Telechargé par Nadia Nadia

188947 Avare LP

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Collection dirigée par
Cécile de Cazanove
Agrégée de Lettres modernes
Molière
1668
Livret de l’enseignant
Édition présentée par
Dominik Manns
Agrégé de Lettres modernes
© Nathan 2013 - www.carresclassiques.com
sommaire
Avant-propos ....................................................................................................
3
Organisation de la séquence .........................................................
5
Réponses aux questions ......................................................................
8
◗ Pause lecture 1 .................................................................................................
◗ Pause lecture 2 .................................................................................................
◗ Pause lecture 3 .................................................................................................
◗ Pause lecture 4 .................................................................................................
◗ Pause lecture 5 .................................................................................................
◗ Vers le brevet ....................................................................................................
8
13
18
23
29
33
Compte rendu de l’« autre lecture » .....................................
35
◗ Questions .............................................................................................................
◗ Corrigé ..................................................................................................................
35
Bibliographie ....................................................................................................
38
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36
L’Avare 2
avant-propos
1. Pourquoi choisir L’Avare de Molière ?
C’est une œuvre brève adaptée aux programmes de 4e.
Le programme de 4e préconise la lecture d’une comédie de Molière. Au cycle central on invite
à « l’étude du dialogue […] liée à la lecture et à l’analyse de pièces de théâtre ». « L’accent est
mis en 4e sur la distanciation et le regard critique, dans sa dimension ironique ou humoristique.
On étudie ainsi dans cette perspective une pièce de Molière, et éventuellement une autre pièce
du XVIIe siècle » (Document d’accompagnement aux programmes du cycle central). Or la pièce
de Molière permet à la fois une étude d’un genre, la comédie, à travers ses codes et son histoire, d’un registre, le comique, mais aussi des caractéristiques du dialogue, dans la perspective
de l’appréhension du discours argumentatif renforcée en 3e puis au lycée.
2. Comment est organisée la lecture suivie de L’Avare ?
La lecture de la pièce est ponctuée par cinq pauses lecture :
– après l’acte 1 : « Des mariages contrariés » ;
– après l’acte 2 : « Harpagon, usurier et amoureux » ;
– après l’acte 3 : « L’entrée en scène de Mariane » ;
– après l’acte 4 : « Des amours menacées » ;
– après l’acte 5 : « Un dénouement miraculeux ».
La découverte de l’œuvre est donc progressive et permet :
– de construire peu à peu le portrait d’Harpagon, personnage-clé de la comédie de caractère,
et d’appréhender son évolution de la tyrannie vers la folie ;
– de montrer l’organisation de la pièce autour des trois mariages désirés, contrariés ou
repoussés ;
– de décrire la structure et la progression d’une comédie classique, de l’exposition à l’invraisemblable dénouement ;
– de réfléchir à la fonction des différents types de personnages : enfants et amoureux, valets
rusés ou naïfs ;
– de définir la dimension comique de la pièce par le recours à des procédés variés, tant verbaux que gestuels, jouant en permanence avec la complicité du public.
3. Pourquoi proposer en « autre lecture » L’Homme économe
de Georges Feydeau ?
Le monologue de Feydeau entretient de nombreux liens avec L’Avare.
– Un lien thématique : L’Homme économe dépeint les précautions financières de l’avare qui
prend la parole. Son portrait en creux permet de deviner ses liens familiaux, ses habitudes professionnelles, mais surtout, dans chacune de ses phrases, son idée fixe. La cruauté et la mauvaise foi ne sont pas absentes de ce bref monologue qui s’apparente à une véritable leçon
d’avarice.
– Un lien de registre : les deux textes sont fondés sur le registre comique, traitant des
méthodes d’avares sur le mode de la dérision et de la comédie de caractère. La proximité entre
les deux auteurs apparaît d’ailleurs de manière frappante dans le fait que Feydeau s’est de
toute évidence inspiré d’Harpagon pour dessiner un homme économe du XIXe siècle.
L’Homme économe complète la lecture de L’Avare.
– Le monologue de Feydeau permet de comprendre l’un des principes de l’intertextualité
théâtrale : réactiver des personnages types, dont les monomanies sont fertiles en traits
comiques.
– Feydeau propose cependant une relecture de ce personnage : on est bien loin de la folie burlesque de la pièce de Molière et de la tyrannie de son personnage : l’avare est devenu un personnage raisonnable (« économe » au lieu d’« avare ») dont le bon sens est tourné en ridicule
et confine à l’absurde.
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L’Avare 3
– Le texte conduit les élèves à se confronter aux questions dramaturgiques liées au monologue. Le dramaturge doit se justifier et faire admettre au spectateur les raisons qui poussent
un homme à parler seul (forte émotion, dialogue fictif, projet didactique, etc.)
– L’Homme économe est enfin un texte court pouvant aisément donner lieu à un travail de
mise en scène. Il est écrit par l’un des génies comiques du XIXe siècle, encore peu présent dans
les programmes scolaires et, de ce fait, relativement méconnu.
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L’Avare 4
organisation de la séquence
Lire une comédie,
L’Avare de Molière
OBJECTIFS
À la fin de la séquence, l’élève doit être capable :
En lecture
– De donner une définition simple de ce qu’est le comique au théâtre, en particulier celui
qui est fondé sur le type obsessionnel, le « bizarre » moliéresque.
– D’avoir une idée précise de la structure de la pièce et des événements nouveaux qu’apporte chacun des actes.
– D’étudier les évolutions des intrigues de la pièce : les trois mariages, leurs aléas et leurs
fonctions, du châtiment à la vengeance.
– De repérer les principes de l’écriture du dialogue de théâtre.
●
En outils de la langue
– De repérer l’emploi et la fonction des quatre types de phrases.
– D’identifier les principales formes de phrases : simples, complexes, nominales.
– De connaître les temps spécifiques du dialogue (présent, passé composé, imparfait,
futur).
– De connaître les valeurs du présent de l’indicatif.
– D’analyser les modes plus particulièrement associés au dialogue (conditionnel, impératif).
– D’étudier les effets spécifiques tirés de l’emploi de la reprise nominale et des pronoms
personnels dans le dialogue.
●
En écriture
– De réinvestir les éléments de l’intrigue, des caractères ou du registre pour écrire des
textes narratifs, dialogiques ou des lettres.
– De s’initier à l’écriture argumentative par des exercices variés : dialogue amoureux, lettre
délibérative, programme de théâtre, point de vue sur la pièce.
●
S
E M A I N E
1
Lecture
Pause lecture 1 : Des mariages contrariés
1. Les projets amoureux
2. Le portrait d’un avare
3. Le procès d’un tyran
Outils
de langue
Observation : p. 24-26, l. 40-78, Harpagon fouille La Flèche.
Synthèse :
– emploi des quatre types de phrases ;
– leur fonction (de l’interrogatoire à l’expression des sentiments) et leur
variété, créatrice de vivacité au théâtre.
Application : p. 32-34, l. 100 à 150.
Identifiez et justifiez l’emploi des quatre types de phrases.
Écriture
Rédigez un dialogue : p. 46.
Oral
Du texte à l’image :
La Mort de l’Avare de Bosch, 1490, p. 46 et p. I du dossier images.
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L’Avare 5
S
E M A I N E
2
Lecture
Pause lecture 2 : Harpagon, usurier et amoureux
1. Prêt ou usure ?
2. Un affrontement violent entre un père et son fils
3. Les amours d’Harpagon
Outils
de langue
Observation : p. 59, l. 1 à 42.
Synthèse :
– phrases simples et phrases complexes ;
– phrases verbales et non verbales.
Applications : p. 57, l. 1 à 34.
Identifiez les différentes formes de phrases.
Justifiez l’emploi des phrases non verbales.
Écriture
Entraînez-vous à l’écriture argumentative : p. 72.
Oral
Du texte à l’image :
L’affiche de l’adaptation de L’Avare, film réalisé par Jean Girault, 1980, p. 71
et p. II du dossier images.
S
E M A I N E
3
Lecture
Pause lecture 3 : L’entrée en scène de Mariane
1. Les préparatifs du dîner
2. Harpagon le barbon
3. La vengeance du fils
Outils
de langue
Observation : p. 108, l. 1 à 44.
Synthèse :
– les temps du discours dans le dialogue théâtral : imparfait, passé composé, présent, futur ;
– valeurs de ces temps ;
– spécificités du conditionnel et de l’impératif.
Application : p. 114-116, l. 32 à 76.
Relevez les temps de ce passage et justifiez leur emploi.
Écriture
Écrivez une scène de rencontre : p. 102.
Oral
Jouez une scène : p. 102.
ou
Du texte à l’image :
Farceurs français et italiens, peinture attribuée à Vério, 1670, p. 100 et p. III
du dossier images.
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L’Avare 6
S
E M A I N E
4
Lecture
Pause lecture 4 : Des amours menacées
1. À la recherche d’une solution
2. Un père impitoyable
3. L’avare volé
Pause lecture 5 : Un dénouement miraculeux
1. Enquête et quiproquo
2. Reconnaissances multiples
3. Une fin heureuse ?
Outils
de langue
Observation : p. 129 à 131, l. 1 à 44.
Synthèse :
– reprises nominales et pronominales ;
– l’emploi des pronoms dans le texte de théâtre ;
– valeur du pronom indéfini « on ».
Applications : p. 141-144, l. 23-70.
Identifiez les référents des pronoms personnels et justifiez l’emploi des différentes formes.
Étudiez l’emploi du mot « homme ».
Vers le brevet : p. 156.
Questions + réécriture
Écriture
Rédigez un programme de théâtre : p. 154.
Vers le brevet : p. 156.
Oral
Du texte à l’image :
Une photo de la mise en scène d’Andréi Serban à la Comédie-Française,
2002, p. 127 et page IV du dossier image.
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L’Avare 7
réponses aux questions
◗ Pause lecture 1
➜ p. 43
Des mariages contrariés
OBJECTIFS
– Rappeler les enjeux de l’acte d’exposition et la préparation dynamique de la suite de la
pièce. Montrer comment Molière informe le spectateur tout en créant une véritable tension
dramatique : secrets partagés, crainte du père, urgence de la situation.
– Expliquer comment un personnage se construit par la parole : ce qu’on en dit, ce qu’il dit,
ce qu’il dit de lui, comment il le dit. Revenir sur la notion de comédie de caractère.
– Revenir sur les principaux acquis de l’intrigue et la notion de « comédie d’intrigue » : le
triple mariage.
– Établir les parallèles (similitudes, asymétries) entre les personnages (deux couples) et
leurs projets (deux mariages) organisés autour du personnage d’Harpagon.
Les projets amoureux/
Avez-vous bien lu ?
Pour avoir la confiance d’Harpagon.
L’exposition
1 Le premier acte de la comédie permet d’informer indirectement le spectateur sur :
– l’intrigue. Harpagon contrarie les amours de ses deux enfants en les forçant à se marier
avec de riches partis. On apprend également qu’il souhaite épouser la jeune fille dont Cléante
est amoureux, bien qu’il ne le sache pas encore. Enfin, le premier acte dévoile également la
présence, dans le jardin d’Harpagon, d’une cassette bien pleine ;
– les personnages. Leurs relations : Harpagon est le père d’Élise et de Cléante qui ont perdu
leur mère. Élise est aimée de Valère, employé au service d’Harpagon, venu à Paris pour retrouver son véritable père. Cléante aime Mariane qui vit seule et pauvrement avec sa mère. Le premier acte permet aussi d’entrevoir la tyrannie qu’Harpagon exerce sur ses enfants et l’avarice
qui le caractérise. Leur milieu : les personnages sont issus de la bourgeoisie urbaine ;
– le lieu. « La scène est à Paris », plus précisément dans la maison du bourgeois Harpagon,
condition nécessaire pour qu’il y ait comédie ;
– l’époque. L’action est contemporaine de l’époque de la représentation, ce que trahissent les
costumes (où l’on doit préciser qu’Harpagon, par souci d’économie, porte des vêtements
démodés, et qu’il reproche à son fils ses goûts vestimentaires trop luxueux à son goût (I, 4), les
enjeux de la pièce et le langage des personnages ;
– la tonalité. La pièce est une comédie, pour toutes les raisons évoquées précédemment. On
y voit des personnages issus de milieux éloignés de la cour aux prises avec des préoccupations
quotidiennes et contemporaines. Leur langage est proche de celui que parlent les spectateurs,
leurs costumes, des vêtements qu’ils portent. Enfin la visée de ce genre est de susciter le rire
au moyen de procédés très variés : gestes, mots, situations, caractères, intrigue, tout en
confiant au spectateur une morale de la mesure et du bon sens.
2 Le secret d’Élise est dévoilé dès la première scène, celui de Cléante dans la deuxième et
les projets de triple mariage d’Harpagon sont révélés dans la quatrième scène. Les informations sont données progressivement dans un souci de clarté (chaque couple a ainsi « sa »
scène), de progression dramatique (ce sont les mots d’Harpagon qui ruinent les projets du
frère et de la sœur), mais aussi pour susciter chez le spectateur une attente sur le personnage
éponyme (les deux jeunes gens, Valère et Cléante, évoquent tous deux l’avarice d’Harpagon
comme obstacle à leurs projets).
