sont, sans aucun effort délibéré pour les examiner, les gérer, les supprimer ou les modifier de quelque manière que ce soit. L'accent n'est plus mis sur les émotions ellesmêmes, mais sur l'ouverture inconditionnelle dans laquelle les émotions naissent et disparaissent. Reposant dans cette ouverture, dans cette Présence pure et intemporelle, et sachant qu'elle est votre vraie nature, fondamentalement, vous ne vous opposez à aucune expérience et les laissez être telles qu'elles sont. Vous ne préférez pas les émotions dites positives comme étant plus désirables que les émotions dites négatives ou destructrices, et paradoxalement pourtant, cet accueil inconditionnel engendre naturellement une plénitude du cœur et des sentiments féconds de paix, d'amour, de gratitude et de joie. De fait, sans aucun effort ni intention délibérée de votre part, ces émotions nourrissantes et reconstituantes pénètrent et dissipent progressivement les tendances profondes et les points de blocage, qui peuvent continuer à donner lieu à des émotions conflictuelles et à obscurcir la Conscience éveillée. Plus vous reposez dans la Conscience éveillée, plus vous éliminez les obstacles qui vous empêchent de la vivre plus pleinement et continuellement et plus vous libérez leur énergie pour permettre une vie plus éveillée. MÉDITATION : SE CONNECTER À L’OUVERTURE ET À LA PURETÉ INCONDITIONNELLES Adaptée de la tradition tibétaine, cette méditation utilise la visualisation comme un moyen pour reposer dans votre état naturel. Prenez quelques minutes pour vous asseoir confortablement, les yeux fermés, et déplacez votre attention de votre esprit pensant vers le va-et-vient de votre respiration. Imaginez maintenant, au sommet de votre tête, un être rayonnant de pureté, de lumière et d'amour infinis. Peut-être prendra-t-il la forme de Jésus, du Bouddha, de Mère Marie, de Kwan Yin, ou d'un ange, d'un bodhisattva, d'une divinité, d'un saint ou d'un sage particulier. Ou vous pouvez simplement imaginer une sphère lumineuse. Quelle que soit sa forme, ne vous concentrez pas sur les détails, mais sur la lumière et l'amour qui émanent de lui. Imaginez cet être avec tous vos sens. 91 Imaginez que cette lumière et que cet amour rayonnent dans toutes les directions, en se diffusant de plus en plus loin jusqu'à atteindre les confins de l'univers. Imaginez l'univers entier rempli de l'énergie de la lumière et de l'amour, de la paix et de la joie. Passez quelques minutes à vous délecter de cette visualisation. Maintenant, imaginez que cette énergie s'écoule comme une rivière de lumière blanche à travers votre tête et votre cou, en remplissant votre corps d'amour et de lumière. Imaginez que cette énergie pure et expansive dissout toutes les contractions et tous les blocages et vous laisse avec le sentiment d’être nettoyé et purifié. Imaginez maintenant que cet être de lumière descende le long de votre colonne vertébrale et vienne reposer dans votre cœur, où vous fusionnez avec lui et devenez lui. Vous êtes un être d'une pureté, d'une lumière et d'un amour infinis, qui rayonne ces qualités à partir du cœur, dans toutes les directions. Continuez à demeurer dans cette radiance infinie aussi longtemps que vous le souhaitez. Pour terminer, laissez tomber toutes les images et reposez simplement dans votre état naturel de pureté, de paix, d'amour et de joie intrinsèques. Remarquez comment cette méditation continue de vous affecter, quand vous vous levez et vivez votre journée. Si vous vous sentez enclin à explorer vos émotions, vous pouvez écarter toute étiquette, concept, ou histoire et inviter l'expérience directe, sans intermédiaire, de l'émotion ellemême. Quand vous cessez d'y résister, d'essayer de vous en débarrasser ou même de faire un effort pour en être conscient, et que vous la laissez simplement être, telle qu'elle est, dans une Conscience ouverte et inconditionnelle, vous pouvez découvrir qu'il s'agit simplement d'un mouvement d'énergie, l'un des nombreux mouvements de la danse que nous appelons la vie. Ce n'est que parce que vous la perpétuez avec une histoire ou parce que vous luttez pour la contrôler ou la neutraliser qu'elle pose problème. Laissée à son propre cours naturel, elle finit par se libérer dans un processus que certaines traditions appellent l'autolibération. Au fil du temps, vous apprenez à reconnaître que ces émotions ne vous appartiennent pas - ou, plus précisément, qu'il n'y a pas de vous permanent et durable à qui ces émotions appartiennent - et elles passent naturellement sans pouvoir