VOTRE DOCUMENT SUR LABASE-LEXTENSO.FR - 25/04/2022 22:43 | UNIVERSITE PARIS II Le droit local alsacien-mosellan des cultes après les récentes décisions du Conseil constitutionnel Issu de Revue du droit public - n°3 - page 532 Date de parution : 01/05/2013 Id : RDP2013-3-002 Réf : RDP 2013, p. 532 Auteur : Par Jean-Marie Woehrling, Président de l'Institut du Droit Local Alsacien-Mosellan SOMMAIRE I. — LES CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME DE GESTION DES CULTES DU DROIT LOCAL A. — Les statuts des institutions religieuses en Alsace-Moselle B. — L'enseignement religieux dans les écoles publiques d'Alsace-Moselle C. — Les religions dans la vie publique II. — LE DROIT LOCAL DES CULTES RECONNU COMME PARTIE INTÉGRANTE DE LA TRADITION CONSTITUTIONNELLE FRANÇAISE A. — La question de la constitutionnalité du droit local des cultes : une question implicitement tranchée dans un sens positif depuis de nombreuses années B. — Le respect du droit local des cultes : un élément de la tradition républicaine C. — Le régime local des cultes couvert par un PFRLR D. — Le maintien du régime local des cultes correspond à la volonté du Constituant III. — LIMITES DE LA CONFORMITÉ DU DROIT LOCAL AVEC LE PRINCIPE CONSTITUTIONNEL DE LAÏCITÉ A. — Une interprétation du principe constitutionnel de laïcité largement en concordance avec le droit local B. — Les éléments d'incompatibilité entre le régime local et le principe constitutionnel de laïcité Le droit local alsacien-mosellan des cultes, resté pendant longtemps dans une ombre discrète, suscite de depuis une quinzaine d'année de plus en plus d'attention. Cela est dû d'abord à l'intérêt croissant que suscitent en général les questions de droit des religions. Matière pratiquement ignorée il y a 20 ans, ce secteur du droit est désormais au cœur de l'actualité, avec des débats aussi complexes que passionnés concernant par exemple le port de signes religieux, leur interdiction à l'école par la loi de 2004, la discussion actuelle de la possibilité d'interdire ceux-ci dans certaines entreprise, la question de la dissimulation du visage, le financement de lieux de cultes musulmans, la problématiques de sépultures confessionnelles, les mesures prises à l'égard de mouvements qualifiés de sectaires, la place du fait religieux à l'école, la question de l'abattage rituel, etc. Pour un certain nombre de ces questions1 , le droit local alsacien-mosellan n'est pas apparu seulement comme une dérogation marginale par rapport au droit commun, mais comme un modèle concurrent apportant une intéressante contribution à la réflexion générale sur la manière dont pourrait évoluer l'ensemble de la législation française dans ce domaine. Alors qu'il y a 20 ans, la majorité des auteurs considéraient comme allant de soi une interprétation du principe constitutionnel de laïcité consistant à l'identifier avec le contenu de la loi du 9 décembre 1905, en particulier son article 2, les réflexions développées à partir du droit local proposent une approche plus large, permettant de prendre en compte une vision plus diversifiée et plus proche de la perspective européenne : la laïcité à la française n'est pas un modèle tout à fait à part au regard duquel les autres systèmes de régulation des cultes seraient « non laïques » ; c'est une modalité parmi d'autres dans la recherche d'un mécanisme de mise en œuvre d'une gestion publique des convictions religieuses, à la fois neutre et pluraliste. Ainsi le système alsacien-mosellan de droit des cultes ne se perçoit pas comme à « l'extérieur » de la laïcité, mais comme une autre modalité de la laïcité, ce qu'exprime la formule de la « laïcité à l'alsacienne ». D'une préoccupation essentiellement axée sur la question de la séparation des Églises et de l'État (en fait sur les rapports entre l'État et l'Église catholique), l'attention s'est déplacé vers le problème de l'insertion dans la société d'une diversité de traditions religieuses et par suite sur la question de la gestion par l'État des situations résultant de cette diversité. Le besoin d'une telle gestion des cultes par les pouvoirs publics n'est pas une notion évidente en France car l'idée est encore bien répandue que la laïcité de l'État rend une telle intervention inutile, voire illégitime. Or, aucune activité sociale ne peut laisser indifférents les pouvoirs publics. À plusieurs titres, une « gestion » réfléchie des activités religieuses est nécessaire : — l'équilibre entre séparation, promotion de la liberté de religion, respect égal des croyances, sauvegarde de l'ordre public et neutralité impliquent une série d'ajustements délicats : si les objectifs sont assez clairs, les méthodes pour y arriver exigent une action nuancée des autorités publiques que la seule référence au principe de laïcité ne suffit pas à définir ; — par rapport aux Églises traditionnelles et notamment à l'Église catholique, la problématique s'est profondément modifiée depuis le début du XX e siècle : face à une évolution qui affaiblit les références historiques, la cohésion sociale, l'identité collective, les valeurs traditionnelles, l'État républicain et les Églises ne sont plus concurrents mais alliés et redécouvrent la profonde communauté de valeurs qui les animent ; – inversement certaines croyances nouvelles véhiculent des références très différentes au plan politique, social, culturel, etc.. Si l'État peut être indifférent aux croyances, il ne peut l'être aux comportements qu'elles induisent. Cela concerne bien sûr les préoccupations d'ordre public, mais de façon plus large, les questions d'intégration et de cohésion sociale. À l'évidence, pour prendre en compte ces réalités de manière optimale, l'État a besoin d'outils différenciés. La seule « police des cultes » n'y suffit pas. La loi de 1905 apparaît à certains égards mal outillée pour un traitement actif et différencié des cultes. Le droit local d'Alsace-Moselle offre un cadre bien adapté pour construire une gestion des cultes affichée et cohérente. Quoi qu'il en soit, il est de plus en plus admis que la mise en œuvre du principe de 1/12 laïcité dans le sens d'une gestion neutre et pluraliste des convictions religieuses peut connaitre des expressions diverses et non exclusives les unes des autres. Cette idée d'une laïcité ouverte à plusieurs modalités de mise en œuvre a été progressivement de mieux en mieux acceptée. Mais la décision récente du Conseil constitutionnel du 21 février 2013 2 vient quelque peu compliquer l'analyse. D'un coté, le Conseil a affirmé la constitutionnalité du droit local en se fondant sur la volonté des constituants de le maintenir en vigueur et il a développé une définition de la laïcité constitutionnelle dont la plupart des aspects sont en concordance avec le droit local. De l'autre, il a intégré dans la définition du principe constitutionnel de laïcité des éléments incompatibles avec certaines composantes du droit local des cultes. De cette décision du Conseil constitutionnel, le droit local des cultes sort ainsi à la fois reconnu et affaibli. L'intention du Conseil était sans doute de marquer pour cette particularité alsacienne à la fois du respect et des limites. Pour mieux cerner la signification actuelle et les perspectives de ce droit local des cultes, il est nécessaire de présenter celui-ci dans ses caractéristiques essentielles (I), puis de montrer que l'évolution récente a conduit à lui donner une place dans le cadre constitutionnel (II), et enfin d'examiner les situations pour lesquelles il existe des problèmes de concordance entre principe constitutionnel de laïcité et droit local (III). I. — LES CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME DE GESTION DES CULTES DU DROIT LOCAL Le régime alsacien-mosellan de gestion des cultes représente l'aspect le plus remarquable du droit local propre aux départements recouvrés. Même si ce droit local comporte de nombreuses autres dispositions importantes, ce sont celles relatives aux cultes qui ont eu un effet particulièrement prégnant sur l'ensemble de ce droit particulier. C'est à leur sujet que se sont déroulées les batailles principales entre adversaires et défenseurs du « statut » local, ce dernier étant souvent identifié purement et simplement au régime issu du concordat et des lois organiques. Au moment de l'adoption de la loi de 1905, l'Alsace et la Moselle étaient allemandes. Une politique de lutte contre l'Église catholique existait cependant également dans ces provinces, mais elle était menée par le gouvernement de Berlin (c'est ce qu'on appelle le Kulturkampf initié par le chancelier Bismarck). Ainsi, pour les Alsaciens et Mosellans, la défense de leur identité régionale et de leurs Églises se confondait dans un même combat. Aussi, au retour de l'Alsace-Moselle à la France en 1918, la grande majorité de la population était-elle attachée à un clergé et à des institutions religieuses qui avaient joué un rôle très important pendant la période allemande. La tentative d'introduction des lois « laïques » en Alsace-Moselle par le cartel des gauches en 1924 avait suscité une véritable tempête et a vite été abandonnée. Ce régime local des cultes a par contre été supprimé durant l'occupation nazie entre 1940 et 1944. Il a été remis en vigueur à la Libération par le Général de Gaulle dans le cadre des ordonnances de « rétablissement de la légalité républicaine ». Ceci explique qu'en Alsace et en Moselle, cette législation locale dispose d'une dimension emblématique et d'une très forte légitimité, bien au-delà des milieux ayant une sensibilité religieuse. La question du maintien du concordat n'a pas été vécue par les populations concernées comme une simple question religieuse, mais comme touchant à leur identité. Cet arrière-plan historique et géographique explique que la question du régime cultuel d'Alsace et de Moselle est perçue de manière profondément différente dans les territoires concernés et dans le reste de la France. Outre Vosges, le régime juridique applicable aux cultes en Alsace et en Moselle est souvent présenté comme archaïque, d'une légitimité douteuse et incompatible avec le principe de laïcité 3. En Alsace-Moselle, la plupart des observateurs s'accordent pour admettre que le droit local des cultes, tel qu'il est appliqué aujourd'hui, peut s'inscrire sans contradiction dans le cadre constitutionnel4 On relève que si tel n'était pas le cas, il faudrait en conclure que depuis plus de 50 ans les pouvoirs publics se seraient trompés en appliquant ces règles ou en les modifiant5. On insiste sur le fait que plusieurs droits cohabitent sur le territoire national6 et que le droit alsacienmosellan est un droit régional aussi légitime que celui applicable dans le reste de la France7. Un récent sondage a montré que plus de 90 % de la population concernée y était attachée8 . Le système local des cultes a donc un fondement « démocratique » incontestable. Sans doute, ce droit local a-t-il ses faiblesses et ses incohérences. Mais celles-ci sont plutôt moindres que celles du droit général9. La loi du 9 décembre 1905 a été transformée en un monument intouchable, ce qui fait que son évaluation correcte et objective est pratiquement irrecevable. Il ne saurait être question de l'amender, mais seulement de la vénérer (et si nécessaire de la contourner)10. Le droit local relève quant à lui de la « matière juridique » ordinaire : il peut être critiqué, modifié et donc amélioré. Probablement a-t-il connu plus de changements dans la période récente que le droit de cultes du reste de la France11. Si le droit local des cultes est fondé sur un socle de textes datant du XIXe siècle, ces textes doivent être interprétés et mis en œuvre dans le contexte juridique actuel qui a profondément changé par rapport à l'époque de leur édiction. Aussi, le régime des cultes applicable en Alsace et Moselle en 2011 s'est il substantiellement distancié avec celui de 1802 ou celui de 1918, même si les textes ont formellement peu évolué. Le contexte constitutionnel actuel a complètement transformé ce statut local. L'interprétation actuelle de ces textes est dominée par les principes du respect par l'État de la liberté et de l'autonomie des cultes en même temps que par la volonté d'établir avec ceux-ci une collaboration dans un souci d'intérêt public. Le Conseil d'État en a conclu que certaines dispositions du droit local étaient implicitement abrogées. Plus souvent, ces principes font l'objet d'une « interprétation neutralisante » qui évite de leur donner un sens qui heurterait les principes constitutionnels. Par exemple, des dispositions donnant un droit de regard de l'État sur les cultes sont désormais comprises comme ne pouvant être