N°5 janv/fév 2021 LE POTAGER permacole C U L T I V E R S O N Q U O T I D I E N Biodiversité Comment rater à coup sûr votre hôtel à insectes ! Dossier Les bases du jardinage sol vivant Forêt-jardin L’akébie, une liane d’avenir ! Potager Les fèves au jardin et en cuisine Édito Chers lecteurs, chères lectrices, En ce début d’année, c’est l’occasion de repartir sur de bonnes bases ! Ainsi, nous vous proposons dans ce numéro un dossier sur les bases du jardinage sur sol vivant, écrit par Gilles Domenech, co-fondateur du réseau Maraîchage sur sol vivant ! De nombreux conseils, et une vision éclairée du monde des plantes et des mécanismes à l’oeuvre sous nos pieds vous attendent dans ce dossier ! Par ailleurs, ce début d’année est aussi l’occasion de mettre en lumière l’initiative de notre rédactrice Nini, ainsi que de dizaines d’autres personnes, qui ont, courant novembre, entamé une grève de la faim. Pour quelle raison ? Pour taxer les activités spéculatives, afin de redistribuer un budget pour sauvegarder la biodiversité et la santé des humains ! L’heure est grave pour notre société. D’un côté la nature s’effrite de jour en jour, et d’un autre c’est l’économie qui s’effondre petit à petit en raison de la crise sanitaire. Nous envoyons un message fort de soutien aux entreprises, forcées pour certaines de mettre la clé sous la porte... Le jardin devient encore plus, en ces temps difficiles, un haut lieu de réflexion, et un exutoire certain à cette ambiance anxiogène qui règne sur le monde depuis maintenant près d’un an... Notre souhait pour cette année 2021 ? Que nous semions, plantions, créions de beaux espaces, utiles écologiquement et socialement ! C’est aujourd’hui que se crée le monde de demain. Faisons ainsi les bons choix, et croyons ensemble à un monde meilleur pour nos enfants... Du nouveau dans ce numéro ! Nous accueillons dans ce numéro Julie et Angelo de la chaîne Youtube «Le potager du Ferron». Bienvenue à eux, et voici leur présentation ! Nous sommes Julie et Angelo, trentenaires, et avons une fille de 5 ans (bientôt). Nous vivons dans un petit village de notre belle campagne bourguignonne en Saône-et-Loire. Après avoir été commerçants pendant près de 8 ans, nous avons décidé de franchir le cap et avons radicalement changé de vie. Un retour aux sources, une prise de conscience, une envie d’indépendance et de liberté ont motivé notre démarche. Une vie simple et une quête d’autonomie alimentaire, manger sainement , etc… sont désormais notre but. C’est donc à travers notre chaîne YouTube que nous avons trouvé le moyen de partager et transmettre ce chemin de vie ! https://www.youtube.com/channel/UCHUcoxE8Js15nCG8ls6E9bQ La revue du potager permacole n°5 3 Sommaire Le potager permacole n°5 - janvier/février 2021 Sommaire dynamique sur ordinateur : cliquez sur les titres pour être redirigé vers l’article en question ! 05 17 35 51 57 63 Les travaux de saison Dossier : les bases du jardinage sol vivant L’akébie, une liane fruitière d’avenir Comment rater son hôtel à insectes Créez vos boules de graines Les fèves au jardin et en cuisine 74 Ne faites plus chou blanc avec ce chou ! La revue du potager permacole n°5 Les travaux de saison La revue du potager permacole n°5 5 Texte : Guillaume Desfaucheux LES SEMIS/PLA NTATIONS Janvier Février Sous abri : laitue, carotte, radis, pois En extérieur : plantes vivaces si le sol n’est pas gelé, semis de pommier Sous abri : carotte, laitue, persil, radis En pépinière sous abri : chou d’été, oignon blanc, poireau En extérieur : ail, oignon, échalote, fèves, pois Soignez votre rhubarbe Pour les fans de cette plante, vous pouvez la soigner en ce moment ! Début février, déposez à son pied entre 3 et 5 kg de compost mûr ou semi-mûr, et recouvrez le tout d’une épaisse couche de feuilles mortes, de résidus de taille ou autre paillage carboné ! Ce rempart contre le soleil lui permettra de garder un sol frais et humide, ses conditions favorites ! Vous êtes en panne d’inspiration concernant les variétés ? Nous avions abordé le sujet dans la revue de mai/juin 2020. La revue du potager permacole n°5 6 Mes semis ne germent pas Pour les motivés et les pressés qui se lancent dans des semis précoces, la germination n’est pas toujours facile à atteindre. Faire germer ses graines à la maison avant de les mettre dans la serre est une méthode qui fonctionne bien pour hâter la germination. Comme repère, fixez-vous 15 degrés pour les salades, 20 degrés pour la plupart des plantes et légèrement plus pour les poivrons, aubergines... Cela dit, ne soyez pas trop pressé si vous n’êtes pas équipé contre le froid. Préférez attendre pour lancer vos plants, ou achetez-les au producteur du coin : c’est moins de stress et d’attention ! Butter le thym Votre pied de thym se dégarnit ? C’est le moment de le butter ! Rapportez de la terre sur les côtés et au centre de la touffe. Ce geste permettra à la plante de refaire des racines, et de se refaire une jeunesse. L’automne prochain, si vous