se fixer nulle part. 92 Même si la Conscience éveillée n'a pas de préférence pour les émotions positives ou négatives, elle préfère, par sa nature même, la liberté et l'ouverture à la fixation et à la contraction. Même l'attachement à des sentiments et à des états d'esprit positifs peut interférer avec l’acceptation totale de l'expérience, telle qu'elle est, ce qui est la marque de la Conscience non duelle. Si vous vous trouvez dans l'obligation de choisir, vous êtes à nouveau propulsé dans le domaine de la dualité, où vous préférez le positif au négatif, le bon au mauvais, le bien au mal, la lumière à l'obscurité, et vous résistez à la réalité qui se présente maintenant. La différence entre la pleine conscience et l'approche directe est subtile, mais notable : la pleine conscience utilise un état spécial d'attention pénétrante pour comprendre les émotions difficiles dans le but de les libérer et de les remplacer par des alternatives plus aisées. L'approche directe accueille naturellement et spontanément les émotions sans programme, ni plan - et sans aucune identification à elles comme m'appartenant - et fait confiance à leur libération dans l'espace inconditionnel de la Conscience éveillée. ACCUEILLIR LES ÉMOTIONS, TELLES QU’ELLES SONT Les émotions fortes peuvent être perçues comme des obstacles ou comme des distractions qui vous empêchent de vous reposer dans la Conscience. Mais si vous les accueillez telles qu'elles sont, sans vous laisser entraîner par leur contenu, elles peuvent elles aussi vous ramener à votre état d'éveil et de paix inhérent. Prenez quelques minutes pour vous asseoir confortablement, et déplacez votre attention de votre esprit qui pense vers le flux et le reflux de votre respiration. Contrôlez maintenant votre corps pour voir si vous pouvez détecter un sentiment résiduel de colère, de tristesse ou de peur. Si vous ne ressentez rien de précis, vous pouvez vous remémorer un événement récent difficile et noter les sentiments qu'il évoque. Choisissez un des sentiments et laissez votre conscience reposer là, non pas avec l'histoire mais avec les sensations du corps. Laissez tomber les images, les souvenirs ou les pensées qui peuvent surgir et restez simplement avec les sensations, sans essayer de les changer ou de vous en débarrasser. Laissez même tomber les étiquettes de "colère", "tristesse" ou 93 "peur", qui ont de fortes connotations, et restez simplement avec le sentiment brut luimême. Remarquez toute résistance que vous pourriez avoir à faire face à ce sentiment et permettez-lui d'être là aussi. Maintenant, prêtez attention aux histoires qui ressurgissent autour de ce sentiment, non pas pour vous y complaire, mais simplement pour vous familiariser avec elles. Ces histoires sont-elles familières ? Vous êtes-vous déjà raconté ces mêmes histoires auparavant ? Comment réagissez-vous, lorsque vous vous plongez dans ces histoires et que vous les croyez ? Que se passe-t-il, lorsque vous prenez du recul et que vous les considérez comme de simples histoires ? Ces histoires sont-elles vraies ? Quel est le prix à payer pour y croire ? Revenez maintenant au sentiment nu, sans superposition. A-t-il évolué ou changé, quelque part ? Qu'il ait changé ou non, laissez-le tel quel, en cessant tout effort pour être présent et en reposant simplement dans l'étendue ouverte de la Conscience elle-même. Laissez le sentiment se libérer (ou non) sans aucune autre intervention ou effort de votre part. Laissez-le juste être tel un autre morceau de bois qui dérive sur l'océan illimité que vous êtes. AUX PRISES AVEC DES ÉMOTIONS FORTES De temps à autre, il se peut que vous soyez pris par des émotions fortes et que vous ayez l'impression de perdre votre connexion avec la base de la Conscience éveillée, en étant emporté par le torrent. Plutôt que de s'efforcer de rester présent et attentif, une approche consiste à se laisser porter, comme vous le feriez, si vous étiez ballotté par les vagues de l'océan, sans pour autant leur céder ni les exprimer délibérément. Laissez-les suivre leur cours, sans résistance. Puis, quand le torrent se calme, vous pouvez sortir la tête de l'eau et évaluer la situation. Peut-être pouvez-vous réfléchir à l'endroit où vous vous êtes laissé prendre et identifier les histoires ou les croyances profondes qui vous ont à nouveau attiré dans la séparation et le conflit. Par exemple, votre patron vous donne un avis critique au cours de de votre évaluation annuelle au travail, et vous êtes immédiatement pris de panique et d'angoisse, parce