Telechargé par Benoît Clavier

Quelques évolutions récentes des matériaux et méthodes de construction

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Projet de Mécanique
L’évolution des matériaux et des méthodes de
construction
Benoît Clavier
15 avril 2020
Table des matières
1 Introduction
1.1 Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4
4
4
2 Matériaux de construction modernes : les matériaux composites à fibres
2.1 Origines et nécessité des matériaux composites à fibres . . . .
2.2 Développement des fibres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.3 Les fibres de basalte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.4 Comparaison des performances par un calcul . . . . . . . . . .
2.4.1 Présentation du problème . . . . . . . . . . . . . . . .
2.4.2 Comparaison des performances . . . . . . . . . . . . .
2.4.3 Interprétation des résultats . . . . . . . . . . . . . . . .
5
5
7
10
12
12
14
17
3 Génie civil et développement durable
18
3.1 Estimation des émissions en CO2 . . . . . . . . . . . . . . . . 18
3.2 Mise en pratique de la construction à base de bois . . . . . . . 19
4 Avancées technologiques appliquées au génie civil
4.1 Une avancée majeure dans l’isolation thermique : la microencapsulation de matériaux à changement de phase . . . . .
4.1.1 Principe de fonctionnement . . . . . . . . . . . . . .
4.1.2 Développements récents des PCM . . . . . . . . . . .
4.2 Modélisation du gain thermique : l’exemple d’un casert à Palaiseau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1
23
. 23
. 23
. 23
. 24
4.2.1
4.2.2
4.2.3
Modélisation de la température . . . . . . . . . . . . . 24
Modélisation du gain de température . . . . . . . . . . 31
Bilan du modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
5 Conclusion
36
2
L’objectif de ce projet est de synthétiser les dernières avancées dans le
génie civil, qu’il s’agisse du développement et de l’utilisation de nouveaux
matériaux de construction, ou bien des nouveaux procédés de fabrication et
de construction pour améliorer certains aspects de la construction (rentabilité, efficacité, empreinte écologique...). L’étude ne se veut pas exhaustive et
met l’accent sur trois points en particulier, choisis arbitrairement mais permettant de faire un tour d’horizon des différents types d’avancées que l’on
a observés récemment. Après une introduction visant à établir un état de
l’art en la matière, on s’intéresse d’abord à l’émergence des matériaux de
construction à base de fibres, en on démontre comment leur grand module
de résistance à la compression permet de construire des structures de grande
taille. Ensuite, dans la partie suivante, on s’intéresse aux avancées axées sur
l’écologie, principalement en présentant les intérêts et les nouveaux processus de la construction en bois. Enfin, dans la dernière partie, on présente un
nouveau matériau de construction aux propriétés thermiques innovantes et
on mène une modélisation numérique pour simuler le gain thermique annuel
permis par ce matériau. [9]
3
1
1.1
Introduction
Historique
On distingue, dans les premières constructions humaines, dont les premières traces datent du Néolithique, deux types de construction distincts :
d’une part l’utilisation de bois assemblé avec des feuillages et/ou des peaux
d’animaux, permettant de former des structures puis de les couvrir. D’autre
part, l’utilisation de matériaux que l’on agglutine ou empile, comme les
pierres, la terre, l’argile... Dans les deux cas, il s’agit uniquement de matières premières.
Les premiers matériaux "artificiels" que l’on voit apparaître sont des mortiers, qui permettent de lier des matériaux comme les pierres ou la terre cuite.
Par exemple, les Égyptiens utilisent, vers 2600 ans av J.-C. un mélange de
chaux, d’argile, de sable et d’eau pour la construction de pyramides [16].
1.2
Évolution
La plupart des matériaux cités précédemment sont encore massivement
utilisés aujourd’hui. Le bois, par exemple, est toujours le matériau le plus
utilisé pour les charpentes des maisons. Cependant, avec la révolution industrielle, de nouveaux procédés de fabrication se mettent en place et permettent
de produire du métal en quantité suffisante pour construire de plus grands
ouvrages. Ainsi, le haut fourneau au coke, le puddlage puis le convertisseur
ont permis la fabrication industrielle de la fonte (début XIXe), du fer forgé
(fin XIXe), et enfin de l’acier (depuis le XXe siècle), qui est désormais le
matériau prépondérant pour la construction des grands ouvrages [8]. C’est
avec l’apparition de l’acier que débute la construction de bâtiments autrefois
inenvisageables, comme l’Empire State Building, de 1929 à 1931.
Le développement de métaux de constructions s’accompagne de la découverte de bétons à prise rapide, et donc de l’apparition du béton armé comme
matériau alliant versatilité, avec le béton que l’on coule dans un coffrage, et
solidité, grâce à la forte résistance en traction et compression de l’acier. On
observe un mariage des matériaux de structure et d’empilement.
Par la suite, on assiste surtout, au long du XXe siècle, à des améliorations
des processus de construction, notamment, en France, dans le cadre de la politique de logements de masse. Les procédés de fabrication sont automatisés,
les pièces préfabriquées, les engins de chantiers se modernisent, ce qui permet
de construire plus grand, plus vite et à moindre coût.
Enfin, l’utilisation de l’ordinateur à partir des années 70, permet de non
seulement de dessiner et concevoir avec beaucoup plus de précision (CAO :
4
conception assistée par ordinateur), mais également de mieux prévoir le comportement des grandes structures grâce au BIM (Building Information Modelling).
Désormais, le domaine du génie civil doit s’adapter aux problématiques
actuelles : la concentration des populations, qui nécessite de construire toujours plus grand, plus solide, et l’urgence écologique qui oblige le secteur du
BTP (bâtiments et travaux publics), à trouver de nouvelles solutions pour
construire de façon durable.
2
2.1
Matériaux de construction modernes : les matériaux composites à fibres
Origines et nécessité des matériaux composites à
fibres
D’une manière générale, on n’utilise quasiment que des matériaux composites pour les constructions modernes. Un matériau composite est l’assemblage de deux (ou plus) matériaux non miscibles. Généralement, il s’agit
d’une matrice associée à un renfort, la matrice formant le corps du matériau
composite, qui apporte la rigidité, et le renfort permet une meilleure tenue
mécanique du matériau.
