RISQUES PSYCHOSOCIAUX Risques psychosociaux : outils d'évaluation FRPS 4 Perceived Stress Scale (PSS) Échelle de stress perçu CATÉGORIE ÉVALUATION DE STRESS PERÇU RÉDACTEURS : Langevin V., département Expertise et conseil technique, INRS Boini S., département Épidémiologie en entreprise, INRS François M., département Homme au travail, INRS Riou A., département Expertise et conseil technique, INRS Ce document appartient à une série publiée régulièrement dans la revue. Elle analyse les questionnaires utilisés dans les démarches de diagnostic et de prévention du stress et des risques psychosociaux au travail. L’article, par les mêmes auteurs, « Les questionnaires dans la démarche de prévention du stress au travail » (TC 134, Doc Méd Trav. 2011 ; 125 : 23-35), présente cette série et propose au préventeur une aide pour choisir l’outil d’évaluation le mieux adapté. Cette fiche annule et remplace la fiche FRPS 4 portant le même titre. Noms des auteurs Cohen S., Kamarck T., Mermelstein R. Objectifs État de stress perçu (sentiment de contrôle). Année de première publication 1983. Cadre, définition, modèle La PSS se base sur l’approche transactionnelle du stress [Lazarus et Folkman, 1984]. Cette approche vise à appréhender les mécanismes psychocognitifs du stress. Les tenants de cette approche distinguent deux types d’évaluation : l’évaluation primaire désigne la façon dont un sujet perçoit les exigences d’une situation (urgence, gravité, nature de la menace). L’évaluation secondaire consiste en l’estimation par le sujet de ses ressources et capacités à contrôler ou non la situation. SEPTEMBRE 2015 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 143 La PSS est une échelle qui peut servir à l’évaluation secondaire (contrôle perçu). Elle évalue la fréquence avec laquelle les situations de la vie (ou du travail) sont généralement perçues comme « menaçantes, c’est-à-dire non prévisibles, incontrôlables et pénibles ». Elle ne porte donc pas sur des symptômes de stress, ni sur des événements précis (ce qui explique la formulation très « ouverte » des items), ni sur des facteurs de stress. Niveau d'investigation Diagnostic. Langue d'origine Anglais. Versions existantes Trois versions : O la PSS-14 qui comprend 14 items, O la PSS-10 : items 1 à 3, 6 à 11 et 14 de la version 14, O la PSS-4 : items 2, 6, 7 et 14 de la version 14. Afin de faire le lien entre les trois versions de la PSS, la numérotation des items de la version originale est conservée, quelles que soient les versions. L’utilisation de la version PSS 10 est la plus recommandée car c’est celle-ci qui présente les qualités psychométriques les plus satisfaisantes [Cohen et Williamson, 1988 ; Lee, 2012]. La PSS-4 a été développée pour des cas où la mesure du stress perçu doit être rapide (enquête par téléphone notamment). Traduction Nombreuses traductions (une vingtaine) dont française [Quintard, 1994] pour la première publication. Vocabulaire Pas de problème particulier. Structuration de l'outil La PSS a été conçue pour être une échelle unidimensionnelle (avec le calcul d’un seul score) [Cohen et al., 1983, 1988]. Toutefois, cette unidimensionnalité a été par la suite largement mise en débat [Hewitt 101 RISQUES PSYCHOSOCIAUX CATÉGORIE ÉVALUATION DE STRESS PERÇU et al., 1992, par exemple] sur la base d’analyses factorielles mettant systématiquement en évidence deux facteurs pour les versions PSS-14 et PSS-10 (voir plus bas). Ainsi, un certain nombre d’auteurs propose le calcul de deux sousscores, correspondant aux deux sous-échelles suivantes : O sous-échelle « perception de débordement » ou « détresse perçue » (« perceived helplessness » en anglais) : items 1, 2, 3, 8, 11, 14 pour la PSS-10 ; O sous-échelle « efficacité personnelle perçue » ou « capacité perçue à faire face » (« perceived self-efficacy » en anglais) : items 6, 7, 9, 10 pour la PSS-10. Modalités de réponse et cotation Pour chaque item, le sujet estime sa fréquence d’apparition sur une période récente (le mois écoulé). Échelle de fréquence en 5 points (de « jamais » à « très souvent ») : Otrès souvent : 4 points, Oassez souvent : 3 points, Oparfois : 2 points, Opresque jamais : 1 point, Ojamais : 0 point. Les items 4, 5, 6, 7, 9, 10 et 13 sont inversés (très souvent : 0 point, assez souvent : 1 point, parfois : 2 points, presque jamais : 3 points, jamais : 4 points), ce qui, pour certains auteurs, expliquerait l’apparente bidimensionnalité de l’échelle. Temps de passation Administration rapide : environ 5 minutes pour les versions à 14 et 10 items. Disponibilités et conditions d’utilisation Libre accès [Quintard, 1994, Dupret et Bocéréan, 2013]. Voir aussi le site (entrer « PSS » dans 102 le moteur de