mises en œuvre que pour des motifs d'intérêt public. De la sorte, malgré une fausse apparence d'archaïsme, ces textes locaux ont pu faire l'objet d'une pratique conforme aux principes contemporains de laïcité et de liberté religieuse dans des conditions qui satisfont les parties prenantes et les populations concernées. Cette appréciation peut être illustrée en ce qui concerne les institutions religieuses (A), l'enseignement religieux dans les écoles publiques (B) ou la place des religions dans la vie publique (C). A. — Les statuts des institutions religieuses en Alsace-Moselle Le droit local offre en Alsace-Moselle à tous les cultes des modalités satisfaisantes d'exercice de leur activité. Tous les cultes peuvent, par exemple, bénéficier d'un financement public et trouver dans le droit local des associations un cadre juridique favorable, leur apportant une pleine capacité juridique, y compris celle de recevoir des dons et legs. Tous ont la possibilité d'envoyer des aumôniers dans les hôpitaux ou les prisons. Toutefois, certains cultes sont entrés dans des arrangements spécifiques avec l'État, comportant des avantages et des obligations respectifs. Le droit local alsacien-mosellan distingue ainsi deux catégories de situations : 1. Les cultes qui disposent de statuts locaux spécifiques 12 Ces status définissent un ensemble de droits et obligations qui organisent le régime juridique des institutions de ces cultes, de leurs bâtiments cultuels et de leurs agents. On appelle de façon inappropriée « cultes reconnus »13 ceux qui bénéficient d'un tel statut. Il faudrait parler de cultes statutaires. Le sens de ces statuts évolué avec l'histoire. La logique de ces statuts particuliers est celle d'arrangements spécifiques, même si seul le culte catholique a passé avec l'État un accord en bonne et due forme14. L'esprit de ces arrangements consiste pour les cultes à offrir un certain nombre de garanties et de services et inversement à l'État de leur consentir diverses facilités. En particulier, l'État reconnaît (implicitement) la fonction sociale et culturelle des cultes en cause (contribution à la paix 2/12 publique, à la cohésion sociale, à l'éducation morale, à l'esprit de solidarité, à la transmission d'un patrimoine culturel...) ; il dispose en échange de garanties quant à la compatibilité des enseignements de ces cultes avec ses propres objectifs et valeurs ; il bénéficie de moyens de dialogue et de contrôle grâce à la constitution d'institutions cultuelles transparentes et responsables15 . En contrepartie, il attribue des moyens juridiques, institutionnels et financiers16 ; il assure la participation de ces cultes à certaines activités publiques et leur présence dans la vie publique. Les deux côtés tirent avantage de ces arrangements réciproques. En cas de difficulté, ceux-ci pourraient être rompus par l'une ou l'autre partie17. Ces statuts sont propres à chaque religion, à son histoire et à ses spécificités. Ils ne sont donc pas identiques, ce qui peut donner l'impression que le principe d'égalité n'est pas respecté. Cependant, le principe d'égalité bien compris consiste non pas à traiter tous de manière identique, mais chacun en fonction de sa situation propre. Comme ces systèmes statutaires sont anciens, ils ont été organisés en fonction des traditions juridiques correspondant à leur époque de création. Ainsi les institutions cultuelles correspondantes ont-elles souvent adoptées des formes empruntées au droit public, car le droit privé de l'époque n'offrait pas de cadre adéquat. Néanmoins, il faut interpréter ces instruments juridiques à la lumière des conceptions actuelles, c'est-à-dire dans le sens d'une séparation de l'État et des institutions religieuses18. Comme déjà relevé, l'archaïsme relatif des textes organisant ces statuts particuliers a pu être compensé sur beaucoup de points par une pratique conforme aux principes contemporains de laïcité et de liberté religieuse. Toutefois, des aménagements de textes seraient nécessaires. Des modifications sont déjà intervenues dans un passé récent, mais devront encore être poursuivies pour remédier à des inadéquations. Il s'agit là d'un exercice délicat qui semble rebuter les deux parties, l'État comme les cultes concernés, mais qui est souhaitable. De nouveaux arrangements peuvent en principe être conclus avec d'autres cultes à leur demande. Mais, devront correspondre au cadre juridique actuel qui n'est plus celui des statuts anciens. De plus, il faut rappeler que chaque statut est spécifique au culte concerné. L'idée d'une extension à un autre culte de l'un des statuts existant actuellement est donc erronée. A chaque fois, cela suppose une négociation et un aménagement spécifique prenant en compte les particularités de la situation. Ces rapports spécifiques de coopération ne remettent pas en cause la neutralité de l'État, ni la séparation de l'État et des organisations religieuses : — l'État ne poursuit aucun objectif religieux dans ses rapports avec les autorités religieuses. L'aide dispensée est la contrepartie des avantages collectifs résultant de cette coopération. Ce n'est que parce qu'il existe un intérêt public que le financement du culte est légitime ; — les rapports de type conventionnel en question ne mettent pas en cause l'autonomie des parties concernées ; chacun peut y défendre ses intérêts. 2. Les cultes relevant du droit commun Les cultes pour lesquels il n'existe pas de tels arrangements, soit parce qu'ils n'en ont pas exprimé le souhait ou le besoin, soit parce qu'aucun accord n'a pu être trouvé ou encore parce qu'ils ne rempliraient pas les conditions (représentativité, organisation responsable, garantie d'insertion sociale, compatibilité avec les objectifs sociaux de l'État...) pour qu'un accord puisse être conclu, bénéficient du régime de droit commun : ils ont la liberté religieuse ; ils disposent d'institutions juridiques leur permettant de s'organiser de manière satisfaisante. Ils n'ont pas les avantages, mais non plus les obligations liés à un accord de coopération. Ils peuvent néanmoins recevoir certaines aides financières ou autres des pouvoirs publics. Mais, à défaut de cadre statutaire, ces aides sont attribuées librement par les autorités (sous la seule réserve qu'elles puissent justifier raisonnablement de leur choix). En Alsace-Moselle, ces cultes « non statutaires » ont des conditions d'exercice dans l'ensemble plus favorables que dans le reste de la France : le cadre juridique de l'association religieuse de droit local offre une liberté plus grande que celui de l'association cultuelle ; leur accès aux subventions est plus large ; ils ont les mêmes droits que les cultes « statutaires » en ce qui concerne l'envoi d'aumôniers dans les hôpitaux ou les prisons ; le droit local des sépultures confessionnelles peut leur être appliqué, etc. Dès lors qu'un tel système distinguant un régime cultuel de droit commun et un régime de cultes statutaires est géré correctement19, il offre de nombreux avantages. Il est conforme au principe de non-discrimination, ainsi que cela a été jugé par les organes de la Convention européenne des droits de l'homme20. Il permet à l'État de mieux remplir ses objectifs21 et lui donne de meilleures garanties22. Il ouvre des conditions de fonctionnement différenciées pour les cultes en fonction de leurs demandes et de leurs caractéristiques. Mais surtout, il constitue (paradoxalement) la meilleure manière de traduire le principe de neutralité. Tout système de rapports entre les institutions publiques et les institutions religieuses a des difficultés pour réaliser une véritable neutralité. Une séparation absolue sous la forme d'un refus de prise en compte serait en réalité une obstruction à l'égard des religions. Une égalité absolue sans distinction est un leurre, alors que certaines religions sont étroitement enracinées dans l'histoire et la culture du pays et que d'autres sont nouvelles et éloignées des préoccupations publiques, que certaines convictions religieuses participent activement à la cohésion sociale, alors que d'autres présentent des dangers pour celle-ci, que certaines ont beaucoup de fidèles et d'autres sont très marginales, que certaines ont une assise sociale importante et d'autres sont limitées à des activités rituelles privées...Il faut gérer équitablement les situations particulières : le système alsacienmosellan est davantage en position de le faire que le système de la loi de 1905. Pour les cultes ne disposant pas de statuts particuliers, qui sont souvent mais pas exclusivement des cultes nouvellement présents dans la région, on s'interroge parfois s'ils ne pourraient pas eux aussi accéder à un statut particulier. Cette question est fréquemment posée en des termes inadéquats, à savoir la « reconnaissance » de « nouveaux cultes ». Or, en Alsace-Moselle, comme dans le reste de la France, il n'y a pas de « reconnaissance ». Il serait également erroné d'imaginer une extension à d'autres cultes des statuts historiques existants puisque ceux-ci correspondent à des mécanismes juridiques fabriqués au 19e siècle, même s'ils sont aujourd'hui appliqués dans un esprit contemporain. Il faudrait au contraire rechercher des modalités qui correspondent au contexte juridique actuel et aux problèmes spécifiques d'aujourd'hui de ces nouveaux cultes. La philosophie générale de coopération et de concorde, prenant la forme d'avantages et de concessions réciproques, qui est la base du système des cultes statutaires, pourrait cependant servir d'inspiration pour des aménagements concernant d'autres cultes. B. — L'enseignement religieux dans les écoles publiques d'Alsace-Moselle Une des caractéristiques du régime juridique propre aux trois départements de l'Est tient à l'exercice d'un enseignement religieux assuré dans les écoles publiques. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, cet enseignement est facultatif pour les élèves23 , comme en atteste le fait que sa fréquentation est assez réduite au niveau du lycée. L'existence d'un enseignement religieux 24 ne porte pas atteinte en soi à la neutralité du service public de l'enseignement. L'absence d'une telle offre à la disposition des élèves est plutôt moins neutre que son existence. Un système d'enseignement dont la réalité religieuse est absente est un enseignement athée et non pas neutre25. Grâce à cette législation locale, l'Alsace-Moselle n'a pas connu de guerre scolaire, mais a bénéficié d'une bonne coopération entre l'éducation nationale, l'enseignement privé et les autorités religieuses. L'offre d'enseignement religieux ne concerne actuellement que les seuls cultes statutaires. Ceci ne constitue cependant pas une discrimination, car ces cultes sont les seuls à avoir aménagé cet enseignement d'une manière qui lui permette de fonctionner effectivement. En effet, pour qu'un tel enseignement puisse être proposé, il doit être organisé par le culte concerné, qui, sous le contrôle des autorités académiques, définit les programmes 3/12 d'enseignement et fournit des enseignants qualifiés. Il doit donc exister un accord et des garanties sur la qualification des enseignements et le contenu de l'enseignement en cause. De telles garanties ne sont susceptibles d'être fournies que dans le cadre d'une collaboration étroite entre le service public de l'enseignement et les autorités religieuses concernées. De plus, il doit exister une demande appropriée au niveau des usagers. Au niveau universitaire enfin, une formation des responsables religieux (ministres des cultes, enseignants...) est organisée dans le cadre des facultés de théologie d'État à Strasbourg et par un centre autonome à Metz. Cette formation universitaire, assurée dans un cadre public, constitue pour l'État comme pour les cultes concernés une garantie que ces responsables sont formés selon un esprit critique et conforme aux traditions scientifiques de l'Université. Des projets existent pour mettre cette expérience au service de la formation dans un cadre public de responsables religieux musulmans. C. — Les religions dans la vie publique Au-delà des règles juridiques stricto sensu, le régime public des cultes en Alsace-Moselle est aussi un état d'esprit. L'Alsace-Moselle n'a pas connu le même conflit religieux que la France dont elle était alors coupée. Certes, il y a eu également conflit religieux, mais il a opposé l'Église locale au Gouvernement bismarckien, beaucoup d'ecclésiastiques ayant pris une part active dans la gestion de la « terre d'Empire ». Cette histoire et divers autres éléments font que les institutions religieuses sont regardées en Alsace-Moselle comme des acteurs légitimes et bénéfiques de la vie