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L’Avare 8
Des couples menacés
3 Élise craint « cent choses à la fois » (p. 15, l. 16) : tout d’abord la colère d’Harpagon, les
« reproches d’une famille », « les censures du monde ». En bref, le désaccord que son père (et
plus généralement les conventions sociales du Grand Siècle) pourrait opposer à son désir de se
marier. Mais c’est avant tout la peur de l’inconstance et l’insincérité de Valère, vices que la
jeune fille attribue aux hommes en général, qui la rendent « mélancolique ». Valère entreprend
de la rassurer sur les deux plans. La certitude qu’il a de retrouver ses parents ainsi que les flatteries qu’il adresse à Harpagon le rendent optimiste.
4 Cléante avoue à Élise qu’il aime Mariane : « Elle se nomme Mariane » (I, 2, l. 46).
5 Harpagon projette de marier sa fille Élise à Anselme : « Et pour toi, je te donne au seigneur
Anselme » (p. 35, l. 165-166), archétype du barbon de comédie (« un homme mûr, prudent et
sage, qui n’a pas plus de cinquante ans et dont on vante les grands biens », p. 35, l. 168). On
retrouvera ce personnage au dénouement de la pièce, mais dans une tout autre perspective.
6 Cléante s’apprête à interroger son père sur son désir de mariage : s’il devait y être défavorable, il est prêt à s’exiler avec Mariane. Mais pour mener ce projet à bien il doit emprunter de
l’argent, ce qu’il fera à la scène 1 de l’acte II.
Le portrait d’un avare/
Avez-vous bien lu ?
Il reproche à son fils ses vêtements qu’il juge extravagants, mais qu’il trouve surtout bien trop
onéreux. On peut aussi signaler qu’il se moque de sa faiblesse physique (« damoiseaux
flouets », I, 4, l. 162). La vigueur physique d’Harpagon est certainement l’un de ses traits constitutifs importants, puisque, d’une certaine façon, c’est lui qui porte la comédie sur ses épaules.
Harpagon ou l’avarice incarnée
1 L’avarice d’Harpagon qui est à la fois un enjeu dramatique et thématique de la pièce
entache sa réputation : c’est pour cette raison que ce sont d’abord ses enfants (Élise et
Cléante) et leurs alliés (Valère et La Flèche) qui vont en parler dans des termes très similaires,
sur le mode du regret, de la révolte ou de l’insolence, en fonction de leur sexe ou de leur lien
avec l’avare. D’une certaine manière, le public est préparé à voir l’avarice d’Harpagon en action
à partir de la scène 3. Comme il s’agit d’un défaut qui envahit toute sa personnalité, une forme
de folie dont Molière fait le sel de ses comédies de caractère, il est important que la perception du personnage (qui en sera d’autant plus drôle) soit tout entière déterminée par cet
aspect.
2 L’inquiétude d’Harpagon provient du fait qu’il garde chez lui une très importante somme
d’argent. L’argent est certes caché et Harpagon se méfie des coffres-forts trop aisément identifiables selon lui, mais il demeure accessible, d’autant que les lapsus d’Harpagon (« Ne seraistu point homme à aller faire courir le bruit que j’ai chez moi de l’argent caché ? », I, 3, l. 30 ;
« Ô ciel ! je me serai trahi moi-même », I, 4, l. 14) et ses incessants allers et retours exposent
son trésor plus qu’ils ne le dissimulent. La suite de la pièce confirmera ses craintes. Cette
somme d’argent provient de l’usure qui est son métier (« dix mille écus qu’on me rendit
hier », p. 28, l. 11) : Harpagon prête de l’argent contre de très forts intérêts.
La manie d’Harpagon
3 Les gestes et les jeux de scène sont directement la conséquence de l’avarice d’Harpagon.
– Il chasse violemment La Flèche qu’il suspecte de rôder autour de son trésor. C’est bien la
seule fois qu’il accuse quelqu’un à raison.
– Il fait des apartés qui révèlent sa crainte de voir son secret éventé.
– Il menace à deux reprises La Flèche de le battre pour son insolence.
– La fouille de La Flèche donne lieu à un gag fondé sur le comique de geste et sur l’absurde
emprunté à Plaute : la recherche de la troisième main.
– L’« impertinence » de La Flèche qui évoque l’avarice en général alors qu’il fait très clairement allusion à celle d’Harpagon peut aussi donner lieu à divers jeux de scène (mouvements
de recul, amplitude de la voix).
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L’Avare 9
L’ensemble de ces jeux de scène comiques est lié au fait que, paradoxalement, La Flèche doit à
la fois rester sur scène (il attend son maître, Harpagon veut l’interroger, le fouiller et le battre)
et en sortir (il craint les coups et l’autorité d’Harpagon, Harpagon veut l’éloigner de son trésor).
4 L’avarice d’Harpagon commande :
– son projet pour sa fille : Anselme est prêt à épouser Élise « sans dot » ;
– son projet pour son fils : la veuve avec qui Cléante doit se marier permettra aussi à
Harpagon de faire des économies dans la mesure où son fils ne lui réclamera plus d’argent ;
– son projet pour lui-même : malgré le peu d’argent de Mariane (ce qui inquiète Harpagon :
« j’ai peur qu’il n’y ait pas avec elle tout le bien qu’on pourrait prétendre », p. 34, l. 138-140)
car elle compense ce défaut par ses autres qualités, ses talents de femme d’intérieur, sa
beauté.
Le procès d’un tyran/
Avez-vous bien lu ?
Il fait mine de l’approuver.
La tyrannie d’un père
1 Cléante apprend que son père a prévu d’épouser Mariane et prétend un « éblouissement »
(un malaise, p. 35, L. 158) pour quitter la scène. À peine son fils sorti, Harpagon annonce à sa
fille qu’il mariera Cléante à une veuve. Il n’a, bien entendu, rien dit de ce mariage forcé à son fils.
2 Élise tente de tenir tête à son père et de refuser le mariage qu’il lui impose. Le résultat de
ce « duel » est nul dans le sens où Élise n’a pas accepté le mariage mais on peut aussi considérer qu’Harpagon l’a remporté dans la mesure où Élise se rangera à l’avis de l’arbitre choisi
par son père. Le risque que prend Harpagon lui semble faible car il sait que Valère lui est
dévoué.
Une autorité efficace ?
3 La Flèche, le valet de Cléante, se moque ingénieusement d’Harpagon. Les valets de comédie ont traditionnellement pour fonction d’ébranler l’autorité du maître. Ici, La Flèche semble
particulièrement versé dans l’art de l’éloquence, opposant ses raisonnements et ses
« flèches » imparables à un Harpagon mettant tout en œuvre pour dissimuler son vice.
4 Harpagon, tout en le condamnant, décrit assez précisément le costume de Cléante : ce dernier connaît toutes les exigences de l’élégance de son temps. Il porte des rubans (que stigmatise l’hyperbole « des pieds jusqu’à la tête ») et de nombreuses aiguillettes qui servent à attacher son pantalon court (le haut-de-chausses) à sa veste. L’habit quitte alors sa simple
fonction utilitaire, ce qu’Harpagon ne tolère pas. Cléante explique à son père qu’il se procure
l’argent lui permettant de s’habiller ainsi grâce aux gains que lui rapporte sa chance au jeu.
C’est un reproche détourné à son père qui refuse de financer son fils.
Le comique au service de la satire
5 Les différentes formes de comique que l’on peut relever dans le premier acte sont :
– Le comique de mots qui naît d’un aparté : la variation autour des termes « avarice » et
« avaricieux » apparaît dans un aparté de La Flèche (scène 3).
– Le comique de répétition de mots : le « duel » Harpagon/Élise (scène 4), le « sans dot »
(scène 5).
– Le comique fondé sur un quiproquo : Harpagon parle de Mariane comme de sa future
femme alors que Cléante croit qu’il veut la marier avec lui (scène 5).
– Le comique de répétition de gestes : on peut citer, la fouille de La Flèche au cours de laquelle
ce dernier doit montrer à trois reprises ses mains (scène 3).
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L’Avare 10
Vers l’expression\
Vocabulaire
1. Harpe, Harpie, Harper, Harpon, Harponner.
– Ces mots désignent tous le fait d’attraper quelque chose de façon à ne pas le lâcher. En
ce sens Harpagon porte son travers dans son nom même : celui d’attraper l’argent et de
le conserver.
– D’autre part, dans la plupart de ces mots, on perçoit une volonté d’agresser ou de nuire :
l’idée de violence est également présente dans le nom du personnage.
– Enfin, le geste que le mot grec suggère, ce geste d’agripper, est à lui seul efficace théâtralement et détermine sans doute la façon dont les acteurs choisissent d’interpréter
Harpagon. L’onomastique est en elle-même théâtrale.
2. une servante / un valet ; une serveuse / un serveur ou un garçon de café ; une impératrice
/un empereur ; une compagne / un compagnon ; une hôtesse de l’air / un steward.
À vous de jouer/
Rédigez un dialogue
Cet exercice est l’occasion de revenir sur :
– les liens qui existent entre les sujets d’imagination et les textes littéraires qui les suscitent.
Il faudra donc tirer parti des connaissances du lecteur sur le personnage de Cléante, mais aussi
sur le personnage de Mariane en glanant dans le texte les informations données par les uns et
les autres (par le fils, p. 21 et par le père, p. 33) ;
– les principes de l’écriture du dialogue. De quelles répliques a-t-on vraiment besoin ? On
s’interrogera avec les élèves sur ce qui pousse à parler, au théâtre ou dans la vie. Préférera-ton le dialogue de théâtre ou le discours direct du récit ? ;
– la nécessité, pour séduire le lecteur, de jouer sur les variations (de ton – de la colère au
désespoir et à la révolte –, de longueur de répliques, de personnage dominant ou conduisant
le dialogue, de types de phrases, etc.) et les symétries (parallélisme des réactions ou des
phrases).
■
Du texte à l’image/
Observez le tableau p. I (La Mort d’un avare, Jérôme Bosch, 1490)
1 On voit au premier plan un avare d’âge mûr : il range une pièce d’or dans un sac placé dans
un coffre. Il se tient sur une canne, mais bien que voûté, il est encore debout : il est plus jeune
que l’avare du second plan. Au second plan le vieillard est mourant : plus maigre, plus pâle, il
attend la mort dans son lit.
■
2 De la main gauche, l’avare fait un geste pour repousser la Mort en train de pénétrer dans la
pièce, représentée de façon allégorique par un squelette voilé portant une flèche pointée vers
le corps de l’avare. De sa main droite, il semble chercher à tirer à lui une pleine bourse que lui
tend une des créatures démoniaques du tableau. En dépit de sa mort imminente, l’avare est
incapable de renoncer au péché d’avarice qui le domine, le croisement des bras renforçant
encore l’idée de cette contradiction. La mort du père Grandet dans Eugénie Grandet reprend
exactement la même idée.
À sa gauche, on voit un ange qui d’un geste de la main tente de faire relever les yeux à l’avare
pour lui indiquer la voie de la repentance et du salut. En effet, le regard de l’ange conduit
celui du spectateur vers une fenêtre qui laisse passer un rai de lumière et sur laquelle on aperçoit une représentation du Christ en croix.
3 Le regard et le geste de l’avare tendent à indiquer qu’il cherche à saisir une bourse pleine
que lui tend une des créatures démoniaques du tableau.
4 L’avare du tableau est un usurier. Le diablotin qui sort de sous le coffre (là encore un signe
de l’importance des richesses accumulées) au pied du lit de l’avare tient sans doute à la main
une lettre de créances ou une reconnaissance de dettes.
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L’Avare 11
5 La dimension morale du tableau apparaît grâce à plusieurs éléments :
– la mise en scène est simple, dépouillée, il y a peu d’éléments et chacun prend une valeur
allégorique ou symbolique ;
– les diables, incarnations du péché qui rappellent au mourant son vice, sont inquiétants.
Chacun est associé à l’une des caractéristiques de l’usure. Ces éléments fantastiques renvoient
sans doute à une sorte de « vision » édifiante qu’aurait l’agonisant ;
– la mort qui vient chercher l’avare a également un aspect effrayant. Elle représente une
forme de violence (elle est armée) ;
– le vice de l’avare est si puissant que même dans ses derniers instants, il pense à l’argent au
lieu de faire pénitence ;
– le corps amaigri de l’avare a aussi une valeur de mise en garde.
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L’Avare 12
◗ Pause lecture 2
➜ p. 69
Harpagon, usurier et amoureux
OBJECTIFS
– Approfondir le portrait d’Harpagon : mise en lumière de sa cruauté, de son orgueil et de
son intransigeance.
– Étudier les relations conflictuelles entre parents et enfants dans le théâtre de Molière : le
duel et son vainqueur.
– Montrer, par la scène de l’usurier inconnu, comment le quiproquo est préparé et gagne
ainsi en efficacité.
– Découvrir Harpagon en vieillard amoureux et ridicule pour analyser le type du barbon de
comédie.
– Appréhender le thème traditionnel de la flatterie au théâtre à travers le personnage de
Frosine l’entremetteuse.
Prêt ou usure ?/
Avez-vous bien lu ?
Le prêteur prétend devoir emprunter une partie de l’argent à une tierce personne (p. 49). Cela
lui donne l’occasion d’augmenter encore les taux déjà exorbitants de son prêt. Il est probable
que l’usurier connaît la situation de Cléante et en profite pour faire une bonne affaire à
moindre frais.
