Filière de licence fondamentale Science de la Matière Physique Projet tutoré Spectroscopie Raman Mémoire présenté par Siham Drissi et Ismail Anajar Le 22 Mai 2017 Devant la commission Hassan Chaib Professeur, Faculté Polydisciplinaire de Ouarzazate Encadrant Abdessamade Rafiki Professeur, Faculté Polydisciplinaire de Ouarzazate Examinateur Année universitaire 2016/2017 REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier toute l'équipe pédagogique de la Faculté Polydisciplinaire de Ouarzazate et en particulier les enseignants qui interviennent dans la filière Science de la Matière Physique pour les efforts qu’ils déploient afin de réussir notre formation et mieux aboutir aux objectifs attendus des différentes matières. Nous tenons à remercier le professeur Hassan Chaib qui nous a encadré pour la réalisation du présent projet. Nous espérons que ce modeste travail atteint la qualité souhaitée et répond aux questions posées. ii SOMMAIRE INTRODUCTION ...................................................................................................................................1 CHAPITRE I : INTERACTION RAYONNEMENT-MATIÈRE ......................................................2 I.1. I.2. I.3. I.4. INTRODUCTION ............................................................................................................ 2 NIVEAUX D’ÉNERGIE MOLÉCULAIRE ........................................................................... 2 TYPES DE VIBRATIONS MOLÉCULAIRES ....................................................................... 4 INTERACTION RAYONNEMENT-MATIÈRE ...................................................................... 5 I.4.1. I.4.2. Nature du rayonnement électromagnétique ...................................................................5 Différents processus d’interaction rayonnement-matière ..............................................6 I.5. CONCLUSION ............................................................................................................... 7 CHAPITRE II : THEORIE DE LA DIFFUSION RAMAN .................................................................8 II.1. INTRODUCTION ............................................................................................................ 8 II.2. THÉORIE DE DIFFUSION RAMAN .................................................................................. 8 II.2.1. Polarisabilité et moment dipolaire électrique induit......................................................8 II.2.1.1. Polarisabilité électronique ..................................................................................8 II.2.1.2. Moment dipolaire électrique induit .....................................................................9 II.2.2. Principe de l’effet Raman ............................................................................................10 II.2.3. Théorie de l’effet Raman.............................................................................................11 II.2.3.1. Approche classique............................................................................................11 II.2.3.2. Approche semi-classique ...................................................................................13 II.2.3.3. Règles de sélection ............................................................................................14 II.3. CONCLUSION ............................................................................................................. 15 CHAPITRE III : ANALYSE SPECTRALE .......................................................................................16 III.1. INTRODUCTION .......................................................................................................... 16 III.2. PRINCIPE DE LA SPECTROMÈTRE RAMAN ................................................................... 16 III.3. STRUCTURE D’UN SPECTROMÈTRE RAMAN ............................................................... 17 III.4. DOMAINES D’APPLICATIONS ...................................................................................... 18 III.5. AVANTAGES ET LES INCONVÉNIENTS......................................................................... 