souhaitez le multiplier, vous pourrez venir couper les marcottes qui se seront formées au cours de l’année et replanter les jeunes plants plus loin. La revue du potager permacole n°5 7 © Michael Wolf Couvre-sols d’ombre Pas facile de cultiver dans les zones d’ombre ! S’il existe des arbustes couramment cultivés à l’ombre, comme les amélanchier, les groseilliers, les cassis, les framboisiers du Japon, il n’est pas toujours facile de trouver des couvre-sols comestibles. Voici quelques suggestions de plantes couvre-sols qui se plairont très bien à l’ombre ! • L’alliaire, dont on consomme les racines, les feuilles, et les tiges. • L’asaret du Canada, Asarum canadense, dont on consomme les rhizomes. • Gaultheria procubens, le Thé du Canada. Les fruits sont comestibles bien que peu intéressants. Ils sont souvent transformés en gelée. C’est surtout les feuilles que l’on utilise pour faire du thé. Il existe également des couvre-sols plus communs : • l’ail des ours, • le sedum spectabile qui s’en sort bien à l’ombre, • la mélisse, • les menthes, • le fraisier des bois Asaret du Canada La revue du potager permacole n°5 8 Le brocoli à jets pourpres Voici une variété que nous avons largement adopté au potager permacole : le brocoli à jets pourpres ! Il se sème au printemps, vers le mois de mai et se repique au jardin en début d’été. Mis à part de l’eau et un peu de compost, il ne demandera pas grand-chose : ce brocoli est très long à se développer, et prend une bonne taille en fin de saison. Dès la moitié du mois de février, il commencera à former des jets, qui se consomment de la même manière que du brocoli. Vous pourrez échelonner vos récoltes sur environ 6 semaines. Notre recette préférée est aussi la plus simple : faites cuire les jets à la vapeur, et accompagnez-les, une fois refroidis, avec de la vinaigrette à l’huile de noisette. Succès garanti ! Et pour les plus gourmands, on pourra les consommer avec une pointe de beurre...! Enfin, les jets non-consommés pourront être laissés sur la plante, les fleurs qui suivront attireront de nombreux insectes... La revue du potager permacole n°5 9 Des carottes toute l’année, c’est possible ! Vous avez toujours souhaité avoir des carottes du jardin toute l’année ? C’est l’occasion de se lancer ! Pour en avoir 10/12 mois de l’année, seulement 3 semis sont nécessaires avec si possible deux variétés minimum. On pourra réaliser d’autres semis mais ceux-ci seront «en option», comme les semis d’automne qui sont plus difficiles à réussir. • Début/mi-février : sous abri, châssis, tunnel, serre. Semez une variété précoce comme la carotte ‘Touchon’, ‘Amsterdamer à forcer’. Récolte à partir de mi-mai. N’hésitez pas à utiliser un voile de forçage supplémentaire. • Mi-mars/début avril : en extérieur. Utiliser la même variété que le semis précédent ne posera pas de problème, ces carottes se récolteront de fin juin jusqu’en automne sans problème. • Mi-mai à début juin : en extérieur, utilisez une variété de conservation, comme la ‘Chantenay’, ‘De Colmar’, etc. Selon le climat et le mode de conservation, vous en récolterez jusqu’en mars/avril ! Aller plus loin : lepotagerpermacole/prégermination Bouturez les arbustes fruitiers tels que les cassis, groseilles, etc. Ils apporteront des récoltes supplémentaires, et des fleurs/fruits pour la biodiversité. Offrez un paillage carboné comme des tailles d’arbres à vos fruitiers, les plus jeunes en priorité. Épandez du compost. Nettoyez et réparez vos outils ! Resserrez les boulons, aiguisez les lames... Ce petit entretien prolongera leur durée de vie. Faites l’inventaire de vos semences pour repérer les espèces qu’il vous manque. La revue du potager permacole n°5 10 Les premières laitues de la saison ! C’est à cette période, vers la mi-janvier, que nous semons généralement notre première série de laitue de l’année. Ces premiers semis sont délicats, nous les faisons germer à la maison, et dès que les plantules germent, nous les mettons en véranda ou sous la serre, protégées par un petit voile supplémentaire. Comme cela, elles ont moins de chance de s’étioler que si elles restaient à la maison. Ces laitues arriveront à maturité légèrement après celles plantées en automne, de quoi faire le relais ! Si vous souhaitez une verdure avec un peu plus de pep’s, n’hésitez pas à semer du cresson alénois qui viendra rehausser vos salades composées ! Il est, de plus, très vigoureux et très précoce. La revue du potager permacole n°5 11 Nettoyez le verger : les feuilles mortes et les fruits momifiés restants peuvent être emmenés au potager, afin d’éviter la survenue de maladies comme la tavelure du pommier. Plantez de l’ail si vous ne l’aviez pas fait en automne, ce n’est pas trop tard ! Taillez les framboisiers, et profitez-en pour déterrer des rejets. Mettez vos pommes de terre précoces à germer un bon mois avant la plantation. Vous gagnerez du temps sur la récolte ! Rangez vos tuyaux d’arrosage si ce n’est pas déjà fait pour les protéger du gel. Protégez