recherche) : www.psy.cmu.edu Qualités psychométriques Globalement, la PSS présente des qualités psychométriques tout à fait satisfaisantes (en premier la PSS-10, puis la PSS-14, et enfin la PSS-4). VALIDITÉ OValidité critériée concomitante [Quintard, 1994 ; Cohen et al, 1983 ; Cohen et Williamson, 1988 ; Bellinghausen et al., 2009 ; Kopp et al., 2010 ; Lee, 2012 ; Warttig et al., 2013 ; Andreou et al., 2011 ; Dupret et Bocéréan, 2013] Corrélation positive avec les symptômes physiques, psychologiques, dépressifs, anxieux. Corrélation négative avec des mesures de satisfaction de la vie, du soutien social. La PSS est corrélée significativement et positivement avec divers indicateurs de maladie, dont l’index psychosomatique de Derogatis, Rickels et Rock [1976]. On observe des corrélations significatives avec l’état de santé perçu (- 0,23 ; - 0,35), le recours à des services de soins (0,21), le nombre de symptômes survenus le mois précédent (0,27 à 0,32) et l’utilisation d’antidépresseurs (0,27). OValidité critériée prédictive Des auteurs ont mené des expérimentations montrant que le stress perçu (mesuré au temps T1) accroît la vulnérabilité aux infections des voies aériennes supérieures (observée au temps T2 sur l’état de santé des personnes) [Cohen, Tyrell, Smith, 1991, 1993]. font systématiquement apparaître deux facteurs obliques (non orthogonaux) [par ex. Lee, 2012 ; Lesage et al., 2012 ; Bellinghausen et al., 2009 ; Quintard, 1994], ceci en raison de l’interrelation entre eux (par ex. 0,43 et 0.50 respectivement pour la PSS-14 et la PSS-10, Lesage et al., 2012). Pour certains auteurs [Cohen et Williamson., 1988 ; Lesage et al., 2012], il s’agit d’un artefact lié à la rédaction des items soit de manière positive, soit de manière négative. Pour d’autres, la mise en évidence récurrente de ces deux facteurs reflète la mesure de deux réalités subjectives différentes : d’un côté la perception d’un vécu difficile, un sentiment de détresse générale, de l’autre côté, la perception d’une capacité à faire face à son environnement [Dupret et Bocéréan, 2013 ; Taylor, 2015]. Les analyses factorielles effectuées sur la PSS-4 ne mettent en évidence qu’un seul facteur [Cohen et Williamson, 1988 ; Lesage et al., 2012 ; Andreou et al., 2011 ; Dupret et Bocéréan, 2013] et parfois ne parviennent pas à valider sa structure interne [Lee, 2012 ; Ingram et al., 2014]. OValidité de structure externe (validité convergente) Corrélation positive avec des marqueurs biologiques du stress, comme le cortisol [Andreou et al., 2011]. Validitéconcourante Quelques études montrent des corrélations positives avec d’autres mesures de stress objectif ou perçu [Quintard, 1994 ; Lee, 2012]. O Validitédiscriminante La PSS présente une bonne validité discriminante [Cohen et Williamson, 1988 ; Quintard, 1994 ; Warttig O Validité de structure interne La PSS comportant des items inversés, les analyses factorielles O N° 143 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — SEPTEMBRE 2015 et al., 2013 ; Lesage et al., 2012 ; Lee, 2012 ; Andreou et al., 2011 ; Dupret et Bocéréan, 2013]. Le score de stress perçu diminue lorsque l’âge augmente, lorsque le revenu augmente, quand le niveau d’éducation s’élève et lorsque la situation professionnelle et familiale est stable. Le nombre d’enfants [Lee, 2012] ou le fait d’en avoir ou pas [Lesage et al., 2012] a un lien avec les scores moyens à la PSS (pas d’enfant ou un faible nombre d’enfants est associé à un état de stress perçu moindre). Les scores obtenus avec la PSS permettent de discriminer les personnes en bonne santé de celles qui ont des soucis de santé [Kopp et al., 2010]. Concernant le genre, les résultats montrent assez souvent des scores moyens plus élevées pour les femmes [Cohen et Williamson, 1988 ; Dupret et Bocéréan, 2013 ; Lee, 2012 ; Taylor, 2015 ; Warttig et al., 2013 ; Andreou et al., 2011 ; Bellinghausen et al., 2009 ; Lesage et al., 2012]. L’interprétation de cette différence entre les genres fait débat (biais méthodologique ou vraie différence entre les femmes et les hommes ?) [Lee, 2012 ; Taylor, 2015]. FIDÉLITÉ Fidélité test-retest La fidélité test-retest de la PSS-14 et de la PSS-10 est tout à fait satisfaisante entre un délai de 2 jours à 4 semaines (coefficient > 0.70). Après 6 semaines entre les deux passations, le coefficient tombe à 0,55 [Lee, 2012]. O Consistance interne Quelles que soient les publications, les coefficients alpha de Cronbach sont toujours supérieurs à 0,70 pour la PSS-14 et la PSS-10, ce qui n’est pas toujours le cas pour la PSS-4 [Andreou et al., 2011 ; Lee, 2012 ; Cohen et Williamson, 1988] bien que la moindre O consistance interne de cette version puisse être aussi un