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bris istrum

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Endodontie
Bris instrumental
intracanalaire : Technique
et prise de décision
La présence d’un bris d’instrument dans le réseau canalaire
complique le traitement endodontique et compromet le contrôle
de l’infection canalaire, ce qui peut altérer le pronostic du
traitement. Cependant, et malgré les avancées techniques dans le
domaine, le retrait du fragment fracturé peut représenter un risque
pour l’intégrité de la dent et son avenir fonctionnel. C’est ce rapport
bénéfice/risque que le praticien doit savoir analyser afin d’orienter
sa décision thérapeutique dans l’intérêt de la dent et du patient.
Docteur en chirurgie dentaire
DIU d’endodontie, université
Paris Descartes
Tchilalo BOUKPESSI-JUBIEN
Docteur en chirurgie dentaire
MCU-PH, université Paris Descartes,
hôpital Charles-Foix AP-HP
Jean-Philippe MALLET
d’une partie de ce réseau aux instruments, solutions d’irrigation et matériaux d’obturation). Il paraît alors logique
que son retrait permette de rétablir la
perméabilité canalaire et d’obtenir une
meilleure prédictibilité du traitement.
Techniques de retrait
De nombreuses techniques ont été
décrites dans la littérature, certaines
sont largement éprouvées, d’autres
sont plus anecdotiques. Cependant,
elles nécessitent toutes, dans un premier temps, un accès rectiligne à la tête
du fragment (par un aménagement de
la cavité d’accès ou bien au détriment
des parois canalaires).
La plus ancienne utilise un système
d’extracteur, le kit de Masserann (Micro
Mega, Besançon) (fig. 1 et 2). L’accès rectiligne est réalisé par un aménagement
de la cavité d’accès, puis la création d’un
plateau centré sur la tête de l’instrument permet l’introduction d’un trépan
(fig. 3) qui en libère la partie coronaire.
Docteur en chirurgie dentaire
Ancien assistant hospitalo-universitaire,
université Paris Descartes
L’extracteur (tube creux) est ensuite
mis en place dans l’espace créé autour
de l’instrument et un pointeau inséré
dans le tube vient bloquer le fragment
contre ses parois. Un mouvement, horaire ou anti-horaire selon la nature de
l’instrument, permet ensuite son dégagement (fig. 4).
D’autres systèmes d’extracteurs ont été
décrits. Certains, plutôt artisanaux, utilisent des tubes du type aiguille hypodermique. Une aiguille du diamètre de
l’instrument fracturé est choisie ; elle
est utilisée comme un trépan, son bord
biseauté tranchant étant susceptible
d’entamer la dentine. Il est préconisé
d’utiliser un adhésif, un composite ou
un autre instrument servant de coin à
l’intérieur de l’aiguille pour venir bloquer l’instrument fracturé. Le système
est ensuite retiré par un mouvement
de dévissage [1].
Clinic 2015 ; 36 : 123-131
L
La fracture d’instruments dans le réseau
endodontique, sans être un événement
fréquent, reste relativement courante
au vu du nombre de traitements réalisés. Tout praticien doit donc savoir
apprécier la situation en s’appuyant sur
des données scientifiques et cliniques
guidant les différentes options thérapeutiques et leur pronostic. Le recueil
et l’analyse de ces données devront
éclairer sa prise de décision : faut-il
déposer ou non ?
Les règles générales régissant la gestion
des bris instrumentaux intracanalaires
s’appuient sur les principes fondamentaux
et les objectifs des traitements endodontiques : prévenir ou supprimer les pathologies périradiculaires par un contrôle
optimal de l’infection canalaire et, ainsi,
assurer l’avenir fonctionnel de la dent.
Un bris d’instrument présent dans le
réseau canalaire peut être considéré
comme un facteur de risque indirect de
l’échec endodontique, dans la mesure
où il compromet le contrôle de l’infection bactérienne (empêchant l’accès
Soazig GLATIGNY
123
Endodontie
3
1
2
1 Mini-kit de Masserann
(Micro Mega). 2 Protocole d’utilisation du Masserann. 3 Pointe du trépan du kit de Masserann.