publique. Leurs représentants comptent parmi les corps constitués et participent aux cérémonies publiques. Lors des grandes fêtes, leurs autorités prient publiquement pour la sauvegarde la République ! Leurs institutions contribuent aux actions sociales, éducatives et culturelles dans la région. Leurs monuments (cathédrales, pèlerinages...) sont des facteurs d'identification régionale pour l'ensemble des habitants, quelles que soient leurs opinions religieuses. Les autorités publiques et la société dans son ensemble profitent de ce contexte de coopération, dont les aspects positifs ont encore été renforcés par la qualité du dialogue interreligieux. Le souhait des autorités publiques comme des autorités religieuses serait que de nouveaux cultes, et notamment le culte musulman puissent, eux aussi participer à ces rapports de coopération locale. Cela suppose pour ces derniers moins l'acquisition d'un statut juridique distinct que la participation aux conceptions des relations entre cultes et pouvoirs publics : partage de valeurs communes, adhésion aux institutions publiques, acceptation de relations de coopération qui comportent des obligations de transparence et de loyauté. Le droit local rend possible une concertation à cette fin. Il n'en garantit pas le résultat cependant. Bien évidemment, le droit local des cultes n'est pas une panacée. Ce droit n'a pas empêché la montée de l'individualisme, la perte des références culturelles et l'affaiblissement du lien social dans la société régionale26. Sur le plan de la technique juridique, beaucoup de dispositions de ce droit mériteraient d'être adaptées, l'effort de modernisation n'ayant pas été mené avec suffisamment de conviction. Les problèmes rencontrés par les différentes croyances sont, quelques aspects matériels mis à part, sensiblement les mêmes en Alsace-Moselle que dans le reste de la France. L'encadrement institutionnel et juridique ne peut à lui seul répondre à ces questions. Cette constatation ne remet pas en cause les enseignements qui peuvent être retirés de manière générale de ce système local, à savoir que dans un État moderne et neutre il est possible et même souhaitable pour les pouvoirs publics d'avoir une coopération active et différenciés avec les différents courants religieux, dans l'intérêt aussi bien d'une gestion publique efficace des cultes que d'une liberté de religion mieux garantie et au bénéfice d'un bon fonctionnement de la société dans son ensemble. II. — LE DROIT LOCAL DES CULTES RECONNU COMME PARTIE INTÉGRANTE DE LA TRADITION CONSTITUTIONNELLE FRANÇAISE Au moment du retour à la France de l'Alsace-Moselle, la question du maintien en vigueur ou non des règles locales régissant le droit des cultes présentait un caractère central pour la réintégration de ces territoires. Si, finalement, le choix a été fait assez vite de respecter ces traditions locales, il a fallu attendre les années récentes pour que soit défini le cadre constitutionnel de la survie de ce régime particulier. Pendant des années, on s'est borné à relever l'existence d'un droit particulier, que l'on qualifiait volontiers de non-conforme au principe de laïcité, mais dont la constitutionnalité restait une question sans conséquence pratique en l'absence d'un mécanisme de contrôle de constitutionnalité. Durant les années récentes cependant, ce questionnement a été renouvelé. Déjà avant l'adoption de la nouvelle procédure de la question prioritaire de constitutionnalité, la question de l'abrogation tacite d'une disposition locale incompatible avec la constitution se posait, de même que la question de la conventionalité du droit local des cultes. Des arrêts du Conseil d'État sur la portée du principe constitutionnel de laïcité, soit en Alsace Moselle, soit dans d'autres territoires dans lesquels la loi de 1905 n'avait pas été introduits, ont apporté des éléments de réponse. Depuis la mise en vigueur de la réforme constitutionnelle de 2008, plusieurs décisions du Conseil constitutionnel, rendues sur des QPC, ont définis les modalités d'insertion du droit local dans le cadre constitutionnel. En fait, la réponse donnée par la récente décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2013 à ces questionnements ne surprend pas car, implicitement, la constitutionnalité du droit local des cultes était déjà admise (A) Le droit local peut même être qualifié d'élément de la tradition constitutionnelle française, même si le Conseil constitutionnel a entendu le maintenir dans un régime dérogatoire (B). Une autre décision récente du Conseil constitutionnel attribue au maintien du droit local le caractère d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République (C). Enfin, la décision du 21 février 2013 fonde le maintien du régime local des cultes sur la volonté des constituants (D). A. — La question de la constitutionnalité du droit local des cultes : une question implicitement tranchée dans un sens positif depuis de nombreuses années Si la procédure de question prioritaire de constitutionnalité n'a été instituée qu'en 2008, il était possible dès avant cette réforme constitutionnelle de faire valoir qu'une disposition antérieure à la Constitution qui est incompatible avec elle doit être regardée comme tacitement abrogée par cette dernière. Cette abrogation implicite des lois préconstitutionnelles incompatibles avec la Constitution a été réaffirmée avec netteté par la jurisprudence administrative27. Le Conseil d'État s'est ainsi a plusieurs reprises prononcé sur la constitutionnalité de certaines dispositions du droit local des cultes et il a réaffirmé leur maintien en vigueur28 , sauf sur des points accessoires29. Par conséquent, l'application constante de ces textes locaux relatifs aux cultes et notamment ceux concernant la rémunération des ministres du culte illustre qu'ils ont été implicitement mais nécessairement regardés comme conformes à la Constitution. Ceci vaut dans une certaine mesure aussi pour le Conseil constitutionnel. Celui-ci aurait pu à plusieurs reprises porter une appréciation sur certains aspects du droit local30. Il aurait également pu soulever d'office l'inconstitutionnalité du budget des cultes, lors de l'examen des lois de finances. Il ne l'a pas fait. Il doit donc être regardé comme ayant implicitement admis la non contrariété entre le droit local des cultes et la Constitution. B. — Le respect du droit local des cultes : un élément de la tradition républicaine Le régime local des cultes a été respecté par tous les gouvernements et régimes français successifs depuis 1918. Le maintien en vigueur d'un certain 4/12 nombre de dispositions propres à l'Alsace et à la Moselle correspond à l'engagement solennel pris par les autorités les plus élevées de l'État dès 1918 de respecter les traditions particulières des populations retournant à la France 31. Ces traditions concernent notamment les institutions religieuses et l'enseignement religieux à l'école publique32 . Ces domaines ont acquis une dimension « identitaire » manifestée par un attachement 0marqué de la population locale33 et bénéficient d'une protection politique forte. Au fil des ans, la plupart des règles de droit commun ont été progressivement introduites dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Mais cela s'est fait avec le consentement des représentants des populations concernées. Depuis 1919, la volonté des représentants élus des territoires concernés a pratiquement toujours été respectée, quant ils souhaitaient maintenir leurs dispositions locales. Lors des débats relatifs à la révision constitutionnelle ayant abouti à la création de la « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC), les parlementaires alsaciens-mosellans s'étaient inquiétés de l'usage de cette procédure contre le droit local. Le Gouvernement a déclaré qu'il était convaincu que ce droit était dans son principe en concordance avec la Constitution 34 . Un amendement visant à « constitutionnaliser » le droit local a été retiré après que l'on eut insisté sur l'inutilité d'une telle mention dans la Constitution, compte tenu de la reconnaissance de la légitimité du droit local. On peut donc affirmer que le pouvoir constituant a, à cette occasion, implicitement reconnu la légitimité d'un droit particulier à l'Alsace et à la Moselle. Cette volonté de respecter les traditions locales en matière de régime cultuel s'affirme encore aujourd'hui. Lorsque le candidat socialiste aux élections présidentielles a proposé de constitutionnaliser l'article 2 de la loi de 1905, il a pris soin de préciser que cette insertion dans la Constitution se ferait sous réserve des textes particuliers applicables en Alsace et en Moselle35. Ainsi donc, l'absence de remise en cause du régime alsacien-mosellan peut être regardé comme correspondant à une « convention à la Constitution » provenant d'une pratique régulière et effective des pouvoirs publics36. Certes, cette « convention constitutionnelle »37 constituée par l'absence de remise en cause du régime alsacien-mosellan des cultes, qui reconnaît le particularisme législatif spécifique des trois départements de l'Est, a un statut juridique incertain. La notion de convention à la constitution n'implique pas que celle-ci s'impose de facto comme une norme de rang constitutionnel. Mais elle signifie que les principes constitutionnels ne doivent pas être compris comme mettant en cause dans son principe le droit local des cultes. En effet, même prise dans son interprétation la plus étroite, cette coutume38, a pour le moins la signification d'exprimer une interprétation de l'intention du Constituant de ne pas porter atteinte à ce particularisme sans motif impérieux. Sans retenir cette notion de convention constitutionnelle, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 21 février 2013, du moins admis qu'il fallait tenir compte de l'intention des auteurs de la Constitution de ne pas remettre en cause le droit local des cultes39. C. — Le régime local des cultes couvert par un PFRLR Par sa décision Somodia 40, le Conseil constitutionnel a reconnu l'existence d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République garantissant la prise en compte du droit local. Selon ce principe, tant qu'elles n'ont pas été remplacées par les dispositions de droit commun ou harmonisées avec elles, les dispositions législatives et règlementaires particulières aux départements de l'Est peuvent rester en vigueur. Compte tenu de son caractère central pour le droit local, le régime des cultes doit être regardé, du moins pour ce qui concerne son existence même, comme protégé par le PFRLR. Certes, cette protection constitutionnelle constituée par le PFRLR ne s'étend pas à chaque disposition particulière du droit local. Comme tous les autres principes constitutionnels, ce principe est soumis pour chaque mise en œuvre au processus de « conciliation des normes constitutionnelles »41. Au cas par cas, après avoir « pesé » chaque règle de valeur constitutionnelle, le Conseil constitutionnel apprécie les conditions de prééminence ou de combinaison des normes constitutionnelles à appliquer de manière concurrente42. Il reconnaît au législateur la compétence de procéder à cette pondération et se réserve celle de sanctionner les solutions qui seraient disproportionnées 43 . Dans le cas soumis au Conseil constitutionnel dans l'affaire Somodia, celui-ci a considéré que le PFRLR de maintien du droit local était conciliable avec la norme constitutionnelle de la liberté d'entreprendre. De façon générale, ce PFRLR libère le droit local de la confrontation avec le principe d'égalité appliqué au plan territorial44. À l'instar du principe d'égalité au plan territorial, la reconnaissance du PFRLR relatif au droit local peut également exonérer ce dernier d'une confrontation avec le principe constitutionnel de laïcité de la République45. En effet, la recherche d'une « conciliation » du PFRLR de maintien du droit local avec le principe constitutionnel de laïcité serait peu cohérente. Si l'on reprend le raisonnement du Conseil concernant la volonté réitéré du législateur de maintenir le droit local, on doit nécessairement l'appliquer aussi à la partie la plus importante de ce droit, celle qui l'a en vérité « sanctuarisé », tant elle est centrale dans le particularisme alsacien-mosellan, à savoir le régime local des cultes. Certes, dans sa décision du 21 février 2013 le Conseil constitutionnel n'a pas suivi cette voie ; il a préféré faire référence directement à la volonté du constituant de ne pas remettre en cause le droit local. Mais cette position n'est pas non plus exclusive de la protection du droit local des cultes par le PFRLR relatif au droit local, du