La contingence du contrôle de gestion Cas des offices marocains à caractère industriel et commercial Asmaa SAID EL MESSAOUDI, Docteur en sciences de gestion, GREMID, UCA, Marrakech Abdelghani BELAKOUIRI, Professeur assistant, GREMID, UCA, Marrakech Sidi Mohamed RIGAR, Professeur de l’enseignement supérieur, GREMID, UCA, Marrakech Les établissements publics marocains sont interpelés aujourd’hui plus que jamais à gérer leurs subventions de manière rationnelle. De ce fait, l’élargissement du contrôle de gestion aux structures publiques trouve toute sa légitimité. L’implantation des systèmes de management dans les organisations à caractère public a poussé différents chercheurs et praticiens de s’interroger sur d’éventuelles corrélations entre les systèmes de contrôle de gestion et la performance dans ce genre de contextes. En effet, le système de contrôle de gestion dans les organisations publiques devra adapter ces outils en se basant sur l’ingénierie des processus afin d’impacter leurs performances globales. De surcroit, l’ingénierie de la performance est un script ipso facto pour les organisations orientées client. Dans ces conditions, une question centrale s’impose : Quels sont les facteurs qui orientent les pratiques de contrôle de gestion et son adéquation à ces configurations organisationnelles afin d’impacter leurs performances?. Dans notre travail, nous nous intéressons à l’étude des systèmes de contrôle de gestion dans les offices marocains à activité marchandes. Notre but ne se limite pas à la description des systèmes présents dans les offices sujets d’analyse. Nous cherchons à comprendre en premier lieu le contexte dans lequel ces établissements décident de leur choix de contrôle afin d’inventorier l’ensemble des facteurs capables d’influencer le fonctionnement général de ce système (théorie de la contingence). Nous proposons d’analyser en deuxième lieu l’impact du système sur l’accomplissement de la mission publique marocaine. Cette dernière ne se limite plus à la réalisation d’objectifs de service public. La promulgation de la loi n°69-00 a permis de revoir cette notion d’objectifs publics et de la modéliser en prenant en considération la qualité des outils de gestion utilisés, le système d’information mis en place, le contrôle exercé et les performances réalisées. 1 1- De la pratique du contrôle de gestion à la gestion de la performance dans le secteur public Il n’existe pas de contrôle de gestion dont les outils, méthodes et principes de fonctionnement serait adapté à toutes les entreprises. Le système de contrôle de gestion doit être repensé au sein de l’entité en question en fonction de ces particularités. Ces outils de mesure de la performance dépendent en grande partie des spécificités de l’entité en question (taille, objectifs, secteur d’activité, contexte environnemental,…). On présentera dans cette première partie les spécificités concernant les pratiques du contrôle de gestion ainsi que les outils dont il fait appel pour évaluer les performances des établissements du secteur des services publics. 1-1 Le contrôle de gestion public Le contrôle de gestion a été réellement conçu et adapté à la structure et culture des grandes entreprises industrielles privées. Il se voit détacher de ces principes de base pour satisfaire à la nature et spécificités du secteur des services publics. Ces outils, issus d’un secteur concurrentiel, doivent être adaptés aux caractéristiques des établissements publics, parmi lesquelles : une culture particulière, donnant une grande importance à la notion d’intérêt général ; des finalités et missions particulières (missions régaliennes, missions de service public) et des règles de gestion particulières (celles de la comptabilité publique, celles de la logique des marchés publics,…). Les spécificités du contrôle de gestion dans les établissements publics dépendent des objectifs que l’Etat désire réaliser à travers l’établissement. Il n’existe pas de contrôle de gestion sans définition préalable des objectifs, puisque les pratiques et outils du contrôle de gestion conduisent le gestionnaire à réagir, manager et décider en fonction d’un certain nombre d’objectifs. Reste à savoir que la définition des objectifs dans le secteur des services publics présente certaines difficultés. Il n’est pas toujours facile de traduire des objectifs politiques en modalités pratiques et en objectifs mesurables. Aussi, il peut y avoir un décalage entre les attentes des usagers et les objectifs d’intérêt général tels que perçoivent les responsables politiques. La définition des objectifs supposent la mise en place de moyens capables de permettre à l’établissement la réalisation de ces dits objectifs. Certaines spécificités liées aux moyens doivent également être prise en considération lors de la mise en place d’un système de contrôle de gestion dans un établissement de service public : (l’annualité des budgets limite la visibilité de la programmation des moyens, la nature des crédits limite le redéploiement des moyens et donc une autonomie du responsable,…). 