Une liste interminable
1 Cléante doit emprunter de l’argent car son père refuse de lui en donner (« la maudite avarice des pères », p. 53, l. 135) mais aussi car il en a besoin pour contrecarrer les projets de
mariage de son père. Cléante emprunte « quinze mille francs » (p. 49, l. 32).
Les conditions du prêt sont scandaleuses : non seulement son usurier exige des intérêts très
élevés mais en plus il lui fournit une partie de la somme en vieilleries que Cléante aura toutes
les peines du monde à revendre. Mais comme il le répète à plusieurs reprises, il n’a pas le
choix.
2 La longueur de l’inventaire montre bien que les objets de la liste n’ont que très peu de
valeur. Le prêteur, pour donner l’illusion du sérieux et de l’honnêteté, précise à chaque fois le
nombre de chacun des objets, sa matière et son usage.
Les objets de l’inventaire sont tous marqués par leur caractère désuet, encombrant (« une
grande table de bois de noyer », p. 51, l. 99), inutile car simplement décoratif (« une peau de
lézard », p. 52, l. 115), abîmé (« de toutes ses cordes, ou peu s’en faut », p. 52, l. 110). C’est
l’absence de valeur marchande de ce bric-à-brac que se plaît à souligner Molière (à la suite de
l’un de ses modèles, La Belle Plaideuse de Boisrobert, édité en 1654).
La longueur de la liste produit un double effet : comique tout d’abord du fait de la répétition
(anaphore des « plus ») et de l’accumulation, rendues sensibles par la gradation des réactions
de Cléante. Mais elle est aussi un trait de cruauté de la part de l’usurier. Molière a su la faire
durer juste assez longtemps et la rendre suffisamment variée pour qu’elle ne soit pas
ennuyeuse.
Un infâme usurier
3 Le prêteur, à l’instar de l’usurier, prête de l’argent contre intérêts. Mais le terme usure
concerne les taux jugés excessifs, et il est nettement péjoratif, l’usure ayant connu une longue
tradition de condamnation par l’Église. Cléante a affaire à un usurier puisque le jeune homme
évoque le « furieux intérêt qu’il exige » (p. 51, l. 123-124).
4 La discrétion dont fait preuve l’usurier est sans doute due au caractère peu recommandable
de la transaction. Cela permet Molière de susciter l’attente du lecteur quant à son identité.
Le spectateur est préparé, connaissant l’avarice d’Harpagon, à voir le père et le fils se retrouver.
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L’Avare 13
Un affrontement violent entre un père et son fils/
Avez-vous bien lu ?
À la fin de la scène, Harpagon ressent de la satisfaction.
Un coup de théâtre
1 Le mystérieux usurier de Cléante n’est autre que son propre père, Harpagon.
Maître Simon rappelle à Harpagon que son client est jeune, issu d’une famille aisée, orphelin
de mère et qu’il est prêt à tout pour se faire prêter de l’argent. Autant d’arguments qui font
l’affaire d’Harpagon. Molière – pour donner plus de saveur au quiproquo – lui fait aussi préciser que son emprunteur prévoit à court terme la mort de son père. C’est cela qui provoque le
rire des spectateurs, conscients que ce qu’Harpagon prend pour une bonne nouvelle n’est
autre que sa propre mort.
Un combat de mots
2 Les répliques du père et du fils sont parfaitement symétriques (quatre paires de répliques
en tout), procédé d’écriture que Molière avait déjà employé (I, 4, p. 35-37), car :
– la longueur des répliques est sensiblement la même ;
– les types de phases et donc la tonalité des répliques sont similaires ;
– le parallélisme est renforcé par le recours à des jeux de synonymies (« coupables extrémités/honteuses actions », « N’as tu point de honte/Ne rougissez-vous pas », p. 55) – dont les
variations suscitent le sourire (« mon père/pendard », p. 55) – ou d’antithèses (« ruiner/enrichir », p. 55) ;
– on observe des reprises termes à termes, proches de la figure de l’anaphore. (« Comment
[…] ? » ; « C’est […] qui », p. 55).
Ce parallélisme renforce la position du fils aux dépens de celle du père dans la mesure où il ose
lui tenir tête. Cléante lui obéit en quittant la scène à sa demande, mais c’est en fait Harpagon
qui est contraint de le chasser puisqu’il ne peut plus argumenter.
3 Harpagon reproche à son fils d’emprunter de l’argent (reproche paradoxal puisqu’il vit luimême de l’argent qu’il prête), l’accusation du fils est symétrique. Dans les deux cas, il s’agit
d’une condamnation morale de l’usure, ce que traduisent les termes employés (« coupables
extrémités » et « honteuses actions », p. 54, l. 34 et l. 36)
Une incompréhension réciproque
4 Le champ lexical de la moralité domine dans les lignes 34 à 58 : on trouve ainsi les termes
« extrémités », « honteuses » (à deux reprises), « condamnables », « débauches », « déshonorer », « désir insatiable » et « infâmes ». Ce relevé est complété par le champ lexical de la
justice (« criminelles », « criminel ») et de la vue (« paraître », « aux yeux du monde », « mes
yeux »). Ces emprunts au vocabulaire moral sont assez bien répartis entre les deux protagonistes, ce qui révèle à la fois que tous deux sont persuadés d’avoir raison et ce qui condamne
une fois encore implicitement Harpagon.
Le passage de la ligne 32 à la ligne 58 est dominé par l’emploi de la phrase interrogative. C’est
par des questions que chacun formule ses reproches à l’autre, le sommant de répondre à ce
qui s’apparente en fait à des questions rhétoriques traduisant l’émotion du père et du fils.
Harpagon n’est pas capable de répondre aux deux questions (particulièrement spectaculaires
du fait de leur force oratoire : structure ternaire, gradation ascendante pour la première, parallélismes et antithèses pour la seconde) de son fils : il admet donc indirectement avoir tort, ce
que pourrait confirmer encore le passage de « Ôte-toi de mes yeux » (p. 56, l. 54) à un
« Retire-toi » (p. 56, l. 59) bien moins violent.
Les amours d’Harpagon/
Avez-vous bien lu ?
Frosine est sûre d’elle.
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L’Avare 14
Frosine, reine de la persuasion
1 Harpagon a chargé Frosine de servir d’intermédiaire pour conclure le mariage avec
Mariane. C’est ce qu’il appelle, par litote, son « affaire » (p. 59, l. 37). La jeune femme se targue
en effet de conclure toutes les unions, même les plus invraisemblables (p. 59, l. 40).
Elle espère obtenir d’Harpagon une « récompense », comme elle le dit une première fois à La
Flèche (p. 57, l. 18) et comme elle le répète à Harpagon : « j’ai un procès que je suis sur le point
de perdre, faute d’un peu d’argent » (p. 65, l. 187). La Flèche l’avertit de l’infinie avarice
d’Harpagon et de sa capacité à ne jamais dépenser un sou, mais Frosine a une grande
confiance dans ses talents.
Pour plaire à Harpagon, Frosine le flatte outre mesure, ce qui n’aboutira absolument pas au
résultat escompté : Harpagon la congédiera sans la rémunérer.
2 Pour flatter Harpagon, Frosine :
– le complimente sur son physique avenant, signe de sa bonne santé (l. 3-8) ;
– prétend que son âge n’est pas avancé et qu’il vivra encore longtemps (l. 9-35) ;
– affirme que Mariane (et les femmes en général) préfèrent les hommes vieux, en particulier
ceux qui portent des lunettes (l. 112-159) ;
– lui fait croire qu’il est doté d’une grande beauté physique (l. 160-170).
Le public rit à l’énoncé de ces flatteries :
– parce qu’elles sont paradoxales : les jeunes femmes préfèrent généralement les hommes de
leur âge ;
– parce qu’elles sont contraires à la vérité : Harpagon est un vieillard qui n’est pas du tout
séduisant ;
– et enfin parce que ce dernier semble goûter naïvement ces compliments intéressés, cet
adoucissement étant d’ailleurs en contradiction avec son attitude habituelle.
3 Harpagon semble néanmoins se méfier des flatteries de Frosine.
– À plusieurs reprises, il doute de ce qu’elle avance et admet que « les jeunes gens d’ordinaire
n’aiment que leurs semblables » (p. 63, l. 111) ou encore, quand elle évoque le goût supposé
de Mariane pour les portraits de vieillards, il avoue : « Voilà ce que je n’aurais jamais pensé »
(p. 64, l. 144-145).
– Les hésitations du début de la scène renvoient aussi à cette lucidité qu’il ne parvient pas à
abandonner tout à fait.
– Enfin, on peut également mentionner, en plus de son avarice, la clairvoyance d’Harpagon
qui réussit à donner congé à Frosine sans la payer.
Harpagon aux deux visages
4 La fin de la scène est marquée par une alternance (signalée dans cinq des rares didascalies
de la pièce) de mimiques tantôt graves et tantôt gaies d’Harpagon. Le relevé précis est :
– Il prend un air sévère (l. 184) ;
– Il reprend un air gai (l. 188-189) ;
– Il reprend son visage sévère (l. 197) ;
– Il reprend un air gai (l. 201) ;
– Il reprend son air sérieux (l. 208).
Rappelons que le personnage d’Harpagon était joué par Molière, grand maître des jeux corporels scéniques.
Le but de ces didascalies est d’abord d’indiquer à l’acteur quelles mimiques il doit effectuer.
Ces « deux visages d’Harpagon » sont ceux du plaisir d’entendre parler de l’amour de Mariane
et du déplaisir d’écouter Frosine réclamer de l’argent. Ils permettent de souligner le comique de
la scène, les variations d’humeurs sur lesquelles joue Frosine (le thème galant alterne avec les
demandes d’argent) et l’habileté de cette dernière (Harpagon devient un véritable pantin). La
dernière didascalie « fige » l’expression de l’avare : il renvoie Frosine avec un visage sévère.
5 En plus du comique (de geste – de grimace devrait-on dire – et de répétition), ces deux
facettes de sa personnalité révèlent également son caractère inhumain car ses réactions semblent mécaniquement commandées, sa cruauté (puisqu’il ne récompense pas Frosine), son
intransigeance et son aveuglement, dans les choses de l’amour comme dans celles de l’argent.
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L’Avare 15
Vers l’expression\
Vocabulaire
1.
Terme employé
Synonyme
Antonyme
Dur
méchant, violent, intransigeant,
inflexible, brutal
Aimable, tendre, sympathique,
généreux, bienveillant
Aride
sec, froid, distant
chaleureux, affable, doux
Aversion
haine, détestation, horreur,
dégoût
goût, intérêt, sympathie,
attention, amour
2. Les intrus sont soulignés.
a. simple – calme – humble – modeste
b. somptueux – gracieux – fastueux – riche
c. exquis – élégant – délicieux – appétissant
À vous de jouer/
Entraînez-vous à l’écriture argumentative
La citation de Rousseau pourra être rapidement analysée :
Elle présente un paradoxe : traditionnellement c’est Harpagon que l’on considère comme le
personnage négatif de la pièce. C’est ce que fait clairement comprendre Molière d’ailleurs.
Elle oppose les personnages de Cléante et de son père (par l’usage d’une concessive), mettant
en lumière les vices du premier :
– il vole son père (allusion à la scène où La Flèche « prend en otage » la cassette d’Harpagon).
– il lui manque de respect (ce qui a été vu à la scène 2 de l’acte II) car il lui tient tête en
répondant à ses reproches.
– Cléante lui fait lui-même des reproches (emploi de l’hyperbole « mille »).
On peut, bien entendu, tout d’abord se fonder sur cette scène de dispute pour défendre
Cléante puisqu’on peut y puiser nombre d’arguments en sa faveur.
– L’attitude la plus vicieuse est celle de l’usurier, non celle de l’emprunteur.
– Cléante est en quelque sorte forcé par son père d’agir de la sorte, puisque ce dernier ne lui
donne pas d’argent.
– L’attitude de Cléante, bien qu’irrespectueuse, est fondée sur la propre cruauté de son père,
qui va jusqu’à souhaiter sa mort. Certes les fils doivent du respect aux pères, mais la partie
paternelle du contrat n’est pas remplie, puisqu’en principe Harpagon doit l’assistance à son
fils.
Mais on peut aussi inviter les élèves à trouver des arguments en faveur d’Harpagon et se faire,
comme Rousseau en un sens, l’avocat du diable.
– Son fils s’emporte bien vite contre lui et se montre bien peu conciliant. Il pourrait privilégier
le dialogue avec son père.
– Son fils pourrait faire en sorte de gagner de l’argent autrement que par le jeu ou le recours
à l’usure.
– Sans verser dans l’avarice, le fils pourrait aussi être plus économe, au lieu de vouloir suivre
la mode à tout prix.
Quant à la forme, les élèves peuvent choisir entre le dialogue argumentatif (qui rapproche le
devoir d’un sujet d’invention) mais aussi lui donner la forme d’une lettre (de Cléante) ou d’un
devoir de réflexion enchaînant les paragraphes présentant chacun un argument.