également les tuyauteries extérieures. Supprimez les rejets aux pieds des fruitiers comme les pruniers. Reposez-vous ! C’est l’hiver... Une période parfaite pour prendre du recul et prendre soin de soi ! Protégez le grain des poules ! Si vous avez des poules, vous vous êtes peut-être confronté au problème du stockage du grain. Ce dernier attire les rongeurs dans la maison/le lieu de stockage. Pour se prémunir contre leur présence, n’hésitez pas à récupérer un vieux réfrigérateur, ou congélateur, en déchetterie ou auprès de vos proches. Vous pourrez y stocker votre grain en toute sécurité. La revue du potager permacole n°5 12 Arrosez votre serre... En hiver, toute la serre n’est pas toujours occupée par des cultures. Néanmoins, ce n’est pas pour autant qu’il faut oublier d’arroser ces zones non cultivées ! Dès que la terre sèche, n’hésitez pas à mettre quelques arrosoirs sur le sol, afin de garantir à la vie du sol un peu d’eau. Cela évitera à votre sol de se tasser, même si le meilleur remède contre le tassement est la mise en place d’un engrais vert, ou mieux encore, de cultures nourricières ! ... et prenez-en soin La bâche de votre serre n’est plus transparente ? Les dépôts de végétaux et autres algues s’y développent aisément, surtout en bas des bâches. Rincez la bâche en frottant à l’éponge. N’utilisez pas de produit pour le nettoyage, plutôt de l’eau chaude. Cette tâche est importante à réaliser, car en laissant votre bâche s’opacifier, vous perdrez en rayon lumineux. Et qui dit moins de lumière, dit moins de photosynthèse. Et par conséquent, moins de récoltes ! La revue du potager permacole n°5 13 Le chop and drop Avez-vous déjà entendu parler du chop and drop ? En français, couper/hacher et déposer. Il s’agit d’une méthode que nous utilisons de plus en plus au potager permacole. Le principe est simple : plutôt que de s’ennuyer à rechercher des sources d’approvisionnement de matière organique, on réfléchit à la produire sur place. Et si possible, le plus près possible ! En jardin-forêt, la mise en place est simple : on taille nos plantes, et on dépose ces tailles directement au sol afin de recréer cette litière forestière tant recherchée. Eh bien, au potager, la méthode est aussi parfaitement transposable ! Nous la testons maintenant de plus en plus, grâce aux arbustes et arbres du potager, mais également grâce à des plantes productrices de biomasse comme la consoude ou le miscanthus. L’entretien est simple, mais nécessite d’être présent toutes les deux/trois semaines pendant la saison pour se lancer dans une séance de chop and drop ! Ce peut être avant la récolte par exemple, nous hachons la consoude en la disposant au pied des légumes, et nous récoltons. Ici, des tomates destinées à faire des sauces pour l’hiver ! Nous vous préparons un article plus complet sur le sujet, qui sortira dans l’année 2021. La revue du potager permacole n°5 14 Enrichir son sol sans acheter de matière organique Nous sommes nombreux à avoir du mal à se procurer de la matière organique, notamment de la paille et du foin. Cela n’est pas un problème ! Quand on entend parler paillage à longueur de temps, on pense trop souvent à ces deux matières organiques. Et pourtant, un jardin naturel peut aussi être enrichi grâce aux plantes spontanées, aux couverts végétaux, aux épluchures de cuisine, aux tailles d’arbres et d’arbustes (même non broyées, nous pratiquons cette méthode !). Ainsi, fougères, aiguilles de pin, tailles grossières, feuilles mortes peuvent être utilisées pour couvrir le sol et diminuer les besoins en désherbage. D’ailleurs, dans un petit potager, on aura tout intérêt à ne presque plus pailler : les cultures, omniprésentes, peuvent occuper le sol toute l’année ou presque. On se contentera de remettre rapidement en culture après les récoltes ! Si vos déchets sont trop riches en carbone (uniquement des tailles d’arbres par exemple) et que vous sentez que les cultures «patinent» un peu sur votre sol, peut-être peu fertile, n’hésitez pas à compléter par de l’urine ou du sang séché/corne broyée à petite dose. Ces fertilisants naturels vous le rendront tout au long de la saison ! Aller plus loin : lepotagerpermacole/ matière-organique La revue du potager permacole n°5 15 Le laurier-tin pour s’enivrer de bon matin ! Nous adorons cet arbuste, attirant un nombre important d’insectes volants différents. Tous les ans, entre février et mars, il nous offre son exquise floraison parfumée, détectable à plusieurs mètres de distance. De plus, son feuillage est persistant ! Il peut ainsi aisément remplacer le laurier cerise ou le thuya dans des haies persistantes, avec d’autres arbustes à la floraison décalée comme l’arbousier. À eux deux, ils produisent du nectar à des périodes où il est difficile d’en trouver : en automne et en fin d’hiver. À méditer pour votre prochaine installation de haie persistante...! La revue du potager permacole n°5 16 Texte : Nini Maass Comment rater votre hôtel à insectes ! Pleins de bonnes