L’Homme a eu très tôt cette idée de mélanger deux matériaux différents
pour en tirer le meilleur de chacun. On peut remonter au Néolithique pour
voir les premières utilisations d’un matériau composite dans les constructions
européennes : le torchis. Ici, la matrice est la terre argileuse, et le renfort peut
être divers : paille ou autres fibres végétales, voire même parfois des fibres
animales comme le crin de cheval. La terre argileuse permet d’obtenir un
matériau bien étanche et isolant, cependant lorsqu’elle est sèche, elle fissure
trop facilement. C’est en incorporant des fibres dans la terre que l’on peut
pallier ce problème. Leur résistance à la traction supérieure à celle de l’argile
permet de maintenir la matrice en place et d’éviter les fissures. Même si le
torchis n’est pas conçu pour être un matériau porteur, il permet ainsi de
cloisonner de façon efficace les constructions humaines et peut s’appliquer de
plusieurs façons. Le torchis est ainsi un des premiers matériaux composites
utilisés par l’Homme.
5
Figure 1 – Les fibres naturelles empêchent l’apparition de fissures quand la
terre sèche
Le développement et l’utilisation du béton armé a par la suite relégué à
l’arrière plan l’utilisation de matériaux composites à fibres. Le principe de
fonctionnement du béton armé est le même que le torchis : ici le béton joue
le rôle de la matrice et les barres d’acier jouent le rôle de renfort. Comme
dit précédemment, l’acier, grâce à sa forte résistance à la traction, permet
d’obtenir un matériau solide à coût réduit : quelques barres d’acier peuvent
permettre de solidifier fortement une grosse pièce de béton.
Figure 2 – Principe de fonctionnement du béton armé
Le béton armé présente cependant des inconvénients :
-L’acier étant très localisé dans le béton armé (sous forme de barres), il
n’empêche pas le béton de fissurer sur une grande partie du volume, et le
béton armé reste ainsi vulnérable dans certaines situations, par exemple face
aux secousses (séismes, gros impacts etc)
6
-La construction d’un ouvrage en béton armé demande un travail d’anticipation conséquent, car les armatures en acier doivent être prévues sur
mesure et répondre au contraintes que subira l’ouvrage terminé. De plus,
elles doivent être placées avec précision avant de couler le béton.
-Une barre d’acier ne permet de résister à la traction que dans le sens
de sa longueur, ce qui conduit à un enchevêtrement de barres d’acier lorsque
les contraintes deviennent complexes. La proportion d’acier doit cependant
rester en dessous d’une certaine limite pour que le bloc de béton permette
de maintenir la structure de par sa rigidité.
2.2
Développement des fibres
C’est pour ces raisons, et également dans un souci de pouvoir relever
toujours de nouveaux défis architecturaux, que de nouveaux matériaux ont
été développés. Le développement de bétons renforcés par des fibres d’acier
plutôt que des barres d’acier commence dans les années 1960, puis peu à
peu on voit apparaître d’autres types de fibres pour renforcer les bétons :
fibres polymères (années 1970), fibres de verre (années 1980), puis les fibres
de carbone au début des années 1990.
Figure 3 – Les fibres métalliques, une première alternative aux barres d’acier
pour renforcer le béton.
Au commencement, l’utilisation de fibres visait à augmenter la solidité
("strength") du matériau. Le développement de ces nouveaux matériaux a
donné lieu à des études plus approfondies [3], qui mettent l’accent surtout
sur la forte rigidité ("toughness"), qui lui permet de supporter de très grosses
7
contraintes sans se déformer. Ainsi, on peut les contraindre fortement (avec
des câbles par exemple), pour que tout l’ouvrage soit en compression et ainsi
ne pas avoir besoin de renfort supplémentaire pour résister à la traction.
L’industrie du BTP voit alors se multiplier des brevets pour l’utilisation
des bétons renforcés par les fibres. Un exemple célèbre est celui de la Passerelle des Anges, conçue par l’architecte Rudy Ricciotti.
En 1994, les trois entreprises Bouygues, Lafarge et Rhodia mettent au
point un béton de nouvelle génération : le Ductal®, un béton renforcé par
des fibres métalliques qui rentre dans la gamme des BFUP (béton fibré ultrahaute performance). L’architecte Rudy Ricciotti s’en sert pour réaliser une
prouesse technologique, la Passerelle des Anges. Il s’agit d’un pont droit de
70m de portée et uniquement 1.80m de hauteur en béton sans armature, uniquement contraint par des câbles à l’intérieur (autour de 10MN en tension).
Figure 4 – La Passerelle des Anges dans l’Hérault (34), en béton Ductal,
contraint par des câbles uniquement
8
Module de résistance en compression
Module de résistance en traction
Béton classique
20-40 MPa
3-4 MPa
Béton Ductal
120 MPa
10 MPa
Figure 5 – Les performances mécaniques du béton Ductal sont nettement
supérieures à celles des bétons utilisés couramment.
Plusieurs projets similaires ont lieu pour faire la promotion de ces nouveaux matériaux qui permettent de réaliser des ouvrages jusqu’alors inenvisageables. Malheureusement, le développement des matériaux de construction
n’a pas un bon bilan, en comparaison avec d’autres industries. Cela s’explique en partie par le manque de coopération/coordination entre l’industrie
de la construction et l’industrie fournissant des matériaux de construction.
Aux États-Unis en particulier, la recherche et le développement conjoints
entre les fournisseurs de matériaux et l’industrie de la construction sont relativement inexistants. Une telle séparation n’est pas propice à la croissance et
l’entretien des infrastructures de nos sociétés. L’impact négatif de cette situation sur la construction, la productivité, la durabilité et la sécurité publique
ne peut être sous-estimée.