18 III.6. CONCLUSION ............................................................................................................. 19 CONCLUSION .....................................................................................................................................20 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................21 iii INTRODUCTION La spectroscopie, qui est définie littéralement comme étant la mesure de la fréquence, est un ensemble de techniques qui s’intéressent à l’étude de l'absorption, l'émission et la diffusion élastique ou inélastique de la lumière par la matière. En effet, la spectroscopie, qu’elle soit infrarouge ou Raman, mesure les variations vibrationnelles des molécules lorsqu'elles sont irradiées par une onde électromagnétisme de fréquence adéquate. Les techniques et les domaines d'application de la spectroscopie sont très variés et dépondent du domaine des énergies des ondes utilisées. L’effet Raman a été découvert en 1928 par Sir C. V. Raman qui a été le premier à s'intéresser au phénomène d'émission lumineuse inélastique. À la fin des années 1930, la spectroscopie Raman était devenue la principale méthode non destructive d'analyse chimique. Après la seconde guerre mondiale, la spectroscopie infrarouge est devenue la méthode la plus répandue, mais les mesures par spectroscopie infrarouge deviennent une pure routine, alors que la spectroscopie Raman nécessitait des opérateurs très qualifiés et des chambres noires. Malgré le développement des lasers dans les années 1960 la spectroscopie Raman resta largement confinée dans les laboratoires. De plus, la spectroscopie Raman souffrait fortement du phénomène de fluorescence qui est une forte émission lumineuse venant de l'échantillon. L’objectif du présent projet est de faire une étude sur les bases théoriques et les techniques expérimentales relatives à la spectroscopie Raman et de le traiter théoriquement et expérimentalement. Ce mémoire comporte quatre chapitres. Il est organisé de façon suivante : Le premier chapitre est consacré à des généralités sur les interactions rayonnement-matière, le deuxième chapitre traite la partie théorique de la diffusion Raman et le troisième chapitre parle de l'analyse spectrale. Ce mémoire se termine par une conclusion. 1 CHAPITRE I : INTERACTION RAYONNEMENT-MATIÈRE I.1. I NTRODUCTION Le rayonnement électromagnétique, qui peut être assimilé soit à un faisceau de photons soit à une onde, peut interagir avec les molécules d'un échantillon de trois façons différentes : absorption, émission ou diffusion. Dans ce chapitre est consacré à quelque généralité sur les interactions des ondes électromagnétiques avec la matière. I.2. N IVEAUX D ’ ÉNERGIE MOLÉCULAIRE Une particule élémentaire (atome, ion ou molécule) ne peut exister que dans certains états d’énergie quantifiés. Dans le cas d’une molécule, on considère que l’énergie totale est la somme des termes : é = + + + Les niveaux d'énergie électronique, de vibration et de rotation sont représentées par un diagramme dans lequel chaque niveau est schématisé par un trait horizontal et caractérisé par un ensemble de nombres quantiques n, v et J reliés respectivement aux mouvements électroniques, de vibration et de rotation de la molécule (figure I-1). Chaque particule élémentaire (atome, ion ou molécule) possède un ensemble unique d'états d’énergie. La particule peut se retrouver dans l'un ou l'autre de ces états. Le nombre de particules sur un niveau d’énergie donné s’appelle la population. La population sur un niveau i par rapport à la population du niveau fondamental obéit à la loi de distribution de Maxwell-Boltzmann : ⁄ Où =( ⁄ ) (( est le nombre de particules dans l'état excité i ; l'état fondamental 0 ; respectivement ; # # ) / !) est le nombre de particules dans représentent les dégénérescences des états i et 0 représentent les énergies des états i et 0 respectivement ; k est la constante de Boltzmann (1,38 10-23 J K-1) et T est la température absolue (en Kelvin). 2 Figure I-1 : Exemple de niveaux d’énergie d’une molécule. A la température ambiante, l’agitation thermique, kT, vaut environ 2,5 kJ/mol. Le premier niveau vibrationnel excité et le premier niveau électronique excité ont une énergie supérieure à cette valeur (Figure I-2). Figure I-2 : Niveaux énergétique moléculaires à la température ambiante. 