intentions en voulant aider la biodiversité, nous commettons parfois des erreurs. Dans cet article sur le ton de la dérision (et de l’autodérision ! ), découvrez les 17 conseils de Nini pour rater votre hôtel à insectes à coup sûr ! out d’abord, qu’est-ce que les humains appellent un “hôtel à insectes” ? On est T d’accord pour dire que c’est une boîte en bois plus ou moins grande et profonde, avec un toit qui protège de la pluie et des compartiments garnis d’un tas de matériaux. Cette construction sera installée verticalement dans notre jardin ou sur le domaine public (parc, école, bord de route, entrée de village..) et enverra un signal visible de loin : ”Ici, on agit pour la biodiversité”. La boîte aura dans la plupart des cas l’apparence d’un naïf chalet au toit pentu, d’où sans doute l’appellation d’hôtel qui a eu le succès que l’on connaît. Ce faisant, les humains escomptent être actifs face à l’effondrement de la biodiversité, offrir le gîte à de nombreux animaux en danger d’extinction et faire leur modeste mais néanmoins importante part. Ça, c’est pour la théorie et le conte de fées. La réalité est hélas moins simple et rose. La revue du potager permacole n°5 17 Tenir compte des besoins fondamentaux Faut-il rappeler que les insectes ne sont ni des humains ni des mammifères, et qu’ils n’ont donc évidemment pas tout à fait les mêmes besoins que nous ? C’est un truisme, certes, mais au vu de certains sites qui nous enjoignent de dorloter des abeilles sauvages, on est en droit de se poser la question*. À ce propos, je me souviens de quand j’étais une petite fille et que je tricotais assidûment et avec beaucoup d’amour des couvertures pour ma tortue terrestre et que je me faisais un plaisir de bien la border le soir dans sa boîte. J’ai compris plus tard que j’étais la seule à en tirer du plaisir… un bonheur entaché de déception, car mon reptile souillait constamment sans sourciller la couette imposée. La grondais-je alors? Sans doute. Nous ne sommes plus des enfants qui vont mettre des barrettes aux chats... Le temps presse. La grande extinction de masse des insectes est en cours, soyons les plus efficaces possible, en connaissance de cause. La meilleure façon que je connaisse, c’est de s’intéresser aux insectes (vaste programme) et à leurs besoins. Mais que fabriquent les insectes dans ces hôtels ? Il est plutôt rare que les hyménoptères - abeilles, guêpes, fourmis et frelons - s’abritent dans ces ouvrages. De même, les coccinelles, papillons et chrysopes ne sont globalement pas séduits par une hibernation en ces lieux. Il m’est tout de même arrivé de voir de temps en temps la petite bouille velue d’une osmie ou d’une anthophora près de la sortie d’une tige creuse, par une journée d’orage ou en cas de nuit fraîche au printemps. * https://www.lesdorloteurs.fr/ La revue du potager permacole n°5 18 Vision assez rare : une abeille solitaire (Anthophora sp.) patiente dans sa galerie par une froide journée de mai. Hortus Girasole en Autriche. Le nichoir est en bois dur et sec. La revue du potager permacole n°5 19 En fait, plutôt que des hôtels, ce sont des nichoirs, à la rigueur on peut parler d’ “hibernoirs” pour quelques espèces. On y trouve essentiellement des pontes d’abeilles et de guêpes. Dans la longueur des galeries, ces animaux vont aménager des cellules cloisonnées individuelles à la queue leu leu contenant les œufs et de quoi nourrir les futures larves. Un clin d’oeil à Paul Watzlawick Modestement et à ma manière, je voudrais rendre hommage au livre de Paul Watzlawick (auteur de ‘Faites vous-même votre malheur’ - Editions Points) qui a drôlement influencé ma vie en direction du sourire et de l’autodérision. Ses conseils à contresens sont pleins d’ironie et d’amour. Il peut être un peu cruel et inconfortable de se retrouver face à ses erreurs, et je n’ai pas de honte à dire ici que j’en ai fait aussi. C’est ainsi ! Voilà comment vous allez pouvoir rater votre hôtel à insectes en beauté, et ne pourrez imputer la faute à personne qu’à vous-même. 1. Poisons à gogo Les produits en -ide sont drôlement efficaces, et ceux utilisés en bio aussi. Inutile d’espérer la venue des petites bestioles butinantes en installant un hôtel à insectes dans un endroit arrosé de cochonneries. De même, utiliser des bois traités, des peintures toxiques ou des garnitures imbibées de produits suspects aurait un résultat bien décevant. C’est une évidence, mais je tenais à le redire ici. Normalement à l’abri des regards, voici l’intérieur d’un nichoir à hyménoptères. On voit bien les galeries, la suite des cocons certains sont vides, d’autres sont parasités par des mouches, peut-être Cacoxenus indagator que l’on reconnait à ses fientes orange. Les parasites font partie de la biodiversité. Observation : Hortus Girasole en Autriche. 