Les avantages que présentent les bétons fibrés sont pourtant nombreux,
en plus de leur propriétés mécaniques améliorées :
-Une répartition uniforme des armatures en ce qui concerne leur emplacement et leur orientation : le béton fibré est fortement anisotrope à l’échelle
microscopique (le diamètre des fibres va généralement de 5 à 50 micromètres),
mais à l’échelle macroscopique, son comportement peut largement être considéré comme isotrope.
-Une résistance à la corrosion et une imperméabilité accrues, en particulier
pour les fibres synthétiques, de carbone ou de métal amorphe, ce qui implique
une augmentation significative de la durabilité des infrastructures, autant
face à l’usure (grâce aux performances mécaniques) que face aux conditions
extrêmes.
-Une économie de travail en évitant de déformer les barres d’armature et
de les attacher dans le coffrage, ce qui permet souvent de réduire le temps
de construction. L’élimination des barres d’armature permet également de
mieux répartir les contraintes sur la forme des éléments en béton
On estime tout de même que l’utilisation de fibres connaît une croissance
régulière : en Amérique du Nord, la quantité de fibres utilisées annuellement
9
augmente de 20% au cours de ces dernières années.
2.3
Les fibres de basalte
Le développement de nouveaux matériaux de constructions continue à
faire l’objet d’études des laboratoires dans le BTP. Récemment, un nouveau
type de fibres pour renforcer le béton a fait son apparition : les fibres de
basalte [6]. Ces dernières offrent des performances mécaniques similaires [10],
mais elles apportent d’autre avantages :
— meilleure résistance aux températures élevées et au feu, sans mettre
en danger l’être humain (les fibres ne sont pas respirables)
— elles évitent un problème qui apparaît lors de l’utilisation de fibres
métalliques : l’effet boîte de Faraday. En effet l’utilisation de fibres
métalliques pour la constructions de bâtiments gêne la propagation
des ondes électromagnétiques, ce qui s’avère contrariant vu l’usage
que font les hommes des ondes. Les fibres de basalte permettent de
remédier à cette situation.
— Un autre gros avantage est l’éco-responsabilité du basalte. Premièrement c’est une matière trouvable facilement et en abondance, son
exploitation est peu coûteuse et les fibres de basaltes sont plus beaucoup plus facilement recyclables que d’autres fibres (comme le verre)
grâce à leur résistance à la température.
Voici les résultats d’une étude [6] réalisée en 2011 qui compare les performances des fibres de basalte à celles des fibres de verres ;
10
Figure 6 – Performances comparées des fibres de basalte et de verre.
Sans en faire l’énumération, on observe que le basalte offre de meilleures
performances sur tous les aspects testés en laboratoire.
Pour illustrer encore ce propos, un test de résistance sur 32 jours face à
la corrosion a été mené et on a observé au microscope à balayage l’état des
fibres à la fin de l’expérience :
11
Figure 7 – Résistances comparées des fibres de basalte et de verre à la
corrosion à l’acide hydrochlorique.
Le béton renforcé par des fibres de basalte semble donc être à ce jour
le matériau de construction le plus prometteur. Cependant le développement d’un béton renforcé par des fibres prend du temps, et beaucoup de
paramètres sont encore à ajuster : taille optimale des fibres, composition du
béton, proportions massiques des différents éléments. De plus, si l’on veut
utiliser un nouveau type de béton dans l’industrie, il faut mettre en place
toute la chaîne de production, qui change en fonction de chaque matériau
utilisé. La fabrication des fibres de basalte est détaillée dans l’article [13].
C’est pourquoi encore peu de bétons fibrés sont utilisés au maximum de
leur potentiel, comme le béton Ductal vu précédemment, un des rares à être
présent sur le marché industriel du BTP.
2.4
Comparaison des performances par un calcul
Dans cette partie nous allons démontrer d’un manière simple à quel point
les nouveaux matériaux permettent de relever des défis architecturaux plus
difficiles.
2.4.1
Présentation du problème
Nous allons donc observer l’influence du module de résistance en traction
et en compression à travers un exemple simple : une poutre rigide soumise
uniquement à la gravité, de longueur L et de section carré de côté h.
12
Figure 8 – Poutre rigide
Lorsque la poutre est soumise à la gravité, la partie supérieure est en compression et la partie inférieure est en traction. La section où les contraintes
sont les plus élevées se trouve au milieu (x = L/2).
Afin de déterminer la valeur maximale des contraintes (σmax ), il est utile
de commencer par calculer le moment de flexion au milieu de la poutre : Mz
Soit ρ la masse volumique de la poutre
Z
L/2
xgρh2 dx
Mz =
x=0
x2 L/2
]
2 0
ρgh2 L2
=
8
= gρh2 [
Dans le cas le la poutre simple en flexion, la contrainte varie linéairement
selon y :
2σmax
y
h
À l’équilibre on a donc, d’après le théorème du moment cinétique au
milieu de la poutre :
σ(y) =
13
Z
h/2
Mz =
σ(y)h|y|dy
y=−h/2
Z h/2
Mz = 2
σ(y)hydy
y=0
Z h/2
=2
2σmax y 2 dy
y=0
= 4σmax [
Mz =
Comme Mz =
ou encore :
ρgh2 L2
8
y 3 h/2
]
3 0
σmax h3
6
on obtient :
σmax h
ρgL2
=
4
3
s
L=
4σmax h
3ρg
À noter que la contrainte maximale en traction et en compression ont la
même norme : σmax (σmax,traction = −σmax ). Ainsi, pour que la poutre résiste,
il faut veiller à ce que σmax soit inférieure au plus petit des modules de
résistance (compression ou traction), qui s’avère être le module de résistance
à la traction pour tous les types de béton.
Ainsi, théoriquement, si on note Etraction le module de résistance à la
traction du matériau, la longueur maximale de la poutre est donnée par :
s
4Etraction h
Lmax =
3ρg
2.4.2
Comparaison des performances
On reprend les données présentées précédemment :
14
Module de résistance en compression
Module de résistance en traction
Béton classique
20-40 MPa
3-4 MPa
Béton Ductal
120 MPa
10 MPa
Figure 9 – Les performances mécaniques du béton Ductal sont nettement
supérieures à celles des bétons utilisés couramment.
