publique, à la cohésion sociale, à l'éducation morale, à l'esprit de solidarité, à la transmission d'un patrimoine culturel...) ; il dispose en échange de
garanties quant à la compatibilité des enseignements de ces cultes avec ses propres objectifs et valeurs ; il bénéficie de moyens de dialogue et de
contrôle grâce à la constitution d'institutions cultuelles transparentes et responsables . En contrepartie, il attribue des moyens juridiques,
institutionnels et financiers ; il assure la participation de ces cultes à certaines activités publiques et leur présence dans la vie publique. Les deux côtés
tirent avantage de ces arrangements réciproques. En cas de difficulté, ceux-ci pourraient être rompus par l'une ou l'autre partie .
Ces statuts sont propres à chaque religion, à son histoire et à ses spécificités. Ils ne sont donc pas identiques, ce qui peut donner l'impression que le
principe d'égalité n'est pas respecté. Cependant, le principe d'égalité bien compris consiste non pas à traiter tous de manière identique, mais chacun
en fonction de sa situation propre.
Comme ces systèmes statutaires sont anciens, ils ont été organisés en fonction des traditions juridiques correspondant à leur époque de création. Ainsi
les institutions cultuelles correspondantes ont-elles souvent adoptées des formes empruntées au droit public, car le droit privé de l'époque n'offrait pas
de cadre adéquat. Néanmoins, il faut interpréter ces instruments juridiques à la lumière des conceptions actuelles, c'est-à-dire dans le sens d'une
séparation de l'État et des institutions religieuses .
Comme déjà relevé, l'archaïsme relatif des textes organisant ces statuts particuliers a pu être compensé sur beaucoup de points par une pratique
conforme aux principes contemporains de laïcité et de liberté religieuse. Toutefois, des aménagements de textes seraient nécessaires. Des
modifications sont déjà intervenues dans un passé récent, mais devront encore être poursuivies pour remédier à des inadéquations. Il s'agit là d'un
exercice délicat qui semble rebuter les deux parties, l'État comme les cultes concernés, mais qui est souhaitable.
De nouveaux arrangements peuvent en principe être conclus avec d'autres cultes à leur demande. Mais, devront correspondre au cadre juridique actuel
qui n'est plus celui des statuts anciens. De plus, il faut rappeler que chaque statut est spécifique au culte concerné. L'idée d'une extension à un autre
culte de l'un des statuts existant actuellement est donc erronée. A chaque fois, cela suppose une négociation et un aménagement spécifique prenant
en compte les particularités de la situation.
Ces rapports spécifiques de coopération ne remettent pas en cause la neutralité de l'État, ni la séparation de l'État et des organisations religieuses :
— l'État ne poursuit aucun objectif religieux dans ses rapports avec les autorités religieuses. L'aide dispensée est la contrepartie des avantages collectifs
résultant de cette coopération. Ce n'est que parce qu'il existe un intérêt public que le financement du culte est légitime ;
— les rapports de type conventionnel en question ne mettent pas en cause l'autonomie des parties concernées ; chacun peut y défendre ses intérêts.
2. 2.
Les cultes relevant du droit communLes cultes relevant du droit commun
Les cultes pour lesquels il n'existe pas de tels arrangements, soit parce qu'ils n'en ont pas exprimé le souhait ou le besoin, soit parce qu'aucun accord
n'a pu être trouvé ou encore parce qu'ils ne rempliraient pas les conditions (représentativité, organisation responsable, garantie d'insertion sociale,
compatibilité avec les objectifs sociaux de l'État...) pour qu'un accord puisse être conclu, bénéficient du régime de droit commun : ils ont la liberté
religieuse ; ils disposent d'institutions juridiques leur permettant de s'organiser de manière satisfaisante. Ils n'ont pas les avantages, mais non plus les
obligations liés à un accord de coopération. Ils peuvent néanmoins recevoir certaines aides financières ou autres des pouvoirs publics. Mais, à défaut de
cadre statutaire, ces aides sont attribuées librement par les autorités (sous la seule réserve qu'elles puissent justifier raisonnablement de leur choix).