2. Un jardin bien propre Un gazon tondu impeccable au cordeau, des haies taillées qui ne fleurissent jamais, pas d’arbres fruitiers mais des thuyas et cyprès de Leyland en monospécifique ? Allez, on laisse tomber l’idée d’un hôtel à insectes. Ce n’est guère accueillant. La revue du potager permacole n°5 20 Un beau gazon ! Vous l’aurez compris, ceci est à éviter. Et en particulier ces petits robots qui ne laissent pas une seconde de répit à votre gazon ! Bien évidemment, il est intéressant de se garder une zone bien propre et sans fleur pour les enfants, pour recevoir nos proches et manger tranquillement dehors. Néanmoins, rappelons-nous que nous ne sommes pas seuls à vouloir profiter de notre extérieur !. Ainsi, n’oublions pas de partager l’espace avec les autres êtres vivants du lieu : ils en ont cruellement besoin par les temps qui courent ! La revue du potager permacole n°5 21 Joli et jaune, agréable pour les humains, mais rien pour les insectes : la corête du Japon (Kerria japonica) est le parfait exemple de ce qu’il vaut mieux ne pas implanter dans un jardin de biodiversité. De même pour le forsythia, à droite. 3. Fleurs exotiques, stériles, hybrides Peu de fleurs à pollen et nectar à 300 m à la ronde ? Un potager “patates et tomates” ? On a beau acheter des plants année après année, des roses à fleurs doubles, des kerrias pompons jaunes, des pivoines froufroutantes, des forsythias, des seringats doubles... Ces fleurs ne servent strictement à rien pour la biodiversité. Si, pour le plaisir des yeux, mais les abeilles et autres butineurs n’en ont rien à fiche, pire, ils s’épuisent en essayant de récolter le peu qui est là. Les visiteurs des nichoirs seront rares, avec peu d’espèces. 4. Acheter un hôtel à insectes prêt à l’emploi et plein de défauts On a vraiment l’embarras du choix, c’est impressionnant. En général, ils cumulent les mauvais points, je vous propose de lire les points 5 à 12 et de les vérifier. Le prix que vous payez ne donne que peu d’informations sur la qualité du produit, il y en a de forts mauvais qui coûtent bonbon. En général, quand même, les pires sont les moins chers. La revue du potager permacole n°5 22 Un hôtel à insectes tel qu’on peut en acheter en jardinerie. Il est dehors depuis un an, et toujours rien. Ce qui est garanti, c’est la déception ! La revue du potager permacole n°5 23 Une mention spéciale pour ce compartiment rempli de bouts de gaines plastique, diamètre 13mm, ouverte des deux côtés. Espace public, village cévenol. 5. Tiges creuses inadaptées Les tiges creuses (bambou, roseau, paille...) sont le must dans un nichoir à insectes. Voici les principaux points auxquels il faudra veiller si vous visez un naufrage en règle. - les tiges sont ouvertes des deux côtés, comme un tuyau. Les insectes caulicoles (nichant dans les tiges creuses) mettent déjà beaucoup d’énergie à obturer la tige une fois la ponte réalisée. Ils éviteront ce genre d’espace. - les tiges ont un diamètre inférieur à 2 mm ou supérieur à 10 mm. Les insectes passeront leur chemin. - les tiges ont moins de 10 cm de long. Il est possible qu’une osmie prenne la peine de venir y pondre, mais au détriment du nombre de cellules. Avec 10 cm, on a une moyenne de 8 cellules, à 14 cm de longueur, on passe à 12 cellules. 6. Paille, laine de bois, etc Voilà qui n’est pas cher et qui remplit bien les compartiments. Quelques forficules (perceoreilles) viendront peut-être et seront bienheureux, car ce sont des chapardeurs de pollens La revue du potager permacole n°5 24 Mais que viennent faire toutes ces pommes de pin ici ? Rien du tout, en fait. En installant les abris à forficules loin des nichoirs à hyménoptères, on les empêche d’aller croquer les larves et chouraver le pollen. et croqueurs de larves d’hyménoptères. Placer des lieux douillets d’accueils de forficules tout près des nichoirs est une démarche intéressante pour qui veut mettre en péril le couvain. Pour peu que l’installation soit à moins de 50 cm (voir point 15) du sol, on aura les moisissures en prime. 7. Pommes de pin On en comprend bien les avantages : ça a de la gueule, un capital sympathie non négligeable, fait penser à Noël, pas cher et occupe le compartiment avec élégance. Les études documentées le prouvent : les insectes rechignent et passent leur chemin. Les coccinelles iront passer l’hiver ailleurs et y débusquer une petite araignée sera déjà formidable. Tout le monde s’en fiche, de ces pignes. La revue du potager permacole n°5 25 Ici, on a percé dans la tranche : les craquelures arrivent vite et le couvain risque de moisir. Certaines abeilles vont colmater les fissures. Vite fait, mal fait. Cet hôtel à insectes est installé depuis deux ans. Pas une visite, et pour cause. Vu les échardes, tant mieux pour les insectes qui auraient été tentés ! 8. Percer dans du bois tendre et dans la tranche Il est bien plus aisé et moins cher de percer des galeries dans du bois tendre comme le sapin ou l’épicéa. Encore plus fun : couper des rondelles dans des branches de moyen diamètre et de percer directement dans la tranche. Vite fait, mal fait. Non seulement les bords en seraient hérissés d’échardes fatales pour l’insecte ailé qui tenterait d’y pondre, mais ces bois se fendent rapidement à la saison humide, faisant pourrir et moisir beaucoup de larves. C’est radical. 