moins pour ce qui concerne l'application du principe d'égalité au régime cultuel local. D. — Le maintien du régime local des cultes correspond à la volonté du Constituant Après la remise en vigueur par l'ordonnance de 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine du droit local abrogé par le régime nazi, l'intention du Constituant de 1946, et encore bien davantage celui de 1958, était implicitement, mais nécessairement, de maintenir le droit local en général et plus précisément le droit local des cultes. Les discussions menées en 1946 autour du principe de laïcité font clairement apparaître que l'introduction de ce principe dans la Constitution n'avait pas pour objectif d'entrainer l'abrogation du droit local. La rédaction figurant à l'article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958 est partiellement issue de l'article 1 de la constitution du 26 octobre 1946 : « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». L'historique de l'introduction du mot « laïque » dans la Constitution de 1946 est bien connu 46 . Il résulte d'un amendement communiste destiné à constitutionnaliser la séparation des Églises et de l'État, ainsi que la non reconnaissance d'aucun culte par ce dernier47. Le MRP, dans les rangs duquel siégeaient la plupart des députés alsaciens et lorrains, acceptera l'amendement mais à la condition qu'il soit compris comme neutralité de l'État. L'amendement a finalement été adopté à l'unanimité en référence à cette idée de neutralité religieuse de l'État. En 1958, la formule sera reprise telle quelle sans grande discussion. Mais compte tenu des inquiétudes de l'épiscopat quant à la portée qui pourrait être donnée au concept, il a été décidé, sans doute au comité interministériel du 1er septembre, d'ajouter une formule destinée à son interprétation dans le sens du respect des convictions religieuses. C'est dans ces conditions qu'ont été rajoutées les phrases « Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Ce rajout a satisfait les milieux catholiques48 . Ainsi que le montrent les travaux préparatoires à l'adoption de la Constitution49 du 4 octobre 1958, l'intention des constituants n'a pas été d'adopter un texte constitutionnel incompatible avec la législation des cultes applicable en Alsace et Moselle. Dans sa décision du 21 février 2013, le Conseil constitutionnel a retenu cette interprétation du texte constitutionnel pour conclure à la compatibilité du régime local des cultes avec la Constitution : « il ressort tant des travaux préparatoires du projet de la Constitution du 27 octobre 1946 relatifs à son article 1er que de ceux du projet de la Constitution du 4 octobre 1958 qui a repris la même disposition, qu'en proclamant que la France est une 5/12 «République... laïque », la Constitution n'a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou règlementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l'entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l'organisation de certains cultes et, notamment, à la rémunération de ministres du culte ». Il faut ainsi comprendre l'intention des constituants comme n'ayant pas voulu porter atteinte au droit local des cultes. Cette volonté des constituants commande l'interprétation du texte constitutionnel : celui-ci ne saurait dès lors être qualifié d'incompatible avec le régime cultuel local. III. — LIMITES DE LA CONFORMITÉ DU DROIT LOCAL AVEC LE PRINCIPE CONSTITUTIONNEL DE LAÏCITÉ L'interprétation donnée de l'intention du Constituant comme n'ayant pas voulu remettre en cause le maintien du droit local des cultes laisse en ellemême ouverte la question de la concordance entre le droit local des cultes et le principe constitutionnel de laïcité. Mais le Conseil constitutionnel a également apporté une réponse sur ce plan : il a donné une définition du principe constitutionnel de laïcité qui est pour une large part en concordance avec le régime local des cultes, mais qui soulève également des éléments d'incompatibilité entre le régime local et le principe constitutionnel de laïcité50. Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 21 février 2013, défini la portée du principe constitutionnel de laïcité : « il en résulte la neutralité de l'État ; il en résulte également que la République ne reconnaît aucun culte ; le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes ; il implique que celle-ci ne salarie aucun culte ». Cette interprétation met en avant comme exigences positives la neutralité de l'État, le respect des croyances et le libre exercice des cultes. Comme exigences négatives, elle énonce l'absence de reconnaissance des cultes, l'absence de discrimination fondée sur la religion et l'absence de salariat des cultes. La plupart de ces éléments constitutifs du principe de laïcité peuvent être regardée comme respectés par le régime des cultes de droit local (A). Par contre, la condition du non-salariat entre en conflit avec ce régime local. Par ailleurs des explications doivent être données au sujet de la non reconnaissance et de la non discrimination (B). A. — Une interprétation du principe constitutionnel de laïcité largement en concordance avec le droit local Le Conseil constitutionnel a confirmé les interprétations jurisprudentielles et doctrinales distinguant entre « la laïcité législative et la laïcité constitutionnelle »51 . Toutes les options adoptées par le législateur et regardées usuellement comme constituant une mise en œuvre de la notion de laïcité n'ont pas nécessairement de valeur constitutionnelle. Encore moins est-il légitime d'identifier la portée du principe constitutionnel de laïcité avec les différentes visions politiques ou philosophiques qui se revendiquent de cette notion. À l'analyse, il apparaît au contraire que la laïcité constitutionnelle a une autre dimension que la laïcité s'exprimant dans diverses dispositions législatives. La définition de la laïcité donnée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 février 2013 est remarquable par la consécration du principe de la neutralité religieuse de l'État, mais aussi par ce qui n'est pas mentionné comme constitutif de celle-ci : la séparation et le non subventionnement au bénéfice d'une notion plus large de neutralité. 1. Neutralité, respect des croyances et libre exercice des cultes : composantes essentielles de la laïcité constitutionnelle. Le droit local des cultes peut apparaître comme conforté par l'interprétation retenue par le Conseil constitutionnel en tant que celui, d'une part, retient la neutralité comme critère essentiel de la laïcité constitutionnelle et en tant qu'il omet, d'autre part, de mentionner la séparation et le non subventionnement comme composante de la laïcité. 1. La neutralité, expression essentielle de la laïcité L'approche adoptée par le Conseil constitutionnel vient confirmer celle déjà développée par le Conseil d'État. Dans ses conclusions sur la requête dirigée contre l'accord entre la France et le Saint-Siège sur la reconnaissance des grades et diplômes 52, Rémy Keller note que «la portée du principe de laïcité a été peu à peu précisée par la jurisprudence. Il implique d'abord la neutralité des autorités publiques ». La discussion sur la constitutionnalité du droit local alsacien-mosellan a contribué à définir la laïcité constitutionnelle comme un principe de neutralité religieuse de l'État 53. Est neutre un État qui est aconfessionnel qui n'a pas par lui-même d'opinion religieuse particulière et ne soutient ni ne combat aucune idée religieuse déterminée. L'État n'a pas d'objectif religieux et ne doit pas avoir de motivation religieuse54. Il ne doit pas non plus avoir des finalités religieuses ou des mobiles religieux. Les critères de son action sont étrangers à des considérations religieuses. Il ne doit pas s'identifier à une croyance religieuse ou se mettre à son service. L'idée de neutralité signifie donc que l'ordre politique a ses objectifs propres qui sont séculiers 55. Elle est indispensable pour que l'État puisse assurer son rôle de médiateur et de garant de la paix intérieur au sein de la société. Cette conception correspond au régime local des cultes, qui vise non pas à favoriser tel ou tel culte mais à donner à l'État les instruments appropriés pour faire prévaloir l'intérêt public au regard du contexte religieux. L'État ne cherche ni à promouvoir une ou plusieurs religions déterminées, ni à exercer une pression sur les autorités religieuses ou sur les fidèles. Cependant, il a la possibilité de favoriser de façon générale les activités religieuses sans méconnaitre le principe de neutralité dans la mesure où il poursuit un intérêt public ou cherche à garantir ainsi la liberté effective de religion. Si l'État, en Alsace et Moselle comme sur le reste du territoire, n'a pas d'opinion religieuse, il prend cependant en compte les effets des opinions religieuses de ses citoyens et veille à ce qu'ils puissent satisfaire leurs besoins en matière religieuse en tant que ceux-ci sont l'expression de la liberté de religion. Dans ces conditions, la neutralité religieuse ne saurait être « incompétence » ni indifférence. La réalité religieuse fait partie du champ d'action de l'État au même titre que les autres faits sociaux. Les principes constitutionnels laissent une marge d'appréciation au législateur sur la manière dont ces objectifs sont mis en œuvre. L'interprétation du principe de neutralité tel qu'il est mis en œuvre en Alsace Moselle est conforme à celle qui lui est donnée dans de nombreux pays européens, notamment en Allemagne, où le principe de neutralité est affirmé par la Cour constitutionnelle mais dans un contexte qui distingue différents statuts pour les religions, certaines d'entre elles bénéficiant d'un statut public et de financements publics spécifiques 56. 2. La neutralité prime la séparation On peut dire que le principe de neutralité a acquis une primauté par rapport au principe de séparation, lequel est désormais perçu comme une modalité de mise en œuvre d'un principe plus important57. Cette analyse apparaît clairement dans l'avis du Conseil d'État du 3 mai 2000, Mlle Marteaux58 : dans cet avis, le Conseil d'État se réfère « au principe (...) de la laïcité de l'État et de la neutralité des services publics » ; dans cette expression, laïcité et neutralité de l'État sont mentionnées comme relevant d'un même principe59. Dans l'arrêt plus récent du Conseil d'État du 16 mars 2005 Ministre de l'Outre-mer60 , au terme duquel « le principe constitutionnel de laïcité implique neutralité de l'État et traitement égal des différents cultes », il est donné une définition du principe constitutionnel de laïcité dans laquelle il n'est pas fait mention de la séparation mais de la neutralité de 6/12 l'État. Cette analyse a été confirmée par divers arrêts relatifs au régime local d'Alsace-Moselle 61, dont il résulte que, contrairement à l'opinion d'une partie de la doctrine 62, les règles figurant à l'article article 2 de la loi de 1905 n'ont pas de portée constitutionnelle63. Dans son rapport sur la laïcité, le Conseil d'État souligne que celle-ci « doit à tout le moins se décliner en trois principes : ceux de neutralité de l'État, de liberté religieuse et de respect du pluralisme ». La séparation n'y prend qu'une place secondaire, marqué historiquement64 . On peut enfin évoquer la décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 200465 relative au Traité constitutionnel de l'Europe. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel ne se réfère pas au principe de séparation pour définir la République laïque, mais expose que la laïcité signifie que « les règles communes prévalent dans les relations entre les collectivités publiques et les particuliers »66 ; cette formulation est indirectement une référence à la neutralité, la loi commune étant l'instrument de cette neutralité. Certes le principe de neutralité implique sinon une séparation organique, du moins une claire distinction des rôles et des objectifs des instances publiques d'un côté, religieuses de l'autre67. Il suppose une autonomie effective entre les pouvoirs publics et les autorités religieuses. L'État ne doit pas être soumis au contrôle direct ou indirect d'autorités religieuses. Le principe de neutralité comporte ainsi dans une certaine mesure une règle de séparation68 : l'État et les autorités religieuses constituent des instances distinctes. Cette idée de séparation correspond à la même préoccupation que la « séparation des pouvoirs » : le « pouvoir » religieux doit rester, comme le pouvoir « médiatique », distinct du pouvoir politique. Séparation implique existence de centres de décision autonomes (donc séparation organique) et recours à des critères d'action différents (donc séparation fonctionnelle). Mais séparation ne signifie pas absence de relations ou de collaboration. Des relations peuvent exister entre deux autorités séparées, mais ces relations ne doivent pas se traduire par une confusion des responsabilités. On peut relever que, dans sa formulation traditionnelle pour le moins, le principe de séparation met l'accent sur les moyens : le régime cultuel déterminé par l'affirmation d'une différence organique, par la non-reconnaissance et par le non-subventionnement. Le principe de neutralité, de son côté, insiste sur les objectifs, sur le fond : la poursuite par l'État d'un intérêt général conçu comme différent dans sa nature même des intérêts religieux et comme capable de traiter de manière équitable les différentes et opinions religieuses. Le concept de neutralité correspond aussi à une autre problématique que celui de séparation : en 1905, le problème était celui des rapports des pouvoirs publics avec une institution plus ou moins concurrente, l'église catholique ; d'où le recours à un concept institutionnel, celui de la séparation ; depuis les années 2000, l'individualisation du « croire » fait que le paysage social est composé d'une pluralité d'opinions religieuses individuelles ou areligieuses fortement individualisées ; l'État n'est pas en concurrence avec ces opinions, mais se voit investi d'une obligation de gestion de cette diversité ; à cette fin, il doit pouvoir se placer en arbitre et son objectif est de garantir la coexistence pacifique entre ces différentes conceptions ; la neutralité est conçue à cet effet. 3. La neutralité prime la règle du non subventionnement L'un des principaux apports de la décision du 21 février 2013 est de confirmer que le principe constitutionnel de laïcité n'inclut pas une prohibition de subventions publiques aux cultes telle qu'elle figure à l'article 2 de la loi de 1905. Cette confirmation est particulièrement importante pour le droit local des cultes qui est caractérisé par des mécanismes de financement public aux cultes. L'affirmation de la valeur constitutionnelle de l'article 2 de la loi de 1905 avait été soutenue dans les années 1980 par une partie de la doctrine. En proclamant que la France est une République laïque69 la Constitution de 1958, après celle de 194670, aurait ainsi constitutionnalisé l'autonomie financière des religions et l'interdiction du financement public. Au fur et à mesure que la réflexion a progressé, la position consistant à établir une identité entre l'article 2 de la loi de 1905 et le principe constitutionnel de laïcité s'est révélée trop simpliste. L'insertion du concept de laïcité dans la Constitution, au demeurant par une majorité politique tout autre que celle qui avait adopté la loi de 1905, ne constitue pas une référence à cette seule loi de 1905, mais aussi à tous les aménagements et toutes les inflexions dont celle-ci avait fait l'objet entre-temps telles que les lois de 1907, 1908, 1942, le modus vivendi de 1924, le statut particulier de l'Alsace-Moselle 71, les statuts particuliers d'outre mer, etc. De façon plus technique, l'article 2 de la loi de 1905 pose une règle législative qui a fait l'objet de nombreuses exceptions par le législateur. Eriger le principe de non subventionnement public des cultes inscrit dans cet article 2 en principe constitutionnel conduirait à rendre inconstitutionnelles toutes les exceptions existantes et à interdire au législateur d'en instituer de nouvelles. Une telle une solution aurait rendu inconstitutionnel non seulement le régime des cultes d'Alsace-Moselle, mais aussi les nombreuses exceptions légales à l'article 2 de la loi de 1905 et les règles particulières applicables Outre Mer. En d'autres termes, il existe un lien étroit entre la solution donnée à la question de constitutionnalité du régime des cultes de droit local et la constitutionnalité des nombreuses modalités existant en droit commun en matière de financement des cultes, en particulier celles permettant aux pouvoirs publics d'entretenir, voire de financer la plus grande part du patrimoine cultuel français. Il aurait de surcroît été inadéquat de fixer à un niveau constitutionnel des règles rigides relatives aux modalités de soutien de l'État aux cultes. Un principe général de neutralité a sa place au niveau constitutionnel. Une règle de non subventionnement public des cultes appartient au pouvoir législatif ou réglementaire. Cette conception qui relativise le non subventionnement des cultes avait déjà été affirmée par la jurisprudence. La juridiction administrative a clairement tranché dans le sens de l'absence de caractère constitutionnel de la règle de non subventionnement des cultes72. Aux termes de l'arrêt du 16 mars 2005 : « Le principe constitutionnel de laïcité qui s'applique en Polynésie française et implique neutralité de l'État et des collectivités territoriales de la République et traitement égal des différents cultes, n'interdit pas, par lui-même, l'octroi dans l'intérêt général et dans les conditions définies par la loi, de certaines subventions à des activités ou des équipements dépendant des cultes ». Selon les conclusions du Commissaire du Gouvernement rendues sur cette décision, si « la loi de 1905 donne en quelque sorte une traduction du principe constitutionnel de laïcité, il va de soi que d'autres dispositifs législatifs peuvent être compatibles avec ce principe constitutionnel. Ainsi, la laïcité n'est pas incompatible avec le maintien des lois propres à l'Alsace-Moselle (...) dans ces départements, d'Alsace et Moselle, le principe de laïcité s'applique mais la loi permet la subvention publique au culte ». Si le Conseil constitutionnel ne s'était prononcé directement sur la portée du principe de non subventionnement avant sa décision du 21 février 2013, sa décision du 19 novembre 2004 placait implicitement la question du non subventionnement à un rang secondaire dans l'analyse du concept de laïcité. Cette analyse était par ailleurs confirmée par la décision du Conseil constitutionnel de 200973, par laquelle celui-ci affirme que le principe constitutionnel de laïcité ne fait pas obstacle à la possibilité pour le législateur de prévoir la participation des collectivités publiques au financement du fonctionnement des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association, alors même qu'ils auraient un caractère confessionnel. La jurisprudence récente du Conseil d'État a par ailleurs déjà assoupli l'interprétation de l'article 2 de la loi de 1905 en abandonnant la jurisprudence « Commune de Saint Louis 74 ». Une interprétation constitutionnelle allant à l'encontre de ce courant aurait été source de rigidités et de confusions. L'orientation donnée par cette jurisprudence a été finalement confirmée au plan constitutionnel : un financement d'activités religieuses n'est pas incompatible avec les principes constitutionnels dès lors qu'il est motivé par des objectifs d'intérêt général. B. — Les éléments d'incompatibilité entre le régime local et le principe constitutionnel de laïcité 7/12 Le Conseil constitutionnel a considéré que le principe constitutionnel de laïcité inclut la règle selon laquelle « la république ne salarie aucun culte ». Il convient d'analyser la portée et les conséquences de cette règle (1). Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a réaffirmé qu'en application du principe de laïcité « la République ne reconnait aucun culte ». Que signifie cette notion pour le droit local ? (2). Enfin, il a rappelé qu'en vertu de la Constitution, tous les citoyens sont égaux, sans distinction de religion. Ce principe est-il bien respecté par le droit local des cultes ? (3). 1. La question du non salariat Le droit local prévoit qu'un certain nombre de ministres des cultes appartenant aux cultes statutaires sont rémunérés par l'État. Cette rémunération est actuellement organisée par une loi locale du 15 novembre 1909. L'article 1 de cette loi pose le principe de la rémunération des ministres du culte et l'article 5 définit de manière nouvelle quels traitements sont alloués aux ministres des cultes. Sur le plan des modalités de rémunération, lesquelles relèvent du pouvoir règlementaire, c'est désormais un décret n o 48-1108 du 10 juillet 1948 qui définit un classement et un échelonnement indiciaire de ces ministres du culte. Ce classement a été modifié à plusieurs reprises depuis. La rémunération des ministres du culte prévue dans le cadre des régimes des cultes statutaires de droit local s'inscrit dans un ensemble75 dans le cadre duquel ont été pris en considération la réparation des dommages et spoliations causés durant la période révolutionnaire, la reconnaissance aux pouvoirs publics d'un droit de regard du personnel religieux (nomination, formation, etc.) et, le rôle de ce personnel dans l'organisation sociale (leur activité dépasse le seul cadre religieux). Ce régime a au fil du temps acquis une légitimité historique du fait du rôle des ministres des cultes durant les différents évènements historique vécus par les départements de l'Est (à chacun de ces bouleversements les ministres des cultes ont joué un rôle de protection et de stabilité pour les populations locales). C'est dans ces conditions que le maintien de ce régime a été promis aux populations recouvrées au moment de leur retour à la France. Il en résulte que cette rémunération a, pour les pouvoirs publics et pour la population, une signification historique culturelle et sociale. Le service public du culte s'est effacé au bénéfice du service public social et culturel. Certes, ce personnel reste un personnel cultuel, mais ce n'est pas la mission cultuelle qui motive la rémunération par l'État. Cette rémunération est aujourd'hui la contrepartie d'un aménagement complexe largement consensuel. Le Conseil constitutionnel a jugé que ce mode de soutien aux cultes n'était pas conforme au principe constitutionnel de laïcité. Cette appréciation peut se comprendre par le fait que le salariat crée un lien particulièrement étroit entre l'État et le culte concerné. Bien sûr, il y a là un soutien financier consenti aux cultes concernés, mais on peut s'interroger en quoi ce mode de financement est davantage contraire au principe de laïcité que par exemple le financement des lieux de cultes qui est couramment pratiqué. La distinction opérée par le Conseil constitutionnel entre le salariat des ministres des cultes et d'autres formes de financement des cultes parait artificielle. Ce qui importe du point de vue de la neutralité de l'État ne tient pas à la forme du financement, mais, d'une part, à l'existence d'un intérêt public de nature à justifier celui-ci et d'autre part, l'absence d'une possible utilisation de ce financement aux fins d'une ingérence de l'État dans les options religieuses du culte subventionné. Or, l'intérêt public lié au salariat d'un ministre du culte peut être aussi réel que celui concernant par exemple l'entretien d'un édifice cultuel. La loi de 1905 elle-même admet d'ailleurs le salariat pour des aumôniers d'hôpitaux ou de prison et dans d'autres cas de personnels religieux prenant en charge un service public. Par ailleurs, il faut remarquer que les règles de la loi de 1909 susmentionnée sont objectives et ne donnent guère prise à une ingérence des pouvoirs publics dans le fonctionnement des cultes concernés. L'ensemble du système de rémunération de ces agents cultuels est très proche du système de rémunération des agents publics et garantit leur autonomie. Si le financement public prenait la forme du versement d'une dotation globale au culte concerné, il n'y aurait plus salariat de ce culte, mais rien ne serait fondamentalement changé au regard du principe de la neutralité religieuse de l'État. Quoi qu'il en soit, l'incompatibilité ainsi relevée entre le régime local des cultes et le principe constitutionnel de laïcité n'a pas de conséquences pratiques sur ce mode de rémunération des ministres des cultes puisque, comme cela a été indiqué précédemment, le Conseil constitutionnel reconnaît que la volonté des constituants était de maintenir en vigueur ce régime cultuel local. On peut dès lors se demander s'il n'y a pas une certaine incohérence dans l'interprétation qu'il a donnée ici à la Constitution : selon la décision du Conseil constitutionnel, celle-ci entend maintenir le régime local des cultes significativement caractérisé par le salariat public de ministres du culte et néanmoins donner au principe de laïcité une portée qu'il est incompatible avec un salariat des cultes ! 