que 94 vous imaginez que votre emploi est en danger et que votre survie est en jeu. Vous avez beau essayer de vous raisonner, mais les émotions semblent sur le point de vous submerger. Si vous pratiquez la pleine conscience, vous trouverez peut-être utile de revenir sans cesse à votre respiration comme point d'ancrage, tandis que vous vous efforcez de prendre du recul par rapport à ces sentiments puissants. Ou, comme précédemment, vous pouvez faire table rase de toute étiquette, de tout concept ou de toute histoire et inviter l'expérience directe et immédiate des émotions elles-mêmes, en leur permettant de suivre leur cours avec la certitude que cette acceptation inconditionnelle constitue le terrain d'accueil de la Conscience éveillée. Puis, quand les émotions s'apaisent, vous pouvez vous interroger sur les croyances fondamentales qui les ont fait surgir, comme "je n'ai pas ce qu'il faut pour survivre" ou "je ne suis pas en sécurité dans le monde". Au fur et à mesure que ces croyances perdent de leur emprise à la lumière d'une connaissance plus profonde, vous pouvez spontanément revenir résider dans le champ non duel de la Conscience éveillée. Le point essentiel ici est que vous ne vous efforcez pas de changer l'expérience de quelque manière que ce soit, même pas en faisant des efforts pour être attentif. Vous laissez les émotions être ce qu'elles sont et évoluer comme elles le font, en sachant qu'elles ne peuvent pas détruire ce que vous êtes vraiment. En fait, plus vous résistez, plus vous renforcez le sentiment de séparation sur lequel reposent les émotions. Paradoxalement, plus vous les accueillez, plus elles relâchent leur emprise. Un grand maître de méditation a rapporté que lorsqu'il résistait aux démons qui habitaient sa grotte, ils devenaient plus féroces. Mais lorsqu’il les accueillit pour partager la grotte avec lui - en mettant finalement sa tête dans la gueule du plus féroce - ils disparurent pour ne plus jamais revenir. Peu importe le nombre de fois où vous vous laissez emporter, résistez à la tentation de juger certaines expériences comme étant mauvaises et de vous en vouloir de les avoir vécues. Le jugement ne fait qu'ajouter du stress et des conflits au mélange et finit par intensifier les émotions au lieu de les tempérer. Reconnaissez que les émotions fluctuent comme la météo et qu'elles ne peuvent pas être contrôlées, mais le fait de reposer dans la Conscience change votre relation avec elles. Autant que possible, soyez l'espace chaleureux et accueillant dans lequel les émotions jouent, mais ne vous laissez pas entraîner dans la mêlée - et si c'est le cas, remarquez votre réactivité et rentrez chez vous. 95 QUE SIGNIFIENT LES ÉMOTIONS ? La tradition bouddhiste reconnaît deux façons différentes d'appréhender la vie : la perspective absolue et la perspective relative. Dans la perspective absolue, tout est parfait et complet tel quel, mais en même temps vide de toute substance durable, comme un rêve qui semble avoir un sens, mais qui est finalement évanescent et insubstantiel. De ce point de vue, vous êtes un personnage rêvé, dont la tâche consiste à vous réveiller de votre sommeil et à réaliser votre véritable nature de Conscience pure et inconditionnelle, indépendante du rêve. Dans la perspective relative, vous êtes un individu, qui interagit avec d'autres individus, qui s’engage dans des relations intimes, qui a des préférences personnelles et un but, qui gagne sa vie, qui assume des responsabilités et qui fait face aux conséquences de ses actes. Vous répondez à un nom particulier, vous vous réveillez dans ce corps et pas dans un autre, vous remplissez cette bouche, vous habitez dans cette maison, vous avez ces amis et cette famille. Les deux perspectives sont simultanément vraies ; en réalité, elles sont inséparables, comme les deux côtés d'une même pièce ou comme une boîte et son couvercle, comme le dit un enseignement. Si vous restez bloqué dans le relatif et si vous oubliez l'absolu, vous ne vous identifiez qu'à votre apparence dans la forme et vous subissez la fronde et les flèches de la fortune outrageante, sans une compréhension plus profonde du fondement de l'Être pour vous soutenir. Si vous restez bloqué dans l'absolu et si vous négligez le relatif, vous finissez par vous sentir détaché et distant de la vie et des autres, et vous ne manifestez pas l'amour et la compassion qui marquent l'expression de la Conscience éveillée dans le domaine de la forme. Dans l'absolu, les émotions n'appartiennent à personne ; elles ne sont