■
Du texte à l’image/
Observez l’affiche p. II (L’Avare, affiche du film réalisé par Jean Girault, 1980)
1 Une affiche de cinéma a trois fonctions :
– informer le spectateur (titre du film, nom des acteurs et du réalisateur) ;
■
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L’Avare 16
– donner envie au spectateur d’aller voir le film (par le choix de vedettes ou les couleurs de
l’affiche) ;
– par les symboles qu’elle présente, donner une idée des enjeux du film et de son histoire : ici
une comédie (les couleurs et l’attitude du personnage, le titre) autour du thème de l’argent.
2 Les pièces d’or ont pour rôle :
– de créer un équilibre dans l’image (elles sont harmonieusement réparties, dans une symétrie verticale et horizontale) ;
– de souligner à la fois la richesse du personnage (il y a un grand nombre de pièces, elles sont
de toute évidence en or) et de constituer ainsi un lien thématique avec la pièce de Molière ;
mais aussi son énergie (ses paumes ouvertes au bout des bras tendus semblent – ce qui peut
paraître paradoxal – indiquer qu’il jette ces pièces), ce qui est en lien avec le genre de la pièce ;
– de rappeler le soleil du fond de l’affiche.
3 Le soleil du second plan peut être compris de diverses manières sans qu’elles soient
contradictoires. Un tel signe (abstrait dans la mesure où il n’a aucun lien explicite avec la pièce
elle-même) peut donner lieu à des interprétations symboliques ou plastiques.
– Il figure une auréole burlesque.
– Il rappelle par sa forme et sa couleur, les pièces d’or, leitmotiv de la pièce, et indique métaphoriquement le lien vital qu’elles entretiennent avec Harpagon.
– Si l’on considère que l’avare tente de tenir ce soleil dans ses mains, on peut aussi y voir une
représentation de ce qu’Harpagon poursuit mais n’obtiendra jamais (ou peinera à conserver) :
Mariane, ses enfants, son argent.
– Ce soleil met aussi en valeur l’unique personnage de l’affiche, vedette du film et interprète
d’Harpagon, l’acteur Louis de Funès. Signalons que son nom et le titre de la pièce figurent au
centre de ce soleil.
4 Là encore le visage et le geste d’Harpagon prêtent à différentes interprétations. La photo
est tirée d’un passage du film, mais hors de son contexte, elle devient plus ambiguë.
– Son rictus peut être celui de la gaieté forcée qu’il ressent lorsqu’il voit Mariane. Il est en tout
cas la marque d’une volonté du réalisateur de ne pas faire d’Harpagon un personnage cruel. Il
est relativement sympathique dans le film, résolument tourné vers le registre de la farce et du
burlesque.
– Son regard fixe aux yeux écarquillés rappelle la folie du personnage.
– Son geste renvoie à la vigueur qu’il déploie pour mener à bien ses projets, vigueur qui entretient un lien étroit avec sa folie, sa « manie ». Rappelons que c’est parce qu’il est « fou »
qu’Harpagon est un personnage de théâtre riche et comique. On peut tout autant l’interpréter comme un signe de joie (Harpagon retrouve sa cassette) que comme un geste de surprise
(Harpagon découvre que son fils est son client).
– L’attitude d’Harpagon confère à l’affiche une certaine symétrie qui fait son harmonie.
5 Le costume d’Harpagon sur l’affiche s’inscrit dans une tradition mais il respecte aussi la
lettre du texte de Molière : Harpagon porte en effet la « fraise à l’antique » et le « haut-dechausses, attaché au pourpoint avec des aiguillettes », le noir rappelle son austérité et son
avarice. Ce costume met aussi en valeur par contraste l’expression réjouie du visage de Louis
de Funès ainsi que la pluie de pièces d’or. Grâce au costume, on situe aussi une époque : il
s’agira ici d’un film en costumes.
6 Il y a peu de couleurs dans l’affiche, ce qui renforce l’efficacité de son caractère symbolique
et simple. On en relève trois :
– le jaune des pièces et du soleil (leur similitude de forme est ainsi soulignée) ;
– le noir du costume ;
– le blanc du fond.
Ces trois couleurs entretiennent des relations de fort contraste. Le costume noir, signe de
l’austérité traditionnelle d’Harpagon, est ainsi mis en valeur. Et une fois encore est rappelée la
présence d’une « tête d’affiche » dans le film.
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L’Avare 17
◗ Pause lecture 3
➜ p. 99
L’entrée en scène de Mariane
OBJECTIFS
– Montrer, à partir de la scène de la préparation du repas, comment et pourquoi Molière
écrit et anime une scène collective : nombre important d’entrées et de sorties, interventions
de personnages très divers.
– Souligner les enjeux de cette scène : permettre la rencontre Mariane-Harpagon-Cléante,
mais aussi créer des effets comiques fondés sur les obsessions de l’avare.
– Montrer la richesse d’un personnage de second plan, comme l’est maître Jacques.
– Indiquer à partir des exemples de vengeances de maître Jacques et de Cléante, comment
Molière établit des liens entre les actes pour soutenir l’attention du public.
Les préparatifs du dîner/
Avez-vous bien lu ?
Le dîner est l’occasion pour Harpagon de rencontrer sa future fiancée.
Un dîner le plus économique possible
1 Harpagon, dans toutes les consignes qu’il adresse à ceux qui l’entourent ne pense qu’à
économiser de l’argent.
– Dame Claude ne doit pas balayer trop fort pour ne pas user les meubles. Elle paiera si une
bouteille de vin venait à être cassée.
– Brindavoine et La Merluche ne doivent pas beaucoup servir les invités. Ils dissimuleront aux
yeux des convives les défauts de leurs habits.
– Il invite Maître Jacques à préparer le repas le plus économique qui soit.
Harpagon :
– oblige La Merluche et Brindavoine à porter des « siquenilles » (p. 75, l. 21) pour ne pas
tacher leurs habits. Il leur demande de ne les retirer qu’au dernier moment ;
– se refuse à remplacer les habits abîmés (l’un est taché, l’autre troué) de ses serviteurs
(p. 76).
Il suggère à La Merluche de se placer dos au mur et à Brindavoine de porter son chapeau
devant la tache. Le registre de la farce n’est pas très loin (on peut également relever les points
de suspension euphémistiques de la ligne 30).
2 Harpagon recommande que l’on économise sur le vin en ne le servant que sur demandes
répétées (p. 75, l. 18). Pour ce qui est de la nourriture, le repas doit paraître copieux tout en
étant peu cher, Harpagon préconise « de ces choses dont on ne mange guère, et qui rassasient
d’abord » (p. 81, l. 147). Maître Jacques a ainsi la consigne de préparer des haricots gras et un
pâté aux marrons. Ces plats communs et lourds ne conviennent pas à un repas de ce type qui
supposerait des mets fins et rares, comme le suggérera malicieusement Cléante (p. 94,
l. 78-81).
Maître Jacques, personnage de comédie
3 En plus de sa fonction comique on pourrait voir chez maître Jacques une incarnation du
bon sens et d’une certaine naïveté qui met en relief la folie d’Harpagon. Il est raisonnable et
prévoit un dîner approprié à la cérémonie. Il est un domestique consciencieux qui tâche de
servir son maître au mieux.
– Mais on pourrait aussi lui faire tenir un rôle critique, se moquant des économies et de
l’autoritarisme de son maître au début de la scène (l. 11 et 20). Ce personnage persifleur
(« Grande merveille ! », p. 78, l. 79) semble trop emphatique pour être sincère et manie l’ironie (contrairement aux autres valets) ce qui caractérise d’habitude des personnages détenteurs d’une forme de pouvoir ou d’autorité.
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L’Avare 18
– Ses précautions oratoires (« Monsieur, puisque vous le voulez, je vous dirai franchement
qu’on se moque partout de vous », l. 208-210) lorsqu’il rapporte à Harpagon les médisances
publiques doivent probablement être prises avec la plus grande méfiance. La naïveté et l’aveuglement d’Harpagon sont une fois de plus révélés au grand jour.
– Enfin, c’est un personnage qui fera progresser l’intrigue car il cherchera, à la fin de la pièce,
à nuire à Valère en le dénonçant comme auteur du vol de la cassette
La montée des tensions
4 Face à la franchise de maître Jacques, et alors qu’il sollicitait lui-même son avis, Harpagon
ne songe qu’à se venger et à le battre. C’est son orgueil de vieil homme qui a été blessé, et on
peut considérer, à partir de cette réaction, qu’il ne se préoccupe pas uniquement de son argent,
mais aussi, paradoxalement, de sa réputation, ce qui reviendrait à nuancer son aveuglement.
– Maître Jacques décide de reporter les coups qu’il vient de recevoir sur le coupable désigné
qu’est Valère.
Valère et maître Jacques sont en concurrence pour seconder Harpagon. Dans la première scène
de l’acte III, Valère donne de bons conseils à maître Jacques dans le but de flatter Harpagon et
d’établir entre le cuisinier et lui une hiérarchie à son avantage. Maître Jacques, qui soupçonne
que Valère n’est pas sincère et ne flatte Harpagon que « pour [le] gratter et [lui] faire sa cour »
(p. 83, l. 194), cherchera par la suite à se venger : « pour ce Monsieur l’intendant, je m’en vengerai si je puis » (p. 86, l. 44-45). Cette vengeance s’accomplira à la scène 2 de l’acte V.
Harpagon le barbon/
Avez-vous bien lu ?
Harpagon a mis des lunettes car il veut séduire Mariane.
Le vieillard amoureux
1 La longue phrase d’Harpagon peut être assimilée à un véritable éloge amoureux qui a pour
objectif de conquérir Mariane en la flattant. Cette phrase est ridicule car :
– son style ampoulé (« appas », « astres ») est un mauvais pastiche de poésie précieuse ;
– sa longueur la rend emphatique, d’autant que le commentaire fait à Frosine est très bref ;
– l’image du regard-astre est éculée, et rendue parfaitement ridicule par la répétition cacophonique : « un astre, mais le plus bel astre qui soit dans le pays des astres » (p. 89, l. 5 à 7),
à propos de laquelle on ne peut s’empêcher de penser au mot « désastre » ;
– enfin, la trivialité de l’auteur du compliment n’est jamais totalement absente : on passe du
registre lyrique aux inquiétudes fort concrètes d’Harpagon (p. 87, l. 8-9) témoignant de son
manque d’assurance et invalidant son compliment.
2 Harpagon ne cesse, dans la scène 6, de dénigrer ses enfants. Il emploie un lexique dépréciatif « mauvaise herbe » (l. 6) et l’expression finale, « j’en serai bientôt défait » (l. 21), assimile
ses enfants à des objets encombrants dont il souhaite se débarrasser. On pourrait d’ailleurs
interpréter cette dernière réplique à la lumière du « Tant mieux ! » de la scène 5 de l’acte II
comme le vœu secret de la mort de ses enfants. Ces paroles révèlent avec certitude l’absence
d’affection paternelle d’Harpagon, légitimée à ses yeux par la notion même d’héritage : quoi
qu’il arrive sa fortune leur reviendra un jour… C’est en ce sens que son amour pour Mariane ne
l’a en rien adouci.
Une impossible conquête
3 Mariane est inquiète car :
– elle épouse Harpagon par nécessité (scène 4, ligne 34) ;
– elle appréhende un mariage avec un homme très différent d’elle et qu’elle n’aime pas
(scène 4, l. 7) ; et
– elle n’arrive pas à se réjouir de la mort de son futur mari (scène 4, l. 35) ;
– son amour pour Cléante lui rend ce mariage encore plus insoutenable (scène 4, l. 15).
Frosine pour l’encourager lui promet que cette union « n’est pas pour durer » (scène 4, l. 30)
et qu’elle aura bientôt le statut de veuve, seule façon pour une femme à l’époque de Molière
d’être indépendante.
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L’Avare 19
4 La violence d’Harpagon (il méprise sa fille, souhaite se débarrasser de ses enfants), son ridicule (ses lunettes), son incapacité à comprendre les enjeux de la situation (il ne tient aucun
compte des réactions pourtant sensibles de sa future femme) et sa grossièreté (ses entreprenants « belle mignonne ») le rendent avant tout risible. Harpagon n’est pas un personnage
pathétique parce qu’il est une figure tyrannique. Le spectateur se réjouit de son échec programmé.
La vengeance du fils/
Avez-vous bien lu ?
Elle n’épouse Harpagon que contrainte par la pauvreté.
Un double discours
1 Harpagon est persuadé que son fils se montre fort irrespectueux à l’égard de sa future
belle-mère : il exprime un profond dégoût pour ce mariage, ce qu’il explique par les termes
ambigus « ce que je suis » et « mes intérêts » (l. 20). Cette feinte est particulièrement habile
car sa répugnance paraît légitime aux yeux d’Harpagon qui la croit fondée sur le fait qu’il se
remarie : « nous savons le train des enfants dont les pères se remarient, et de quel œil ils ont
coutume de regarder ce qu’on appelle belle-mère » (p. 77, l. 48-49). « Ce que je suis », pour
Harpagon, c’est un beau-fils. Mais Mariane (et le spectateur avec elle) comprend que c’est un
amant qui parle. Cette manière de procéder permet à Cléante de rappeler ses sentiments à la
jeune femme sans alerter son père.