2 Une autre spécificité des établissements publics, que doit prendre en considération le contrôle de gestion, est que ces derniers ne sont réellement soumis à la concurrence. Les établissements publics exercent, dans la plupart des cas, leurs activités dans des secteurs promoteurs, stratégiques, et ayant le monopole de la prestation fournie. 1-2 Les pratiques de la gestion de la performance dans le secteur public La performance, que ça soit dans le cadre d’un secteur privé ou public, avait une conception unidimensionnelle, elle a longtemps été réduite à sa seule dimension financière. Les mesures de performance se limitaient à l’utilisation d’indicateurs quantitatifs ayant pour objectif l’évaluation des activités et réalisations (Burns et Waterhouse, 1975). Moynihan, 2006 précise que le but de la mesure de la performance ne doit pas se limiter à de simples indicateurs mais plutôt à la mise en place d’un système ayant la capacité de mesurer les résultats à travers non seulement des indicateurs financiers mais aussi une utilisation optimale des informations dégagées par l’ensemble des départements d’une entité dans l’objectif d’améliorer le management et la gouvernance démocratique. Vu sous cet angle, les indicateurs financiers ne sont plus capables de traduire toutes les réalités de l’établissement en question. Dans le contexte public, les établissements produisent principalement des services. Or, les services sont par nature parfois difficiles à quantifier et à mesurer. L’analyse des réalisations pose des problèmes propres. Le rapport entre les objectifs et le résultat final, le rapport entre les moyens déployés et les réalisations, supposent en premier lieu l’existence de références, surtout historique, qui ne va pas de soi lorsque le contrôle de gestion est récent dans l’établissement. Aussi, précisions que les indicateurs financiers de la performance résultent du système comptable qui génère et collecte des informations financières, or ce dernier n’est pas souvent assez structuré pour communiquer des informations qui seront d’aide à la prise de décisions au sein de l’établissement concerné. La performance doit être appréhendée à partir de multiples dimensions. Dans le secteur des services publics, le système de mesure de la performance peut jouer les rôles suivants : Aider l’établissement a évalué si les contributions de l’Etat, des fournisseurs, des usagers et des employés sont conforment à celles qui sont espérées d’eux ; Aider l’établissement à mesurer si les besoins des usagers ont été assurés par les services de l’entité en question dans les meilleures conditions possibles ; 3 Aider l’établissement dans le design et la mise en place de ses programmes d’actions pour contribuer non seulement à la réalisation de ces objectifs principaux mais aussi secondaires ; Et enfin, aider l’établissement à organiser et à évaluer ses contrats et planifications négociés avec ses partenaires afin de répondre au mieux aux attentes des usagers. La performance doit être évaluée donc à partir d’indicateurs qualitatifs non financiers, ce qui permettra aux dirigeants d’avoir une vision plus claire sur l’organisation de l’entité en question à moyen et à long terme. Bien que ces indicateurs non financiers soient moins faciles à évaluer (Pollitt, 1986), des études ont pu confirmer qu’ils ont un impact sur la performance financière et la qualité des informations et des décisions (Ittner et Larker, 2003). La conception des indicateurs de performance doit bénéficier d’une attention particulière (Van Dooren, 2005). Pour être efficace et faciliter la prise de décisions, ces indicateurs doivent être détaillés, résistants aux changements et aux comportements, fiables, opportuns et surtout adaptés aux spécificités, aux caractéristiques et à la culture de l’établissement en question. La mesure de la performance du secteur des services publics a attiré l’attention de nombreux chercheurs et consultants au cours de ces dernières années (Poister et Sreib, 1999 ; Harty, 1999 ; Kelly et Swindell, 2002 ; Melkers et Willoughby, 2005 ; Halachmi, 2010,…). Cinq principales étapes ont marqué l’évolution des mesures de la performance à partir du système de contrôle de gestion dans le secteur public : La première étape : le système de contrôle de gestion se limite à l’élaboration d’un budget et d’un reporting. Ce système avait comme objectif l’amélioration des programmes budgétaires pour faciliter la prise de décisions financières. La deuxième