qu'un mouvement d'énergie dans le rêve et n'ont pas de signification personnelle, puisqu'il n'y a aucune personne permanente à qui elles appartiennent. Mais à un niveau relatif, certaines émotions ont du sens, car elles traduisent des élans du cœur, qui comptent dans le domaine de l'amitié, de la famille et des relations intimes. Par exemple, certaines personnes suscitent naturellement en vous des sentiments, qui ne peuvent être niés et qui deviennent la base de votre attitude dans le monde. En fait, l'adaptation sensible au jeu des sentiments, des sensations et des intuitions constitue la base de relations saines et éveillées et donne une direction et un but à la vie. La clé, c’est de distinguer la différence entre les émotions réactives et les émotions humaines essentielles - ce que l'un de mes maîtres a appelé l'émotivité et l'émotion authentique. 96 L'émotivité dépend du conditionnement, des histoires et des croyances qui alimentent votre identification à un point de vue limité égocentrique. Par exemple, si quelqu'un remet en question l'image de vous-même, que vous avez soigneusement élaborée, vous réagissez avec de la colère ou avec de la peine et vous créez un conflit et une séparation. Les émotions réactives ont tendance à être intenses, douloureuses, destructives, dirigées contre les autres et défensives, comme si vous essayiez de protéger une forteresse intérieure ou un endroit vulnérable qui se sent assiégé. Bien qu’elles puissent s'estomper avec le temps, elles ont tendance à s'accumuler et elles ne se libéreront pas toutes seules, à moins que vous n'examiniez délicatement les croyances profondes qui perpétuent le sentiment de séparation sur lequel elles se fondent. Par comparaison, les émotions essentielles et les sentiments ressentis sont plus subtils, plus sereins, moins marqués ou tranchants, et ne reposent pas sur des histoires et des croyances quant à la façon dont le monde et les autres personnes devraient être. Plutôt que d'être pénibles et conflictuels, ils ont tendance à favoriser la complicité et l'intimité, non seulement avec les autres, mais également avec vous-même. Lorsque vous accueillez des émotions authentiques et que vous les vivez pleinement, vous vous sentez souvent apaisé, énergisé, tendre, touché et plus intime avec votre Être propre. Par exemple, si un ami meurt, vous pouvez ressentir une tristesse et une perte, qui vous ouvrent à une plus grande appréciation de l'autre personne et à une profonde reconnaissance pour la vie elle-même. Ou, si vous êtes victime d'un malentendu avec un proche, votre douleur peut naturellement se transformer en compassion et en compréhension pour toutes les personnes concernées. Puisque ces émotions et ces ressentis ont tendance à provenir directement du cœur, plutôt que des zones de conflit et de tension, ils révèlent souvent une connaissance intérieure qui inspire et qui enrichit votre vie dans sa forme. (Pour une exploration approfondie de cette harmonisation avec les émotions et les ressentis, je recommande le livre In Touch , de John Prendergast). LA GESTION DE MODÈLES DE PENSÉES ET DE SENTIMENTS FIGÉS Si on laisse les émotions se déployer dans la Conscience sans interférer avec elles ou les manipuler de quelque façon que ce soit, on peut commencer à constater qu'elles 97 retournent sans cesse aux mêmes schémas répétitifs de pensées et de sentiments, vu que l'esprit se fixe habituellement sur certains problèmes et sur certaines préoccupations. En fait, la tendance de l'esprit à faire des fixations d’une manière ou d’une autre est la cause première de la souffrance, d'où naissent les émotions réactives. Une fois que vous vous êtes familiarisé avec ces schémas répétitifs, les histoires récurrentes qui vous replongent sans cesse dans l'identification et la lutte, vous pouvez les reconnaître plus rapidement, lorsqu’ils s'activent et lâcher plus facilement les émotions qu'ils génèrent et les inviter à passer. Disons, par exemple, que votre histoire principale est "Personne ne m'aime" et, plus radicalement encore, "Je ne suis pas digne d'être aimé". Vous filtrez toutes vos relations à travers le prisme de cette histoire et vous en trouvez la preuve partout. Votre meilleure amie ne vous appelle pas pendant une semaine, et vous imaginez qu'elle ne se soucie pas de vous. Vos collègues de travail oublient de vous inviter à déjeuner et vous en concluez qu'ils n’apprécient guère votre présence. Vous vivez avec un sentiment permanent de souffrance et de rejet, qui colore vos relations à tous