et la complaisance des gouvernements et de l’ensemble des agents
économiques face aux facilités de l’endettement.
Cette crise, immédiatement perçue comme étant de
gravité historique, a suscité un ardent désir de rédemption : pour
échapper à ses conséquences catastrophiques (la rédemption
« keynésienne ») ; pour briser le cycle de crises récurrentes (la
rédemption par la régulation de la finance) ; pour moraliser la
sphère de l’économie (la rédemption par l’éthique). Dans ce
contexte, certains regards occidentaux se sont tournés vers les
principes de l’économie et de la finance islamiques, promus
comme modèle d’économie et de finance éthiquement responsable,
véritable alternative au modèle traditionnel (c’est-à-dire occidental)
en banqueroute et frappé de faillite morale.
Ce ne serait pas la première fois que l’Occident s’inspirerait
de pratiques venues d’Orient, et particulièrement, du monde
musulman, arabe ou turc, comme en attestent les emprunts du
vocabulaire commercial français (et plus généralement, européen):
tararïuk/trafic, divân/douane, awâr/avarie, farda/fardeau, magh-
sin/magasin, tarka/tare (poids), ta'rit/tarif, sakk/chèque ou encore,
hawala/aval1. Ce dernier emprunt est particulièrement intéressant
car il souligne l’origine orientale de la lettre de change (saftaja),
connue et usitée dans le monde musulman depuis le VIIIesiècle
avec, dès cette époque, « des chaînes de hawala (transport de
dette), correspondant aux chaînes d'endossements modernes »,
lettre de change dont on connait le rôle dans les progrès de l’éco-
nomie postmédiévale en Occident2.
Cependant, l’Occident devrait s’interroger sur l’intérêt
d’un nouvel emprunt aux pratiques financières venues du monde
musulman, qu’au demeurant ce dernier se montre peu empressé
à observer3. La finance islamique, c’est-à-dire l’ensemble des
activités répondant aux impératifs de la religion musulmane, de
la banque aux opérations financières, ne pèse que d’un poids
marginal sur les marchés financiers mondiaux et ne couvre qu’une
part minoritaire de la banque et de la finance dans le monde
musulman lui-même.
Comme souvent en matière de finance, les données sta-
tistiques ne donnent au mieux que des ordres de grandeur.
12 Patrick Allard et Djilali Benchabane
Revue française d'économie, n° 4/vol XXV
ART Allard_Benchabane _ART VIVIER 26/04/11 09:40 Page12
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