étape : la performance, durant cette étape, va prendre une orientation politique (Melkers et Willoughby, 2001). Les outils de mesure de la performance vont se multiplier (le budget programme, l’évaluation du management des programmes, la mesure de la production). La fin de cette période s’est caractérisée par la mise en place de mécanismes de feedback dans la mesure des performances (Chia et Koh, 2007). La troisième étape : cette phase est l’ère de la Nouvelle Gestion Publique (Hood, 1995 ; Goddart, 2005). L’objectif est d’améliorer la gouvernance publique afin d’accroître la gouvernance d’entreprise et répondre au mieux aux attentes des usagers. Les outils de mesure de la performance ne vont pas réellement changer mais, les indicateurs vont prendre en 4 considération d’autres aspects comme la satisfaction des usagers, la mesure de l’impact des actions politiques,… La quatrième étape : cette phase se caractérise par l’utilisation scientifique des indicateurs et outils de la performance dans les intérêts propres de l’établissement public et pour un management et un pilotage axés sur les résultats (Poister et Streib, 1999). Dernière étape : on note une utilisation diversifiée des outils de contrôle de gestion et de mesure de performance à travers le monde. Une amélioration des outils classiques tels que : le budget, la planification et la gestion de la performance. L’apparition de nouveaux outils au sein des établissements publics, tels que : le tableau de bord et le tableau de bord prospectif. Ces outils vont permettre l’évaluation de différents aspects outre l’aspect financier, à savoir : orientations usagers, processus internes, innovations et apprentissages. L’objectif principal de ces outils est l’amélioration de l’efficacité et l’efficience du secteur des services publics. Donc une vision plus stratégique de la performance est née. 2- L’influence de l’environnement sur la pratique du contrôle de gestion et de la gestion de la performance dans le secteur public marocain – Cas des offices à activité marchande L’étude des systèmes de contrôle de gestion à travers une approche contingente conduit à supposer que les gestionnaires agissent d’une manière leurs permettant d’adapter l’organisation aux changements de l’environnement tout en analysant tous les facteurs de la théorie de la contingence. Nous proposons de présenter en premier lieu, un aperçu sur la théorie de la contingence pour s’intéresser en deuxième lieu à l’ensemble des facteurs contingents capables d’impacter les pratiques de contrôle de gestion et de la gestion de la performance dans les offices marocains à activité marchande. 2-1 La théorie de la contingence et le contrôle de gestion Anthony (1988) précise que les pratiques du contrôle de gestion sont susceptibles quant à un certain nombre de facteurs. Dans ce sens, il précise : « Un ensemble sur l’environnement externe (...), constitué d’un axe dont une extrémité représente des facteurs très incertains et l’autre des facteurs prévisible » (Anthony, 1988). L’auteur a essayé par suite de dresser une liste de variables capables d’impacter le système de contrôle de gestion « Les facteurs 5 regroupés ici sont : le cycle de vie des produits, la nature des produits, la nature de la concurrence, l’approvisionnement, la politique et la technologie» (Anthony, 1988). De nombreux théoriciens de la contingence ont considéré la variable stratégie comme variable contingente principale (Mintzberg et al. 1999 ; Chapman, 1997). Ils concluent qu’elle détient des effets anticipés sur tout système de contrôle de gestion. Anthony, et dans son ouvrage publié en 1988, a déterminé les effets des stratégies concurrentielles sur les configurations des systèmes de contrôle de gestion. Il précise : « Dans la stratégie de leadership, la direction essaie de produire à bas coûts et le système de contrôle devrait insister sur le contrôle des coûts. (…) Dans la stratégie de différenciation, l’accent est mis sur le développement de produits, de méthodes de distribution ou de toute autre caractéristique perçue comme unique dans l’industrie (…) » (Anthony, 1988, p. 167). D’autres théoriciens (Chenhall, 2003 ; Langfield-Smith, 2007) attestent de l’existence d’une relation entre les systèmes de contrôle de gestion, la structure et la stratégie d’une organisation. Outre les variables détectées par Anthony en 1988, Bouquin a essayé en 2001 de compléter la liste des facteurs susceptibles d’influencer un système de contrôle de gestion. Ces derniers sont les suivants : la taille et le chiffre d’affaires de l’entreprise, le rattachement hiérarchique du contrôleur de gestion et son niveau de formation, l’environnement technique, le degré d’internationalisation de l’entreprise, la place du contrôle de gestion et son rôle en matière de prise de décision (Bouquin, 2001). L’approche contingente exclu l’idée de l’existence d’une seule configuration des systèmes de contrôle de gestion pouvant se voire utiles et efficaces pour toutes les organisations et dans toutes les situations. Nous listons ci-après l’ensemble des facteurs contingents détectés dans le contexte public marocain ainsi que leurs impacts sur la pratique du contrôle de gestion dans les offices marocains à activité marchande. 