La masse volumique du béton Ductal est : ρDuctal = 2300 ± 100kg/m3
Ce béton entre dans la gamme des bétons de masse volumique normale
(2000 − 2600kg/m3 ). Nous allons donc prendre la même valeur pour chaque
béton : ρ = 2300kg/m3
Ainsi pour une valeur de h donnée, ici h = 0.5m par exemple, on obtient
la taille maximale atteignable d’une poutre :
s
Lmax =
4Etraction h
3ρg
Lmax,classique = 9.7m
Lmax,Ductal = 15.4m
On observe déjà, par ce simple exemple, que les performances du béton
Ductal permettent de réaliser des structures plus ambitieuses. Cependant, ce
résultat n’est pas très intéressant : comme nous l’avons dit précédemment,
l’atout du béton est sa forte résistance à la compression, qui dans cet exemple
n’est pas exploitée.
Pour utiliser un béton de manière judicieuse dans ce cas, il faut le précontraindre pour qu’il soit partout en compression. Cela peut se faire de
diverses manières : armatures, câbles ... De cette manière on peut construire
des structures inenvisageables avec du béton "au repos" (non précontraint).
Dans notre problème, on considère désormais que l’on précontraint le
béton en compression, ce qui ce traduit par l’ajout d’une contrainte selon
l’axe (Ox) : σ0 . Le système étant linéaire, les calculs sont les mêmes, on
obtient finalement :
∗
σmax,compression
= σmax + σ0
∗
= −σmax + σ0
σmax,traction
On obtient deux conditions pour que la poutre tienne :
15
σmax + σ0
−σmax + σ0
⇐⇒ σmax
σmax
< Ecompression
> −Etraction
< Ecompression − σ0
< Etraction + σ0
De plus on sait que
3ρgL2
4h
Ainsi, maximiser L équivaut à maximiser σmax . Ce problème de maximisation peut se résoudre simplement graphiquement :
σmax =
Figure 10 – Calcul des valeurs optimales de σ0 et σmax
σ0 =
Ecompression − Etraction
2
σmax =
Ecompression + Etraction
2
Finalement, la longueur maximale d’une poutre avec précontrainte est :
s
2(Ecompression + Etraction )h
L∗max =
3ρg
Et on obtient pour les différents bétons :
L∗max,classique = 22.4m
L∗max,Ductal = 43.8m
16
2.4.3
Interprétation des résultats
On constate qu’avec l’utilisation de la précontrainte, le béton Ductal permet de construire des structure deux fois plus élancées que le béton classique !
Ce résultat illustre la supériorité des bétons fibrés et surtout l’importance du
module de résistance à la compression, qui n’intervient pas en l’absence de
précontrainte.
Ce résultat reste très théorique car il repose sur des hypothèses fortes :
-Premièrement, la poutre est considérée comme rigide, alors qu’en réalité
elle fléchirait légèrement, et les contraintes augmenteraient alors. La taille
maximale de la poutre est en réalité inférieure, pour le béton Ductal comme
pour le béton classique.
-Deuxièmement, nous avons négligé l’influence du dispositif de précontrainte (câble ou armature) sur la charge de la poutre, qui réduit normalement aussi la longueur maximale.
Néanmoins, cette démonstration a pour but de comparer les performances
et comme nous avons appliqué les même hypothèses aux deux types de béton,
le résultat n’en reste pas moins concluant : les possibilités offertes par le béton
Ductal sont nettement supérieures à celles d’un béton classique.
17
3
Génie civil et développement durable
Cette partie s’intéresse aux enjeux de développement durable, qui concernent
naturellement le génie civil, dans la mesure où ce dernier est responsable de
36% des émissions de gaz à effet de serre [7].
3.1
Estimation des émissions en CO2
On va donc comparer les émissions en CO2 de différents types de maisons,
suivant les matériaux utilisés pour leur construction.
Pour comparer les émissions carbone de différents matériaux de construction, il faut tenir compte de plusieurs coûts en carbone :
- La coût de production et le transport : c’est ce qu’on appelle les émissions
de carbone incorporées (embodied carbon emissions).
- Le coût d’exploitation (émission de carbone dû au chauffage / à la
ventilation).
- Le coût de démolition et de remise en état, à la fin de vie du bâtiment.
Une synthèse des coûts énergétiques associés aux différents matériaux de
construction (béton, acier et bois) est présentée dans l’article [18], qui servira
de base à cette partie.
En se basant sur différentes études [5] [1] [17] [12], Wen et al. estiment
les émissions de carbone (en kgCO2 /m2 ) pour chacunes des trois phases de
la sorte :
Pour les émissions en carbone incorporées (l’émission négative du bois
s’explique par le fait que le bois a emmagasiné du carbone lors de sa croissance) :


béton 416
Cincorp =  acier 367 
bois −238
Pour les émissions lors de l’exploitation (par

béton
Cexploit =  acier
bois
année) :

28
29
26
Pour les émissions lors de la déconstruction (l’émission négative provient du
fait que les matériaux sont recyclés) :
18

Cdeconstruct

béton −0.3
=  acier −52 
bois −53
En estimant la durée de vie moyenne d’un bâtiment en France à 50 ans
[2], on peut donc estimer le bilan carbone des différents bâtiments par l’équation suivante :
Ctotal = Cincorp + Nannees Cexploit + Cdeconstruct
Ctotal = Cincorp + 50 ∗ Cexploit + Cdeconstruct
On peut pousser plus loin la modélisation, en prenant en utilisant le taux
actualisé du coût du carbone. Cela signifie que l’impact d’une tonne de carbone émise augmentera à cause du réchauffement climatique d’un facteur
(1 + i) chaque année. L’équation précédente se réécrit donc :
Ctotal = Cincorp ∗ (1 + i)50 + 50 ∗ Cexploit ∗
(1 + i)50 − 1
+ Cdeconstruct
i
Une fois le calcul effectué, on trouve :


béton 119530
Ctotal =  acier 123575
bois 109259
On peut normaliser ce coût en carbone par rapport à celui du bois :


béton 1.09
normalise
Ctotal
=  acier 1.31
bois 1.00
Le bois est donc le matériau le plus économe en carbone, de loin. Toutefois, se limiter à ce seul calcul ne résout pas le problème, car le bois présente
une plus grande difficulté technique d’utilisation, et n’est donc pour l’instant
pas le matériau de construction préféré dans le secteur du BTP.
