Amadou Hampat+® B+ó - L'+®trange destin de Wangrin

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« L'édition de cet ouvrage a été rendue possible
grâce au concours apporté par l'Agence de
Coopération Culturelle et Technique (170, rue de
Grenelle, Paris 7c) au titre de son programme
d'encouragement à la création littéraire. »
AMADOU HAMPATÉ BÂ
L'ÉTRANGE DESTIN
DE WANGRIN
ou
Les Roueries
d'un interprète africain
Postface de l'auteur
Nouvelle édition
INÉDIT
10
18
« Domaine étranger »
dirigé par Jean-Claude Zylberstein
Avertissement
Ce livre est le fruit d'une promesse, faite à un homme que je
connus en 1912.
J'étais écolier et n'avais que douze ans. Lui était interprète du
grand commandant de cercle de mon pays.
Il se prit d'amitié pour moi pour deux raisons. En premier lieu,
parce qu'il était très lié avec mon oncle maternel, Hammadoun Pâté
et, en second lieu, à cause du grand nombre de contes que je lui
rapportai, sur sa demande (01).
Ces récits, je les avais moi-même appris de Kullel, qui était à
l'époque le plus grand conteur traditionnel de la boucle du Niger.
Kullel vivait à la cour de mon père adoptif, Tidjani Amadou Ali, chef
de la province de Louta avant la déchéance politique des
Toucouleurs de Bandiagara, due à l'occupation française.
Quinze ans plus tard, je retrouvai le héros de ce livre. Il avait
démissionné de ses fonctions d'interprète et s'était installé comme
commerçant, se trouvant à la tête d'un capital fabuleux, à l'époque,
pour un Africain.
Voici les circonstances dans lesquelles il me fut donné de le
retrouver.
Un commerçant européen ayant été assassià Dioussola, en
l'absence de tout héritier l'administration et la liquidation de ses
biens et immeubles furent confiées au bureau de la curatelle et biens
vacants, où je travaillais alors.
Mon patron et moi nous rendîmes dans cette ville où je fus reçu
et hébergé par cet ami de mon oncle, qui, conformément à la
tradition malienne, me considérait comme son propre neveu et me
traitait comme tel.
J'étais très heureux de le retrouver, et lui aussi. Se souvenant du
jeune conteur que j'avais été, il éprouva le besoin de me faire en
détail le récit de sa vie aventureuse et orageuse.
Aussi un jour, s'approchant de moi, il me dit : « Mon petit
Amkullel (02), autrefois, tu savais bien conter. Maintenant que tu
sais écrire, tu vas noter ce que je conterai de ma vie. Et lorsque je ne
serai plus de ce monde, tu en feras un livre qui non seulement
divertira les hommes, mais leur servira d'enseignement.
« Je te demande expressément de ne pas mentionner mon vrai
nom, afin d'éviter à mes parents tout risque de complexe de
supériorité ou d'infériorité...
« Tu utiliseras l'un de mes noms d'emprunt, celui que
j'affectionne le plus : Wangrin. »
Chaque nuit, après lener, de 20 à 23 heures, parfois jusqu'à
minuit, Wangrin me racontait sa vie. La conversation se déroulait
aux sons d'une guitare, dont jouait excellemment et infatigablement
Dieli-Madi, son griot. Il en fut ainsi durant trois mois.
Indépendamment de ce que je récoltai ainsi de la bouche même
de Wangrin et que je notai soigneusement, j'eus la bonne fortune,
par la suite, d'être amené à servir dans tous les postes où Wangrin
était passé, pouvant ainsi largement compléter mes informations
auprès de tous ceux qui avaient été mêlés sur place à ses aventures.
Quant à la dernière phase de la vie de Wangrin, j'en dois le récit
non seulement à Dieli-Madi, son griot, qui resta à ses côtés dans la
gloire comme dans la décadence, mais également à Romo, qui fut
son principal adversaire et qui cependant eut paradoxalement
l'honneur de présider, avec un cœur sincèrement serré, aux
obsèques de celui qu'il n'avait cessé de combattre. La mort avait
réalisé plus que la force, la ruse et la jalousie. Devant la dépouille de
Wangrin, Romo, ému, regretta, pardonna et demanda son pardon.
J'ai donc fidèlement rapporté tout ce qui m'a été dit de part et
d'autre dans les termes mêmes qui furent employés. Je n'ai
modifiéà quelques rares exceptions prèsque les noms propres
des personnes et des lieux, pour mieux respecter l'anonymat
souhaité par Wangrin.
Qu'on ne cherche donc pas, dans les pages qui vont suivre, la
moindre thèse, de quelque ordre que ce soitpolitique, religieuse ou
autre. Il s'agit simplement, ici, du récit de la vie d'un homme.
Mais sans doute mes honorables lecteurs voudront-ils avoir
quelque idée de l'homme dont on va leur conter l'étrange et
tumultueuse histoire.
Qui était Wangrin ? C'était un homme foncièrement bizarre en
qui qualités et défauts contradictoires se trouvaient si mêlés qu'on
ne pouvait, de prime abord, le définir et moins encore le situer.
Éminemment intelligent, Wangrin était truculent au superlatif
absolu. Il était tout à la fois on ne peut plus superstitieux et
farouche incrédule à ses heures. Concussionnaire implacable et
même parfois féroce avec les riches, il n'avait jamais cessé d'être un
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