effet de la longueur de l’échelle. SENSIBILITÉ Une seule étude portant sur la PSS4 signale une distribution normale des scores [Warttig et al., 2013]. Pour toutes les autres publications, notamment celles portant sur des échantillons d’envergure, cette caractéristique n’est étonnamment pas précisée. OLesage et al. [2012] : échantillon de 501 salariés choisis de façon aléatoire par les services interentreprises de santé au travail de 3 régions (Champagne-A rdenne, HauteNormandie, Ile de France) en 2010 ; O D upret et Bocéréa n [2013] : échantillon de 16 853 salariés de 17 grandes entreprises françaises (de plus de 1 000 salariés) réparties sur 39 sites (en région parisienne et en province). Données recueillies lors des visites au service de santé au travail. Étalonnage L a P SS a été va l idée à pa r t i r d’un échantillon de 2 387 sujets américains (960 hommes et 1 427 femmes) représentatifs de cette population au niveau du sexe, de l’âge, des revenus, de l’origine ethnique et du statut professionnel [Cohen et Williamson, 1988]. Par la suite, la PSS a fait l’objet de nombreuses études et adaptations dans d’autres langues et d’autres cultures. En ce qui concerne son adaptation française, plusieurs publications font état de recueil de données sur des échantillons de taille assez conséquente mais avec des biais de sélection plus ou moins marqués : OBellinghausen et al. [2009] : 10 222 salariés de 6 grandes entreprises françaises. Données recueillies lors des visites au service de santé au travail, dans le cadre de la mise en place d’un observatoire (OMSAD, Observatoire médical du stress, de l’anxiété et de la dépression) par l’Institut français de l’action sur le stress (IFAS) ; OCollange et al. [2013] : échantillon de 79 945 salariés de 28 grandes entreprises françaises. Données recueillies entre 2008 et 2011 lors des visites au service de santé au travail dans le cadre du même dispositif que pour la référence précédente ; SEPTEMBRE 2015 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 143 Biais, critiques, limites Malgré les qualités psychométriques de la PSS, certains auteurs avancent qu’il est difficile de distinguer le stress perçu de la détresse psychologique, qui peuvent empiriquement être liés. L’hypothèse a été émise que le stress perçu pouvait constituer une facette d’un facteur plus général d’ajustement/ non-ajustement émotionnel. Par exemple avoir des soucis, se sentir débordé… seraient aussi des composantes de la détresse. En fait, il y a bien une distinction conceptuelle entre stress perçu et détresse psychologique : la PSS ne décrit pas la détresse psychologique mais plutôt le contrôle perçu sur les événements extérieurs. Ainsi, on peut très bien percevoir des événements comme pénibles et stressants sans pour autant manifester les différents symptômes de la détresse psychologique (anxiété, affects dépressifs, plaintes somatiques) [Cohen et al., 1983, 1988]. Observations particulières La PSS est un outil de mesure du stress perçu, non spécifique du stress au travail, largement répandu dans la communauté scientifique et pour des applications très variées, auprès de diverses populations (par exemple, des patients en situation 103 RISQUES PSYCHOSOCIAUX CATÉGORIE ÉVALUATION DE STRESS PERÇU d’hospitalisation, des étudiants, des salariés). Étant donné que l’échelle est courte et facile à renseigner, elle présente l’intérêt de pouvoir être facilement associée à d’autres questionnaires portant sur les facteurs de stress et ses conséquences, par exemple, sans trop alourdir le protocole de recueil de données. La version à 4 items fournit un outil utile pour recueillir des données par téléphone. Toutefois cette version abrégée présente une consistance interne plus faible et donc une moins bonne estimation du stress perçu. L’attention de l’utilisateur est attirée sur le fait que certaines versions françaises de la PSS utilisent une cotation de 1 à 5 (au lieu de 0 à 4). BIBLIOGRAPHIE ANDREOU E, ALEXOPOULOS EC, LIONIS C, VARVOGLI L ET AL. - Perceived Q Stress Scale : reliability and validity study in Greece. Int J Environ Res Public Health. 2011 ; 8 (8) : 3287-98. Q BELLINGHAUSEN L, COLLANGE J, BOTELLA M, EMERY JL ET AL. - Validation factorielle de l’échelle française de stress perçu en milieu professionnel. Santé Publique. 2009 ; 21 (4) : 365-73. COHEN S, KAMARCK T, MERMELSTEIN R - A global measure of Q perceived stress. J Health Soc Behav. 1983 ; 24 (4) : 385-96. Q COHEN S, WILLIAMSON GM - Perceived stress in a probability sample of the United States. In: SPACAPAN S, OSKAMP S (Ed) - The Social Psychology of Health. London : Sage Publications ; 1988 : 31-67, 256 p. 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