les niveaux - et qui peut même vous rendre moins aimable aux yeux des autres. Mais une fois que vous identifiez ce schéma et le reconnaissez comme la distorsion que vous imposez à la réalité, plutôt que ce que les autres vous font réellement, vous pouvez le détecter, quand il se manifeste à nouveau et couper court à ces sentiments familiers de rejet et de blessure avant qu'ils ne prolifèrent. En fait, l’un des moyens les plus efficaces d’en revenir à la Conscience éveillée, c'est de vous familiariser intimement avec vos histoires profondes et de les rencontrer avec compassion et perspicacité, lorsqu'elles se présentent. Vous n'avez pas à faire d'effort pour le faire délibérément ; une fois reconnu, votre état naturel d'ouverture inconditionnelle revient spontanément vers les histoires et les émotions douloureuses dans une tentative (exempte d’effort) de les libérer et de les réintégrer en leur insufflant de la conscience. Comme l'eau, qui s'écoule dans tous les coins et recoins accessibles, la lumière de la Conscience éveillée semble avoir une tendance innée à pénétrer dans les zones sombres et inconscientes de notre vie. Au-delà des histoires de référence individuelles, chaque personne a tendance à faire une fixation sur des thèmes récurrents particuliers, qui sont comme un fil conducteur dans sa vie. Au fil des siècles, ces fixations ont été définies de différentes manières dans différentes 98 cultures et traditions. Par exemple, le bouddhisme regroupe ces tendances en trois types principaux : l'avidité, l'aversion et l'illusion, qui correspondent aux trois "poisons" ou causes traditionnelles de la souffrance. Les individus avides se focalisent sur ce qu'ils veulent et dont ils n'ont jamais assez - la nourriture, le sexe, l'attention, le plaisir, les relations, les biens matériels… En conséquence, leurs émotions tournent autour des permutations du désir, comme la concupiscence, la faim, l'avarice, le chagrin ou la jalousie. Les personnalités enclines à l'aversion se focalisent sur la défense contre les menaces ou les attaques perçues de l'extérieur, généralement via une version ou l’autre de la colère ou de la peur, par exemple, l'anxiété, la crainte, la critique, l'hypervigilance, la haine ou la rage. Et ceux qui sont en proie à l'illusion vivent généralement dans un brouillard de confusion, d'ignorance et de désorganisation, avec des émotions qui ont tendance à être plus sourdes, mêlées, ambivalentes et floues. La tradition soufie a mis au point une méthode encore plus sophistiquée pour comprendre les principales façons dont nous fixons notre attention et interprétons la vie en fonction de cette fixation (qui a ultérieurement été perfectionnée en Occident), l’Ennéagramme, un système à neuf facettes fondé sur trois types fondamentaux : l'image, la peur et la colère. Les trois profils associés à l'image se préoccupent de la manière dont ils sont perçus et reçus par autrui. Ils entretiennent des relations essentiellement cordiales et se soucient d'aider les autres, de se montrer compétents et de réussir, ou de se distinguer par le biais de leur créativité unique. Les trois profils associés à la peur se préoccupent de comprendre les choses par l'esprit dans le but de rester en sécurité dans un monde menaçant ou incertain, de créer un monde intérieur complexe et protecteur, ou d'éviter les sentiments désagréables en élaborant des stratégies pour garder la vie intéressante. Et les profils colériques s'efforcent de gérer leurs propres pulsions agressives en les réprimant, en les exprimant via la domination sur les autres, ou en les canalisant via le jugement et la surenchère. (Ce résumé est très simpliste et il a simplement pour but de donner un aperçu du système. Pour des explications détaillées de chaque profil, je recommande La sagesse de l’Ennéagramme, de Don Riso et Russ Hudson, et L’Ennéagramme spirituel, d’Eli JaxonBear). 