2-2 Les facteurs contingents issus de l’environnement externe L’environnement externe peut impacter la mise en place et l’utilisation des systèmes de contrôle de gestion dans les établissements publics. A ce niveau-là, deux catégories d’éléments peuvent être soulevées : les éléments issus du cadre socioculturel et d’autres issus du cadre institutionnel. 6 2-2-1 Les éléments issus du cadre socioculturel des offices au Maroc Hofstede (1991) pense que la manière avec laquelle une organisation se gère, dépend, en grande partie, des caractéristiques culturelles du pays dans lequel, les modes et méthodes de gestion sont mises en œuvre. Plusieurs caractéristiques culturelles peuvent influencer le fonctionnement d’un établissement public en Afrique (Noorderhaven et Tidjani, 2001). Nous retenons trois, particulièrement présentes dans le cadre du contexte dans lequel notre travail de recherche s’opère. Les pressions familiales : les travaux de recherche de D’Iribarne (2000) confirme que le réseau social qu’intègre une personne dépend de ses valeurs et de sa culture transmises de la première institution d’éducation qu’est la famille. Le même auteur souligne l’existence de deux types d’éthique qui vont lui être inculqués de son réseau social et capables d’influencer son comportement en organisation. La première forme d’éthique favorise à l’individu, avant tout, un respect total des règles dictées par son organisation. Il se voit et se retrouve fidèle à l’établissement où il réalise sa mission plutôt qu’à sa famille. L’auteur propose pour cette première forme un contrôle bureaucratique flexible. Dans la deuxième forme, il s’agit pour l’individu, d’être et de rester fidèle à sa famille ou réseau social, tout en accomplissant son devoir professionnel. D’Iribarne (2000) préconise pour cette deuxième forme d’éthique, qui correspond d’ailleurs le plus souvent au contexte africain, un contrôle bureaucratique rigide. Contrairement à D’Iribarne (2000), Hernandez (2000) et Favereau (1995) recommande le modèle domestique pour la gestion de l’organisation africaine. Le modèle domestique considère la famille, les coutumes, les ancêtres comme des figures de références. Selon ces deux auteurs, l’individu recherche dans son milieu professionnel les normes et les valeurs qui lui sont inculquées par son réseau social. Favereau (1995) recommande pour l’organisation africaine un modèle de paternalisme de type « père protecteur ». Pour la grande majorité des auteurs, la culture africaine est une culture communautaire. Cette dernière inculque à l’individu des valeurs sociales qui expliquent son comportement dans son milieu professionnel (Favereau, 1995 ; Booker, 1999 ; Daley, 1998). Dans le contexte marocain, Allali (2008) souligne qu’on ne peut qualifier le marocain d’individualiste dans la mesure où il n’est que rarement animé par son intérêt personnel. Le caractère de collectiviste lui conviendrait mal aussi, pour la simple raison, que ce n’est pas du tout l’intérêt collectif qui explique la majorité de ses comportements. Se situant entre individualisme et collectivisme, et selon le même auteur, le Marocain est mû par ses intérêts familistes. 7 Les pressions religieuses : la religion peut avoir un impact sur les habitudes et attitudes des gens. Elle influence le comportement social de l’individu et se présente comme une institution capable d’exercer un contrôle sur la croyance et la conduite de la personne (Kennedy et lawton, 1998). Dans le même sens, Abuznaïd (2006) confirme que la religion a un impact sur le comportement et le style du manager. Ce qui détermine par la suite, la conduite de la personne dans son milieu professionnel et impact la manière avec laquelle elle sera amenée à planifier, organiser et diriger. Ainsi, il semble clair que la croyance religieuse affecte le comportement managérial (Ibrahim, 1991). S’agissant du Maroc, et étant donné que c’est un pays musulman depuis plus de douze siècle, Allali (2008), et à travers ses recherches, confirme l’existence d’une logique d’allégeance qui régi le Maroc, et qui constitue d’ailleurs l’un des fondements de l’Islam. Le mot allégeance s’entend ici dans le sens de soumission et d’obéissance. Le marocain, et selon le même auteur, témoigne à toute personne qui en est digne en raison de sa