4 Retrait d’un instrument
fracturé sur 22 à l’aide du
kit de Masserann. a. Radiographie préopératoire.
b. Radiographie objectivant le retrait du fragment
fracturé. c. Radiographie
de l’obturation. 5 Kit instrumental Endo Rescue
(Komet).
4
a
b
Protocole Endo Rescue (Komet).
7 Bénéfice/risque de dépose instrumentale à l’aide d’extracteurs.
Retraitement endodontique de 16.
a. Radiographie préopératoire.
b. Radiographie peropératoire après
dépose du fragment fracturé. Notez
que la 18 a été extraite. c. Radiographie de l’obturation objectivant le
délabrement tissulaire. d. Radiographie postopératoire.
6
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5
124
6
c
7
a
b
c
d
8
9
10
Création du plateau à l’aide du Gates modifié.
Action de la lime ultrasonore (courtoisie du
Dr Clifford Ruddle).
10 Kit ProUltra® (Dentsply).
11 Insert ET 25 (Satelec®, Groupe Acteon).
8
9
11
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Enfin, plus récemment, ont été mis au point l’IRS
(Dentsply) et l’Endo Rescue (Komet), sur le même
principe que le kit de Masserann mais avec pour
différence le diamètre externe des extracteurs réduit
par rapport à celui du Masserann (fig. 5 et 6).
Les systèmes d’extracteur ont l’inconvénient d’être
les moins économes en tissu dentaire puisqu’ils
nécessitent un délabrement tissulaire correspondant
au diamètre externe de l’extracteur (fig. 7). Leur utilisation est finalement limitée aux instruments fracturés à l’entrée du canal radiculaire ou bien dans
des canaux droits et larges.
L’instrumentation ultrasonore est la technique la plus
utilisée, aussi bien par les endodontistes que par les omnipraticiens [2]. Notamment décrite par Ruddle [3],
elle nécessite cependant, en premier lieu, de créer
un accès visuel direct au bris instrumental (même sous
aide optique). Cet auteur réutilise ainsi l’idée du plateau
centré sur le fragment et introduit pour cela l’utilisation
d’un foret de Gates « modifié » dont la pointe est meulée jusqu’à son diamètre le plus large, rendant l’instrument plat à son extrémité mais plus agressif.
Une fois le plateau créé, le dégagement de la tête
de l’instrument à l’aide d’une instrumentation ultrasonore (fig. 8 à 11) peut se faire sous contrôle visuel
permanent (donc sans irrigation). Puis un insert
plus fin est glissé le long du fragment (toujours sans
irrigation) afin de permettre le dégagement du bris
instrumental des parois canalaires grâce à ses
vibrations associées à un mouvement horaire ou
antihoraire selon le type d’instrument fracturé.
L’utilisation du foret de Gates « modifié » reste
cependant peu fiable puisque, coupé dans son diamètre le plus large, il ne permet pas de contrôler
visuellement la création du plateau. Le risque de
complications, notamment de déportation du canal,
est accentué, et ce d’autant plus que le fragment
est situé apicalement dans le canal.
Terauchi et al. [4], reprenant l’idée première de
Ruddle, prévoient une série d’instruments spécifiquement conçus pour la création de l’accès
rectiligne et du plateau ainsi que pour la libération de la partie coronaire du fragment fracturé,
afin de faciliter la mise en place d’un autre système de retrait : le File Removal System (fig. 12
et 13). Fonctionnant sur le principe du lasso, une
tige métallique, présentant à son extrémité une
boucle de fil qui se règle selon le diamètre du
fragment, permet sa préhension puis son retrait.
Terauchi et al. [4] sont alors les premiers à introduire
l’idée d’un plateau technique spécifiquement conçu
pour le retrait des instruments fracturés et ses
impératifs (visibilité, gestion des courbures),
notamment pour la création de l’accès rectiligne et
du plateau, et réservé à cet effet.
125
Endodontie
12
13
14
a
b
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d
126
c
e
File Removal System. 13 Protocole de Terauchi (d’après Terauchi et al. [4]).
L’utilisation des aides visuelles peut être indispensable à l’utilisation des ultrasons. a. Cavité d’accès à l’œil nu.
b. Vue sous loupe. c. Vue sous microscope opératoire (action contrôlée de l’ouverture canalaire). d. Dégagement visuel de la tête instrumentale. e. Isolement du bris instrumental après travail des parois canalaires.