En Alsace-Moselle, ces cultes « non statutaires » ont des conditions d'exercice dans l'ensemble plus favorables que dans le reste de la France : le cadre
juridique de l'association religieuse de droit local offre une liberté plus grande que celui de l'association cultuelle ; leur accès aux subventions est plus
large ; ils ont les mêmes droits que les cultes « statutaires » en ce qui concerne l'envoi d'aumôniers dans les hôpitaux ou les prisons ; le droit local des
sépultures confessionnelles peut leur être appliqué, etc.
Dès lors qu'un tel système distinguant un régime cultuel de droit commun et un régime de cultes statutaires est géré correctement , il offre de
nombreux avantages. Il est conforme au principe de non-discrimination, ainsi que cela a été jugé par les organes de la Convention européenne des
droits de l'homme . Il permet à l'État de mieux remplir ses objectifs et lui donne de meilleures garanties . Il ouvre des conditions de
fonctionnement différenciées pour les cultes en fonction de leurs demandes et de leurs caractéristiques. Mais surtout, il constitue (paradoxalement) la
meilleure manière de traduire le principe de neutralité.
Tout système de rapports entre les institutions publiques et les institutions religieuses a des difficultés pour réaliser une véritable neutralité. Une
séparation absolue sous la forme d'un refus de prise en compte serait en réalité une obstruction à l'égard des religions. Une égalité absolue sans
distinction est un leurre, alors que certaines religions sont étroitement enracinées dans l'histoire et la culture du pays et que d'autres sont nouvelles et
éloignées des préoccupations publiques, que certaines convictions religieuses participent activement à la cohésion sociale, alors que d'autres
présentent des dangers pour celle-ci, que certaines ont beaucoup de fidèles et d'autres sont très marginales, que certaines ont une assise sociale
importante et d'autres sont limitées à des activités rituelles privées...Il faut gérer équitablement les situations particulières : le système alsacien-
mosellan est davantage en position de le faire que le système de la loi de 1905.
Pour les cultes ne disposant pas de statuts particuliers, qui sont souvent mais pas exclusivement des cultes nouvellement présents dans la région, on
s'interroge parfois s'ils ne pourraient pas eux aussi accéder à un statut particulier. Cette question est fréquemment posée en des termes inadéquats, à
savoir la « reconnaissance » de « nouveaux cultes ». Or, en Alsace-Moselle, comme dans le reste de la France, il n'y a pas de « reconnaissance ». Il serait
également erroné d'imaginer une extension à d'autres cultes des statuts historiques existants puisque ceux-ci correspondent à des mécanismes
juridiques fabriqués au 19e siècle, même s'ils sont aujourd'hui appliqués dans un esprit contemporain. Il faudrait au contraire rechercher des modalités
qui correspondent au contexte juridique actuel et aux problèmes spécifiques d'aujourd'hui de ces nouveaux cultes. La philosophie générale de
coopération et de concorde, prenant la forme d'avantages et de concessions réciproques, qui est la base du système des cultes statutaires, pourrait
cependant servir d'inspiration pour des aménagements concernant d'autres cultes.
B. — B. —
L'enseignement religieux dans les écoles publiques d'Alsace-MoselleL'enseignement religieux dans les écoles publiques d'Alsace-Moselle
Une des caractéristiques du régime juridique propre aux trois départements de l'Est tient à l'exercice d'un enseignement religieux assuré dans les
écoles publiques.
Contrairement à ce qui est parfois affirmé, cet enseignement est facultatif pour les élèves , comme en atteste le fait que sa fréquentation est assez
réduite au niveau du lycée. L'existence d'un enseignement religieux ne porte pas atteinte en soi à la neutralité du service public de l'enseignement.
L'absence d'une telle offre à la disposition des élèves est plutôt moins neutre que son existence. Un système d'enseignement dont la réalité religieuse
est absente est un enseignement athée et non pas neutre . Grâce à cette législation locale, l'Alsace-Moselle n'a pas connu de guerre scolaire, mais a
bénéficié d'une bonne coopération entre l'éducation nationale, l'enseignement privé et les autorités religieuses.
L'offre d'enseignement religieux ne concerne actuellement que les seuls cultes statutaires. Ceci ne constitue cependant pas une discrimination, car ces
cultes sont les seuls à avoir aménagé cet enseignement d'une manière qui lui permette de fonctionner effectivement. En effet, pour qu'un tel
enseignement puisse être proposé, il doit être organisé par le culte concerné, qui, sous le contrôle des autorités académiques, définit les programmes
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