99 MÉDITATION : IDENTIFIER VOTRE FIXATION Vous êtes-vous déjà interrogé sur votre propre fixation, la façon habituelle dont vous organisez votre attention et filtrez votre expérience de la vie ? Voici une méditation pour réfléchir aux thèmes et stratégies majeurs au cœur de votre fixation. N'oubliez pas que votre fixation n'est pas ce que vous êtes, mais ce qui vous empêche d'être pleinement qui vous êtes. Prenez quelques minutes pour vous asseoir confortablement, et transférez votre attention de votre esprit pensant vers le mouvement de votre respiration. Pensez maintenant à trois ou quatre événements récents qui ont éveillé en vous des sentiments douloureux. Si vous n'êtes pas enclin à ressentir fortement les choses, repensez simplement à des situations où vous avez vécu un conflit ou un stress. Prenez le temps de les examiner plus en profondeur avec le recul et de réfléchir aux problèmes qui ont pu provoquer votre douleur. Remarquez-vous des émotions ou des thèmes récurrents qui reviennent comme des fils conducteurs dans chaque situation ? Que vous inspire la vie ? Souhaitez-vous avant tout que les gens vous aiment et vous approuvent ? Ou essayez-vous de vous protéger des attaques ou des critiques dans un monde que vous percevez comme étant peu sûr ? Avezvous tendance à répondre aux difficultés en essayant de comprendre les choses, en réagissant instinctivement ou en vous connectant aux autres ? Quelles sont vos principales stratégies pour faire face à la vie ? Quelles sont vos émotions récurrentes prédominantes ? Considérez ce que vous découvrez, et dans le même temps, remarquez comment cette reconnaissance vous affecte. Vous sentez-vous plus spacieux et moins réactif, maintenant ? Ou êtes-vous toujours pris dans l'histoire ? Remarquez maintenant que vos réponses à ces questions, et les questions elles-mêmes, ne sont que des pensées et des concepts qui apparaissent dans votre Conscience. Remarquez toute tendance à vous attacher à eux ou à créer des histoires à leur sujet. Laissez-les passer, comme toute autre pensée qui pourrait surgir dans votre Conscience. Permettezvous de reposer dans la Conscience elle-même. Soyez l'espace dans lequel ces pensées, ces émotions et ces histoires apparaissent et disparaissent. Rappelez-vous que vous n'êtes pas l'histoire - l'histoire se déroule en vous. 100 Aussi utiles que ces typologies et d'autres puissent être pour reconnaître vos propres fixations fondamentales et expliquer le comportement apparemment inexplicable des autres, elles sont trompeuses, si elles vous séduisent en vous faisant croire que votre fixation est une description de ce que vous êtes vraiment et en utilisant ensuite cette connaissance pour solidifier votre identification à un moi séparé. Du point de vue de la Conscience éveillée, l'Ennéagramme et les autres typologies ne sont utiles que pour définir et clarifier ce que vous n'êtes pas, afin que vous puissiez voir votre fixation pour ce qu'elle est et revenir immédiatement à votre terrain d'origine, l'ouverture et la Présence inconditionnelle. Si vous êtes piégé dans une histoire qui vous tient à cœur et si vous ne parvenez pas à retrouver facilement le chemin de l'ouverture, vous pouvez vous rappeler votre fixation et voir rapidement l'histoire actuelle comme étant l'expression d'un schéma plus profond. Sinon, ce n'est qu'un jeu intellectuel, qui n’a pas de signification plus profonde et qui peut devenir une autre distraction ou préoccupation. En d'autres termes, vous pouvez finir par faire une fixation sur une fixation. En fin de compte, toute fixation, même sur des croyances, des intuitions ou des états spirituels exaltés, peut devenir un obstacle à l'ouverture et à la liberté complètes et inconditionnelles de la Conscience éveillée. Votre véritable nature ne peut être identifiée, ni circonscrite en aucune façon, et la tendance du mental à catégoriser et à conceptualiser ne fait que l'obscurcir. Toute compréhension doit se dissoudre en étant la compréhension, c'est-à-dire que vous devez renoncer à vos idées et à vos concepts spirituels et simplement demeurer dans la vacuité et la liberté que vous savez être. EN CONCLUSION Avez-vous déjà vu le film Little Buddha, où le maître qui médite et qui va bientôt trouver l’Illumination est tenté par un assaut d'images et d'émotions puissantes ? Il demeure calme et imperturbable, et l'Illumination, à l’instar de l'étoile du matin, finit par poindre. Lorsque vous découvrez votre état naturel d'Eveil et de paix inhérents, vous pouvez avoir l'impression que tout le conditionnement d'une vie conspire pour vous séduire et vous en éloigner. La clé pour continuer à demeurer en tant que Conscience éveillée, c’est de résister à la tentation de lutter et de résister et, au lieu de cela, d'accueillir les expériences telles qu'elles sont, comme le Bouddha. Au cours du processus, vous pouvez vous familiariser 101 avec les schémas particuliers de préoccupation et de fixation qui vous retiennent et relâcher progressivement leur emprise sur vous. Vous semblez suggérer que les émotions sont inévitablement causées par des croyances sous-jacentes, mais j'éprouve parfois des sentiments négatifs