12
14
15
16
À ce stade, l’utilisation d’aides optiques (loupes ou
microscope opératoire selon le niveau de fracture)
apparaît comme prérequis indispensable au bon
déroulement de toute procédure de retrait afin de
minimiser la mutilation dentinaire et le risque de
complications, quelle que soit la technique utilisée
(fig. 14). Une étude récente met d’ailleurs en évidence que les taux de succès des tentatives de
retrait sont deux fois plus élevés lorsque l’instrument
est visible sous microscope opératoire [5].
Contourner l’instrument (ou bypass),
une alternative de choix
Cette même étude [5] met en évidence l’intérêt du
contournement latéral du fragment en l’absence de
visibilité du bris instrumental. Cette technique vise
à rétablir la perméabilité apicale et donne donc
accès à la totalité du canal (fig. 15).
Une lime K de petit diamètre est insérée dans le canal
afin de passer à côté du fragment et de le contourner. Pour réaliser ce contournement, il faut en premier lieu rechercher les zones non travaillées du
canal (isthmes par exemple) (fig. 16) afin de trouver
un passage latéral et de faciliter l’insertion de la lime.
En plus de permettre le rétablissement de la perméabilité apicale, cette manœuvre suffit parfois à libérer
les contraintes retenant le bris d’instrument et à faciliter son délogement. Elle est relativement simple à
mettre en œuvre et ne nécessite par ailleurs aucun
plateau technique particulier, en dehors de la patience
et du sens tactile de l’opérateur. Elle n’est néanmoins
pas exempte de complications et requiert une certaine
expérience afin d’éviter d’éventuelles fausses routes
ou perforations ou encore de repousser l’instrument
plus profondément dans le canal. C’est aussi pourquoi
des contrôles radiographiques peropératoires sont
indispensables afin de s’assurer du respect du trajet
canalaire initial.
Cette manœuvre est considérée comme une bonne
étape initiale puisque le rétablissement de la perméabilité apicale assure une désinfection et une
obturation sur toute la longueur du canal. C’est
pourquoi il est parfois recommandé de ne pas tenter le retrait du fragment lorsque le contournement
est complet afin de préserver au mieux l’intégrité
des tissus dentaires [6].
En conclusion, le contournement est une solution
de choix lorsque la tentative de retrait a échoué ou
bien lorsque l’instrument semble difficilement
accessible aux manœuvres de dépose.
Rapport bénéfice/risque de la
gestion des bris instrumentaux
La littérature médicale récente (tableau 1) rapporte
des taux de succès des tentatives de dépose pouvant atteindre 95 % [7] (dans les conditions de
Clinic 2015 ; 36 : 123-131
15 Contournement d’un instrument fracturé sur 47. A. Radiographie préopératoire. B. Radiographie objectivant le
bris d’instrument dans le tiers apical de la racine distale. C. Radiographie objectivant le contournement complet du
bris d’instrument. D. Radiographie postopératoire objectivant le bris d’instrument incorporé dans le matériau
d’obturation. 16 Principe du contournement du fragment fracturé (zone du canal non travaillée à rechercher préférentiellement pour le contournement).
127
Endodontie
l’étude : endodontistes expérimentés, sous microscope opératoire, aux ultrasons). Les techniques
actuelles et, notamment, l’avènement du microscope opératoire en ont fait un acte plus prédictible
et potentiellement moins iatrogène qu’avant, mais
le risque de complications n’est pas nul. Une étude
de 2008 [2] met en évidence que 62 % de praticiens (endodontistes et omnipraticiens confondus)
rapportent la survenue de complications peropératoires ou postopératoires. Les principales complications recensées sont l’élargissement excessif
du canal, la création de marches, de fausses routes
ou bien de perforations.
L’avenir se tourne alors vers des techniques qui
seraient peu mutilantes pour les tissus dentaires,
Taux de succès
comme le laser Nd:YAG (neodymium-doped
yttrium aluminium garnet, ou grenat d’yttriumaluminium dopé au néodyme), ou encore la dissolution électrochimique des fragments fracturés [8].