2 Il substitue ensuite à ces compliments détournés un véritable éloge (« je n’ai rien vu dans
le monde de plus charmant que vous », p. 91, l. 57), prétendant se faire le porte-parole de son
père. Harpagon, s’il ne peut pas véritablement protester contre ce procédé (il a demandé à son
fils de ne pas « faire mauvais visage », p.74, l. 6) à Mariane et les compliments sont faits en
son nom), n’est évidemment pas dupe : il interrompt la tirade de son fils par un « Doucement
mon fils, s’il vous plaît » (p. 91, l. 67). Cette remarque renseigne sur la folie de l’avare : il a des
moments de lucidité.
3 Les apartés (qui traduisent traditionnellement les intentions et pensées véritables des personnages, loin de l’hypocrisie conventionnelle que leur imposent les propos tenus à haute
voix) sont ici des injures qu’Harpagon fait à son fils. Cléante transforme d’abord ces injures en
compliments : (« Peste soit… » devient « Le voilà qui se scandalise de votre refus », p. 93,
l. 113, « traître », « il se désespère », p. 94, l. 115) puis les interprète « à la lettre ». L’effet
comique repose sur l’alternance de traductions à contresens (tant du sens que des gestes et
des expressions) et d’interprétations apparemment littérales des réactions de son père, que le
jeune homme domine ici totalement. Cette variété des procédés comiques est d’une redoutable efficacité et démontre la virtuosité de Molière.
La machination de Cléante
4 La vengeance de Cléante est double : il ruine son père par des cadeaux somptueux qu’il le
contraint à faire à Mariane. Mais il profite aussi de la situation conventionnelle, qui l’oblige à
faire des compliments à sa future belle-mère, pour faire comprendre ses sentiments à la jeune
femme.
5 Harpagon serait grossier de s’opposer aux dons – des mets rares (p. 94, l. 79-80), un bijou
précieux (l. 88) – que son fils offre à Mariane en son nom. Il tente de lui dissimuler son avarice, peu compatible avec la séduction.
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L’Avare 20
Vers l’expression\
Vocabulaire
Terme original
Définition
Nouveau mot
Définition
Visible
Ce que l’on peut voir
Invisible
vision
visiblement
Ce qui ne peut être vu
Ce qui permet de voir de manière évidente
Astres
Formations dans l’espace,
étoiles
Astrologue/gie
astronome
astral
Celui qui prétend deviner lire des prédictions
dans les astres / sa discipline
Celui qui part à la conquête de l’espace
En rapport avec les astres
Témoigne
Raconte ce qu’il a vu
Témoignage
Témoin
Récit de ce qu’on a vu
Celui qui a assisté à un événement
À vous de jouer/
Écrivez une scène de rencontre
Pour rendre cette double scène efficace, on veillera à :
– bien choisir la personne à rencontrer (ami, amoureuse, marchand, professeur, parent) et surtout à bien construire les circonstances de la première rencontre désagréable (rupture amoureuse, dispute amicale, marchand malhonnête, professeur autoritaire, parent sévère) ;
– maintenir le quiproquo lors de la première scène entre les deux amis : la personne à rencontrer doit être évoquée en des termes suffisamment ambigus (c’est tout l’art du quiproquo)
pour que l’enthousiasme et l’impatience du premier ami soient justifiés (il donnera donc
nécessairement des détails sur « l’inconnu ») sans pour autant que le second ami puisse deviner de qui il s’agit ;
– représenter de manière variée et vivante les sentiments des personnages : curiosité, enthousiasme, impatience, surprise, déception, colère, honte, révolte ;
– imaginer comment se déroule la rencontre elle-même : l’ami surpris tente-t-il de se cacher,
de protester discrètement ?
– ne pas négliger la réaction de « l’inconnu » : est-il embarrassé, ravi, déçu ?
■
Jouez une scène
Pour interpréter cette scène paradoxale (elle est contraire à la « morale » traditionnelle des
pièces de Molière où les jeunes triomphent des préjugés de leurs parents), l’interprète devra
réfléchir aux arguments que Mariane soumettra à son ex-fiancé (argent, amour, dégoût de
Cléante), mais aussi aux variations de ton : surprise, déception, sarcasme, désespoir, etc.
Cléante pourra, pour finir, être convaincu du bien fondé de ce nouveau choix, mais les arguments de Mariane devront être particulièrement habiles.
■
Du texte à l’image/
Observez le tableau p. III (Farceurs français et italiens, peinture attribuée à Vério,
1670)
1 On identifie la scène de théâtre aux indices suivants :
– la présence au centre du tableau, au niveau de la ligne d’horizon, d’une rangée de six lustres
richement ornés, portant chacun six chandelles ;
– la disposition, au premier plan en bas du tableau d’une rampe, succession de bougies qui
servent à éclairer la scène, l’ancêtre de nos projecteurs de théâtre ;
– le caractère relativement sommaire des bâtiments représentés sur la scène qui font
immanquablement penser à un décor. La présence au premier plan du balcon, élément scénographique traditionnel, renforce ce sentiment ;
– en observant le tableau de près, on peut remarquer que le sol sur lequel se trouvent les personnages est un parquet : les fameuses « planches » du théâtre.
■
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L’Avare 21
2 Molière, à l’extrême gauche : « Par ici, Monseigneur » ou « Observez ces personnages ».
Le deuxième personnage en partant de la gauche : « Laissez-moi m’expliquer » ou « Je vous
assure que c’est la vérité ».
Le quatrième personnage en partant de la droite : « Taisez-vous et écoutez ce que j’ai à vous
dire ».
Le troisième personnage en partant de la droite : « Quelle surprise, je ne m’attendais pas à
votre venue ».
Les élèves pourront justifier leurs propositions à partir d’une observation de l’expression, du
geste et de l’attitude corporelle du personnage, voire les jouer en classe. On peut aussi leur
demander de trouver des répliques dans la pièce qu’ils associeraient aux personnages de la
farce.
3 Le personnage au centre du tableau, vêtu de noir et portant masque et chapeau, est le plus
proche de l’image que l’on se fait d’Harpagon. Le geste qu’il fait de la main (un salut à son partenaire) renvoie à une gestuelle d’accaparement. Il est voûté, ce qui rappelle l’âge de l’avare. Le
noir du costume peut être associé au désir de sobriété dicté par son sens de l’économie, qui lui
fait prendre parti contre la démesure vestimentaire de son fils (I, 4).
4 Arlequin : 6e personnage en partant de la gauche.
Briguelle : 2e personnage en partant de la droite.
Polichinelle : 5e personnage depuis la droite, sans compter celui qui se tient sur le balcon.
Pantalon : 4e personnage en partant de la droite, faisant face à Polichinelle.
Le Docteur : 7e personnage en partant de la droite.
Matamore : 5e personnage en partant de la gauche.
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L’Avare 22
◗ Pause lecture 4
➜ p. 123
Des amours menacées
OBJECTIFS
– Montrer comment l’acte progresse vers son point culminant, le vol de la cassette
d’Harpagon.
– Montrer comment la ruse du père révèle sa méfiance et son égoïsme à l’égard de ses
enfants.
– Mettre en lumière le conflit de plus en plus présent et violent entre le père et son fils.
– Étudier le comique de situation à partir de la scène de la conciliation de maître Jacques
et le rôle des contrastes de registres dans l’enchaînement des scènes d’une comédie.
À la recherche d’une solution (scènes 1 et 2)/
Avez-vous bien lu ?
Mariane demande à Cléante de convaincre sa mère de la laisser épouser le jeune homme et
d’échapper ainsi à Harpagon.
Un couple enfin réuni
1 On observe dans les répliques des deux amoureux une accumulation de phrases interrogatives (douze de la ligne 18 à la ligne 57, scène 1).
L’urgence de la situation est soulignée par l’emploi répété de phrases brèves (nominales dans
la bouche de Cléante, p. 105, l. 25-26) et d’impératives (Mariane : « Mettez, avisez, ordonnez »
l. 27-28, « Faites, agissez, employez » l. 40-41 ; Cléante : « Songe » p. 106, l. 54 ; Mariane :
« Ouvre », l. 55 et Élise : « Trouve » l. 56).
L’interjection pathétique « Hélas ! » est employée à deux reprises (Mariane, l. 21 ; Cléante,
l. 32) de manière égale par les deux membres du couple – qui s’en remet juste après à
Frosine – ce qui prouve leur désarroi.
Mariane fait preuve :
– d’esprit d’initiative et de vivacité, puisque c’est elle et non Cléante qui trouve la solution à
leur embarras. Ce modèle de la ruse au féminin avait déjà fait ses preuves en 1663 avec
l’Agnès de l’École des femmes ;
– d’abnégation et de lucidité : elle est prête à accepter son sort ;
– de courage et d’obstination : elle invite malgré tout Cléante à tenter l’impossible pour
convaincre sa mère ;
– de respect des bienséances et de pudeur : elle ne donne aucun gage de tendresse à Cléante
qui s’en plaint (l. 32-35).
Le stratagème de Frosine
2 Frosine a quatre bonnes raisons de venir en aide aux deux amoureux :
– la vengeance. Harpagon a une dette envers elle. En refusant de lui rétribuer ses services
(II, 5), il a blessé l’entremetteuse et a nourri son désir de revanche ;
– la culpabilité. Elle se sent responsable du désarroi que ressentent Cléante et Mariane : s’ils
l’avaient prévenue, elle aurait sans doute renoncé à aider Harpagon « et n’aurai[t] point
amené les choses où l’on voit qu’elles sont » (p. 104, l. 16-17) ;
– la compassion. Elle est touchée par la détresse du jeune couple contrarié : « je n’ai que trop
de tendresse à rendre de petits services, quand je vois des gens qui s’entr’aiment en tout bien
tout honneur » (p. 106, l. 51) ;
– le plaisir et l’orgueil. Elle est, en matière de stratagèmes, extrêmement douée et inventive :
« Oui, j’ai raison, je le sais bien » (p. 106, l. 71). Elle les sort aussi d’embarras par plaisir de
démontrer au monde sa virtuosité d’entremetteuse.
3 Frosine imagine présenter à Harpagon une fausse aristocrate bretonne plus fortunée que
Mariane. Son goût pour l’argent l’emportera sur l’affection qu’il éprouve pour la jeune femme.
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L’Avare 23
Ce passage, bien que parfaitement virtuel (il est écrit au conditionnel et, étrangement, Frosine
disparaîtra de la pièce après cette scène), est peut-être une manière :
– de prouver l’étendue et l’efficacité de l’imagination de Frosine ;
– de rappeler sa détermination à se venger d’Harpagon dont elle tourne ici encore l’aveuglement en dérision ;
– de redonner espoir à Mariane et Cléante ;
– de créer, par une sorte d’effet de théâtre dans le théâtre, un intermède comique contrastant
avec les préoccupations du couple de jeunes amants.
Le stratagème d’Harpagon
4 Harpagon surprend la fin de la conversation enflammée de Mariane et Cléante ainsi qu’un
baisemain complice : il comprend alors les vrais liens entre les amoureux, ce que trahit l’expression « sa prétendue belle-mère » (IV, 2, l. 2).
5 La scène 2 a pour vocation :
– d’informer le spectateur des soupçons d’Harpagon et donc de placer la scène 3 dans cette
perspective. Nous savons que le père sait ce que le fils ne sait pas. Chacune des phrases du
père pourra alors donner lieu à deux interprétations différentes (principe de la double énonciation) ;
– de permettre au père d’isoler son fils de Mariane pour, à la fois limiter leurs échanges, et
laisser libre cours à son autoritarisme jusqu’ici frustré : « il faut songer, s’il vous plaît, à vous
défaire de votre amour » (p. 112, l. 78). Ce sera pour lui l’occasion de se venger de cette complicité, en faisant croire à son fils, avant de se raviser, qu’il souhaite lui faire épouser Mariane.
Cette scène est un écho du premier interrogatoire du fils par le père (I, 4, p. 128).
Un père impitoyable (scènes 3 à 5)/
Avez-vous bien lu ?
Cléante s’excuse auprès de son père parce qu’il pense que celui-ci lui accorde Mariane en
mariage.
La ruse d’Harpagon
1 Harpagon prétend tout d’abord hypocritement à son fils qu’il renonce à épouser Mariane
au vu de son grand âge et qu’il souhaite la marier à Cléante. Un si soudain retour à la raison
aurait dû alerter le jeune homme, qui se méfie d’ailleurs de son père comme le montrent les
litotes qu’il emploie pour parler de Mariane (p. 110, l. 33 : « elle n’est pas fort à mon goût » ou
encore, l. 38 : « cet effort »).
2 Harpagon tombe le masque à la ligne 78 : « mon fils, savez-vous ce qu’il y a ? », une fois
que son fils lui a avoué, persuadé qu’il pouvait désormais être sincère avec son père, qu’il a
déjà rencontré Mariane et qu’il sait que leur affection est réciproque. Il veut imposer à son fils
de renoncer à sa bien-aimée et d’épouser celle que son père lui destine.
Devant les refus réitérés de Cléante et ses excellents arguments, l’avare :
– projette d’abord de le battre (p. 112, l. 100) ;
– propose à maître Jacques de servir de conciliateur entre les deux partis apparemment
inconciliables (p. 113, l. 12-13).