puissants qui surgissent sans aucune raison apparente que je puisse détecter. Est-il possible que certains sentiments surviennent simplement ? Oui, c'est certainement possible, en particulier avec les émotions qui résultent d'un traumatisme survenu en début de vie (ou d'un puissant traumatisme survenu à l'âge adulte). Par exemple, vous pouvez vous trouver dans la situation la plus anodine qui soit et vous sentir brusquement terrifié sans savoir pourquoi. Le plus vraisemblable est que vous êtes perturbé par une association entre les circonstances actuelles et des événements passés qui furent préjudiciables, dangereux ou abusifs. Par exemple, certaines situations sexuelles peuvent déclencher de la crainte chez une personne dont on a abusé pendant son enfance, ou la pétarade d'une voiture peut terrifier un ancien combattant, dont les potes furent abattus sous ses yeux. Si vous examinez la situation de plus près, vous trouverez souvent des croyances profondes, comme "Je ne suis pas en sécurité" ou "Le monde veut ma peau", qui n'étaient pas évidentes au départ. Que vous puissiez identifier les croyances profondes ou pas, l'essentiel est d'accueillir les sentiments sans essayer de leur résister ou de les modifier de quelque manière que ce soit. Je suis rarement perturbé par des émotions difficiles, et je crois que c'est grâce à toute la méditation que j'ai faite. Mais ma femme pense simplement que je me réfugie dans le détachement et la désaffection, comme vous le décrivez. Comment puis-je savoir qui de nous deux a raison ? Voici quelques questions que vous pouvez honnêtement vous poser : Suis-je émotionnellement disponible et réceptif, quand la situation l'exige ? Ou suis-je replié sur moi-même et incapable de ressentir ? Par exemple, mon enfant me décrit des expériences heureuses qu'il a vécues à l'école. Ou ma femme me parle d'interactions difficiles au travail. Est-ce que je me sens empathiquement touché et connecté ? Ou est-ce que je considère cela de loin, comme les Vulcains dans Star Trek ? Le fait de demeurer dans une Conscience éveillée ne vous soustrait pas au domaine ordinaire des sentiments humains ; au contraire, 102 cela permet une intimité et une connexion encore plus grandes, sans la réactivité instinctive qui découle de la défense d'une position ou d'un point de vue. Diriez-vous qu'il est possible de faire l'expérience de la Conscience éveillée et d'avoir simultanément des pensées et des sentiments négatifs, destructeurs ou colériques ? Certainement. Toutes les pensées et tous les sentiments sont les bienvenus dans la Conscience éveillée. Souvenez-vous que la Conscience éveillée n'est pas une expérience, mais l'espace éveillé et conscient dans lequel les expériences se succèdent. Elle ne préfère pas une expérience à une autre et elle n'essaie pas de modifier, ni de supprimer ce qui se présente. En réalité, du point de vue de la Conscience éveillée, toutes les pensées et tous les sentiments, qu'ils soient positifs ou négatifs, sont aussi vides qu’insubstantiels, comme des nuages qui changent et qui se transforment dans le ciel, mais qui n'ont pas de signification ni d'essence permanente. Plus vous demeurez dans la Conscience éveillée et plus vous laissez passer les pensées et les sentiments, sans les saisir ou vous identifier à eux, plus ils perdent de leur emprise sur vous. Je ne peux pas vraiment me voir dans aucune des fixations que vous décrivez - ou plus exactement, je me vois dans toutes. Est-il possible de posséder un petit peu de chaque type de personnalité ? Oui, bien sûr, même si un type ou si une fixation prédomine généralement. Inutile de dire que nous sommes tous animés, poussés par la peur, la colère, l'ignorance et notre propre image, et que nous voulons tous que les gens nous aiment et nous approuvent, que nous nous efforçons de comprendre les choses pour nous protéger et que nous réprimons parfois nos sentiments pour éviter les conflits. Mais si vous regardez attentivement, vous constaterez probablement qu'une stratégie particulière a tendance à se répéter et à occuper la première place. Au final, ne faites pas une fixation sur les fixations - elles ne sont que des descriptions de ce que vous n'êtes pas et n'ont de valeur réelle qu'en tant qu'indicateurs de ce que vous êtes. 103 ÉPILOGUE : DÉCONSTRUIRE ET APPROFONDIR Dans votre absence, il y a votre Présence. - Jean Klein Au final, votre foyer de Conscience éveillée est un fondement sans fond ; il n'y a pas de lieu, pas d'emplacement, aucune substance, rien à saisir ou à