Mais ces techniques non mutilantes ne sont pas
encore d’actualité. Malgré les avancées techniques,
il reste à ce jour illusoire de penser que tous les
fragments peuvent être déposés. Le traitement
endodontique n’étant qu’une étape dans la restauration fonctionnelle de la dent, une volonté
acharnée de déposer à tout prix peut mener à une
fragilisation excessive de la racine mettant en péril
l’avenir fonctionnel de la dent.
Alors, bien que l’idéal reste le retrait du bris instrumental, le praticien doit rester prudent. Un examen
attentif et méthodique de la situation clinique lui
permettra de déterminer les facteurs de risque
associés à son retrait et de reconnaître les situations
où contourner le fragment ou le laisser en place est
la solution de choix.
Ant. max. : 4/4 (100 %)
Ant. mand. : 4/4 (100 %)
Prém. max. : 2/6 (33 %)
Mol. max. : 10/14 (71 %)
Mol. mand. : 18/38 (47 %)
Facteurs influençant le retrait des
instruments fracturés
Tableau 1. Taux de succès de dépose selon différents auteurs
Auteurs
Type
d’étude
Shen et al.
Étude
(2004)
prospective
Milieu
universitaire
Échantillon
72 cas
(dents)
d’instruments
fracturés
Succès =
dépose ou
bypass
complet
Suter et al.
Étude
97 instru(2005)
prospective ments fracCabinet
turés sur
privé
1 177 canaux
Succès =
dépose
complète
sans perforation
Clinic 2015 ; 36 : 123-131
Cujé et al.
(2010)
128
Étude
rétrospective
Cabinet
privé
170 instruments fracturés sur
147 dents
de 145
patients
Succès =
dépose
complète
Prémolaires : 90 %
Dents antérieures : 88 %
Canaux V mol. max. : 88 %
Canaux M mol. mand. : 85 %
Canaux D et P mol. : 86 %
Ant. max. : 3/3 (100 %)
Ant. mand. : 1/1 (100 %)
Prém. max. : 14/14 (100 %)
Prém. mand. : ‒
Mol. max. :
• MV1 22/25 (88 %)
• MV2 6/7 (86 %)
• D : 18/18 (100 %)
• P : 6/6 (100 %)
Mol. mand. :
• ML : 40/40 (100 %)
• D : 11/11 (100 %)
Dépose
Bypass
Nevares
Étude
112 dents
et al. (2012) prospective avec instruCabinet
ments frac- Ant. max. 9/10 (96 %)
—
privé
turés
Succès =
Ant. mand.
—
1/1 (100 %)
dépose ou
bypass
Prém. max. 2/11 (18,2 %) 2/11 (18,2 %)
complet
Prém.
2/6
1/6 (16,7 %)
mand.
(33,3 %)
Ant. : dents antérieures. Mol : molaires.
Prém. : prémolaires. Mand : mandibulaire.
Max. : maxillaire. V : vestibulaire. M : mésial.
D : distal. P : proximal. MV : mésiovestibulaire ML : mésio-lingual.
Mol. max.
13/32
(40,6 %)
14/32
(43,7 %)
Mol.
mand.
11/58
(19,0 %)
23/58
(39,7 %)
La décision thérapeutique s’articule principalement
autour de la probabilité du retrait du fragment fracturé sans causer trop de dégâts tissulaires, et plusieurs
facteurs l’influençant ont été décrits (tableau 2).
Facteurs liés au patient
Les procédures endodontiques sont longues et parfois coûteuses. Le consentement du patient est un
préalable indispensable au traitement. Le patient
doit être informé des enjeux et des risques, afin de
participer à la décision de manière éclairée. Aucune
précaution médicale particulière à la dépose
n’existe, si ce n’est l’ouverture buccale et la capacité
du patient à rester la bouche ouverte et immobile
durant le temps de l’intervention.
