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Sans être catastrophiste, on voit bien que tout peut s’enchaîner et conduire
à un effondrement généralisé, même si aujourd’hui les accès vitaux aux
besoins de base (alimentation, eau, logement, santé, etc.) semblent
préservés. Et nous savons que d’autres pandémies nous attendent, que
nous allons subir d’autres coups de butoir.
On peut, bien sûr, être frappé par ce sursaut collectif vécu il y a
quelques mois, en 2020 : nous voulions, responsables politiques en tête,
un « monde d’après ». Il devait être « résolument écologique », des
« décisions de rupture » s’imposaient et nous devions nous « réinventer ».
Aurions-nous alors pris notre destin en mains ? Voit-on aujourd’hui
quelques signaux, quelques symboles d’un « nouveau monde » que nous
construirions ou, au moins, dont nous aurions élaboré l’architecture ?
Sans vouloir jouer les Cassandre, on ne peut que constater, un an plus
tard, que cette formule d’« un monde d’après » a disparu, quand on ne
l’utilise pas pour se moquer. Il faut dire que les trains circulant bondés
d’un côté et les entreprises du CAC 40 continuant à verser des dividendes
importants de l’autre, ne laissent pas augurer d’un monde nouveau, à court
terme.
Les études sociologiques, comme l’observation la plus objective
possible, nous décrivent plutôt comme en train de « glisser » vers l’idée
d’un « monde comme avant », même si nous sentons bien qu’il faudra
probablement travailler autrement, enseigner autrement, se soigner
autrement, bref vivre autrement. Houellebecq (2020) va, jusqu’à nous
dire : « Nous ne nous réveillerons pas, après le confinement, dans un nouveau monde ;
ce sera le même, en un peu pire ». Il nous décrit, avec le talent qu’on lui connaît
(certains diront le cynisme), notre « glissade » (son propos date de mai
2020 !) : « Déjà, je ne crois pas une demi-seconde aux déclarations du genre « rien ne
sera plus jamais comme avant ». Au contraire, tout restera exactement pareil. Le
déroulement de cette épidémie est même remarquablement normal. L’Occident n’est pas
pour l’éternité, de droit divin, la zone la plus riche et la plus développée du monde ; c’est
fini, tout ça, depuis quelque temps déjà, ça n’a rien d’un scoop. Si on examine, même
dans le détail, la France s’en sort un peu mieux que l’Espagne et que l’Italie, mais
moins bien que l’Allemagne ; là non plus, ça n’a rien d’une grosse surprise. Le
coronavirus, au contraire, devrait avoir pour principal résultat d’accélérer certaines
mutations en cours. Depuis pas mal d’années, l’ensemble des évolutions technologiques,
qu’elles soient mineures (la vidéo à la demande, le paiement sans contact) ou majeures
(le télétravail, les achats par Internet, les réseaux sociaux) ont eu pour principale
conséquence (pour principal objectif ?) de diminuer les contacts matériels, et surtout
humains ».
Nous n’épiloguerons pas pour savoir si une « glissade » peut être le
signe avant-coureur d’une catastrophe. Plus intéressant à nos yeux est de
chercher à répondre à « notre » question – catastrophe or not catastrophe ? –,
vit dans une démocratie dite « complète » et plus « grave », le score mondial de
démocratie atteint son plus bas niveau depuis 2006.
© L'Harmattan | Téléchargé le 01/02/2022 sur www.cairn.info via Université de Neuchâtel (IP: 85.5.152.124)
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