atteindre, aucun endroit où se poser. Par sa nature même, l'ouverture inconditionnelle n'est limitée par aucune condition ; c'est un pur potentiel, un espace illimité, non meublé, sans centre, ni contours. Même cet espace n'est pas séparé de ce qu'il contient ; la Conscience et ses objets sont un et indissociables. Il n'y a que cette réalité indivisible et non duelle. Juste Cela ! Bien que nous utilisions une expression pour la décrire, la Conscience éveillée n'est pas un état ou une chose à part. Sitôt que vous pensez avoir trouvé quelque chose à quoi vous pouvez vous accrocher et que vous pouvez nommer, vous vous êtes égaré pour vous empêtrer dans des concepts et des expériences. Vous ne pouvez jamais la saisir comme vous le feriez d'une pensée, d'une émotion ou de tout autre objet de la Conscience - vous ne pouvez que l'être sciemment et lui permettre de vous vivre, d'une manière que le mental ne peut pas comprendre. En lisant ces mots, vous les trouverez peut-être abstraits, voire inintelligibles pour votre esprit rationnel. Pourtant, il y a en vous un espace plus profond qui connaît déjà la vérité de ce qui est dit et qui résonne avec elle comme un diapason résonne avec une cloche frappée à la même fréquence. Paradoxalement, le seul moyen d'approfondir la Conscience éveillée, c’est de complètement lâcher prise par rapport à elle. Vous ne pouvez jamais intentionnellement la développer ou l'améliorer, car sitôt que vous essayez, elle échappe à votre emprise. Du point de vue absolu, bien sûr, la Conscience éveillée ne peut pas s'approfondir, car elle est déjà illimitée ; ce qui s'approfondit, c'est votre capacité à y reposer. Ainsi que mon maître, Jean Klein, avait l'habitude de le dire, c'est dans votre absence que se trouve votre Présence - plus vous lâchez prise et laissez être, et plus profond est le maintien en tant que Conscience, sans que personne ne le fasse ou n'essaie d'être conscient. 104 La marque du repos et du maintien dans la Conscience éveillée, c'est que vous ne ressentez plus aucun manque ou insuffisance, que vous ne ressentez plus le besoin de changer, d'ajuster, d'ajouter ou de soustraire au moment présent. Vous ne recherchez pas un état meilleur, plus satisfaisant, plus confortable - vous êtes complet et content de tout, tel quel. Cela ne signifie pas que vous ne procéderiez pas à des changements dans votre environnement ou votre situation dans un mouvement naturel vers l'équilibre et l'aisance qu'il s'agisse de mettre un pull ou de faire une promenade, d'acheter une nouvelle voiture ou de changer de travail - mais vous n'avez pas besoin que les choses soient différentes et vous êtes en paix, que les choses changent ou non. Quoique les circonstances soient constamment en train de changer et de se déployer et que vous puissiez aimer ou ne pas aimer ce qui se produit maintenant, il y a la connaissance plus profonde qu'il y a toujours et seulement Cela, comme tel. La reconnaissance du fait que vous êtes Cela, fondamentalement et essentiellement, marque la réalisation de la Conscience éveillée. Dans la mesure où votre réalisation mûrit, la Conscience éveillée imprègne votre vie, et toute trace d'une personne séparée disparaît. En définitive, vous ne pouvez même pas dire : "Je suis la Conscience Eveillée", car il n'y a plus de moi pour s'identifier ou non. Seule la Conscience éveillée demeure - le continuum non duel et indivisible, l'Un sans second, qui s'exprime sous une myriade de formes. Juste Cela ! 105 À PROPOS DE L’AUTEUR Stephan Bodian enseigne dans la tradition de sagesse non duelle du zen et de l'advaita. C’est un pionnier de l'intégration de la sagesse orientale et de la psychologie occidentale, et un expert internationalement reconnu en matière de méditation et de pleine conscience. Il a notamment publié ‘’Le bouddhisme pour les nuls’’ et ‘’Zen ! La méditation pour les nuls’’. Psychothérapeute agréé, il anime des cours, des ateliers et des retraites sur l'approche directe de la réalisation spirituelle, et il propose des conseils et un accompagnement à des personnes du monde entier. www.stephanbodian.org John J. Prendergast, PhD, le rédacteur de l’avant-propos est l'auteur d'In Touch, l’éditeur de The Sacred Mirror et de Listening from the Heart of Silence, et professeur adjoint de psychologie à la retraite du California Institute of Integral Studies, à San Francisco. C'est un enseignant spirituel, qui exerce également la profession de psychothérapeute en cabinet privé. www.listeningfromsilence.com Partage-pdf.webnode.fr 106