3.2
Mise en pratique de la construction à base de bois
Si la construction en bois semble théoriquement pleine de promesses, du
point de vue de la lutte contre le réchauffement climatique, elle souffre néanmoins d’une plus grande complexité technique de mise en place par rapport
19
au béton et à l’acier qui demandent moins de savoir-faire.
Un système de construction économe en carbone à base de bois, favorisant le
recyclage, a été développé [11], afin de répondre à cette problématique. Il repose sur la pré-fabrication de panneaux en bois designed for disassembly. Ces
panneaux sont constitués de planches orientées perpendiculairement les unes
par rapport aux autres, augmentant ainsi la résistance à compression ainsi
qu’à l’étirement, afin de compenser l’anisotropie du bois. Ils sont enduits de
polyuréthane afin de les ignifuger.
Figure 11 – Panneau de bois préfabriqué [11]
Ce matériau est facilement utilisable, car on peut recourir à des des techniques de découpe laser très précises afin d’obtenir des pièces de la taille
voulue. Qui plus est, la normalisation des dimensions de ces panneaux permet de favoriser leur recyclage ainsi que leur réutilisation, ce qui diminue
encore le bilan carbone lié à l’utilisation du bois dans la construction.
On peut résumer les avantages de cette technique de construction comme
suit :
1. Avantages liés à la construction
(a) Utiliser des panneaux préfabriqués permet une réduction de plus
de 50% du temps de construction, ce qui en réduit considérablement le coût. La sécurité en bénéficie, car il y a moins de manoeuvres dangereuses sur place, ainsi que moins de temps passé
sur le chantier. (Cela permet d’ailleurs d’être moins sensible aux
intempéries lors de la construction du bâtiment, comme les panneaux sont fabriqués en usine hors-site, ce qui diminue encore le
temps de construction).
(b) La densité moyenne du bois est plus faible que celle du béton (densité du bois : 500kg/m3 vs. densité du béton : ∼ 2300kg/m3 ). Les
20
fondations n’ont donc pas à être aussi profondes, et cela permet
son utilisation dans des sites dont les fondations sont en mauvais
état, dans des terrains étroits (comme les remblais urbains), avec
des éléments de construction porteurs minces.
(c) La construction est nettement moins bruyante grâce à la préfabrication hors site, ce qui est une vraie valeur ajoutée pour les
chantiers en centre-ville.
(d) Le bois est plus résistant aux tremblements de terre que le béton traditionnel (mais pas que le béton fibré, cf. première partie).
Il peut ainsi être utilisé pour les constructions dans des zones à
risque sismique, telles qu’au Japon ou à San Francisco, où le taux
d’urbanisation ne cesse de croître.
(e) Les techniques d’assemblage sont saines et sèches, ce qui permet
une préparation rapide à l’occupation. Les techniques de construction sont simples, permettant d’employer une main-d’oeuvre peu
qualifiée et facile à former. Néanmoins, on l’a vu, en dépit de cette
simplicité d’utilisation, il s’agit d’un matériau que l’on peut découper avec une grande précision, ce qui lui donne une grande liberté
d’utilisation, pour construire des bâtiments à l’architecture variée.
2. Avantages liés à la diminution de la production de carbone
(a) Ces panneaux, facilement réutilisables, permettent de faire de la
construction à haute efficacité matérielle et sans déchet, une réalité. Les panneaux sont ainsi recyclables et biodégradables, fabriqués à partir d’une ressource en bois abondante et entièrement
renouvelable (forêts de pins de plantation exploitées de manière
durable).
(b) Le bois est efficace sur le plan thermique, avec une faible énergie
intrinsèque, ce qui réduit encore son empreinte carbone. Qui plus
est, le bois a des émissions en carbone négatives grâce à sa capacité
de stockaqe du carbone, avec un bilan négatif. Chaque mètre cube
de bois permet de séquestrer en moyenne 0.8 à 0.9 tonne de CO2.
3. Avantages liés à la dynamisation de l’économie
(a) Afin de réduire encore l’empreinte écologique, une production locale du bois est nécessaire, dans des forêts éco-gérées (en utilisant
du bois de plantation qui est replanté selon un cycle de 12 ans). Les
panneaux qui en résultent sont donc solides, durables et d’origine
locale, donnant lieu à une architecture distinctive.
(b) Cela permet de revaloriser des territoires ruraux en transformant le
bois brut en composants spécialisés. Cette technique de construction permettra donc de créer de la valeur économique locale, en
21
redynamisant l’économie primaire dans les pays économiquement
avancés, et dans le cas de la France cela permettra de relâcher (du
moins en partie) la pression sur la production de granulats (cf.
chiffres UNICEM 2019) qui avoisine les 350.106 tonnes par an, et
qui génère énormément de pollution.
22
4
Avancées technologiques appliquées au génie
civil
Cette dernière partie inclut une modélisation personnelle permettant d’estimer le gain dû à une amélioration de l’isolation en utilisant les matériaux à
changement de phase (PCM). J’ai choisi de prendre un exemple proche, afin
de le rendre parlant, et je vais en effet m’intéresser à l’exemple d’un casert à
Palaiseau.