3 Une conséquence est que la population moléculaire, en l’absence d’autre mode d’excitation, se répartit sur ces niveaux selon la relation de Boltzmann. En général donc, à cette température, le niveau électronique fondamental est le seul niveau électronique peuplé; le niveau vibrationnel fondamental est peuplé, quant à lui, par plus de 90 % des molécules, quelques % se plaçant sur le premier niveau excité ; enfin, un certain nombre de niveaux rotationnels sont largement peuplés (Figure I-3). Figure I-3 : Populations des niveaux d’énergie d’une molécule. I.3. T YPES DE VIBRATIONS MOLÉCULAIRES Les positions relatives des atomes dans une molécule ne sont pas exactement fixées mais fluctuent de manière continuelle en raison de divers types de vibrations. Pour une molécule polyatomique non linéaire (respectivement linéaire) possédant n atomes, il existe 3n-6 (respectivement 3n-5) vibrations dites fondamentales. En première approximation, ces mouvements ou modes de vibration sont classés en fonction de deux paramètres : - Mode de vibration qui modifie les longueurs des liaisons : vibration de valence (élongation). - Modes de déformation angulaire qui modifient les angles entre liaisons. La figure I-3 représente les divers types de vibration d’un groupe de formule générale XY2. Tous ces types de vibration sont possibles dans une molécule contenant plus de deux atomes. 4 Le schéma ci-dessus représente les vibrations de valence (élongation) symétrique (gauche) et asymétrique (droite). Les schémas du milieu représentent les vibrations de déformation, dans le plan, de cisaillement (gauche) et de balancement (droite). Finalement, les schémas du bas représentent les vibrations de déformation, hors du plan, de torsion (gauche) et de balancement (droite). Figure I-3: Modes de vibration d’un groupement plan XY2. I.4. I NTERACTION RAYONNEMENT - MATIÈRE I.4.1. Nature du rayonnement électromagnétique Le rayonnement électromagnétique à une double nature : une nature ondulatoire et une nature corpusculaire : • Nature ondulatoire : le rayonnement électromagnétique, dit aussi radiation électromagnétique, est une onde constituée par deux champs oscillants : un champ électrique E et un champ magnétique B qui sont à la fois perpendiculaires entre eux et perpendiculaires à la direction de propagation de l’onde. On caractérise un rayonnement électromagnétique par sa fréquence ν, sa longueur d'onde λ ou son nombre d’onde σ, tels que : 5 % $= = et & '= ( ) Où c’est la vitesse de la lumière dans le vide. • Nature corpusculaire : La nature ondulatoire de la lumière ne permet pas à elle seule d’interpréter les phénomènes d’interaction entre lumière et matière. Max Planck puis Albert Einstein ont établi la théorie des quanta qui consiste à considérer la lumière comme étant composée de grains d’énergie qui s’appellent photons. Un photon est une particule qui n’a pas de masse et qui se propage à la vitesse c de la lumière et possède un quantum d’énergie E = hν où h est la constante de Planck. L’ensemble des radiations électromagnétique constitue ce qu’on appelle le spectre électromagnétique (Figure I-4). Figure I-4 : Spectre électromagnétique. I.4.2. Différents processus d’interaction rayonnement-matière L’interaction du rayonnement électromagnétique avec la matière peut prendre différentes formes. Nous distinguerons ainsi successivement les processus qui sont à la base de tous les phénomènes spectroscopiques : l’absorption, l’émission et la diffusion. • Absorption : Lorsqu’un atome est soumis à une onde électromagnétique, il peut absorber un photon. L’atome, initialement dans un état électronique d’énergie Ea, passe alors dans un état électronique d’énergie supérieure Eb telle que Eb > Ea . E (eV) Eb Ea Figure I-5: Absorption d’un photon. 