Facteurs liés au praticien
La manœuvre de dépose et la maîtrise du plateau
technique (instrumentation ultrasonore, systèmes
de retrait, microscope opératoire) requièrent certaines connaissances, de l’expérience et de l’entraînement. L’expérience du praticien est également
un élément déterminant dans l’analyse de la situation. L’indication du retraitement doit être judicieusement posée et la difficulté du traitement évaluée
dans son ensemble. Cette évaluation peut être
facilitée par l’utilisation d’un questionnaire, mis au
point au Canada par l’Académie canadienne d’endodontie, permettant d’identifier tous les facteurs
de risque qui lui sont liés (Classification des cas selon
les degrés de difficulté et de risque [9]) (tableau 3).
Tableau 2. Facteurs déterminants pour la décision
de dépose instrumentale
Facteurs
favorables
Patient
Dent
Instrument
• Compliance
• Observance
Facteurs
défavorables
• Difficultés à rester
immobile sous un
microscope
• Situation permettant l’utilisation du
microscope
• Dents maxillaires
• Dents antérieures
• Canal rectiligne
• Canal large
• Épaisseur des
parois canalaires
suffisante
• Isthme
• Molaires mandibulaires
• Versions, rotations
• Canal étroit
• Épaisseur des parois
canalaires réduite
• Courbure sévère
et/ou apicale
• Fracture en flexion
• Instrument en acier
(sauf H-file)
• Fragment situé
dans la partie coronaire ou médiane
d’un canal rectiligne
• Fragment avant la
courbure canalaire
• Partie coronaire du
fragment dans la
partie rectiligne du
canal
• Fracture en torsion
• Instrument en Ni-Ti
• Fragment situé dans
la partie apicale
• Fragment situé dans
ou après la courbure
L’interface entre le bris instrumental et les parois
canalaires est un élément qui prédira la difficulté à
le désengager de la dentine (en termes de temps
et de destruction tissulaire). Elle dépend de la forme
du canal (rond, ovalaire), du type d’instrument (instrument en acier, en nickel-titane), de sa section et
du mode de fracture (lors d’une fracture en torsion,
le fragment est verrouillé sur une partie de sa longueur et donc plus enchâssé dans les parois canalaires que lors d’une fracture en flexion).
Laisser l’instrument en place,
un compromis satisfaisant
Lorsque le contournement ou le retrait échoue, il
est acquis que laisser l’instrument en place dans le
canal est un compromis satisfaisant.
Selon les résultats d’une méta-analyse récente [11],
la présence d’un instrument fracturé dans le réseau
canalaire n’influencerait pas le pronostic du traitement et l’un des facteurs pronostiques principaux
17
Enfin, la capacité du praticien à évaluer ses propres
limites et celles de la situation clinique est indispensable. Il doit pouvoir s’arrêter à bon escient, puisqu’il
a été mis en évidence qu’au-delà de 45 minutes, le
risque de complications augmente et le taux de
succès décroît [10].
18
L’accès et la visibilité du fragment fracturé sont les
deux éléments centraux de la probabilité de son
retrait. Ils dépendent de la dent incriminée (les dents
antérieures et maxillaires présentent de meilleurs taux
de succès de dépose que les autres) et d’éventuelles
versions ou rotations pouvant en compliquer l’accès,
ainsi que de la position de l’instrument fracturé dans
le canal (fig. 17). La destruction de dentine nécessaire
à l’accès au fragment et le temps écoulé sont d’autant
plus importants que celui-là est situé apicalement ou
engagé dans une courbure canalaire (fig. 18). De
plus, dans ce cas, l’utilisation des outils de retrait et
la manipulation du fragment sous contrôle visuel
permanent seront d’autant plus délicats et moins
précis. Le risque de fausse route et de perforation est
accentué et les chances de succès diminuent.
17 Fragment fracturé dans le tiers apical de la racine mésio-vestibulaire : l’accès et la visibilité étant réduits, la dépose n’a pas été indiquée
dans ce cas. De gauche à droite : radiographie objectivant le bris
d’instrument ; radiographie limes en place objectivant le contournement du fragment ; radiographie après obturation, le bris d’instrument
est noyé dans le matériau d’obturation. 18 Fragment fracturé dans le
tiers médian de la racine mésio-vestibulaire de 16. L’accès et la visibilité du fragment étant propices, son retrait était indiqué. De gauche à
droite : radiographie préopératoire ; radiographie après dépose des
restaurations prothétiques, reconstitution pré-endodontique et désobturation ; radiographie postopératoire après retrait du fragment et
obturation. Ici, la racine mésio-vestibulaire présente 2 canaux qui se
rejoignent dans la partie apicale.