4.1
4.1.1
Une avancée majeure dans l’isolation thermique : la
micro-encapsulation de matériaux à changement de
phase
Principe de fonctionnement
Les matériaux à changement de phase (PCM)[15] sont étudiés depuis
les années 1970 pour leur propriétés très intéressantes en terme de transfert
thermiques. Comme leur nom l’indique, ils peuvent changer de phase à des
températures courantes (entre 20 et 30°C), ce qui modifie leurs propriétés
calorifiques. Ainsi le comportement d’un PCM s’adapte en fonction de la
température ce qui lui permet de remplir différentes fonctions : en cas de
faibles températures, ils offrent une très bonne isolation thermique qui permet
de réduire les dépenses d’énergie en chauffage. À l’inverse, si la température
extérieure dépasse un certain seuil (environ 25 °C s’avère être l’idéal pour un
foyer), le matériau fond et ce changement de phase le rends plus perméable
aux transferts calorifiques, ce qui a pour cause de résuire, voire de rendre
obsolète, un système de climatisation intérieure.
4.1.2
Développements récents des PCM
Malgré ces propriétés prometteuses, les PCM étaient au début très compliqués à incorporer dans une construction. En effet il présentaient un risque
d’interaction avec le reste de la matrice qui pouvait endommager les matériaux et compromettre la solidité des structures. Une première solution, les
PCM macro-encapsulés, a été développée pour éviter ces interactions. Malgré
cela, les PCM n’ont eu quasiment aucun impact sur le marché, car les macrocapsules se sont avérées très compliquées à mettre en œuvre : peu versatiles,
elles nécessitent une grande expertise pour être correctement incorporées à
l’ouvrage, et ne peuvent pas être percées, ni découpées . Pour les constructeurs, cette solution n’est pas assez rentable pour envisager de l’adopter au
détriment des matériaux d’isolation déjà existants.
23
C’est le récent développement de micro-capsules (depuis l’an 2000), de
l’ordre de seulement quelques micromètres, qui apporte une solution plus
que satisfaisante à ces problèmes. Non seulement les panneaux de PCM à
micro-capsules peuvent être découpés et percés à volonté sans compromettre
l’efficacité du matériau, mais de plus, la distribution de petites capsules de
PCM dans le mur permet de démultiplier la surface d’échange de chaleur, ce
qui rend les PCM encore plus efficaces. Pour illuster ce propos, nous allons
utiliser les résultats obtenus dans l’article [15] et les appliquer à une modélisation pour évaluer le gain d’énergie que peut apporter l’utilisation des PCM
sur une année à Palaiseau.
4.2
4.2.1
Modélisation du gain thermique : l’exemple d’un
casert à Palaiseau
Modélisation de la température
La première étape pour estimer les gains d’une nouvelle isolation thermique est d’estimer l’évolution de la température heure par heure à Palaiseau. Malheureusement, très peu de données open source sont disponibles :
on a seulement accès aux températures mensuelles minimales, maximales et
moyennes pour l’année 2019 (soit 36 valeurs au total) [14].
En revanche, un dataset Kaggle permet d’accéder aux données sur la période
2013-2016 pour une sélection de 37 villes américaines, canadiennes et israéliennes [4].
J’ai donc inventé le protocole suivant pour m’en servir afin de modéliser
l’évolution du climat sur une année, puis extrapoler ce modèle à Palaiseau :
1. On calcule pour chacune des 37 villes les températures mensuelles minimales, maximales et moyennes, puis on sélectionne la ville avec le
climat le plus proche de celui de Palaiseau.
2. On modélise l’évolution de la température en utilisant la décomposition
de Fourrier appliquée aux données issue du Kaggle.
3. On adapte, grâce à une approche analytique couplée à de l’optimisation
convexe, ce modèle au climat de Palaiseau.
L’intégralité du code (entièrement original) et des données (issue de Kaggle)
est disponible dans le dossier code, en pièce-jointe du rapport.
Ville avec le climat le plus proche On illustre classiquement la distance
de Fréchet avec l’exemple suivant :
Imaginez un homme suivant un chemin courbe fini tout en promenant son
chien en laisse, le chien suivant un autre chemin. Chacun marche à sa vitesse,
24
pas nécessairement constante (il peut donc y avoir du mou dans la laisse),
mais aucun des deux ne peut faire marche arrière.
La distance de Fréchet entre les deux courbes est la plus courte longueur de
la laisse, qui soit suffisante pour que chacun des deux ait pu effectuer son
chemin à son rythme.
Cette distance est donc adaptée pour comparer les moyennes mensuelles
de température de deux villes (ainsi que les moyennes mensuelles des maxima
et minima quotidiens).
On calcule donc cette distance entre Palaiseau et chacune des 37 villes,
pour chacune des quatre années (de 2013 à 2016), et ce pour les trois types de
moyennes mensuelles citées juste au-dessus. On moyenne ensuite le résultat
obtenus sur les types de moyennes ainsi que sur les années, et on choisit
comme ville avec la distribution de température la plus proche de Palaiseau
celle qui minimise cette distance.
Figure 12 – Distance de Fréchet moyenne sur 4 ans entre les moyennes mensuelles de températures de différentes villes nord-américaines et israéliennes
et celles de Palaiseau. Seattle possède donc la distribution de température la
plus proche de Palaiseau parmi cet échantillon de villes.
Il s’agit donc de Seattle (fig 12), dont nous allons maintenant modéliser
le climat. (On notera toutefois que la distance de Fréchet est de l’ordre de
25
8°C, ce qui est loin d’être négligeable. On ne peut donc pas espérer avoir un
modèle extrêmement précis).
Modélisation du climat de Seattle La nature physique de cette courbe
laisse penser qu’elle est à priori globalement périodique, car les années se
suivent, jamais identiques mais toujours semblables du point de vue des températures.
On effectue donc une analyse de Fourier avec les données de Seattle.
Figure 13 – Analyse de Fourier pour les données du climat à Seattle (la
discontinuité des données occasionne de multiples hautes fréquences).
L’analyse en fréquence de cette courbe est compliquée par la présence
d’un bruit marqué, dû à la discontinuité des données (fig 13).