6 • Émission : L’atome peut également emmètre un photon. Un atome excité, initialement dans un état électronique d’énergie Eb, passe dans un état électronique d’énergie inferieure Ea telle que Ea < Eb. L’émission d’un photon peut se faire soit : spontanément : on parle dans ce cas de l’émission spontanée ; sous l’action d’un rayonnement incident : on parle dans ce cas de l’émission stimulé. Dans ce type d’émission le photon possède les mêmes caractéristiques que les photons incidents. E (eV) Eb Ea Figure I-6 : • Diffusion : La diffusion est Émission d’un photon. le phénomène par lequel un rayonnement électromagnétique est dévié en plusieurs directions lors de son interaction avec la matière (Figure I-7). Figure I-7 : Diffusion d’un faisceau. I.5. C ONCLUSION Dans ce chapitre, nous avons vu que la lumière est une onde électromagnétique constituée de photons qui peuvent interagir avec la matière. Cette interaction peut se manifester sous plusieurs formes telles que l’absorption, la diffusion et l’émission. Nous avons vu également que les molécules se caractérisent par des modes de vibrations et de rotations qui sont quantifiés. 7 CHAPITRE II : THEORIE DE LA DIFFUSION RAMAN II.1. I NTRODUCTION La spectroscopie Raman utilise le principe de la diffusion inélastique de la lumière par la matière. Ce phénomène fut montré expérimentalement en 1928 par le chercheur indien C. V. Raman qui a obtenu le prix Nobel en 1930 pour ses travaux sur le sujet. L’étude théorique de ce phénomène de diffusion sera le but de ce chapitre. II.2. T HÉORIE DE DIFFUSION R AMAN Le phénomène de diffusion Raman correspond à la création, par une onde électromagnétique excitatrice, d’un dipôle électrique induit qui émet un nouveau rayonnement électromagnétique. Ce dipôle induit, qui est lié à la polarisabilité électronique de la molécule, correspond à une déformation du nuage électronique. II.2.1. Polarisabilité et moment dipolaire électrique induit II.2.1.1. Polarisabilité électronique La polarisabilité électronique α est un tenseur de rang deux, que l’on peut écrire sous la forme d’une matrice carrée 3×3 qui représente la forme du nuage électronique de la molécule sous l’influence du champ électrique E. Les 9 composantes α kl de cette matrices sont définis par : α kl = ∂p k ∂El où pk est le moment dipolaire électrique de la molécule suivant la direction k et El et la composante suivant la direction l du champ électrique. La polarisabilité s’exprime en C2 J−1 m2 . La description de la forme du nuage électronique dépend des valeurs des différentes composantes. La figure II-1 illustre deux exemples de matrices diagonales. Si le nuage électronique est sphérique (Figure à gauche), alors la matrice [α] est diagonale et ses éléments diagonaux sont égaux. En revanche, si le nuage électronique est ellipsoïdal, alors la matrice [α] est diagonale mais ses éléments diagonaux ne sont pas égaux (Figure à droite). 8 α 0 0 [α] = 0 α 0 0 α α 11 [α] = 0 0 0 α 22 0 0 α 33 Figure II-1 : Forme de la matrice polarisabilité selon la forme du nuage électronique. II.2.1.2. Moment dipolaire électrique induit Autour d’un atome, la répartition des électrons est isotrope en moyenne : les électrons circulent autour du noyau de façon que la charge négative qu’ils portent soit en moyenne identique en tout point de l’espace. En présence d’un champ électrique E, les électrons interagissent avec le champ. Il y a alors déformation de la répartition électronique : le noyau, barycentre des charges positives n’est plus confondu avec le barycentre des charges négatives. Cette notion est généralisable aux liaisons ou aux molécules entières : soumise à un champ électrique, une liaison ou une molécule se polarise par déformation du nuage électronique (Figure II-2). Figure II-2 : Polarisation d’une molécule apolaire par un champ électrique. On observe alors un moment dipolaire induit : r r p = [α ] E 9 II.2.2. Principe de l’effet Raman Lorsqu'on soumet un milieu (gaz, liquide ou solide) à une onde électromagnétique monochromatique, la majeure partie du faisceau incident est transmise, mais une petite partie de la lumière est diffusée, c’est-à-dire qu’il y a des rayons qui change de direction de propagation sans obéir pas aux lois de l'optique géométrique (Figure II-3). Figure II-3 : Diffusion du rayonnement électromagnétique lors de son passage dans un matériau. L’analyse en fréquence de cette lumière diffusée montre qu’elle comporte deux parties de rayonnements : • Une partie de la lumière est diffusée à la même fréquence * que la radiation incidente. Il s’agit d’une diffusion élastique qui s’appelle diffusion Rayleigh ; • Une partie infime des photons incidents est diffusée avec changement de fréquence : Il s’agit d’une diffusion inélastique qui s’appelle diffusion Raman. Elle représente environ 1 photon Raman pour 108 photons incidents. Pour ce type de diffusion, on distingue deux cas : La fréquence du photon diffusé (νd = ν0 - ν) est inférieure à celle du photon incident (c’est-à-dire qu’il y a perte d’énergie pour le photon) : on parle dans ce cas de la raie Stokes. La fréquence du photon diffusé (νd = ν0 + ν) est supérieure à celle du photon incident (c’est-à-dire qu’il y a gain d’énergie pour le photon) : on parle dans ce cas de la raie anti-Stokes. 10 Ces deux composantes spectrales ont une énergie fixe (± Ɛ) par rapport à l’énergie de l’onde excitatrice (Figure II-4). Cette énergie est propre à chaque molécule. Figure II-4 : Positions des raies Stockes et Anti-Stockes par rapport à l’énergie de l’onde excitatrice. L’intensité (nombre de photon diffusés par unité de temps) de la diffusion anti-Stokes décroît rapidement lorsque ν augmente car la population du niveau excité diminue conformément à la loi de Boltzmann. C’est pourquoi en diffusion Raman on ne considérera que les raies Stokes, plus intenses. II.2.3. Théorie de l’effet Raman Pour expliquer l’effet Raman, deux approches théoriques sont généralement utilisées, une approche classique et une approche semi-classique faisant intervenir la théorie quantique pour décrire la matière. II.2.3.1. Approche classique L'approche classique permet de trouver une justification sur l’existence ou non des raies Raman de part et d’autre de la raie de diffusion Rayleigh. Un rayonnement électromagnétique est constitué d’un champ électrique et d’un champ magnétique de même fréquence ν0. Le champ électrique peut donc se coupler avec tout mouvement moléculaire entrainant ainsi une variation de l’état de polarisation de la molécule considérée. Si l'on considère une onde monochromatique de fréquence ν et d’amplitude E0 qui éclaire un matériau, le champ électrique est donné par la relation suivante : E = E0 cos(2πν 0 t ) 11 (II.1) Afin d’obtenir le phénomène de diffusion, on choisit la fréquence ν0 qu’elle soit très supérieure de celle de la molécule. L'interaction entre le champ électrique E de l'onde incidente et le nuage électronique de la molécule permet de créer un moment dipolaire électrique induit p défini par la relation suivante : r r p = [α ] E (II.2) [α] étant le tenseur polarisabilité électronique de la molécule. Il représente la capacité du nuage électronique à se déformer sous l'action d'un champ électrique E. Les vibrations peuvent être représentées par la variation de la coordonnée normalisée Q, du déplacement des atomes par rapport à leur position d'équilibre Q0 à une fréquence ν de la forme suivante : Q = Q0 cos(2πν t ) (II.3) Le développement au premier ordre de la polarisabilité en fonction de la coordonnée Q donne : +,- = +, - + / 0+1- 3 02 24 .6 (II.4) La combinaison des équations (II.1), (II.2), (II.3) et (II.4) donne : 7 = +, - cos(2<= #) + / 0+1- 3 02 24 .6 . +cos( 2<= #). cos( 2<=#)- (II.5) Or on sait que : ( cos > cos ? = @ +cos( > + ?) + cos( > − ?)- (II.6) Donc on peut réécrire l’équation précédente : 7 = +, - ( 0+1- cos(2<= #) + @ / 02 3 24 .6 . +cos( 2<(= + =)#) + cos( 2<(= − =)#)- (II.7) L’équation (I.7) montre que le dipôle peut émettre trois fréquences différentes ν0, ν0-ν et ν0+ν (Figure II-4). 