Clinic 2015 ; 36 : 123-131
Facteurs liés à la dent et à l’instrument
129
Endodontie
Tableau 3. Évaluation des cas par la classification selon les degrés de difficulté et de risque de l’Association canadienne d’endodontie
Critères et
Sous-critères
Risque moyen
(1 unité / item)
A. Évaluation du patient
1. Antécédents
❏ Aucun problème
médicaux / anesthésie médical (Classe ASA I
/ contrôle du patient
2. Diagnostic
❏ Les signes et les
symptômes francs et
nets : diagnostic clair
3. Ouverture de
❏ Ouverture normale
bouche ou contraintes (35 mm+)
physiques
4. Difficultés
radiographiques
❏ Conditions usuelles
Risque élevé
(2 unités / item)
Risque très élevé
(5 unités / item)
❏ Attention particulière: allergie aux
antibiotiques / stimulateur (Classe ASA II)
❏ Intolérance aux vasoconstricteurs
❏ Manque de coopération / crainte
❏ Diagnostic différentiel des signes et
des symptômes courants
❏ Antécédents médicaux complexes / maladie
grave/ incapacité (Classes ASA III et IV*)
❏ Intolérance à l'anesthésie
❏ Résistance à l'anesthésie
❏ Signes et symptômes confus et
complexes : diagnostic difficile
❏ Diagnostic indéterminable
❏ Ouverture réduite (25-35 mm)
❏ Difficulté à tenir le film
❏ Haut-le-coeur
❏ Structures anatomiques superposées
❏ Plancher élevé (prémolaires et canines difficiles à résoudre
inférieures)
❏ Palais étroit ou bas
B. Évaluation de la dent
5. Position et
inclinaison de la dent
sur l'arcade
6. Accès et isolation
de la dent /
morphologie
compliquée de la
couronne
7. Formes du canal et
de la racine
8. Calcifications des
canaux
❏ Antérieure ou
❏ 1ère ou 2ième molaire
prémolaire
❏ Inclinaison modérée (10-30°)
❏ Inclinaison faible (- 10°) ❏ Rotation modérée (10-30°)
❏ Rotation faible (- 10°)
❏ Taurodontisme/microdens
❏ Pré-traitement simple requis pour
isoler la dent
❏ Crampon instable (manque de
rétention)
❏ Trajet du canal en I
❏ Peu ou pas d'angle
(- 10°) dans le canal
❏ Canal unique sur
antérieure ou prémolaire
❏ Apex fermé(s)
❏ Trajet du canal en J
❏ Angle modéré (10-30º)
❏ Molaire avec 3 canaux ou –
❏ Prémolaire ou antérieure 2 canaux
❏ Traitement de canal préalablement
initié
❏ Axe de la couronne différent de l'axe
de la racine
❏ Canal large et net
❏ Forme visible bien que réduite
du canal / ch. pulpaire
❏ Pulpolithes
❏ Trajet / forme du canal presqu'indistincts
(complet ou en partie)
❏ Canal invisible*
❏ Perforation supra-osseuse
❏ Perforation sous-osseuse*
❏ Résorption interne sans
communication canalaire
❏ Résorption apicale
10. Perforation
mécanique
C. Facteurs additionnels
❏ Fracture coronale
simple de dents matures
ou immatures
❏ Fr. radiculaire au
1/3 apicale
❏ Histoire de contusion
❏ Fracture coronale complexe de dents
matures
❏ Fracture radiculaire au 1/3 moyen
❏ Histoire de subluxation / fracture
alvéolaire
Clinic 2015 ; 36 : 123-131
❏ Fusion / dens in dente*
❏ Pré-traitements élaborés requis pour isoler
la dent
❏ Obstruction (pivot / faux moignon /
instrument brisé / amalgame…)
❏ Couronne métal / porcelaine / incrust. / attelle
❏ Crampon quasi impossible à placer
❏ Trajet du canal en C ou S
❏ Forte angulation (+ 30°)
❏ Molaire avec 4 canaux ou +
❏ Prémolaire avec 3 canaux
❏ Subdivision du canal au 1/3 apical ou au
1/3 moyen
❏ Système de canal en C
❏ Dent très longue (+ 30 mm)
❏ Apex ouvert(s)
❏ Résorption interne avec communication
canalaire*
❏ Résorption externe avec* / sans
communication canalaire
❏ Fracture coronale complexe de dents
matures
❏ Fracture radiculaire au 1/3 cervicale
❏ Autres luxations / histoire d'avulsion
❏ Retraitement