26
1
Figure 14 – Focus sur les fréquences d’intérêt. Le premier pic, à 0.0027 = 365
correspond au cycle des saisons, tandis que le second pic, à 1 exactement,
correspond au cycle circadien.
Malgré cela, et conformément à mon hypothèse, les deux fréquences qui
se détachent le plus sur la figure 14 sont la fréquence annuelle (qui apparaît
1
à x = 0.0027 = 365
) suivie de la fréquence journalière (qui apparaît à x = 1,
suivie de toutes ses harmoniques ∀x ∈ N ).
Les fréquences suivantes (en terme d’importance) n’ont pas de signification
physique évidente, mais correspondent vraisemblablement à des oscillations
de l’ordre de quelques jours à quelques semaines. Il s’agit peut-être des ordres
de grandeur caractéristiques des déplacements de masses d’air.
Quoi qu’il en soit, notre modèle n’a pas vocation à être trop complexe, car
il devra ensuite être adapté à Palaiseau, au moyen d’un nombre restreint de
données (36 valeurs, pour les trois types de moyennes mensuelles énoncées
précédemment). On ne montera donc pas au-delà de l’ordre 2 (avec 5 paramètres indépendants), qui fournit déjà une bonne approximation (cf. fig 15).
Notre modèle, en prenant les termes jusqu’à l’ordre 2, est ainsi :
x(t) = a0 + c1 e2iπf1 t + c1 e−2iπf1 t + c2 e2iπf2 t + c2 e−2iπf2 t
a0 correspond à la moyenne des températures, que l’on obtient facilement,
1
f1 = 365
, f2 = 1, puis les coefficients complexes c1 , c1 , c2 , c2 s’obtiennent
27
par lecture graphique (i.e. en récupérant les valeurs complexes renvoyées par
numpy).
Figure 15 – Comparaison entre les données terrains (en bleu) et les données
modélisées (en rouge) pour Seattle. L’erreur quadratique moyenne relative
entre les deux courbes vaut 2.585.
28
Figure 16 – Focus sur une portion du graphique. Les hétérogénéités de
l’ordre de la semaine sont absentes du modèle.
Transfert du modèle au cas de Palaiseau On considère que les fréquences f1 et f2 sont inchangées : il s’agit d’une hypothèse physique raisonnable. On va ensuite procéder en deux temps pour estimer l’ensemble des
coefficients du modèle de Palaiseau (a0 , c1 , c1 , c2 , c2 )
— On va d’abord calculer a0 ainsi que c1 = a1 + ib1 (et donc c1 ).
Comme on a accès aux moyennes mensuelles de Palaiseau, on va estimer la moyenne mois par mois de notre modèle, et ajuster c1 et c1
suivant les moindres carrés pour coller au mieux à ces moyennes mensuelles.
On peut commencer par remarquer que les termes en f2 n’interviennent
pas, car il y a un nombre entier de périodes (= de jours) en un mois :
x(t) = a0 + c1 e2iπf1 t + c1 e2iπf1 t +
c2 e2iπf2 t + c2 e−2iπf2 t
|
{z
}
nombre entier de périodes (= de jours) sur un mois
On exprime donc la moyenne mensuelle du mois k (le mois k est compris entre t = tk et t = tk+1 ) en fonction de c1 :
29
Z tk+1
c1
1
x(t)dt = a0 +
tk+1 − tk tk
tk+1 − tk
|
{z
}
yk
y k = a0 +
e2iπf1 t tk+1
c1
[
]tk +
2iπf
t
− tk
| {z1
} k+1
Z
e−2iπf1 t tk+1
[
]
−2iπf1 tk
|
{z
}
Z
1
(c1 Z + c1 Z)
{z
}
tk+1 − tk |
2(a1 X−b1 Y )
où c1 = a1 + ib1 et Z = X + iY . On obtient donc un système d’équations linéaires, avec une équation pour chacun des douze mois. On
résout donc suivant les moindre carrés le système suivant :
  
 
2Y1
1
−
1 t2X
y1
a0
t1 −t0
1 −t0
 ..   ..
 
..
..
=
 .  .
 a1
.
.
2Y12
2X12
b1
y12
1
−
t12 −t11
t12 −t11
— Dans un second temps, on va estimer c2 et c2 grâce à la donnée des
moyennes mensuelles des maxima et minina journaliers.
La résolution analytique de ce problème est assez ardue, et on va donc
privilégier ici une approche numérique, en utilisant un solveur scipy
pour optimiser le paramètre c2 en minimisant une fonction de perte
de notre choix.
Nous définissons donc la perte L comme suit, en notant d’une part
min
max
∈ R12 ) le vecteur des maxima mesurés (resp.
∈ R12 (resp. Tmes
Tmes
max
min
minima) pour chaque mois, et d’autre part Tmod
∈ R12 (resp. Tmod
∈
R12 ) le vecteur des maxima issus du modèle (resp. minima) pour
chaque mois :
q
max − T max ||2 + ||T min − T min ||2
L = ||Tmes
mes
mod 2
mod 2
On choisit un solveur basé sur la méthode de Broyden-Fletcher-GoldfarbShanno, qui permet de faire de l’optimisation non-linéaire sur des fonctions différentiables, hypothèse vérifiée dans notre cas.
On obtient donc un nouveau modèle, d’ordre 2 lui aussi, qui est représenté dans la figure 17 en rouge. Les moyennes mensuelles mesurées y sont
également représentées (en bleu), ainsi que le modèle de Seattle (en vert).
On peut ainsi contrôler à vue que notre adaptation du modèle au cas de Palaiseau est significativement plus pertinente que le modèle de Seattle initial.
Évidemment, ce modèle serait encore très perfectible, notamment en s’intéressant aux auto-corrélations, mais le sujet de ce rapport n’étant pas de
30
fournir une modélisation fouillée du climat de Palaiseau, on considère disposer d’une approximation suffisamment pertinente pour l’estimation qui nous
intéresse dans la partie suivante.