2. La question de la « reconnaissance » de cultes Le Conseil constitutionnel a entendu aussi réaffirmer que le principe de constitutionnel de laïcité signifie que la république ne reconnaît aucun culte. Cette formule empruntée à l'article 2 de la loi de 1905 paraît simple en apparence, mais s'avère difficile à cerner. On peut s'interroger si, pour le Conseil constitutionnel, ce principe soulève une difficulté pour le droit local. En effet il est encore fréquent que l'on utilise l'expression « cultes reconnus » pour désigner les statuts particuliers applicables dans le cadre de ce régime particulier. Il faut cependant souligner qu'il ne s'agit là que d'une terminologie impropre et que le droit local des cultes n'est pas en contradiction avec ce principe. En 1905, la notion de reconnaissance d'un culte ou celle de culte reconnu constituait un concept doctrinal mais ne correspondait pas à un régime juridique précis. La terminologie « cultes reconnus / non reconnus » avait une connotation principalement pénale : les cultes « non reconnus » ne bénéficiaient pas de la liberté d'association ou de réunion et étaient soumis aux dispositions des articles 291 à 294 du Code pénal qui sanctionnaient la réunion non autorisée de plus de 20 personnes. En d'autres termes, le XIXe siècle restait marqué par d'importantes restrictions à la liberté de religion, restrictions allégées au cas par cas pour certains cultes qu'on a pris l'habitude de qualifier de cultes reconnus. En confirmant le libre exercice des cultes par son article 1, la loi de 1905 a consacré la fin de ces mesures restrictives à l'égard des cultes non reconnus76 et a, par la même occasion, remis en cause le concept de cultes reconnus. De son coté, le droit local a, lui aussi, supprimé les restrictions qui s'appliqueraient à des cultes « non reconnus ». La formule de non reconnaissance des cultes figurant à l'article 2 de la loi de 1905 avait aussi pour objet de prononcer la révocation du Concordat. Mais le principe constitutionnel de non reconnaissance d'un culte ne saurait pour autant signifier aujourd'hui l'interdiction de toute convention entre l'État et un culte. On n'a d'ailleurs jamais fait valoir après 1905 que l'intervention d'accords entre l'autorité publique et une organisation cultuelle contreviendrait à une règle d'interdiction de reconnaissance des cultes. Le « modus vivendi »77 de 1924 et les accords signés avec le St Siège n'ont pas été considérés comme contraire à l'article 2 de la loi de 1905. De même, les arrangements convenus entre le Ministre de l'Intérieur et des représentants du culte musulman pour organiser ce culte n'ont pas davantage été regardés comme une forme de reconnaissance78 contraire à l'article 2. Ni le principe constitutionnel de laïcité, ni aucun principe de non reconnaissance ne fait obstacle à ce que l'État passe des conventions avec des autorités cultuelles, voire un accord international avec le Saint-Siège. La République française a conclu le 18 décembre 2008 un accord avec le Saint Siège sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l'enseignement supérieur. Cet accord a fait l'objet d'une publication par un décret no 2009-427 du 16 avril 200979. Il a été contesté notamment au motif qu'il serait contraire au principe de laïcité et à la loi du 9 décembre 1905. Ces arguments ont été rejeté par le Conseil d'État80. La non reconnaissance d'un culte n'exclut pas davantage l'intervention d'une réglementation spécifique pour les cultes en général, voire l'existence de réglementations particulières pour certains cultes déterminés comme c'est le cas en Alsace-Moselle. Certains ont voulu voir dans l'expression « culte reconnu » une organisation de droit public puisque telle est encore aujourd'hui la caractéristique des cultes dits reconnus d'Alsace-Moselle 81. Mais la nature publique ou privée du régime juridique mis en œuvre ne constitue qu'un choix technique. Il faut 8/12 rappeler qu'au XIXe siècle, les cadres juridiques de référence étaient très limités et, par conséquent, la constitution de toute structure élaborée passait par le statut d'établissement public ou par celui assez semblable d'établissement d'utilité publique. Cette limitation des cadres juridiques disponibles a entraîné le recours au concept d'établissement public en dehors de la sphère proprement administrative. Il en a été ainsi pour les associations syndicales autorisées82 comme pour les établissements cultuels. Mais ce choix n'a concerné que l'organisation patrimoniale. Le procédé de la reconnaissance n'est donc pas lié à la nature publique ou privée du droit utilisé. Malgré l'importance qui lui est attribuée83, l'interprétation contemporaine de l'interdiction de « reconnaître un culte » ne fait pas l'objet de discussions juridiques approfondies. Ce flou est bien rendu par la formule84 : « La République ne reconnaît aucun culte, mais les connaît tous ». On peut estimer avec le Professeur Morange85 que si la notion de non reconnaissance a une valeur politique, on a des difficultés à en définir la portée juridique. Tout au plus pourrait-on lier la non-reconnaissance à l'absence de religion d'État86. Si tel et le sens que le Conseil constitutionnel a voulu donner à cette réaffirmation de l'absence de reconnaissance d'un culte, elle ne soulève guère de difficulté. On peut certainement convenir que la non confessionnalité de l'État constitue une composante du principe général de neutralité de l'État en matière religieuse. En tout cas, le droit local des cultes ne comporte pas une « reconnaissance » particulière de certains cultes. Cette législation locale organise à l'intention de certains cultes un régime juridique distinct de celui applicable aux cultes de droit commun, mais sans que ces règles particulières aient une signification de « reconnaissance » quant aux croyances concernées. Ces règles ont essentiellement un objet technique. Ainsi, quel que soit le sens que l'on puisse attribuer à la nouvelle règle constitutionnelle de non reconnaissance des cultes, le droit local ne la méconnait pas. 3. Le régime local ne méconnait pas l'égalité des citoyens En rappelant que les citoyens sont égaux sans distinction de religion, le Conseil constitutionnel a-t-il voulu laisser entendre que le droit local méconnaitrait ce principe d'égalité ? On peut en douter, mais ce point mérite néanmoins d'être précisé car il est fréquent qu'au principe d'égalité des citoyens soit substitué un principe d'égalité des cultes et que l'on reproche au droit local des cultes de ne pas respecter l'égalité entre les cultes. Or, il faut souligner que le principe d'égalité concerne les personnes et non les conceptions ou organisations cultuelles dont chacune est spécifique. En d'autres termes, l'article 1 de la Constitution consacre l'égalité des citoyens et non pas l'égalité des cultes. Ceux-ci ne sont ni égaux, ni inégaux. L'État respecte tous les cultes et toutes les croyances. Tel le sens du principe constitutionnel de laïcité et le Conseil constitutionnel a pris soin de ne pas reprendre les formules imprudentes évoquant une égalité de traitement entre les religions87. L'État est impartial quant il fait une appréciation objective des situations particulières qui correspondent à chaque culte et à chaque croyance. Les principes d'égalité et de neutralité n'exigent pas de l'État d'avoir la même position à l'égard de toutes les croyances. L'ordre constitutionnel de l'État français n'est pas vide de valeurs et par conséquent, il est légitime pour lui de promouvoir par rapport aux cultes ses propres valeurs, qu'elles soient en phase avec certaines conceptions religieuses ou en opposition avec d'autres. Ce n'est que dans le cas où le contenu du régime juridique applicable à des institutions cultuelles influerait sur la liberté de religion des citoyens qu'il pourrait aussi interférer avec le principe d'égalité. Si l'État n'a pas d'avis sur les conceptions religieuses, il ne peut se montrer indifférent par rapport aux incidences de celles-ci au plan de la société. Il en résulte qu'un État peut décider de traiter différemment des confessions selon des considérations objectives tirées de leur enracinement culturel, de leur effets sur la cohésion sociale ou d'autres facteurs historiques ou sociologiques dont la prise en considération est justifiable au regard de l'intérêt général et ne portent pas atteinte à la liberté de religion. L'État respecte le principe d'égalité lorsqu'il traite de manière identique les situations semblables et de manière distincte les situations différentes. L'existence de statuts différenciés est donc en conformité avec cette règle. La manière dont le droit local d'Alsace-Moselle gère ces différences est proche des pratiques suivies par de nombreux pays européens : l'idée de « contrats » de confiance entre les pouvoirs publics et les cultes veillant à s'inscrire dans le cadre constitutionnel n'est pas archaïque mais moderne. Ce modèle est en vigueur dans beaucoup d'États européens. Le doit local des cultes n'institue pas des différences par nature entre cultes statutaires et cultes non statutaires. L'égalité constitutionnelle est garantie par une égale attention de l'État à l'égard de toutes les religions, même si ses réponses peuvent être différentes en raison de considérations objectives et raisonnables. Le principe d'égalité implique-t-il pour le régime des cultes alsacien-mosellan que de nouveaux statuts particuliers puissent être établis pour d'autres cultes, si ceux-ci le demandent, s'ils apportent des garanties équivalentes et si la négociation avec les pouvoirs publics était menée à bonne fin ? On reproche souvent à ce régime local de discriminer les nouveaux cultes et notamment le culte musulman. Un député a même proposé qu'une loi prononce l'intégration du culte musulman dans le « droit concordataire » 88. Comme on l'a déjà relevé plus haut, la question est ainsi mal posée. L'accès d'autres cultes à des statuts particuliers 89 ne doit pas être exclu par principe. Mais il n'y aura pas d'extension à ces cultes d'un des statuts existants : ce sera tout au plus un nouveau statut spécifique90 . Par ailleurs, de telles dispositions devront respecter les principes légaux et constitutionnels applicables à la date de leur adoption. Les exceptions et dérogations dont bénéficent les statuts particuliers historiques ne pourraient pas s'appliquer à un droit nouveau91. Il reste que l'État a l'obligation de veiller à l'adaptation de ses règles juridiques au changement de circonstances. Pour les cultes statutaires existants, l'État doit se préoccuper de l'évolution de leur cadre juridique en fonction du nouveau contexte social et juridique. Quant aux cultes ne bénéficiant pas de tels statuts, l'État doit examiner de manière sérieuse leurs demandes éventuelles. Ces demandes ne peuvent être rejetées par principe. Elles doivent être traitées en fonction de critères publics objectifs, impartiaux et légaux. Telle a été la pratique dans les trois départements de l'Est à l'égard du culte musulman pour ce qui concerne l'aide apportée en matière de construction de nouveaux lieux de culte et pour l'aménagement approprié de lieux de sépulture. Dès lors qu'un tel accès n'est pas exclu par principe, mais seulement subordonné à des conditions équivalentes à celles auxquelles répondent les cultes statutaires actuels, il n'y a pas atteinte au principe d'égalité92. Ainsi, l'Alsace-Moselle dispose d'un régime juridique qui lui donne la possibilité de réagir de manière adaptée, transparente et plus efficace aux problèmes qui résultent aujourd'hui de l'évolution du paysage religieux français. En Alsace-Moselle, il est possible de financer de manière non occulte des bâtiments cultuels. La création d'instituts universitaires pour la formation de cadres religieux autres que catholiques ou protestants est légalement réalisable. L'enseignement religieux à l'école publique peut être ouvert à de nouveaux cultes si les conditions pratiques sont remplies. Le régime local est également favorable à la bonne entente interreligieuse et à l'intégration de convictions religieuses nouvellement présentes dans la région. Il permet aux communautés religieuses de participer à la vie sociale dans des conditions satisfaisantes. 1 – (1) Pour une vision d'ensemble de ce droit des religions en développement, voir : Francis Messner, Pierre-Henri Prélot, Jean-Marie Woehrling, Traité de droit français des religions, Éditions LexisNexis, 2e éd., 2013. o o 2 – (2) Cons. const. 21 février 2013, n 2012-297 QPC, Association pour la promotion et l'expansion de la laïcité (APPEL), JCP A, n 243, 18 mars 2013, note Jean-François Amédro ; AJDA 2013, no 19, p. 1108, note. Elsa Forey. Cette décision fait suite à une décision du 6 août 2011, no2011-157 QPC, Sté SOMDIA, RFDA 2011, p. 1209, note Jean-Marie Woehrling, qui a qualifié de principe fondamental reconnu par les lois de la République le maintien du droit local alsacien mosellan. 