position sociale une certaine obéissance. Les pressions ethniques : les individus peuvent être caractérisés par des valeurs spécifiques n’ayant pas de lien direct avec leur appartenance familiale. Ces valeurs vont faire en sorte de leur incarner une identité ethnique. Il est possible à ce qu’une ville, région, commune soient incarnées par une ou plusieurs ethnies. L’identité ethnique est la source d’un pouvoir plus large (Obembe et Mavoungou, 1999). Les comportements des individus en milieu professionnel dépendront aussi des valeurs ethniques. Au Maroc, on dispose d’apports ethniques forts diversifiés. Les Fassis, à titre d’exemple, sont connus pour avoir des tendances marchandes. Après l’indépendance, ils étaient les premiers capitalistes. Ils se sont lancés dans plusieurs industries. Aujourd’hui, ils sont présents dans tous les domaines économiques. Malgré le familisme connu à la plupart des marocains, le Fassi est selon Allali (2008), tend le plus souvent vers l’individualisme. Le Soussi, quant à lui, se voit toujours lié à sa famille et région. Allali (2008) a souligné l’existence d’une grande solidarité entre les entrepreneurs Soussis et leurs employés. Ils sont présents dans des activités commerciales, et commencent à pénétrer d’autres domaines économiques qui étaient monopolisés soit par des Fassis, soit des dirigeants provenant d’autres ethnies. En plus des Fassis et des Berbères, on trouve aussi les immigrants qui sont revenus au pays, les arabes qui selon Allali (2008) constituent un groupe hétérogène disposant de valeurs difficiles à cerner. L’une des caractéristiques communes à ce groupe constitue en la tendance de ses dirigeants à éviter le risque et à préférer des investissements à rentabilité immédiate. A cette grande diversité, il convient d’ajouter les apports surtout espagnols favorisés par les mariages mixtes. 8 2-2-2 Les éléments issus du cadre institutionnel des offices au Maroc Le cadre institutionnel est constitué de l’environnement politique et institutionnel dans lequel un établissement public s’insère. Notre travail de recherche s’intéresse à l’étude des systèmes de contrôle de gestion dans les offices au Maroc. Dans ce qui suit, nous essaierons de mettre le point sur les éléments qui peuvent influencer la mise en place et l’utilisation des pratiques de gestion au sein de ces établissements. Les pressions institutionnelles : les dispositions légales et institutionnelles imposent aux organisations le respect d’un certain nombre d’exigences. Le processus institutionnel peut constituer un obstacle à l’équilibre et l’intégration d’une organisation (Brignall et Modell, 2000). La théorie institutionnelle stipule que la structure organisationnelle dépend en grande partie de la pression exercée par les composantes externes et internes sur l’organisation. L’objectif est que l’entité en question arrive à se conformer à un ensemble d’exigences afin de gagner sa légitimité. Au Maroc, l’Etat entretient avec les établissements publics des relations multiples et remplit plusieurs fonctions : stratège, actionnaire, contrôleur, régulateur, garant du service public, entrepreneur, client. Dans le cadre de notre contexte qu’est les offices au Maroc, l’Etat assume un rôle de stratège à travers la définition des choix stratégiques et la conduite de politiques publiques. Les pressions financières : l’organisation se voit dépendante de son environnement en termes de matières premières, capital, etc (Pfeffer et Salancik, 1978). Cette dépendance donne à l’environnement externe de l’entreprise le pouvoir d’imposer des exigences en termes de processus organisationnels, d’objectifs à atteindre, de structures et de prix. Au Maroc, l’Etat exerce en vertu de la loi n° 69-00 susvisée, un contrôle financier sur les offices et ce, outre les autres formes de contrôle internes ou externes en vigueur dans ces établissements. 3-2 Les facteurs contingents issus de l’environnement interne Les recherches de Togodo A.A. et Van Caillie D. (2012) confirment l’existence d’un certain nombre de variables issus du contexte interne et capables d’impacter le fonctionnement et l’efficacité des systèmes de contrôle de gestion dans un contexte public. Ces facteurs sont liés au contexte organisationnel de l’entité publique. Dans le cadre de notre travail, on a pu soulever plusieurs variables organisationnelles pouvant avoir une influence sur la mise en place et le fonctionnement des systèmes de contrôle de gestion et sa corrélation avec performance. 