12 Le premier terme est un dipôle qui oscille à une fréquence ν0. Il donne lieu à la diffusion Rayleigh. L’énergie de la lumière ainsi diffusée est identique à celle de l'onde électromagnétique incidente. Les deux autres termes correspondent à deux dipôles oscillant à des fréquences ν0-ν et ν0+ν. Ils donnent lieu à la diffusion Raman Stokes et anti-Stokes, respectivement. L’énergie de la lumière ainsi diffusée est décalée par rapport à celle de l’onde incidente d’une valeur égale à l’énergie de la vibration de la molécule. Selon cette approche, la diffusion Stokes et la diffusion anti-Stokes seraient de même intensité. Cependant expérimentalement l’intensité de la diffusion Stokes est toujours supérieure à celle de la diffusion anti-Stokes, et le rapport de leurs intensités dépend de la température. Pour expliquer cette différence, il faut analyser le phénomène de diffusion Raman dans une approche semi-classique, dans laquelle la matière est décrite par un modèle quantique. II.2.3.2. Approche semi-classique Le traitement classique de la diffusion Raman reproduit bien des sélections en ce qui concerne l’existence ou non des raies de part et d’autre d’un pic de diffusion élastique dont l’écart avec le pic central est égal aux fréquences de vibration de la molécule. Ce modèle ne reproduit pas, par contre, les intensités relatives des raies Stockes et anti-Stockes que seul le traitement quantique permet d’obtenir. Nous allons maintenant situer cet effet dans le diagramme énergétique (Figure II-5) issu de la théorie quantique. Figure II-7 : Représentation schématique des processus de diffusions Rayleigh et Raman Stokes et anti-Stokes dans une approche semi-classique. 13 L’excitation du système dans un niveau virtuel d'énergie par absorption d’un photon incident se produit en même temps qu’une désexcitation par émission d’un photon de même énergie dans le cas de la diffusion Rayleigh, et d’énergie différente dans le cas de la diffusion Raman. Dans ce dernier cas, le système va se désexciter vers un niveau d'énergie vibrationnel différent de celui de départ : • Pour la diffusion Stokes, l’état final après désexcitation est un niveau vibrationnel plus excité que l’état initial. • Pour la diffusion anti-Stokes, le système est au départ dans un niveau vibrationnel excité et l’état final après désexcitation est dans un état moins excité. La différence d'énergie entre le photon incident et le photon diffusé correspond donc à l'énergie d'un niveau de vibration de la molécule. À une température donnée, le remplissage des niveaux d'énergie est donné par une loi de Maxwell-Boltzmann qui prédit que les niveaux excités (v+1, v+2, ...) sont très peu peuplés par rapport aux niveaux d'énergie fondamentale (v). Or la diffusion Anti-Stockes ne concerne que les molécules se trouvant dans un état excité (transition v+1 → v). Cela explique le fait expérimentalement observé que les raies Stokes son plus intense que les raies anti-Stokes. Le rapport des intensités des raies Stokes Is et anti-Stokes Ias est donné par : 4 I as ν 0 + ν hν exp − = Is ν0 − ν kT (II.8) où k est la constante de Boltzmann, T est la température absolue et est ν0 la fréquence de l’onde excitatrice. II.2.3.3. Règles de sélection La symétrie de la molécule (ou du solide) impose des règles de sélection qui limitent les modes de vibration susceptibles de donner lieu à un phénomène de diffusion Raman. Cette influence de la symétrie intervient dans l’équation (II.7) par le biais de la dérivée de la polarisabilité par rapport à la coordonnée normale de la vibration, qui doit être non nulle à l’équilibre (6 =6 ) pour que la vibration puisse donner lieu à la diffusion Raman : C+,B D ≠0 C6 24 14 Une façon simple d’évaluer si la polarisabilité varie avec la vibration est d’estimer si le volume moléculaire change. En effet, si le volume varie, la polarisation change aussi. Si ce n’est pas le cas, le terme / 0+1- 3 02 24 est nul. Figure II-7 : Variations de la polarisabilité au cours de vibration et activité Raman d’une molécule linéaire AB2. II.3. C ONCLUSION L’éclaire d’un échantillon par une onde électromagnétique provoque la déformation du nuage électronique des atomes par le biais du champ électrique de l’onde. L’oscillation des dipôles électriques ainsi crées génère un faisceau diffusé. Après avoir échangé de l’énergie avec les molécules, le faisceau peut être diffusé de façon élastique ou inélastique donnant ainsi naissance à la diffusion Rayleigh et celle de Raman. Afin qu’une vibration moléculaire soit active en Raman, il faut que la polarisabilité électronique de la molécule varie, grâce à un mode normal de vibration. 