Une improbable réconciliation
3 Maître Jacques réconcilie père et fils grâce à une ruse issue de la tradition de la commedia
dell’arte dont Molière s’est déjà servi sur un mode différent à la scène 5 du premier acte : pour
ne fâcher personne, l’arbitre leur donne raison à tous deux. Les adversaires n’entendant pas ce
que maître Jacques dit à chacun d’entre eux, ce dernier peut donc leur expliquer que l’autre
renonce à ses exigences. Le stratagème est évidemment très vite découvert (p. 115, l. 23). La
réconciliation n’est qu’apparente dans la mesure où les deux personnages ne se parlent pas.
Le procédé comique repose sur le déficit des informations dont disposent Cléante et
Harpagon et sur l’habileté verbale de maître Jacques, qui n’aura presque pas à mentir. Ses
constants allers-retours du père et du fils donnent au procédé une dimension gestuelle qui
renforce le comique.
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L’Avare 24
L’ultime dispute du père et du fils
4 Au début de la scène 5, Cléante pense que son père consent à lui donner son accord pour
épouser Mariane. Harpagon, pour sa part, est convaincu que son fils se soumet à sa volonté.
Cette scène, comme de nombreuses autres de L’Avare, repose sur le principe du quiproquo :
chacun des personnages pense que son partenaire lui parle d’autre chose. Ceci n’est possible
que grâce à certains termes ambigus, qui permettent de ne jamais parler explicitement de
Mariane, termes que chacun interprète selon ses désirs : scène 4 : « ce que vous dites » (l. 66),
« vos promesses » (l. 70) ; scène 5 : « leur devoir » (l. 11).
5 La scène devient plus grave à partir du moment où le père et le fils en reviennent à leurs
exigences premières. Ce regain de violence se traduit par :
– les types de phrases (interrogatives, p. 116, l. 36 et 38 ; injonctives : « je te défends de me
jamais voir », l. 42) ;
– leur longueur ;
– le champ lexical de l’autorité (« défends », p. 118, l. 42 ; « abandonne », l. 44) ;
– les injures (« pendard », p. 118, l. 38 ; « traître », l. 40) ;
– l’insolence du fils (« je n’ai que faire de vos dons », p. 119, l. 51).
Les menaces que profère Harpagon (déshériter son fils) sont particulièrement graves dans le
sens où elles signifient une rupture totale entre eux et la condamnation du fils à la misère
sociale et financière.
Cléante, par orgueil et parce qu’il est convaincu de son bon droit, semble se moquer de la
malédiction de son père. On observe que la gradation ascendante (d’une interdiction de le voir
jusqu’à une véritable malédiction) qui caractérise les répliques d’Harpagon (p. 118-119, l. 40
à 51) est due à cette indifférence affichée. Indifférence qui va jusqu’au sarcasme puisque la
malédiction finale d’Harpagon est tournée en dérision par le jeune homme qui l’associe à un
« don », notion évidemment risible pour un avare comme l’est son père. Cléante est tout à fait
convaincu de l’absence totale d’affection de son père : il est lui-même parfaitement détaché
de lui, méprisant, haïssant peut-être même un homme égoïste et tyrannique, jaloux et manipulateur, incapable de l’écouter et de l’aimer. Les disputes père-fils sont d’ailleurs comme un
leitmotiv de la pièce : celle-ci rappelle les scènes 4 de l’acte I, 2 de l’acte II, 7 de l’acte III et 3
de l’acte IV.
L’avare volé (scènes 6 et 7)/
Avez-vous bien lu ?
La Flèche demande à Cléante de le suivre car il vient de dérober la précieuse cassette
d’Harpagon.
Le désespoir d’Harpagon
1 Ce sont le désespoir (« je me meurs », p. 120, l. 16) et la colère (« Je veux faire pendre tout
le monde », p. 121, l. 35) qui dominent dans le célèbre monologue d’Harpagon.
2 Harpagon nomme son argent :
– « mon cher ami » (l. 11) ;
– « mon support, ma consolation, ma joie » (l. 13).
La figure de style employée est la personnification, métaphore qui consiste à animer un être
inanimé. Elle est rappelée par l’emploi :
– de verbes (se cacher, l. 6) ;
– d’adjectifs (« pauvre », l. 11) ;
– du tutoiement (« toi », l. 12 et 15).
Ces tournures sont habituellement utilisées pour des êtres vivants.
Pour Harpagon, l’argent est un véritable compagnon, un alter ego, et finalement le seul
être qu’il aime et dont il se préoccupe. En ce sens la mort qu’Harpagon ne cesse d’évoquer
et d’invoquer (« on m’a coupé la gorge », l. 4 ; « sans toi il m’est impossible de vivre »,
l. 15 ; « je suis mort » l. 16 et « je me pendrai moi-même », l. 36) renvoie aux paroles de
l’amant séparé de sa bien-aimée. On pourrait associer cette affection démesurée à une
compensation après la perte de son épouse. Cette thématique de l’argent féminisé réapparaîtra à la fin de la pièce. Si l’argent est son seul « ami », Harpagon est aussi susceptible de
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L’Avare 25
nous toucher. En ce sens, il est un authentique mélancolique, tout à la fois coléreux et
désespéré.
Vers la folie ?
3 Molière souligne qu’Harpagon entre nu-tête sur scène. Il n’a plus conscience des convenances et du regard des autres. Sa folie fait déborder ses préoccupations privées et intimes sur
le personnage public. Ses propos, marqués par l’exagération et l’emphase, prouvent que le
monde extérieur ne joue plus son rôle normatif. L’absence de chapeau rappelle sans doute
aussi la folie, où perdre son chapeau équivaudrait à « perdre la tête ».
4 L’expression « que dites-vous ? » s’adresse au public. Les expressions « Que de gens
assemblés ! » (l. 24), « Quel bruit fait-on là-haut ? » (l. 28), « Ils me regardent tous et se mettent à rire. » (l. 31) sont aussi destinées à la salle. Ces adresses au public, qui brisent un instant
les règles tacites du quatrième mur et de l’illusion théâtrale, sont un procédé traditionnel de la
farce qui consiste à prendre à parti les spectateurs.
Vers l’expression\
Vocabulaire
1. Harpagon est seul en scène car La Flèche et son maître viennent de la quitter : (« Sauvonsnous », scène 6, l. 12). Cet isolement donne plus de force (comique ou pathétique) à son
monologue. Cette solitude pourrait évoquer :
– La folie qui est celle du personnage éponyme, le seul de la pièce à souffrir d’une telle
monomanie. La folie est amplifiée dans la mesure où ce qui vient de lui arriver (le vol de
la cassette) est l’exacte réalisation de sa peur la plus profonde, révélée tour à tour aux
scènes 5 de l’acte I et 3 de l’acte II. L’espace théâtral perd toute valeur référentielle
(« j’ignore où je suis », l. 10) accentuant la déraison du personnage.
– Elle renvoie également à la haine qu’il éprouve pour les autres (ses enfants, ses domestiques), ce qui le condamne à être abandonné dans les moments de détresse.
Sont hyperboliques :
– le lexique employé : « assassin » pour « voleur », l. 2, « ressusciter » pour réconforter,
l. 18 ;
– les pluriels : « des commissaires, des archers » (l. 34) ;
– les déterminants et pronoms à valeur généralisante : « toute la maison », l. 24, « personne », l. 26, « tout », l. 27, « tout le monde », l. 36 ;
– les personnifications : « mon cher ami », l. 11 ;
– les gradations : « à servantes […] et à moi aussi » (l. 5) ou « des commissaires, […] des
bourreaux » (l. 34-36) ;
– les termes affectifs : « Hélas ! » (l. 11), « De grâce » (l. 30) parodiant le registre tragique,
ce que confirme l’isotopie de la mort ;
– les répétitions : lexicales : « Au voleur ! » (l. 2) ou « mon pauvre argent » (l. 11), phonétiques (« Justice-juste » (l. 3) « meurs-mort » (l. 17), « fils-fille » (l. 25), par redondance :
« Où est-il ? où se cache-t-il ? » (l.5) ou « C’en est fait, je n’en puis plus » ( l. 15) ;
– la ponctuation : multiplication des interrogatives (l. 5-8 et l. 28-30), usage de l’exclamative (l. 2-3) ;
– les réactions d’Harpagon : « je me pendrai moi-même », l. 37.
2. Dans son célèbre monologue (Acte IV, scène 7), Harpagon se réfère au champ lexical de
l’injustice. Relevez-en plusieurs exemples que vous classerez par classe grammaticale.
Noms : voleur, assassin, meurtrier, justice, question, vol, commissaires, archers, etc.
Adjectif qualificatif : juste.
Verbe : pendre.
À vous de jouer/
Écrivez un monologue
Pour écrire un monologue délibératif on n’oubliera pas :
– d’indiquer pour le spectateur dans quelles conditions Cléante se trouve enfin seul en possession de son précieux butin ;
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L’Avare 26
– de trouver d’abord des éléments en faveur du retour de la cassette (respect du père, compassion pour lui après la scène 7, peur de la justice, crainte des tracas la vie en exil, volonté de
se faire pardonner par Harpagon pour obtenir de lui le mariage avec Mariane) puis en faveur
de la dépense de l’argent (lucidité quant à la réaction d’Harpagon qui ne renoncera jamais à
Mariane, assouvir enfin le désir de vengeance, plaisir de la fortune à partager avec Mariane et
Élise, projets futurs et joie de construire une nouvelle vie) ;
– d’imaginer les réactions d’Harpagon et de Mariane, et de les inclure dans le monologue, au
discours direct : de ce fait, le monologue se transformera en dialogue fictif et gagnera en vivacité ;
– de mentionner ou de faire comprendre les émotions contradictoires du jeune homme, qui
sont à l’origine d’une telle prise de parole solitaire.
Oral
Reprendre en l’adaptant le monologue de la cassette fait partie des traditions littéraires de la
réécriture : on s’inspire d’un classique en mettant au goût du jour, ce que Molière avait déjà
faut avec Plaute.
– Le monologue devra mentionner (en variant les reprises nominales, les comparaisons et les
métaphores évocatrices, comme dans le monologue d’Harpagon) et décrire l’objet volé (taille,
couleur, usage). Le choix de cet objet est fondamental : c’est lui en grande partie qui conditionnera le registre du texte : lyrique pour un objet impossible à voler, pathétique pour un
objet auquel on accorde une importance affective, comique pour un objet sans valeur ou insolite, dramatique pour un objet dangereux qui peut se retourner contre son voleur, etc.
– On devra comprendre le chagrin du volé : grande valeur monétaire ou affective de l’objet, sa
rareté, sa fragilité, etc.
– Le volé fera des hypothèses plus ou moins fantaisistes pour expliquer la disparition de son
cher objet. Rien n’interdit qu’il mène mentalement l’enquête comme un détective privé.
– Le ton sera celui du désespoir et de la révolte qu’on peut grossir par les procédés d’écriture
de l’hyperbole pour faire rire, mais aussi qu’on peut choisir d’employer sur un mode plus touchant et plus humain.
– Pour détourner un peu plus encore le texte de Molière, on pourrait aussi imaginer que le vol
de l’objet est un véritable soulagement : quel type d’objet pourrait susciter ce sentiment ? Aux
élèves d’y réfléchir.
■
Du texte à l’image/
Observez la photographie p. IV (L’Avare, mise en scène d’Andréi Serban à la ComédieFrançaise, 2002)
1 La photographie est sans doute prise à la fin de la scène 3 de l’acte IV (juste avant l’entrée
en scène de maître Jacques) ou à la fin de la scène 5 du même acte (maître Jacques contemplant l’étendue de son échec). Les indices qui permettent de l’identifier sont les suivants :
– l’objet que tient Harpagon à la main n’est autre que le « bâton » (p. 110, l. 100) dont il
menace son fils ;
– les costumes des personnages et la distribution des comédiens permettent d’identifier, de
gauche à droite : Cléante, jeune homme élégant, maître Jacques, en tenue de cuisinier,
Harpagon, vieillard à l’austère costume sombre ;
– l’attitude des trois protagonistes est aussi révélatrice : Cléante, buste relevé, regard droit,
incarne la révolte et la résistance à l’autorité tyrannique de son père ; maître Jacques se cache
après sa tentative de conciliation, effrayé par la violence qui se déchaîne entre le père et le fils ;
quant à Harpagon, son poing serré, ses cheveux hirsutes et son attitude inquiétante renvoient
aux menaces et à la malédiction qu’il lance à Cléante. Le fait que son fils ait, semble-t-il, reculé
et occupe un côté de la scène rappelle la victoire provisoire d’Harpagon à ce moment de la
pièce ;
– la scénographie (chaises bouleversées au sol, toile qui permet de mettre en valeur Harpagon
par contraste de couleurs) traduit elle aussi la violence de la scène.
■
2 Maître Jacques se cache afin d’échapper au déchaînement de violence entre les deux partis. Il reste témoin de la scène sans y participer puisque son rôle n’est mentionné que dans la
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L’Avare 27
didascalie initiale de la scène 4. L’effet de la scène transparaît donc tout autant dans les personnages qui en sont les acteurs que dans ceux qui en sont les spectateurs. En ce sens, si
maître Jacques est notre relais, on peut supposer que cette scène était interprétée sur le mode
comique. Maître Jacques forme un véritable contraste, incluant la farce dans le drame domestique, permettant à la crise entre le père et le fils de reprendre de plus belle à la scène suivante.