9 Incertitude de l’environnement : Adoptant une approche plus générale de contingence du système de contrôle de gestion par rapport aux sous-environnements des divisions, Govindarajan (1984) a constaté, à travers une recherche auprès de cinquante-huit unités stratégiques autonomes, qu’avec l’augmentation de l’incertitude de l’environnement externe les managers de divisions utilisent plus d’indicateurs subjectifs (non financiers et non comptables) de performance et moins de formules objectives d’évaluation. Et inversement, les unités stratégiques dont les environnements sont assez stables font plutôt recours à des indicateurs financiers de la performance. De surcroît, les unités stratégiques autonomes les plus efficientes sont celles qui respectent ce modèle d’adaptation contingente du système de contrôle de gestion. En contexte du Maroc et avec l’augmentation des pressions des usagers du service public, les offices doivent adopter une approche multidimensionnelle d’évaluation de la performance, afin de proposer un meilleur protocole managérial d’amélioration continue. La culture organisationnelle : l’utilisation d’un système de contrôle de gestion et le choix des indicateurs à intégrer dans les tableaux de bord s’influencent par la culture organisationnelle de l’entité en question (Henri, 2006). L’efficacité d’un système de contrôle de gestion dépend en grande partie des actions organisationnelles (Quinn et Rohrbaugh, 1983). Ces auteurs invitent les managers et dirigeants à détecter les valeurs de leurs entités avant d’essayer l’utilisation d’un système de contrôle de gestion. A ce niveau-là, deux types de valeurs ont été soulevées. La valeur « contrôle » qui repose sur un contrôle rigide des opérations (les règles à suivre et les rôles sont imposés), une prise de décision centralisée au sommet de la hiérarchie, des flux d’informations très organisés et une gestion confidentielle de l’information (Burns et Stalker, 1961). La valeur « flexibilité » est quant à elle associée à la culture de groupe. Elle encourage un contrôle souple, donne de l’importance à l’innovation et à la créativité, se réfère à la spontanéité et au changement et se gère à travers des chaînes de communications ouvertes et des flux d’informations libres (Burns et Stalker, 1961). Dans le cadre des offices au Maroc, le lancement officiel du code marocain de bonnes pratiques de gouvernance des entreprises et établissements publics en mars 2012 intervient en application du principe institué par la nouvelle constitution marocaine. Ce code vise à assurer une gestion responsable et transparente des établissements publics à même de garantir la fiabilité et l’efficacité des actions de ces entités. Il contribuera ainsi à améliorer la performance, la viabilité et l’efficience de l’action du secteur public. Reste à noter, qu’au Maroc, les offices sont soumis à un contrôle les obligeant à poursuivre des finalités de types conformité et économique de contrôle de gestion. Les dirigeants ne disposent pas d’une certaine manœuvre 10 en matière de prise de décision, la chaîne de communication est structurée et les flux d’informations, financières et stratégiques, sont confidentiels. La stratégie organisationnelle : Hoque (2004) identifie l’existence d’une association significative positive entre la stratégie adoptée par une organisation et l’utilisation des indicateurs non financiers, considérés par le même auteur, comme élément primordial renseignant sur la performance organisationnelle de l’entité en question. La stratégie d’une organisation influence aussi le mode de contrôle appliqué, ainsi, une stratégie défensive est associée à une mesure formelle de la performance sur la base d’objectifs ciblés, alors qu’une stratégie offensive exige un système de contrôle informel et plus ouvert (Govindarajan, 1988; Van der Stede, 2000). Si l’établissement public adopte une stratégie formelle défensive, il mettra en place des indicateurs de mesure de performance capables de lui permettre d’être conforme aux exigences légales et institutionnelles (Lapsley et Pallot, 2001; Chang, 2006). Le contrôle de gestion se présentera comme un outil de contrôle de la conformité. Si par contre, l’établissement adopte une stratégie offensive, son objectif primordial sera de satisfaire les besoins des usagers (ter Bogt, 2008). L’établissement ne s’intéressera pas uniquement à sa performance financière. Au Maroc, les offices sont contraints de se conformer à un certain nombre d’objectifs et exigences. Le contrôle de gestion peut alors avoir des finalités de types conformité et économique. Aussi, les offices sont obligés d’assurer des prestations de services de la meilleure qualité possible et au moindre coût afin de satisfaire les besoins d’une population de plus en plus exigeante. Leurs actions se voient s’orienter vers les usagers. Les indicateurs financiers se trouvent plus capable de répondre aux besoins et attentes des dirigeants de ces établissements. La structure organisationnelle : La structure organisationnelle est définie