12. Retraitement
130
❏ 3ième molaire
❏ Inclinaison marquée (+ 30°)
❏ Rotation extrême (+ 30°)
❏ Couronne normale
originale ou restauration
adéquate
❏ Aucun pré-traitement
requis pour isoler la dent
❏ Crampon stable
9. Résorptions
11. Histoire de
traumatisme
❏ Ouverture non-fonctionnelle (- 25 mm)
❏ Réclination limitée
❏ Mobilité / poche / fénestration / déhiscence
❏ Implication de la bifurcation ou trifurcation
❏ Résection / hemi-section de racine prévue
ou faite
13. Condition endoparo
* Classe ASA IV ; fusion / dens in dente ; canal invisible ; perforation sous-osseuse ou de résorption sont de Classe 3 automatiquement.
Résultats
Entre 15 à 17 unités :
18 à 25 unités :
Plus de 25 unités :
❏ Retransmis
Total ________________
Disposition :
❏ Accepté
OU
Classe 1
Classe 2
Classe 3
resterait la présence ou non d’une parodontite apicale. Son niveau de preuve est cependant relativement limité [12] et de futures études de haute qualité sont nécessaires.
Néanmoins, quelques auteurs considèrent qu’il
s’agit d’une solution de choix dans certaines
circonstances. Lorsque l’instrument n’est pas visible
sous microscope opératoire ou semble difficile d’accès (après courbure canalaire, tiers apical), la
dépose ne doit pas être tentée afin d’éviter toute
fragilisation excessive. Il s’agira alors de mettre en
forme la partie du canal en amont du fragment,
lequel sera incorporé dans le matériau d’obturation.
La partie du canal apicale au fragment restera non
instrumentée et non obturée. Une surveillance
régulière sera alors mise en place et, dans les cas
de non-guérison, une solution chirurgicale pourra
être envisagée.
Abord chirurgical
Lorsque la gestion par voie orthograde d’un bris
instrumental dans le réseau canalaire échoue ou
que l’accès au fragment fracturé est compliqué par
la présence d’éléments prothétiques, ou encore que
le risque de fracture radiculaire est trop important,
une solution chirurgicale peut être envisagée
lorsqu’elle est possible (microchirurgie endodontique, hémisection, amputation radiculaire) [13].
Lors de pathologies apicales aiguës, elle peut également être une solution de première intention, dans
les limites relatives aux traitements chirurgicaux.
Toutefois, les procédures endodontiques par voie
chirurgicale, de type microchirurgie endodontique
apicale, ne peuvent là encore être envisagées que
si elles permettent une amélioration certaine de la
situation clinique. Ainsi le plateau technique (aides
optiques, microscope opératoire, instrumentation
ultrasonore spécifique et obturation par des matériaux biocompatibles) comme l’acquisition de compétences devront être évalués avant toute réalisation clinique.
Conclusion
L’objectif du traitement doit rester le contrôle de
l’infection canalaire et le retrait ne doit pas être une
fin en soi. L’analyse de la situation doit donc permettre d’évaluer dans quelle mesure le contrôle de
l’infection bactérienne est compromis par la présence du fragment instrumental. Ce contrôle sera
d’autant plus compromis que la fracture a eu lieu à
un stade précoce du traitement et que l’espace
canalaire non débridé, non désinfecté et non obturé
est important.
Il revient enfin à chaque praticien de juger de la possibilité du retrait du fragment en fonction de son
plateau technique et ses compétences, de la
motivation et de la compliance du patient ainsi que
de l’accès possible au fragment fracturé. Tenter son
contournement doit néanmoins rester l’étape initiale
et la solution de choix. 
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