15 CHAPITRE III : ANALYSE SPECTRALE III.1. I NTRODUCTION La spectroscopie Raman est une technique spécifique non destructive ne figure pas encore dans les manuels de criminalistique mais commence à intéresser divers laboratoires, notamment dans les domaines des drogues, des peintures et des fibres textiles. Dans la plupart des cas cette technique permet d’obtenir à peu près les mêmes informations que la spectroscopie infrarouge, bien que la méthode soit différent. III.2. P RINCIPE DE LA SPECTROMÈTRE R AMAN En spectrométrie Raman, l’analyse se fait par excitation du matériau, porté à un niveau d’énergie virtuel par une puissante source lumineuse monochromatique de type laser. La radiation diffusée par le matériau est collectée puis analysée par un détecteur adéquat. La variation d’énergie observée sur le photon nous renseigne sur les niveaux d’énergie de rotation et de vibration de la molécule concernée. Pourtant une molécule ne peut à priori absorber un photon pour passer à un état plus excité que si l’énergie de ce dernier correspond à l’écart entre le niveau d’énergie actuel et un autre niveau permis. Or, ici, on observe que la molécule absorbe quand même une partie du rayonnement incident, juste ce qu’il faut pour sauter sur un niveau d’énergie possible. Du point de vue quantique, on peut l’expliquer en utilisant la relation d’incertitude d’Heisenberg ∆ E ∆ t ≥ h : Comme le laps de temps pendant lequel la molécule s’approprie l’énergie nécessaire est très court, l’incertitude sur l’énergie est très grande. La molécule peut donc utilisée une partie de l’énergie incidente. Le photon qui a cédé une fraction de son énergie a maintenant une énergie hν-∆E, où ∆E représente un saut énergétique entre deux niveaux d’énergie permis. Il est donc caractériser par une fréquence faible (raies Stokes). Lorsqu’une molécule dans un état excité, elle peut se désexcité en donnant l’énergie au photon incident. Ce dernier à une énergie hν+∆E, ce qui traduit en terme spectral par l’apparition des raies anti-Stokes. 16 III.3. S TRUCTURE D ’ UN SPECTROMÈTRE R AMAN Dans un spectroscope Raman, les radiations de la source laser sont conduites dans une fibre optique jusqu’à l’échantillon à analyser pour provoquer son excitation. La lumière produite est recueillie par un capteur, puis acheminé dans une fibre optique jusqu’au séparateur. Ce dernier est couplé à un détecteur qui fournit des données sur l’échantillon puis les envoyées à un ordinateur pour les traitées. Figure III-1 : Schéma de principe d’un spectromètre Raman. La source de lumière et le détecteur constituent les éléments les plus importants dans un spectromètre Raman : • Source de lumière : Dans la spectroscopie Raman, on irradie l’échantillon par une source laser très intense dont la longueur d’onde d’excitation peut être choisie dans un domaine assez large. On distingue les lasers continus et les lasers pulsés ou modulés. Dans le cas des lasers pulsés, au lieu de mesurer directement les fréquences Raman, on mesure les modulations du signal UV. Celles-ci permettant de supprimer du bruit et de calculer les fréquences Raman par transformée de Fourier. En revanche, les sources continues ne permettent pas de voir l’évolution au cours du temps. • Détecteur : À la sortie du monochromateur, qui un dispositif permettant d’obtenir un faisceau monochromatique, il peut y avoir plusieurs méthodes pour recueillir le signal. On peut choisir une détection électronique dont l’absorption d’un quantum d’énergie permet de produire une quantité d’énergie électrique qui donne tout de suite des informations quantifiées. Il existe deux manières de détecter cette énergie : par effet photoélectrique externe ou par effet photoélectrique interne. 17 III.4. D OMAINES D ’ APPLICATIONS En chimie, la technique apporte des informations sur la structure et les propriétés des molécules, à partir de leurs transitions vibrationnelles. La spectroscopie Raman permet également l’identification de minéraux, de leurs différentes phases ou de leur degré d’hydratation. En art et archéologie, l’étude des pigments naturels ou synthétiques fournit des informations cruciales à la préservation et à la restauration d’héritages culturels inestimables. D’autres applications sont également possibles en biologie, en médecine, ou encore en pharmacie : • Domaines des traces biologiques : Pour authentifier