comme la spécification formelle des différents rôles des membres de l’organisation. Elle permet de préciser les niveaux de responsabilités et les canaux de communication. L’objectif est d’assurer un suivi continu de la réalisation des activités de l’entité considérée. Une structure organisationnelle respectant les valeurs de l’entité peut influencer positivement la motivation des employés, l’organisation du travail, l’atteinte des objectifs et aussi l’efficacité du système de contrôle ce qui aidera l’établissement à mieux se développer et s’enrichir (Chenhall, 2003). Les recherches de Merchant (1981) ont conclu l’existence d’un contrôle administratif favorisant la conformité aux budgets déjà élaborés, l’adoption d’un circuit formel de communication et le respect de la structure hiérarchique dans les grandes organisations décentralisées. La même conclusion a été défendu par Burns et Waterhouse (1975), qui à 11 travers des recherches empiriques au sein d’un certain nombre d’organisations publiques, ont affirmé que les structures décentralisées sont associées à un système de contrôle de gestion traditionnel reposant sur des outils classiques tels que : les budgets et reporting. La composition de l’équipe dirigeante peut aussi impacter l’instauration et le fonctionnement du système de contrôle de gestion (Naranjo-Gil et Hartmann, 2006). Une étude menée par ces deux auteurs dans des hôpitaux publics, révèle que les professionnels s’orientent vers l’adoption d’un système de contrôle de gestion plutôt flexible, un contrôle informel et une gestion participative, tandis que les administratifs de ces dits hôpitaux s’attachent au respect de la hiérarchie et à la conformité aux règles et objectifs imposés. Les recherches de Togodo A.A. et Van Caillie D. (2012), quant à elles, confirment qu’une entité publique adoptant une structure organisationnelle décentralisée se trouvera avec un système de contrôle de gestion développant des finalités de types économique et politique, alors qu’une entité publique s’appropriant une structure organisationnelle centralisée, développera un système de contrôle de gestion axé sur la finalité conformité. Enfin, Govindarajan et Fisher (1990) proposent une utilisation combinée entre théories organisationnelles et théorie de l’agence afin de mieux expliquer les contingences du système de contrôle de gestion des unités stratégiques autonomes. En appliquant la théorie de l’agence, il s’avère nécessaire d’observer les comportements des agents à travers un système d’information adapté. En effet, quand technologie de transformation n’est pas connue, les résultats ne sont pas mesurables, la théorie de l’agence ne prévoit pas la possibilité pour le principal de contrôler le comportement de l’agent à travers des mécanismes claniques, le principal n’a que deux moyens de contrôle sur l’agent matérialisés à travers deux types de contrats : soit 1) un contrat portant sur les actions, les diligences et les efforts à fournir et qui suppose que les tâches soient programmables, soit 2) un contrat portant sur les résultats à obtenir, qui suppose bien évidemment la mesurabilité des résultats. Cependant, quand le contrat porte sur les résultats à obtenir l’agent prend tous les risques de non réussite, car selon la théorie de l’agence les résultats dépendent (et cela dans tous les cas) aussi bien des efforts fournis que d’un facteur aléatoire – le risque. Quand le contrôle est effectué sur le comportement c’est le principal qui assume ce risque. Pour pourvoir transférer le risque à l’agent quant la programmation est impossible, le principal va devoir payer une prime. Or, il peut également payer la mise en place d’un système d’information permettant la surveillance du comportement de l’agent, si cette surveillance est possible. Il doit ainsi faire un arbitrage 12 entre le coût du système d’information pour la surveillance des comportements et la prime pour le transfert du risque à l’agent (Iliya KOMAREV, 2017). La structure organisationnelle des offices au Maroc se caractérise par une certaine décentralisation. Cette dernière n’est pas totale. Certaines décisions restent de la compétence du sommet stratégique. Une charte des services publics fixe l’ensemble des règles relatives au fonctionnement des offices. Les dirigeants et responsables de chaque département/service sont dans l’obligation de se conformer à la législation en vigueur mais ils pourront en partie cacher ou difformer l’information nécessaires à l’évaluation des résultats réalisés. En pratique, une délégation de pouvoir aux responsables des unités décentraliser doit être accompagné par la mise en place d’un système de contrôle de gestion dynamique. La politique de gestion des ressources humaines : le facteur humain joue un rôle