3 – (3) Jean Baubérot, Le Monde, 4/5 janvier 2004. 4 – (4) Jean-Marie Woehrling, Le statut public des cultes reconnus en Alsace-Moselle et le principe constitutionnel de la neutralité de l'État, in État et Religions en Europe – Les systèmes de reconnaissance, Institut du droit local alsacien-mosellan, Strasbourg 2004, p. 221. o 5 – (5) J.-M. Woehrling, Réflexions sur le principe de la neutralité de l'État en matière religieuse et sa mise en œuvre en droit français : ASSR 1998 n 101, p. 31-52. (6) Il n'y a pas seulement un droit local des cultes en France, mais plusieurs. En dehors des trois départements de l'Est, il y a aussi divers régimes 9/12 (6) Il n'y a pas seulement un droit local des cultes en France, mais plusieurs. En dehors des trois départements de l'Est, il y a aussi divers régimes 6– spécifiques dans plusieurs territoires et départements d'Outre-mer. Le régime de la loi de 1905 n'est qu'un régime « local » parmi d'autres. 7 – (7) Son maintien en vigueur a été voulu par le Parlement et réaffirmé à plusieurs reprises pas celui-ci. o 8 – (8) Voir le sondage réalisé par l'Institut du droit local (Revue de l'IDL, déc. 2005/janv. 2006, n 46). (9) Alors qu'il affirme une séparation stricte, le droit général comporte de nombreuses interventions en matière de cultes selon des modalités peu 9– transparentes, faiblement cohérentes et souvent empreintes de différences mal justifiées. 10 – (10) À l'occasion du centenaire de la loi du 9 décembre 1905, on a souvent entendu dire qu'il n'est pas nécessaire de la modifier puisque on peut corriger ses défauts en la contournant. 11 – (11) Divers textes récents ont modifié le droit local des cultes ou sont en cours d'instruction. Plus fondamentalement, l'interprétation actuelle du droit local des cultes a su profondément évoluer par rapport à celle du début du siècle dernier, afin de tenir compte du contexte actuel. 12 – (12) Il s'agit du culte catholique avec lequel un Concordat a été conclu, des cultes luthérien et calviniste et du culte israélite. Chacun des cultes dispose de son propre ensemble de textes définissant ses relations avec l'État (loi du 18 Germinal an X, décret du 30 décembre 1809, ordonnance du 25 mai 1849, décrets du 26 mars 1852 et du 19 mars 1859, décret du 29 août 1862, ces textes ayant été plusieurs fois modifiés). Il n'y a donc pas « un régime des cultes » reconnus mais « plusieurs régimes » statutaires, c'est-à-dire correspondant à des statuts particuliers. e 13 – (13) La notion de culte reconnu constitue un vocabulaire emprunté au XIX siècle qui ne correspond plus aux réalités actuelles ainsi qu'il sera expliqué ci-dessous (III B 2). 14 – (14) Le Concordat de 1801 complété par des accords spécifiques en ce qui concerne la faculté de théologie de Strasbourg et le Centre d'étude théologique de Metz. Conformément à l'interprétation qu'en donne ses parties, ce Concordat doit être interprété aujourd'hui autrement qu'il ne l'était au XIXe siècle. Un bon nombre de ses dispositions est devenu sans objet. Celles qui restent applicables sont mises en œuvre dans un esprit différent de celui de ces signataires d'origine, comme cela est normal pour une convention très ancienne. Ainsi, si le chef d'État a le pouvoir de nomination des évêques, il est clair qu'il se fie en pratique au choix du Souverain Pontife, lequel recueille ses observations éventuelles, de sorte que le résultat est très comparable à celui qui s'applique dans le reste de la France dans le cadre du modus vivendi de 1921. 15 – (15) Ces moyens de contrôle sont aujourd'hui fort peu utilisés, tant la confiance est grande entre les autorités publiques et les responsables religieux des cultes statutaires. Ils n'en constituent pas moins un aspect essentiel du « contrat » qui lie les institutions religieuses et l'État ; ils pourraient retrouver leur signification en cas de difficultés. 16 – (16) Outre les structures de droit public mises à la disposition des cultes statutaires, ces moyens concernent essentiellement la rémunération des responsables religieux, l'organisation de la formation des responsables religieux dans l'université publique et l'enseignement religieux à l'école publique. 17 – (17) C'est ce qui s'est passé en 1905 pour la « Vieille France ». 18 – (18) Cette idée de séparation est bien évidemment antérieure à la loi de 1905. Le Concordat de 1801 exprime déjà l'idée de séparation puisque deux institutions distinctes, l'État et l'Église, concluent une convention pour définir leurs relations. 19 – (19) C'est-à-dire notamment la volonté pour l'État de ne pas biaiser en déclarant close une fois pour toute la liste des cultes statutaires ou en refusant de prendre en considération sans justifications les demandes éventuelles de certains cultes. Ce type d'argument suppose aussi qu'aucune des parties ne cherche à abuser de sa position ou à méconnaître les termes de l'accord. 20 – (20) Au sujet du système de conventionnement espagnol avec les cultes (Commission européenne des droits de l'homme, 10 janvier 1992, Iglesia Bautista « El Salvador et Ortega Moatilla c/ Espagne, no 17522/90). 21 – (21) Les concepts de « reconnaissance de représentativité » et de participation d'institutions privées à des activités d'intérêt général, voire à des services publics constituent une des caractéristiques du système politique et administratif français. Cet esprit de « conventionnement » domine la vie économique, sociale et culturelle française. Pourquoi n'aurait-elle pas droit de cité en matière religieuse ? 22 – (22) Bien sûr, ce pouvoir d'influence ne porte pas sur les convictions religieuses elles-mêmes qui restent indifférentes à l'État mais sur les activités concrètes des organisations religieuses tant à l'égard de leurs fidèles qu'en relation avec le reste de la société. Dans certains cas, la frontière de l'intervention publique sera difficile à définit, mais tel est le cas aussi dans le régime de la loi de 1905. Des accords avec les organisations cultuelles permettent de mieux baliser les limites d'action de chaque partie et de mettre en place des mécanismes d'arbitrages en cas de difficulté, alors que dans un régime dépourvu de structures de coopération, il faut régler les difficultés au cas par cas. C'est exactement pour ces raisons que l'État français à finalement cherché à favoriser la constitution d'institutions représentatives du culte musulman. 23 – (23) Le système des dispenses de cet enseignement religieux est parfois critiqué. Mais il s'agit d'une mauvaise querelle. En pratique, on demande aux parents d'opter, soit pour la participation au cours de religion, soit pour la dispense. Si certaines personnes se sentent offusquées par le seul fait qu'on leur demande de faire un tel choix, elles représentent une extrême minorité : 92 % des parents estiment qu'une telle offre est une bonne chose, même s'ils sont bien moins nombreux à en faire usage. 24 – (24) Les caractères et le contenu de cet enseignement ont évolué avec le temps et font l'objet de débats très intéressants (voir Francis Messner et André Vierling, L'enseignement religieux à l'école publique, Strasbourg, Oberlin, 1998). 25 – (25) Le fait que l'on parle d'introduire « le fait religieux » à l'école démontre à lui seul qu'il en est souvent absent. 26 – (26) On pourrait cependant faire valoir qu'il a retardé et atténué ces évolutions. 27 – (27) CE Ass., 16 déc. 2005, Min. des Aff. Soc. et Synd. Nat. des huissiers de justice, RFDA 2006, p. 41, concl. Stahl. Le Tribunal administratif de Strasbourg a ainsi relevé l'incompatibilité avec la Constitution d'une disposition de droit local concernant un régime des pensions limitant aux seules femmes le bénéfice d'un mécanisme de réversion : TA Strasb., 14 août 1997, Maronèse, AJDA 1998, p. 448, note J.-M. W. 28 – (28) Par ex. s'agissant du droit local des associations, CE, 3 févr. 1976, Église évangélique méthodiste, AJDA 1976, p. 207, concl Galabert ; Ass., 22 janv. 1988, Association Les Cigognes AJDA 1988, p. 151 ; RFDA 1988, p. 95, concl. Stirn ; en ce qui concerne le droit local des cultes, CE, 6 avril 2001, SNES, AJDA 2002, p. 63, note Toulemonde ; Rev. Dr. Canonique 2002, p. 173, concl. Mignon ; en matière de droit local de l'enseignement, CE, 6 juin 2001, Archevêque de Strasbourg, no 062546. 29 – (29) Les sections administratives du Conseil d'État ont eu l'occasion, en matière de régime des congrégations, de constater l'abrogation implicite de dispositions de droit local en raison de leur incompatibilité avec le principe constitutionnel d'égalité entre les sexes : CE, sect., Int. : EDCE 1990, n o 92, p. 81 et 83. — CE, sect. Int. avis n o 355-149, 16 nov. 1993 : EDCE 1993, p 353 ; RDL no 12, mai 1994, p. 19, note Bonne. o 30 – (30) Ainsi, dans sa décision n 93-332 du 13 janvier 1994 concernant la loi relative à la santé publique et à la protection sociale, il a examiné, sans mettre en cause sa validité, l'article 85 de cette loi qui modifie le mode de calcul d'une prime propre à l'Alsace-Moselle et dans sa décision 92-305 DC du 21 février 1992 il a estimé conforme à la constitution une réforme de la carrière des juges du livre foncier propre aux trois départements de l'Est. S'il a annulé par sa décision 2000-434 du 20 juillet 2000 une disposition législative nouvelle concernant le droit local de la chasse, c'est sans mettre en cause la constitutionnalité de ce droit. De même, une décision 99-914 DC du 8 juillet 1999 annule une disposition relative à une instance propre aux trois départements, mais uniquement parce qu'elle correspond à un cavalier budgétaire. De façon générale, le Conseil constitutionnel n'a jamais fait usage de la technique du contrôle incident de constitutionnalité dans les contestations concernant le droit local. Voir par ex. Cons. const n o 82-153 DC du 14 janv. 1983 Loi relative au statut général des fonctionnaires. 31 – (31) On peut citer par exemple la parole du maréchal Joffre prononcée à Thann en novembre 1914 : « la France vous apporte [...] le respect de vos libertés alsaciennes, de vos traditions, de vos convictions, de vos mœurs ». 32 – (32) Voir le Jurisclasseur Alsace-Moselle, en particulier les fascicules 30 et 100. 33 – (33) Dans l'opinion locale, le droit local a acquis une valeur emblématique de charte régionale. Il est souvent compris comme le statut qui a permis de garantir la paix religieuse et civile, la protection sociale, la justice économique dans la région, ainsi qu'une gestion efficace des choses régionales. Il est ainsi perçu comme une propriété collective de l'Alsace et de la Moselle. e 34 – (34) Voir les débats relatifs au projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la V République, article additionnel après l'article 26, Sénat 16 juillet 2008 ; Assemblée nationale 9 juillet 2008. (35) Dans son projet, François Hollande propose d'insérer à l'article 1er, de la Constitution un deuxième alinéa ainsi rédigé : « La République assure la 10/12 er 35 – (35) Dans son projet, François Hollande propose d'insérer à l'article 1 , de la Constitution un deuxième alinéa ainsi rédigé : « La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecter la séparation des Églises et de l'État, conformément au titre de la loi de 1905, sous réserve des règles particulières applicables en Alsace et Moselle ». (Dépêche AFP du 26 janvier 2012). 36 – (36) Philippe Ségur, Le principe constitutionnel de laïcité, Annales de l'université des sciences sociales de Toulouse, 1996, p. 117. 37 – (37) Félicien Lemaire, « Les conventions constitutionnelles dans le système juridique français », Rev. Fr. dr. Const., 35, 1998, p. 451. o 38 – (38) Bouvier, Le Conseil constitutionnel et la coutume : Droits n 3, p. 21. 39 – (39) Voir ci-dessous D. o 40 – (40) Cons. const., 5 août 2011, n 2011-157 DC, RFDA 2012, p. 131, note J.-M. Woehrling. 41 – (41) Bertrand Matthieu et Michel Verpeaux, Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, LGDJ, 2002, p. 287 et 474. 42 – (42) Décision DC-105 DC ; G. Drago, « La conciliation entre principe constitutionnels », D. 1991, p. 325. 43 – (43) Par exemple en matière de cumul de pensions et de revenus d'activités en ce qui concerne la conciliation du droit pour chacun de disposer d'un emploi et les mesures devant permettre au plus grand nombre d'accéder à un emploi (décision 81-134). 