la présence de sang en évitant de consommer le matériel biologique par des tests spécifiques, la spectroscopie Raman permet une identification rapide de la signature caractéristique de l’hémoglobine. La spectroscopie Raman de matériel biologique est souvent complexe, la spectroscopie permet d’analyser différents types de spores. • Domaines de drogues : La spectroscopie Raman est utile pour identifier des traces de drogues dans les empreintes digitales latentes, voire révélées au cyanoacrylate. La contrefaçon de médicaments est un domaine lié aux drogues. La spectroscopie Raman permet d’identifier le principe actif présent dans le cœur du médicament ainsi que les différents excipients utilisés pour diluer ou enrober ce principe actif. • Domaine d’industrie : Industrie des polymères : - Fluorescence ; - Étude de fibres enrobées ; - Analyse des textiles non tissés. Industrie du verre : - Cristallisation dans une bulle ; - Produits de démixtion. Industrie électronique : - Pollution sur un micro-circuit ; - Défauts à la surface d’un semi-conducteur. III.5. A VANTAGES ET LES INCONVÉNIENTS La spectroscopie Raman a plusieurs avantages dont on cite : 18 • La non dégradation de l’échantillon. Elle est non destructive et non intrusive, ce qui permet de l’appliquer à des systèmes réels. • Elle est facile à mettre en œuvre. Le temps de préparation est nul ou quasi nul. La nature des échantillons solide, liquide, ou gazeuse n’intervient pas. Elle ne requiert de plus qu’une faible quantité d’échantillon (1µ). • Elle peut être utilisée dans un grand nombre de cas (matériaux hétérogènes, échantillon dont la structure peut être orientée ou non). • L’effet Raman est indépendant de la longueur d’onde excitatrice, ce qui permet de supprimer certains phénomènes indésirables (fluorescence, décomposition des substances colorées, etc.). Ces avantages sont toutefois contrebalancés par la gêne provoquée par quelques phénomènes tels que : • L’émission du corps noir (par échauffement de l’échantillon) ; • La fluorescence ; • Les réactions photochimiques ; • Les réactions multi-photoniques. III.6. C ONCLUSION La diffusion Raman est caractérisée par un échange d’énergie entre les photons incidents et la matière de telle sorte que les photons diffusés présentent une énergie plus élevée ou plus faible que les photons incidents. La mesure de cette différence d’énergie permet de faire la caractérisation des échantillons. 19 CONCLUSION L’effet Raman, considéré dès l’époque de sa découverte comme un beau cadeau pour les chimistes car il contribue à une meilleur caractérisation de la structure de matière. Après une période de désaffectation, liée à la diffusion des spectromètres infrarouges jugés plus commode et plus rapides, la spectroscopie Raman a connu un nouvel essor grâce aux progrès des sources lasers, de l’optique et des détections photoélectriques. La spectroscopie Raman est un outil puissant pour l’étude des matériaux, au-delà de leurs propriétés vibrationnelles (composition chimique, propriétés optiques, etc.). Mais l’interprétation des spectres Raman demande une bonne connaissance de la dynamique et des symétries du système étudié, également un bon contrôle des paramètres expérimentaux. Ce projet de fin d’études nous a permet d’approfondir nos connaissance sur une des techniques les plus répondues pour la caractérisation des matériaux qui est la spectroscopie Raman. 20 BIBLIOGRAPHIE [1] Amath Lo, (2012), “ Diffusion Raman spontanée pour la combustion turbulente et les plasmas”, 7-10. [2] Céline Daher, (2012), “Analyse par spectroscopies Raman et infrarouge de matériaux naturels organiques issus d’objets du patrimoine : m´méthodologies et applications” , 35-38. [3] Caroline DELHAYE, (2009), “ Spectroscopie Raman et microfluidique : application à la diffusion Raman exaltée de surface ”,8-16. [4] Lionel Séjourné, (2012), “Mise au point d’un système d’analyse par spectroscopie Raman en cellule blindée application au graphisme nucléaire”.40-48. [5] Sébastien Reymond-Laruinaz, (2014), “Biomolécules et systèmes nanostructures : Caractérisation par spectrométrie Raman exaltée de surface (SERS)”, 18-23. 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