primordial dans le développement économique, social et politique d’une nation et considéré comme élément important dans l’efficacité de toutes sortes d’organisations (Adjibolsoo, 1995). La performance d’une entité s’influence positivement par sa politique de gestion des ressources humaines (Le Louarn et Wils, 2004). Plusieurs auteurs, et à travers des études empiriques, ont montré l’importance et l’impact que détient une politique ressources humaines sur l’utilisation des systèmes de contrôle de gestion dans les établissements publics, et par de même, sur les performances et l’efficacité de l’établissement en question (Ammons et Rivenbark, 2008 ; Folz, 2004). Au Maroc, la nouvelle constitution a abordé la question de la gestion des ressources humaines au sein des établissements publics comme base assurant un développement de l’entité publique. Elle n’a pas manqué d’insister sur la valorisation du capital humain par l’adoption d’un système moderne approprié pour la gestion des ressources humaines (le respect du droit du salarié à la sécurité, à la sûreté, au respect de sa vie ; le respect de la liberté syndicale ; la non-discrimination dans l’emploi, la profession et la promotion de l’égalité ; la valorisation des emplois et des compétences ; le cadre de gestion des carrières, sa transparence et son accessibilité ; l’encouragement des salariés à se conformer aux principes de transparence, d’intégrité et d’éthique au sein de l’établissement ;…). Les secteurs stratégiques ou opèrent les offices au Maroc leur impliquent une gestion moderne et efficace, axée sur l’atteinte d’objectifs financiers et de missions publiques. L’atteinte de ces objectifs peut être assurée par la mise en place d’un système de contrôle de gestion cohérent et adapté à la logique de l’établissement public (Togodo A.A. et Van Caillie D., 13 2012). L’instauration, l’utilisation et le fonctionnement d’un système de contrôle de gestion dans la sphère publique dépendent de plusieurs facteurs. La réussite d’un tel projet de gestion impose la prise en compte de tous ces facteurs lors de toutes exploitations de tout système de contrôle de gestion. Conclusion Nous avons cherché à détecter les facteurs capables d’impacter le fonctionnement des systèmes de contrôle de gestion dans les offices au Maroc. Nous nous sommes inspirés des travaux qui étudient les systèmes de contrôle de gestion dans les organisations classiques. Plusieurs facteurs ont été soulevés. Seuls ceux présents dans le cadre de notre contexte ont été retenus. Deux catégories de facteurs ont été examinés : des facteurs organisationnels et d’autres extra-organisationnels. On s’est basé sur les résultats des travaux empiriques de Togodo A.A. et Van Caillie D. (2012) pour s’assurer de la validité de notre construit théorique. Ces travaux et à travers plusieurs tests quantitatifs confirment l’existence d’une grande dépendance des facteurs organisationnels vis-à-vis des facteurs extra-organisationnels. Ces variables ont été détectées dans un contexte de management occidental. Notre travail concerne les offices au Maroc. Les différences culturelles, organisationnelles et institutionnelles imposent la prise en compte des spécificités du contexte. Une considération directe de ces facteurs tels qu’ils se présentent s’infirme. On a procédé alors à une contextualisation de l’ensemble des facteurs. La confrontation des différentes variables à la réalité des offices marocains nous amène à confirmer que le contrôle de gestion dans les offices au Maroc peut avoir des finalités de types économiques et de conformité. La réussite de l’utilisation d’un tel système de gestion dans un contexte public doit passer par la prise en compte de l’ensemble des facteurs développés précédemment. La performance de tout projet de gestion nécessite une étude préalable concernant les facteurs capables d’influencer son fonctionnement (Ika, 2011). 14 Bibliographie Allali, Brahim (2008), « Culture et gestion au Maroc : une osmose atypique », dans Eduardo Davel, Jean-Pierre Dupuis et Jean-François Chanlat (dir.), Gestion en contexte interculturel : approches, problématiques, pratiques et plongées, Québec, Presses de l’Université Laval et Télé-université (UQAM). Bouquin, H. (1989). « Contrôle, in JOFFRE P. SIMON Y. », Encyclopédie de gestion, Paris:Economica, 1: 551-566. Brownell, P. (1985). « Budgetary systems and the control of functionally differentiatedorganizational activities». Journal of Accounting Research 23: 502-512. Burns W. J., Waterhouse J. H. (1975). « Budgetary control and organization structure». D’Iribarne, P. (2000). « Management et cultures politiques». Revue Française de Gestion. Mars-Avril-Mai : 70-75. Edwards D., Thomas Clayton J. 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