3 et 4 On peut dire de cette interprétation qu’elle est moderne dans le sens où le metteur
en scène a pris un certain nombre de libertés avec la tradition de la mise en scène de L’Avare.
En effet :
– les costumes sont contemporains, en tout cas ils ne se caractérisent pas par la référence au
XVIIe siècle. En fait, ils semblent, tout en restant fidèle à la mode du XXe siècle, mélanger les
périodes : années 30 pour le pantalon de golf, seconde moitié du XXe siècle pour le costume
d’Harpagon ;
– le décor, quant à lui, renvoie nettement à la seconde moitié du XXe siècle, qu’il s’agisse des
chaises ou du tableau abstrait aux formes géométriques servant de toile de fond. La scène
semble par ailleurs relativement dépouillée, autre trait de modernité. On n’a pas essayé de
reconstituer un intérieur bourgeois du XVIIe siècle.
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L’Avare 28
◗ Pause lecture 5
➜ p. 151
Un dénouement miraculeux
OBJECTIFS
– Rappeler quels sont les fils qui doivent être dénoués, à quelles questions le dénouement
répond : que fera Cléante de la cassette ? Comment maître Jaques se vengera-t-il ?
Comment Valère et Élise parviendront-ils à convaincre Harpagon de les laisser se marier et
comment Valère tirera-t-il profit du poste qu’il occupe depuis le début de la pièce dans la
maison d’Harpagon ? Comment Cléante et Mariane triompheront-ils des obstacles (financiers, légaux et moraux) qu’a dressés devant eux Harpagon ? Comment l’avare réagira-t-il et
s’adaptera-t-il à une fin forcément décevante pour lui ?
– Revenir sur les spécificités d’une fin de comédie : reconnaissance, fin heureuse, mariages
des jeunes gens et des jeunes filles, châtiment des tyrans, au prix parfois d’invraisemblances.
– Montrer de quelle manière Molière tire parti, jusque dans les dernières lignes de la pièce,
de l’obsession de son personnage et du comique de caractère.
– Revenir sur la structure de la pièce : de quoi les cinq actes se composent-ils ? Comment
Molière répartit-il les nombreux événements de la pièce pour la rendre à la fois vivante et
vraisemblable ?
Enquête et quiproquo/
Avez-vous bien lu ?
Maître Jacques profite opportunément de la situation pour accuser Valère et se venger ainsi de
l’humiliation et des coups de bâtons reçus à la scène 2 de l’Acte III, où il s’exclamait : « pour ce
monsieur l’intendant, je m’en vengerai si je le puis » (p. 85, l. 44-45).
La justice selon Harpagon
1 Le comique de la scène repose sur le faux témoignage de maître Jacques : celui-ci, ne disposant d’aucune preuve contre Valère, fait décrire le lieu (le jardin) et l’objet (la cassette) du
vol à Harpagon. Les propos du cuisinier sont outrancièrement mensongers mais la folie
d’Harpagon l’aveugle une fois encore sur ce point. La crainte de maître Jacques d’être démasqué indique bien qu’il ment.
Harpagon s’en contente parce qu’il cherche à tout prix à trouver un coupable quel qu’il soit. Le
vol de sa cassette le fait verser dans la folie et le rend parfaitement incapable de tout jugement raisonnable et mesuré. C’est ce que confirme la conclusion qu’il donne à la fausse déposition de son cuisinier : « Il n’y a point de doute » (p. 130, l. 92).
L’art du quiproquo
2 Alors qu’Harpagon parle à Valère de sa cassette, Valère, lui, parle d’Élise.
L’indécision propre au quiproquo est possible ici dans la mesure où les noms d’Élise ou de la
cassette, du mariage ou du vol ne sont jamais directement évoqués et que ces deux termes
peuvent avoir des champs lexicaux communs. De fait, le mariage peut être vu par un père
excessif et possessif, comme il en abonde dans la comédie, comme un véritable vol. Ainsi les
mots « crime » (p. 131, l. 5), « affaire » (l. 9), « tour » (l. 12), « chose » (l. 14), « offense »
(p. 132, l. 24), « faute » (l. 25) « guet-apens » (l. 26), « assassinat » (l. 27), « mal » (l. 29),
« sang, entrailles » (l. 32), « action » (l. 42) « biens » (p. 133, l. 53), « vol » (l. 57) « trésor »
(l. 59) permettent de maintenir longtemps l’ambiguïté sur le sujet de la conversation. Le quiproquo repose aussi sur le fait que le mariage de Valère et d’Élise pourrait s’expliquer par la
volonté du jeune homme de faire un « beau mariage » et de s’approprier par cette union les
« richesses » de son beau-père. Enfin, la culpabilité de Valère permet également aux accusations d’Harpagon de tomber juste. Le spectateur rit parce que lui seul sait de quoi parle chacun des personnages, mais aussi parce que les termes employés ne sont pas toujours appropriés à la situation. De plus, la scène révèle également qu’Harpagon accorde plus d’importance
à son argent qu’à ses enfants.
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L’Avare 29
3 Depuis le début de la pièce, Harpagon a souvent laissé entendre qu’il avait une relation
affective puissante avec son argent. C’est en particulier le vol de la cassette qui le révèle. De
fait, les termes plus clairs qu’emploie Valère (« amour », « charmes ») ne le décillent que très
tardivement, tant ils lui paraissent légitimes pour parler d’argent.
4 À l’acte précédent, Harpagon qualifiait sa cassette de « cher ami », prenant ainsi une chose
pour une autre. Le quiproquo n’est cependant plus possible car il suppose forcément deux personnages qui ne se comprennent pas. La substitution de l’animé à l’inanimé est sincère chez
Harpagon. Il s’agit ici d’une métaphore et non d’un quiproquo.
Reconnaissances multiples/
Avez-vous bien lu ?
Anselme a changé de nom pour oublier ses malheurs passés.
Une famille enfin réunie
1 Anselme n’a pas revu ses enfants depuis seize ans. C’est ce que révèle à deux reprises son
témoignage : « il y a seize ans pour le moins » (p. 143, l. 66) et « vous ayant tous crus morts
durant plus de seize ans » (p. 146, l. 125). Il a renoncé à les chercher car il les croyait morts. En
fait, les quatre membres de la famille ont survécu séparément au naufrage.
Mariane et Valère sont donc frère et sœur.
2 Les familles d’Anselme et d’Harpagon se ressemblent car elles comportent le même
nombre d’enfants des deux sexes, Mariane et Valère d’une part, Élise et Cléante de l’autre. Les
unions croisées des enfants ajoutent à la ressemblance. Et dans les deux familles, le père joue
sur la scène un rôle prépondérant, la femme d’Harpagon étant morte et celle d’Anselme n’apparaissant pas physiquement dans la pièce.
Anselme est l’opposé d’Harpagon car :
– il déclare publiquement son amour pour ses enfants : « Embrassez-moi, mes enfants, et
mêlez tous deux vos transports à ceux de votre père » (p. 145, l. 118) ;
– il refuse le mariage forcé : « Ce n’est pas mon dessein de me faire épouser par force »
(p. 142, l. 18).
La reconnaissance
3 La famille d’Anselme, qui devait fuir les persécutions dont elle était la victime à Naples, a
été séparée au cours d’un naufrage : « l’homme dont vous nous parlez périt sur mer avec ses
enfants et sa femme » (p. 144, l. 67).
– Valère a été sauvé ainsi qu’un domestique par le capitaine d’un vaisseau espagnol (p. 144,
l. 72).
– Mariane et sa mère ont été retenues prisonnières par des corsaires pendant dix ans (p. 145,
l. 103 et 105).
– Anselme-Dom d’Alburcy indique simplement qu’il a échappé à la noyade (p. 145, l. 120).
Ce type d’épisodes particulièrement rocambolesques, mêlant courage, hasard, violence et
malheur pourrait apparaître dans un roman d’aventures.
Cette scène est invraisemblable parce que la probabilité pour que les trois d’Alburcy se retrouvent au même endroit et au même moment après seize ans de séparation est très mince. La
critique contemporaine a souvent reproché à Molière ses dénouements invraisemblables.
Cette situation, où un personnage (comme Anselme) n’apparaît qu’au cinquième acte pour
renverser totalement la situation est appelée un deus ex machina.
4 Cette triple reconnaissance résout quatre difficultés en rendant leur liberté aux jeunes
gens de la pièce :
– Élise n’est plus contrainte de se marier (puisque son futur époux est opposé à ce mariage).
– Valère peut donc épouser Élise, que son rang lui permet désormais de convoiter.
– Mariane et Valère sont riches.
– Mariane n’est plus forcée d’accepter d’épouser Harpagon pour assurer sa survie. Elle pourra
donc officialiser son union avec Cléante.
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L’Avare 30
Une fin heureuse ?/
Avez-vous bien lu ?
On s’apprête, à la fin de la pièce, à célébrer le mariage de Cléante et de Mariane d’une part et
d’Élise et de Valère d’autre part.
Le dernier portrait d’Harpagon
1 Cléante propose à son père de lui rendre sa cassette en échange de son accord pour son
mariage avec Mariane (p. 147, l. 10).
C’est immédiatement la question des frais engendrés par le mariage qui vient à l’esprit de
l’avare. Une fois encore la joie de voir ses enfants mariés ou le chagrin de voir Mariane lui
échapper passent au second plan : « Je n’ai point d’argent à donner en mariage à mes
enfants » (p. 148, l. 30). Il profite de l’euphorie d’Anselme et de sa position d’autorité (c’est
encore lui qui décide d’accorder son consentement au mariage de ses enfants) pour extorquer
à son voisin les fonds pour la noce, pour un nouvel habit et pour les frais du commissaire. Sa
seule préoccupation est l’économie, qu’il s’agisse de récupérer sa cassette ou de ne pas payer
pour le mariage.
Un dénouement de comédie ?
2 Ce dénouement est conforme aux attentes des spectateurs de comédies dans la mesure
où :
– il résout le nœud de la pièce.
– il est heureux et touchant, comme l’indique le double projet de mariage. La tradition des
comédies veut que ces dernières se terminent par une noce qui lève les obstacles qu’ont rencontrés les amoureux de la pièce ;
– les personnages positifs sont récompensés.
Les personnages principaux voient leurs désirs satisfaits :
– Mariane et Cléante ont obtenu l’accord de leurs pères pour se marier, de même qu’Élise et
Valère ;
– Anselme a retrouvé son épouse et ses enfants ;
– Harpagon a retrouvé sa cassette, et ce sans dépenser un sou.
3 Harpagon renonce facilement au mariage avec Mariane car :
– il a la garantie de retrouver sa cassette ;
– il est assuré de ne rien avoir à payer pour la noce ;
– les mots d’Anselme lui font prendre conscience de quelque chose qu’il savait : « ne vous
faites point dire ce qu’il n’est pas nécessaire d’entendre » (p. 148, l. 24). C’est peut-être la première fois qu’il a conscience du ridicule de ses projets ;
– il n’était probablement pas amoureux de Mariane, ne songeant à elle que par souci d’économie. Sa véritable maîtresse, l’unique chose dont il ne veut pas se séparer, est bien entendu
sa cassette.
4 La pièce, fidèle à sa thématique et au genre de la comédie de caractère, se termine par
l’objet de la monomanie d’Harpagon : sa « cassette ».
La leçon de Molière est une leçon :
– de mesure et de tempérance : ne vous laissez pas aveugler par vos lubies, vos manies, vos
préoccupations ;
– de lucidité et de clairvoyance : ne méprisez pas ce que l’on peut penser de vous, écoutez les
conseils de vos amis ;
– d’amour filial et de tolérance : ne soyez pas égoïstes avec vos enfants, sachez accorder de
l’attention à leurs désirs ;
– d’optimisme : les situations les plus critiques ont toujours une chance de se résoudre (y
compris par l’entremise du hasard et de la chance).
Vers l’expression\
Vocabulaire
1. b. Préfixes « in » privatifs
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L’Avare 31
Infortuné : malchanceux, desservi par la fortune
Autres exemples : incompétent, incapable, innocent, intransigeant, inflexible, incroyable,
intolérant, etc.
c. Préfixes « in » non privatifs
insolence : impertinence, fait de ne pas respecter l’autorité.
intérêts : ce qui nous concerne ou nous touche.
d. Autres exemples : incarnation, innovation, information, intérieur, innervé, inspecter, etc.
2. Harpagon : « de par tous les diables » : juron qui traduit la colère.
Harpagon : être « endiablé » après quelque chose : ensorcelé, particulièrement désireux de :
a) « Tirer le diable par la queue » : se dit à propos de difficultés financières.
b) « Faire le diable à quatre » : être très actif, se donner beaucoup de mal.
c) « Avoir le diable au corps » : être vif, passionné, se dit aussi d’un enfant agité ou qui fait
des bêtises ; se dit aussi de penchants immoraux.
d) « Au diable ! » : expression de dépit ou que l’on emploie quand on veut se débarrasser de
quelque chose ou de quelqu’un.