9. La brique creuse En voilà une idée de recyclage incongrue ! Ces briques ont des trous totalement dénués d’intérêt pour les insectes et vous en aurez immédiatement La revue du potager permacole n°5 26 À gauche : ces briques sont peut-être jolies, mais n’accueillent aucun insecte particulier malheureusement... À droite : posez bien les coquilles au sol pour qu’elles soient utilisées. la preuve : pas un chat. Ni une abeille d’ailleurs… Les galeries sont ouvertes des deux côtés, trop grandes, manifestement mal pratiques. Certains rattrapent le coup en y glissant des tiges creuses (voir point 5). 10. Les coquilles d’escargot Il y a des abeilles solitaires qui nichent effectivement dans les coquilles d’escargot vides, et pour qui a vu le documentaire de Jan Haft **, leur débrouillardise et habileté suscitent l’admiration. Condition ? Elles doivent être au contact du sol, sinon, ces petites bêtes ne les verront pas. 11. Le compartiment papillon Bien des fiches pratiques proposent de prévoir des compartiments creux avec une fente pour que papillons ou chrysopes viennent y passer l’hiver en toute sécurité. Que nenni ! Que la fente soit horizontale ou verticale, peinte en rouge ou en bleu, peu importe. Il est extrêmement rare d’y voir ce genre d’insectes. Les guêpes sociales sont éventuellement séduites. Seulement, on ne les tolère pas forcément… ** Jan Haft, les abeilles sauvages .......https://youtu.be/wUYBm1VWe-U La revue du potager permacole n°5 27 Au milieu, le fameux abri à papillons, ici doté d’un petit fermoir. Vous aurez peu ou pas de visites, ou alors peut-être un petit nid de guêpes polistes. La revue du potager permacole n°5 28 12. Les oiseaux et les fourmis disent merci ! Certains oiseaux comme le pivert repèrent bien vite les tiges creuses remplies de pollen et de larves et se feront une joie d’aller les piller. C’est ce qui m’est arrivé la première année. Aussi, installer un nichoir tout près d’une fourmilière ou du passage des fourmis leur plaira énormément et leur fournira de riches collations. Photo : cette petite osmie se décarcasse-t-elle en vain ? Sans grillage de protection, certains oiseaux vont se régaler de larves bien grasses. Pensez, si vous le pouvez, à protéger ces aménagements avec du grillage La revue du potager permacole n°5 29 Construction imposante, sans doute trop. Noter les briques où l’on a glissé des tiges creuses, non protégées des oiseaux. 13. Big is beautiful ? On peut voir les choses en grand, en très grand même. Les humains ont cette tendance… Genre HLM pour insectes. Dans un premier temps, ça peut fonctionner. Mais assez rapidement, tout un tas de parasites vont trouver le coin très charmant et en profiter, au grand dam des insectes que l’on voulait protéger et observer. 14. Pieds humides Posée directement sur le sol ou à moins de 50 cm, lors de fortes pluies, la construction prend l’eau directement ou par éclaboussement. De nombreux matériaux pourrissent ou se fendillent. La revue du potager permacole n°5 30 15. Nichoir mal orienté Un nichoir mal orienté a peu de chances d’attirer des bzzz. Celui-ci tourne le dos au soleil et se cache derrière un figuier. Il ne sera que très peu visité !… On fait le jeu des 7 erreurs ? Photo : Cet hôtel à insectes installé dans mon village cévenol est exposé plein Nord, la végétation bloque les pistes d’envol, et les compartiments sont un flop total. Médaille d’or ! La revue du potager permacole n°5 31 16. tiges à moelle dans le mauvais sens Disposez les tiges à moelle (ronce, sureau…) en fagots et horizontalement et vous n’y verrez personne. Dans la nature, les abeilles rubicoles (qui nichent dans les tiges à moelle) sont par instinct attirées par des tiges plus ou moins isolées et verticales. 17. Il fait si froid dehors… Soucieux par les températures frisquettes d’hiver, vous décidez de rentrer tout ce beau petit monde au chaud à la maison. Les larves vont immédiatement sentir le redoux, se croire au printemps, se métamorphoser et sortir. Sauf qu’il n’y aura rien à butiner… Il vaut mieux une bonne conception que de bonnes intentions ! Une grande partie des explications trouvées sur des sites à l’allure pourtant sérieuse, parfois même des sites de protection de l’environnement - que je ne citerai pas - regorgent de conseils qui ne reposent sur aucune information valable concernant la biologie des insectes, et sont repris gaiement en un paresseux copier-coller. En fait, c’est simple ! Revenons aux besoins fondamentaux des insectes, comme la bonne plage de température, la bonne combinaison de luminosité et d’humidité, l’air, la protection vis-à-vis des prédateurs, l’accès à une nourriture adaptée, la possibilité de trouver un(e) partenaire pour la reproduction, et évidemment des endroits pour pondre oeufs et larves et les conditions optimales pour que ceux-ci arrivent à l’âge adulte. Alors, inutiles, les