Figure 17 – Comparaison entre le modèle de Palaiseau (en rouge), le modèle
de Seattle (en vert), les moyennes mensuelles des températures quotidiennes
maximales (’+’), minimales (’x’) et moyennes (’o’) à Palaiseau.
4.2.2
Modélisation du gain de température
Pour modéliser le gain de température, on va procéder en deux étapes :
— On va estimer le gain énergétique apporté par le matériel PCM à
chaque température, en supposant qu’on vise une température de
22°C.
— On va ensuite intégrer ce gain sur l’ensemble des températures à Palaiseau sur un an.
Pour estimer ce gain, ainsi que présenté dans [15], les auteurs de l’article
ont construit deux pièces identiques, à ceci près que l’une d’entre elle était
revêtue de PCM, et ils ont ensuite mesuré l’évolution de la température dans
chacune des deux pièces.
Ils ont tiré de ces mesures un graphique présentant le nombre (cumulatif)
d’heures passées à chaque température. Ce graphique est reproduit (et enrichi) dans la figure 18. On peut voir que pour des températures inférieures à
26°C, le PCM garde mieux la chaleur, et qu’au-delà de 26°C, il la transmet
31
mieux.
Figure 18 – Résultat empirique montrant le nombre d’heures passées à
chaque température entre deux pièces ne différant que par la présence, ou
non, d’un revêtement en PCM.
Quand la pièce avec le PCM reste plus chaude plus longtemps, la différence
est coloriée en orange. À l’inverse, quand elle reste plus fraîche, la différence
est coloriée en turquoise.
En bleu foncé est indiquée la température à atteindre (dans notre modélisation), à savoir 22°C.
On va donc approximer le gain énergétique g(T ), à la température T , par
la formule suivante, en notant dP CM (T ) (resp. dref (T ))le nombre d’heures
passée dans la chambre avec PCM (resp. sans PCM) à la température T , et
Tobj la température objectif :
g(T ) = (1Tobj >T − 1Tobj <T )
dP CM (T ) − dref (T )
dref (T )
En appliquant cette formule à Tobj = 22C, on obtient la figure 19. On
32
remarque qu’entre 22°C et 26°C, la propriété des PCM à conserver la chaleur
les dessert, le gain est en effet négatif.
Figure 19 – Économie relative en énergie pour chaque température, en visant de maintenir la température à 22°C.
Pour estimer le gain G sur une année, on voudrait donc intégrer ce gain
sur l’évolution de la température à Palaiseau, c’est-à-dire, en notant Tinf
(resp. Tmax ) la température minimale (resp. maximale) à Palaiseau, et f (T )
la densité de probabilité de cette température sur un an :
Z Tmax
G=
f (T )g(T )dT
Tinf
que l’on peut approcher par la somme discrète :
bTmax c
G'
X
Ti =bTinf c
33
f (Ti )g(Ti )
Les valeurs de f (Ti ) sont calculées grâce au modèle du climat de Palaiseau,
et présentées dans la figure 20.
Figure 20 – Distribution des températures à Palaiseau.
Après calcul, on estime l’économie d’énergie à 4.8 % de l’énergie normalement investie dans la régulation thermique, ce qui constitue un gain
conséquent.
Plusieurs nuances sont néanmoins nécessaires :
— Si ce modèle permet d’avoir une idée de l’ordre de grandeur du gain
énergétique, il reste très approximatif, notamment en raison d’une
estimation du climat à Palaiseau relativement simpliste.
— Le coût du chauffage comme du refroidissement est ici supposé identique et indépendant de la température, ce qui est naturellement beaucoup trop simplificateur pour que la valeur d’arrivée soit très précise.
— Les valeurs dont je me suis servi pour calculer le gain ne reposent que
sur une expérience à un endroit, et bien entendu de nombreux autres
paramètres influent sur les pertes thermiques (exposition, humidité,
amplitude thermique jour-nuit...) que je n’ai pas pris en compte ici.
Qui plus est, il s’agit d’un matériel PCM optimisé pour le climat
34
australien dans l’article [15], on peut donc espérer raisonnablement
de meilleures performances en employant un matériau optimisé pour
le climat de Palaiseau.
4.2.3
Bilan du modèle
Ce modèle, malgré les diverses hypothèses simplificatrices faites, n’en demeure pas moins probant pour montrer que de vrais gains sont possibles avec
des innovations technologiques modernes dans les matériaux de construction.
D’un point de vue technique, il m’a permis de travailler sur une étude de cas
réel, où les données disponibles sont contraintes, et où l’on doit donc faire
preuve de débrouillardise pour parvenir à ses fins.
35
5
Conclusion
Nous avons donc pu voir la diversité de la recherche appliquée au génie
civil à travers des exemples d’avancées au niveau mécanique, écologique et
technologique. Ces différentes facettes ne sont évidemment pas indépendantes
et permettent de répondre à des nouveaux besoins qui sont complémentaires :
plus de versatilité, plus de responsabilité environnementale et une réduction
énergétique pour toutes les phases : la conception des matériaux, la construction et l’utilisation d’un bâtiment ainsi que le recyclage des infrastructures.
Tandis que certaines des nouvelles techniques présentées sont déjà utilisées dans le BTP, d’autres en sont encore au stade du développement. La
particularité du BTP face à d’autres secteurs où l’innovation joue un rôle
important (la téléphonie par exemple), est que la durée de vie du produit
fini est nettement supérieure. Il est ainsi compliqué de trouver un équilibre
entre l’innovation et la continuité pour les constructeurs, ce qui peut expliquer l’inertie importante du marché face à de nouvelles avancées, aussi
révolutionnaires soit-elles.
Quoi qu’il en soit, même si l’évolution est freinée par ce problème, elle
a bien lieu et les nouveautés prometteuses vont peu à peu s’incorporer aux
techniques qui ont déjà fait leurs preuves. Les différentes avancées présentées
ne représentent pas un choix à faire : bien que très différentes, elles ne sont
pas incompatibles et pourront être combinées pour mener aux méthodes de
construction de demain.
36
Références
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38
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