À vous de jouer/
Rédigez un programme de théâtre
L’actualité et la modernité de la pièce peuvent se justifier de plusieurs manières, parmi lesquelles :
– le caractère intemporel des rapports de forces entre générations ;
– la place toujours forte de l’argent dans notre société ;
– la question encore actuelle des conflits entre amour et intérêt ;
– la permanence du goût du public pour les comédies et le rire ;
– la variété et l’originalité des procédés comiques chez Molière dont bon nombre de réalisateurs contemporains s’inspirent encore ;
– la malléabilité du théâtre de Molière, jamais disparu des programmations des théâtres et
que chaque génération de metteurs en scène a su adapter au goût du jour.
■
Du texte à l’image/
Créez une image
Pour réaliser ce projet de scénographie, on pourra conseiller aux élèves de :
– commencer par dessiner le cadre de scène vide pour y inclure les personnages, en s’inspirant du tableau de Vério, page III du dossier images. Rien n’interdit de réaliser ensuite une
maquette en utilisant du carton noir pour faire une boîte où le décor s’inscrira et où les personnages seront des silhouettes à placer sur la scène ;
– citer sous leur dessin les répliques prononcées par les personnages ainsi que la scène
concernée si l’élève décide de représenter un passage précis de la pièce.
Quels que soient les choix du scénographe et du costumier, ils seront toujours justifiés. Si
l’élève décide d’ignorer les indications de Molière, ce dont il est parfaitement libre, il devra
expliquer pourquoi il s’éloigne de la tradition et ce que ses choix signifient par rapport à la
pièce. Décors et costumes sont des indices forts pour permettre au spectateur de comprendre
la lecture que le metteur en scène veut faire. Ses justifications argumentées seront toujours
fondées sur une interprétation du texte.
■
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L’Avare 32
◗ vers le brevet
➜ p. 156
Questions
15 points
I. L’aveu d’un fils (4 points)
1 a. Champ lexical de l’amour (l. 51 à 75) : « cœur » (l. 52), « je l’aime » (l. 53), « demander pour femme » (l. 55), « passion » (l. 65), « l’épouser » (l. 66), « amour » (l. 73), « bonté »
(l. 75). (1 point)
b. Termes prouvant la sincérité de Cléante : « il faut vous découvrir mon cœur » (l. 52), « La
vérité est » (l. 53). (1 point)
c. « La déclaration de vos sentiments » : Cléante fait allusion à l’aveu d’Harpagon qui a décidé
d’épouser Mariane. (1 point)
2 a. Les phrases interrogatives dominent chez Harpagon. (0,5 point)
b. Leur emploi est justifié par l’interrogatoire que mène Harpagon. Son intérêt et sa curiosité
sont feints : il tend en réalité un piège à son fils. (0,5 point)
II. La ruse d’un père (5,5 points)
3 Harpagon cherche à savoir si son fils aime Mariane, dans quelles circonstances ils se sont
déjà rencontrés et jusqu’où leur liaison est allée. (1 point)
4 a. « On » (l. 62) : pronom personnel indéfini.
Fonction : sujet du verbe recevoir conjugué au passé composé. (0,5 point)
b. « On » désigne Mariane et sa mère. (0,5 point)
5 a. Harpagon passe du « vous » au « tu ». (0,5 point)
b. Ce changement s’explique par la soudaine virulence des propos d’Harpagon : son fils, au
lieu de se soumettre, lui tient tête, ce qui est une marque d’irrespect. (1 point)
6 a. « Pendard » est formé à partir du radical « pend- » sur lequel est formé le verbe
pendre. Le suffixe dépréciatif « -ard » indique l’objet de l’action, celui que l’on espère voir
pendu. « Pendard » est un terme injurieux. (1 point)
b. Ce terme révèle le caractère colérique, haineux et grossier du personnage. (1 point)
III. L’affrontement (5,5 points)
7 a. Les arguments d’Harpagon sont :
– tu vas « sur mes brisées », autrement dit, ce mariage est mon projet et Mariane est la jeune
femme que je devais épouser (l. 91). (Argument de la primauté) ;
– je suis ton père : tu dois m’obéir et ne pas contrarier mes décisions (l. 94). (Argument du
rapport d’autorité) ;
– tu obéiras grâce à des coups de bâtons (l. 100). (Argument de la menace physique).
(1,5 point)
b. Les contre-arguments de Cléante sont :
– j’ai rencontré Mariane avant vous ;
– dans le domaine de l’amour, les enfants n’ont pas à obéir à leurs parents ;
– je n’ai pas peur de vos coups de bâton. (1,5 point)
8 Temps employé (l. 99) : futur simple. (0,5 point)
Valeur de ce temps : situer une action dans le futur, valeur ici de promesse ou de menace.
(1 point)
9 Harpagon est obligé de recourir à la force (coups de bâtons) pour convaincre son fils. C’est
la preuve de son impuissance argumentative : il ne le fera pas changer d’avis. (1 point)
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L’Avare 33
Réécriture
5 points
Il lui déclare, lui, qu’il ne quittera point la passion qu’il a pour Mariane, qu’il n’y a pas d’extrémité où il ne s’abandonne pour lui disputer sa conquête, et que s’il a pour lui le consentement d’une mère, il aura d’autres secours peut-être qui combattront pour lui.
Rédaction
15 points
On pourra rappeler aux élèves les contraintes de l’écriture de la lettre :
– mentions et marques du destinataire et de l’énonciateur ;
– indications de temps (date) et de lieu ;
– formules d’introduction et de conclusion.
●
Le texte lui-même comprendra les éléments suivants :
– une partie narrative : récit de l’entretien avec le père, après en avoir rapidement rappelé
l’enjeu ;
– une partie consacrée à l’évocation des sentiments variés de Cléante : colère, déception,
espoir, confiance en Mariane ;
– une partie argumentative : quelles sont les solutions qui se présentent, quelle est la
meilleure solution à adopter et pourquoi. Il est possible ici d’imaginer un dialogue fictif avec le
destinataire-ami qui ferait les réponses ou donnerait des conseils à Cléante.
●
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L’Avare 34
compte rendu de l’« autre lecture »
L’Homme économe de Georges Feydeau
Ce compte rendu de lecture peut être donné en entier ou en choisissant une ou deux
parties du questionnaire.
◗ Questions
I. L’avare et sa victime/
1 L’homme économe
a. Quelles informations avons-nous sur l’identité du locuteur (l. 4) ?
b. Et sur son caractère (l. 3) ?
2
a.
b.
c.
« Mon garçon »
Que sait-on de l’interlocuteur de celui qui parle ?
Pour quelle raison s’est-il adressé à l’homme économe ?
Pourquoi l’homme économe lui montre-t-il son argent ?
3
a.
b.
c.
d.
Un raisonnement implacable
Reformulez le raisonnement de l’homme économe (l. 13 à 17).
Quel est le résultat de cette démonstration ?
En quoi peut-on juger qu’elle n’est pas honnête ?
Quel trait de caractère le raisonnement de l’homme économe trahit-il ?
II. Leçons d’avarice/
4 Principes
La justification que l’homme économe fait de son avarice (l. 18 à 22) est absurde. Montrez-le.
5
a.
b.
c.
Méthodes
Relevez les situations dans lesquelles l’homme économe pratique son art.
Par rapport à sa « leçon » quelle est la valeur de ces situations concrètes ?
Pourquoi, à votre avis, y a-t-il autant d’exemples ?
6 Un fin pédagogue
a. Relevez les termes appartenant au champ lexical de l’enseignement.
b. Par quels termes et expressions l’homme économe prend-il à parti ses auditeurs ?
III. Comparaison entre L’Avare et L’Homme économe/
7 Comparez les méthodes des deux avares pour économiser.
8 En quoi le vice des deux avares les rend-il particulièrement cruels ? Pensez notamment à
leurs relations affectives.
9 Citez quelques procédés comiques employés par Molière et Feydeau.
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L’Avare 35
◗ Corrigé
I. L’avare et sa victime/
1 L’homme économe
a. L’énonciateur est l’oncle de son interlocuteur du début de la scène.
b. Il est tellement avare qu’il détourne l’expression polie « bien de choses à ta mère » pour
tenter d’en économiser une partie.
2 « Mon garçon »
a. Celui que l’énonciateur nomme « mon garçon » est son neveu.
b. Ce neveu est allé lui demander de l’argent car il a contracté des dettes de jeu.
c. L’homme économe lui montre de l’argent, non pas pour le lui donner, mais pour qu’il le
prenne comme exemple.
3 Un raisonnement implacable
a. Ne pas lui prêter de l’argent entraînera la déception du neveu. Si l’oncle lui en prête, l’argent sera perdu. C’est la première solution que notre avare retient.
b. Son raisonnement lui permet de ne pas lui prêter d’argent.
c. Le raisonnement est malhonnête car :
– l’avare s’était décidé à l’avance ;
– il ne prévoit pas la possibilité que son neveu lui rende l’argent.
d. L’homme économe, sous couvert de pédagogie, fait preuve ici d’une certaine cruauté.
II. Leçons d’avarice/
4 Principes
L’homme économe est fier de :
– ne jamais rien s’offrir : son argent ne lui sert donc a rien ;
– pouvoir mourir riche, situation dans laquelle il ne pourra plus dépenser son argent.
5 Méthodes
a. Les domaines tour à tour évoqués sont :
– les transports ;
– le mariage ;
– la famille ;
– la nourriture ;
– les animaux domestiques ;
– les vêtements ;
– le jeu ;
– le logement.
b. Chacune de ces situations a une valeur d’exemple dans le raisonnement.
c. Leur répétition et leur absurdité ont un effet comique. Le grand nombre d’exemples
montre aussi le caractère obsessionnel du personnage.
6 Un fin pédagogue
a. Le champ lexical de l’enseignement est présent :
– « conseils » (l. 11) ;
– « cours d’économie sociale » (l. 100) ;
– « j’apprendrais » (l. 103).
b. L’homme économe prend à parti son auditoire par l’emploi :
– du pronom personnel « vous » (l. 18, 66, 67, 88) ;
– d’interjections : « Eh bien ! » (l. 12, 90), « Enfin voyons ! » (l. 22), « Tenez » (l. 29, 44, 61, 78),
« voyez-vous » (l. 41, 100) ;
– de l’impératif : « Soyez économe » (l. 18), « prenez pension » (l. 62) ;
– de questions : « Vous voulez être riche ? » (l. 18) « Qu’est-il arrivé ? » (l. 55).
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L’Avare 36
III. Comparaison entre L’Avare et L’Homme économe/
7
Harpagon
L’homme économe
Mariages sans dot
Épouse une femme riche
Chevaux affamés
Économie sur les transports, chien mort
de faim
Dîner plus économique que savoureux
Terrine respirée plutôt que mangée
Services non rétribués
Chaussures cirées gratuitement
8 Les deux avares sont particulièrement cruels avec :
– leur épouse ou future épouse : Harpagon se réjouit de la pauvreté de Mariane, l’homme
économe du fait que sa femme soit borgne ;
– leurs enfants : Harpagon souhaite la disparition de ses enfants, l’homme économe les rend
aveugles ;
– leur entourage : Harpagon menace ou bat ses domestiques, l’homme économe étale ses
billets sous le nez de son neveu sans les lui donner et laisse mourir de faim son chien.
9 Les deux pièces sont fondées sur le registre comique. On peut citer quelques procédés
communs :
– le comique de l’absurde : Harpagon voulant se pendre lui-même, l’homme économe épousant une femme laide par souci d’économie ou se livrant à des « paris mentaux » ;
– les hyperboles et le comique de l’excès : toutes les mesures prises pour économiser conduisent nos héros à se montrer excessifs dans leurs réactions et leurs attitudes ;
– le comique de caractère : les avares sont confrontés à toutes sortes de situations qui font
ressortir leur lubie ;
– le comique de répétition : les ruses employées pour faire des économies sont utilisées à plusieurs reprises.
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L’Avare 37
bibliographie
❏ Sur Molière
– CONESA Gabriel, Le Dialogue moliéresque, Sedes, 1992.
– DANDREY Patrick, Molière ou l’esthétique du ridicule, Klincksieck, 2002.
❏ Sur le comique
–
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–
–
BERGSON Henri, Le Rire : Essai sur la signification du comique, PUF, 1899.
CHABANNE Jean-Charles, Le Comique, Gallimard, 2002.
DEFAYS Jean-Marc, Le Comique, Seuil, 1996.
ISSACHAROFF Michaël, Le Discours comique, Corti, 1988.
SAREIL Jean, L’Écriture comique, PUF, 1984.
STERNBERG-GREINER Véronique, Le Comique, Garnier Flammarion, 2003.
VICTOROFF David, Le Rire et le risible, PUF, 1953.
❏ Sur la comédie classique
– CONESA Gabriel, La Comédie de l’âge classique, 1630-1715, Seuil, 1995.
– CORVIN Michel, Lire la comédie, Dunod, 1994.
❏ Sur le théâtre
– DEGAINE André, Histoire du théâtre dessinée, Nizet, 1993.
– PAVIS Patrice, Dictionnaire du théâtre, Dunod, 1996.
– UBERSFELD Anne, Les Termes clés de l’analyse du théâtre, Seuil, 1996.
Conception graphique : Annie Le Gallou/Thierry Méléard
Mise en page : ScienTech Livre
Édition : Cécile Baillargeat/Françoise Laurent
Coordination éditoriale : Marion Noesser
Direction éditoriale : Odette Dénommée
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