nichoirs et hibernoirs pour insectes ? Oui et non. Nous pouvons retrouver notre capacité d’émerveillement en famille en observant le Tige à moelle qui a trouvé preneur : une abeille ou guêpe rubicole. Disposées isolément et verticalement, ces tiges seront vite habitées. Hortus Girasole en Autriche. La revue du potager permacole n°5 32 Cette guêpe-coucou aux couleurs merveilleuses a sa place dans les hôtels à insectes, même si elle vit au détriment des larves des hyménoptères que nous voulons attirer. fascinant spectacle des hyménoptères comme celui d’une abeille coupeuse de feuilles allant et venant dans la galerie, chargée de son petit rouleau végétal. Cela n’a pas de prix. Mais il serait dommage de penser que cela suffirait à inverser la tendance actuelle. Que ce soit en milieu urbain ou non, il est indéniable que les biotopes propices aux insectes se font rares, et qu’il est urgent d’y remédier en modifiant les designs de nos jardins et parcs. Bien trop souvent, il manque cruellement de quoi butiner. La revue du potager permacole n°5 33 9 points pour réussir son hôtel à insectes 1 Pour nos petits coloca-terres, il faut du local, du sauvage, du pollen et du nectar à .............gogo. 2 Un jardin-fouillis avec des zones refuges, des habitats variés, zones maigres, sèches, ............sols nus par endroits… voir les jardins-hortus en trois zones en visitant le site Web 3 Pour les insectes caulicoles : tiges creuses horizontales, perçages dans l’écorce .............perpendiculaire à la fibre dans du bois dur et sec, galeries propres et sans échardes, .............longueur +/- 14 cm, diamètre 2-10 mm. 4 Pour les insectes rubicoles : tiges à moelles disposées verticalement et isolément, une .............longueur de 30 cm est parfaite. 5 Nichoirs à 50 cm du sol, exposition Sud, Sud-Est, sans végétation devant. Si possible .............abrité des vents dominants et de la pluie. 6 Placer un grillage à 5 cm des tiges creuses pour éviter la rapine des oiseaux. 7 Il vaut mieux plusieurs petits nichoirs que des HLM à insectes trop vite parasités. 8 Vous aurez bientôt la joie de voir de nombreuses espèces d’abeilles et de guêpes .............solitaires ainsi que leurs cleptoparasites naturels. Il n’y a pas de “bons” et de “méchants” .............insectes, tout est lié. 9 Et puisqu’on parle d’hyménoptères, n’oublions surtout pas que 75 % (au moins) d’entre .............eux nichent dans le sol et ne connaîtront jamais nos magnifiques hôtels 5 étoiles. .............Pensons à elles, laissons des espaces avec le sol à nu. La revue du potager permacole n°5 34 Texte : Gilles Domenech Dossier Les bases du jardinage sol vivant ! En ce début d’année, nous vous proposons de reprendre les bases du jardinage sol vivant, une façon de jardiner promue par Gilles Domenech. Vous êtes prêt ? Suivez le guide ! out d’abord, qu’est-ce que j’appelle jardiner sur « sol vivant » ? Rien qu’à propos du T nom, les scientifiques me rétorqueront à raison qu’un sol mort, cela n’existe pas. Qu’il y a toujours au moins une activité bactérienne même dans le plus dégradé des sols. Bien sûr, cela est vrai. Néanmoins, entre un sol matraqué depuis 50 ans par des labours profonds et des traitements chimiques à répétition et le sol d’une vieille prairie ou d’une forêt à humus très actif, il y a quand même une sacrée différence. Cultiver sur sol vivant, c’est donc chercher à s’approcher le plus possible de ces sols très actifs sur le plan biologique, afin de retrouver l’ensemble des fonctionnalités assurées par l’activité biologique. Dans cet article, je vous propose justement de découvrir comment développer, dans nos jardins, ces fonctionnalités bienfaitrices pour rendre nos sols vivants et fertiles. Dans les écosystèmes de prairie ou de forêt, le bon fonctionnement est dirigé par deux principes clés : 1. C’est la plante qui « fait » le sol ; 2. C’est la vie du sol qui gère la fertilité. La revue du potager permacole n°5 35 « Est-ce la plante qui fait le sol, ou le sol qui fait la plante ? » Qu’est-ce que cela implique ? Lorsque je dis que la plante fait le sol, il serait plus précis de dire qu’elle fournit au sol l’énergie et la matière organique. En effet, c’est la plante qui capte l’énergie solaire, qui la transforme en énergie chimique permettant la formation et le maintien des molécules organiques (sucres, celluloses, protéines, lignine, huiles…). Ensuite, cette énergie est distribuée dans le sol et en surface par les chaînes alimentaires qui partent toutes de la plante, soit via l’herbivorie, soit via la décomposition des débris végétaux. Les trois principaux flux de matière et d’énergie de la plante vers le sol sont : 1. La litière de surface, c’est-à-dire la chute des feuilles en forêt, ou plus généralement le retour au sol des parties aériennes des plantes : feuilles, tiges, fleurs, fruits… 2. La litière souterraine, c’est-à-dire la décomposition des racines qui meurent dans la terre ; 3. Et enfin – excusez-moi pour le gros mot – la