44 – (44) Le Conseil constitutionnel utilise la formule un peu curieuse de « principe d'égalité entre les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, d'une part, et les autres départements, d'autre part ». Il s'agit plutôt du principe interdisant une différence de traitement normatif entre les différentes parties du territoire national qui ne serait pas justifié par des motifs objectifs et raisonnables. 45 – (45) Jurisclassseur Alsace-Moselle, fasc. 230. 46 – (46) Voir en particulier, Pierre Henri Prélot, La religion en droit constitutionnel français, in Samim Alkgönül (dir.) Laïcité en débat, Presses universitaires de Strasbourg, 2008, p. 109. 47 – (47) On peut rappeler que le projet constitutionnel du 19 avril 1946 comportait une déclaration des droits de l'Homme dont l'article 13 disposait « Nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions ou croyances en matière religieuse, philosophique ou politique. La liberté de conscience et des cultes est garantie par la neutralité de l'État à l'égard de toutes les croyances et de tous les cultes. Elle est garantie notamment par la séparation des églises et de l'État, ainsi que par la laïcité des pouvoirs et de l'enseignement publics ». 48 – (48) Sur l'historique de l'élaboration de ce texte voir aussi Pierre Langeron, Liberté de conscience des agents publics et laïcité, Économica – Presses Universitaires de Marseille, 1986, p. 76 et s. 49 – (49) Les évêques de Strasbourg et de Metz (Mgr Weber et Heintz) s'étaient inquiétés auprès du Général de Gaulle de l'incidence de la future Constitution sur le régime des cultes et sur la portée du terme « La France est une République laïque ». Celui-ci avait répondu « Laissez-moi vous dire que cette expression est la simple constatation du caractère non confessionnel de l'État, caractère qui a toujours été reconnu par l'Église de France. Il ne saurait en résulter aucune incidence sur le statut spécial des départements d'Alsace et de Moselle en ce qui concerne les cultes et le écoles. » publié par François Igersheim à la Revue des Sciences sociales, janvier 2012. 50 – (50) Les indications du Conseil constitutionnel peuvent être regardées dans un certain sens comme superfétatoire : ayant constaté que les constituants n'ont pas voulu abroger le droit local des cultes, il pouvait constater que ce dernier n'est pas inconstitutionnel sans préciser quel est le contenu du principe constitutionnel de laïcité. La partie de la décision définissant le principe de laïcité constitue une sorte d'obiter dictum . o 51 – (51) Maurice Barbier, « Pour une définition de la laïcité », Revue Le Débat, n 134, mars avril 2005, http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/0205Barbier-FR-3.pdf ; Olivier Dord, « L'affirmation du principe constitutionnel de laïcité de la République », in L'architecture du droit, Mélanges Troper, Économica 2006, p. 407. o 52 – (52) CE Ass., 9 juill. 2010, Fédération nationale de la libre pensée, n 327663, RFDA 2010, p. 980. 53 – (53) Jean-Marie Woehrling, Réflexions sur le principe de la neutralité de l'État en matière religieuse et sa mise en œuvre en droit français, Arch. de Sc. Soc. des Rel. 1998 (101), p. 42. 54 – (54) On parle parfois d'un principe de non identification de l'État avec une confession religieuse : A. Auer, G. Malinverni, M. Hottelier, Droit constitutionnel suisse, Stämpfli Editions, Berne, 2000, T. II, no 494. 55 – (55) On en déduit hâtivement par esprit de parallélisme que les religions elles aussi devraient être « neutres » par rapport aux options politiques. Tel n'est pas le cas. La neutralité est une option de l'État occidental et démocratique. Mais il ne peut imposer celle-ci aux confessions religieuses, lesquelles peuvent fort bien avoir des engagements politiques marqués et ont le droit de les exprimer notamment dans le cadre électoral. Cette absence de parallélisme dans la neutralité entre l'État et les religions a bien été mise en lumière par le Conseil d'État dans son avis du 29 novembre 1989 sur le port du foulard à l'école : c'est le service public qui doit être neutre et non les usagers. Pour interdire ce port, il a fallu une loi spéciale. 56 – (56) BVerfG 105, 279. o 57 – (57) Jean-Marie Woehrling, « Le principe de neutralité confessionnelle de l'État », Revue Société, Droit & Religion, n 1 CNRS éditions 2010, p. 63. 58 – (58) Rec., p. 169, RFDA 2001, p. 146, concl. Schwartz. o 59 – (59) Il est vrai que dans un arrêt du 15 oct. 2003 (Odent, n 244428) relatif à une sanction infligée à un agent public qui avait utilisé son adresse électronique professionnelle pour diffuser des messages relatifs à une association religieuse, « principe de laïcité » et « obligation de neutralité » sont distingués. Mais étaient visés en l'espèce d'une part le principe de laïcité de l'État et d'autre part l'obligation de neutralité s'imposant aux agents publics. o 60 – (60) CE, 15 mars 2005, Min. Outre-Mer, AJDA 2005 p. 1463, note Claude Durand Prinborgne ; RFDC 2005, p. 631 ; Rev. Droit Local 2004, n 44, p. 19 note Jean-Marie Woehrling. o 61 – (61) CE, 16 mars 2005, Min. Outre-Mer, AJDA 2005 p. 1463, note Claude Durand Prinborgne ; RFDC 2005, p. 631 ; Rev. Droit Local 2004, n 44, p. 19, note Jean-Marie Woehrling. 62 – (62) Sur une présentation critique de celle-ci, voir. J.-M. Woehrling, Réflexion sur le principe de la neutralité de l'État en matière religieuse et sa mise en œuvre en droit français : Archives de Sciences Sociales des Religions, 1998, no 101, p. 31 à 52. 63 – (63) Sur cette question, voir : J.-M. Woehrling, « L'interdiction pour l'État de financer ou de reconnaître un culte : quelle valeur juridique ? », RDP 2006, p. 1633. o 64 – (64) Rapport public 2004, Un siècle de laïcité, EDCE n 55, La Documentation française, 2004. o 65 – (65) Décision n 2004-505 DC du 19 novembre 2004 relative au Traité établissant une Constitution pour l'Europe. er 66 – (66) Aux termes de cette décision du 19 novembre 2004 : « les dispositions de l'article 1 de la Constitution aux termes desquelles « la France est une République laïque », (...) interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers » et s'opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté... de croyance » ; 67 – (67) C'est ce que souligne la Cour européenne des droits de l'Homme dans son arrêt Hassan et Tchaouch c/ Bulgarie (26 oct. 2000) en mettant l'accent sur le caractère indispensable d'une autonomie à reconnaître aux communautés religieuses. 68 – (68) Les deux notions si elles sont proches ne se recoupent pas : il peut y avoir séparation, sans véritable neutralité, mais il ne peut y avoir neutralité sans séparation. 69 – (69) Constit., 4 oct. 1958, art. 2. 70 – (70) À propos de l'enseignement : « L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'État » (Constit., 27 oct. 1946, préambule). 71 – (71) Sur les caractéristiques de ce statut et leur compatibilité avec la Constitution, voir Jean-Marie Woehrling, Le statut public des cultes reconnus en Alsace-Moselle et le principe constitutionnel de la neutralité de l'État, in État et Religions en Europe –Les systèmes de reconnaissance, Institut du droit local alsacien-mosellan, Strasbourg 2004, p. 221. o 72 – (72) CE, 16 mars 2005, Min. Outre Mer n 265 560 confirmant CAA Paris, 31 décembre 2003 ; AJDA 2005, p. 1463, note Claude Durand, Prinborgne ; RFDC (63) 2005, p. 631, note Olivier Guillaumont ; Rev. Droit local 2005 n o 44, p. 19, note Jean-Marie Woehrling. o o 73 – (73) Conseil constitutionnel, 22 octobre 2009, Décision n 2009-591 DC, Loi n 2009-1312 du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur 11/12 commune de résidence : Les requérants faisaient valoir qu'en renforçant les transferts financiers de fonds publics vers des organismes rattachés à des associations confessionnelles ou cultuelles, la loi déférée était contraire au principe de laïcité. 74 – (74) CE, 9 octobre 1992, Commune de St-Louis-de-la-Réunion et Association Shiva Soupramanien de Saint-Louis, AJDA 1992, p. 817, concl. F. Scanvic, JCP 1993-II-126 note Ashworth. o 75 – (75) Sur le détail de cette règlementation, voir le Jurisclasseur Alsace-Moselle n 232. 76 – (76) Ces restrictions avaient déjà été partiellement écartées par l'adoption de la loi de 1901 sur les associations. 77 – (77) Ensemble d'ententes ayant pour portée le caractère d'accords diplomatiques en forme simplifiée ou d'actes contractuels ou de décisions gouvernementales concertés s'échelonnant entre 1921 et 1924 portant sur les modalités de nomination des évêques et la constitution d'associations diocésaines (complétés par divers accords sur les travaux liturgiques conclus avec les représentants de la France). o 78 – (78) Voir la réponse ministérielle. à la question écrite n 25755 concernant la création du Conseil islamique de France publiée le 11 juin 1990. (79) On peut aussi citer la convention entre le Saint-Siège et la République française du 25 mai 1974 relative au centre autonome de pédagogie 79 – religieuse de l'Université de Metz. o 80 – (80) CE, Ass. 9 juill. 2010, Fédération nationale de la libre pensée, n 327663, RFDA 2010, p. 991, concl. Rémi Keller, note Thierry Rambaud et Agnès Roblot-Troizier. 81 – (81) La législation propre aux départements de la Moselle du bas Rhin et du Haut-Rhin n'utilise pas le terme « cultes reconnus ». On parle de « cultes dont les ministres sont salariés par l'État » (voir par ex. l'article L. 2543-3 3 o du Code Général des Collectivités Territoriales). o 82 – (82) T. confl., 9 déc. 1899, Ass. Synd. du Canal de Gignac, GAJA n 7. Cet arrêt consacre le caractère d'établissement public des associations syndicales autorisées de propriétaires. 83 – (83) Ainsi, est-il affirmé que « le principe de non-reconnaissance peut être considéré comme l'axe central, la poutre maîtresse de l'édifice que constitue la laïcité française (Rita Hemon Belot et Sébastien Fath, « La République ne reconnaît aucun culte », Arch. de Sc. Soc. des Religions, 2005 (129), p. 7. Mais on ne précise pas en quoi consiste ce principe si important. 84 – (84) Elle a été reprise notamment par M. Alain Boyer : « La République ne reconnaît plus juridiquement aucun culte, mais elle les connaît tous » in La République ne reconnaît aucun culte, Arch. des Sciences Soc. des Religions 129 (2005). 85 – (85) Jean Morange, « Peut-on réviser la loi de 1905 », RFDA 2005 p 157. 86 – (86) La notion de « religion d'État » est d'ailleurs difficile à manier. Dans certains pays où une religion dispose formellement d'un statut de religion d'État, le processus de séparation et de sécularisation est dans les faits extrêmement avancé (Royaume-Uni, Danemark). Inversement, ne faut-il pas considérer que comme cela est dit parfois, l'affirmation d'un certain « catéchisme républicain » pourrait s'analyser comme à une véritable religion d'État. La question se pose donc combien de neutralité philosophique de l'État est nécessaire pour qu'il y ait vraiment absence de religion d'État ? o 87 – (87) Voir par exemple CE, 16 mars 2005, Min. Outre-Mer, n 265560 : « le principe constitutionnel de laïcité... implique neutralité de l'État et des collectivités territoriales de la République et traitement égal des différents cultes... ». 88 – (88) Une proposition de loi du député François Grosdidier tend « à intégrer le culte musulman dans le droit concordataire d'Alsace et de Moselle » (proposition n o 3216 du 28 juin 2006). Sur cette question, voir : Jean-Marie Woehrling, le droit local et la question de la reconnaissance du culte musulman, Revue du Droit Local 2006, no 41, p. 21 s. 89 – (89) La question est essentiellement celle d'un statut particulier pour le culte musulman (Jean-Marie Woehrling, « Le droit local et la question de la “reconnaissance” du culte musulman », Rev. Droit Local 2006 no 49, p. 31). 90 – (90) Chacun de ces statuts peut comporter des éléments plus ou moins nombreux. Quatre secteurs sont habituellement distingués : l'aide aux bâtiments cultuels, le financement des personnels religieux, la formation de ces personnels, l'enseignement religieux ; ces quatre secteurs sont autonomes les uns par rapport aux autres. o 91 – (91) C'est ce qui ressort de la décision du Conseil constitutionnel Somodia (du 6 août 2011, n 2011-157 QPC) sus mentionnée (note 1). La garantie du maintien du droit local vaut pour les dispositions existantes et pour les modifications de celles-ci qui n'accroissent pas les différences de traitement et n'élargissent pas leur champ d'application. Si l'on veut créer de nouvelles règles locales, cela doit se faire dans le respect des règles constitutionnelles. Sur ce point voir : Jean-Marie Woehrling, La décision du Conseil constitutionnel sur le droit local alsacien-mosellan : consécration ou restriction ?, RFDA 2012, p. 131 s. o 92 – (92) TA Strasbourg, 18 oct. 1993, Ass. Musulmans en Alsace, req. n 931486. 12/12