rhizodéposition, c’est-à-dire la libération dans le sol de composés facilement dégradables par les racines vivantes des plantes. Il s’agit d’exsudats, de cellules mortes… qui stimulent très fortement l‘activité microbienne au voisinage immédiat des racines, zone que l’on appelle aussi rhizosphère. La revue du potager permacole n°5 36 Les trois principaux flux de matière et d’énergie de la plante vers le sol 1. Litière de surface 2. Litière souterraine 3. Rhizodéposition Illustration : Johanna Batoufflet La revue du potager permacole n°5 37 Vous pourriez me dire mais si la plante fait le sol, l’inverse est aussi vrai ( j’y viens juste après), c’est l’histoire de l’œuf et de la poule ! C’est vrai… et pas tout à fait. En effet s’il existe des plantes sans sols (voir sur les dunes littorales ou à la surface des rochers par exemple), il n’existe pas de sol sans plante, ou alors c’est un sol dont la végétation a été détruite et qui se dégrade à vitesse grand V ! Et bien sûr le sol a un impact sur la plante, via l’activité biologique. Cette dernière lui confère de nombreux avantages : - Elle structure le sol, - Le stabilise, - Elle décompose les matières organiques, libérant les éléments nutritifs qu’elles contiennent, - Elle aide fortement la nutrition minérale des plantes grâce à de nombreux mécanismes impliquant aussi bien des micro-organismes que des champignons symbiotiques ou même des vers de terre. C’est pourquoi un sol biologiquement très actif est très accueillant pour la majorité des végétaux, et notamment nos végétaux cultivés ! Mais à présent, comment cultiver en respectant ces deux principes clés qui sont, pour rappel : 1. C’est la plante qui « fait » le sol ; 2. C’est la vie du sol qui gère la fertilité. Techniquement, cela implique déjà de respecter au mieux la vie du sol en évitant de la perturber avec un travail du sol inapproprié et en lui donnant toute la nourriture nécessaire à son développement. La joubarbe est une de ces plantes capables de se développer sans sol à la surface des rochers, de simples anfractuosités dans ceux-ci lui suffisent pour plonger ses racines ! Cette plante illustre la capacité de certains végétaux pionniers à se développer en l’absence de sol. Cela implique donc une triple réflexion incluant le travail du sol, les apports organiques et la gestion des plantes qui poussent sur la parcelle. Voyons ces trois points dans la suite de cet article. La revue du potager permacole n°5 38 Le travail du sol Même si une tendance dans les milieux permacoles et « sols vivants », dont je fais partie, invite au zéro travail du sol, cet objectif n’est pas non plus incontournable. Ce qui est par contre nécessaire est de se demander pourquoi nous travaillons le sol depuis des millénaires et pourquoi et comment s’en passer ou le réduire. Mais alors, pourquoi travaillons-nous le sol ? Non, ce n’est pas par ignorance, mais bien parce que le travail du sol rempli tout un panel de rôles indispensables à la conduite des cultures : aération, décompaction, désherbage, affinage du lit de semence, fertilisation via la minéralisation des matières organiques, réchauffement du sol, incorporation des amendements, réduction de l’irrigation (un binage vaut deux arrosages) … Photo : un léger travail du sol est parfois intéressant, il ne faut pas se l’interdire ! L’important est de comprendre pourquoi on le fait. La revue du potager permacole n°5 39 Tous ces rôles sont essentiels et la conclusion est qu’il faut travailler le sol !!! Oui, vous avez bien lu… Mais il y a deux manières de le travailler : l’une mécanique, l’autre biologique ! Le travail mécanique a en effet des conséquences parfois négatives sur le sol, en particulier lorsque le travail est profond, réalisé avec des outils rotatifs et/ ou avec retournement du sol et lorsqu’il est fait dans des conditions défavorables. Ces conséquences vont d’une détérioration de sa structure, une perte de matières organiques et d’activité biologique, jusqu’à une perte du sol lui-même via l’érosion qui est la dégradation la plus grave que peut subir un sol ! Ceux qui ont lu mon article de septembre sur l’azote ajouteront qu’un travail du sol en automne augmente le pic de minéralisation des nitrates et donc le risque de pollution des eaux par ces derniers. La revue du potager permacole n°5 40 Le non-travail du sol comme facteur de résilience face aux aléas climatiques Le 13 septembre 2015, sud Ardèche, un épisode cévenol centennal vient de submerger la petite vallée de Claysse. Les champs cultivés voient les premiers centimètres de terre littéralement emportés par la crue et mettent à jour une semelle de semis en forme de tôle ondulée : le semis du blé en 2014 a été fait dans de mauvaises conditions (très humides), ce qui a provoqué un tassement juste en dessous de la zone de semis, la terre au-dessus de cette semelle ayant une structure très instable n’a pas résisté. À l’inverse dans une prairie permanente située à quelques centaines de mètres et tout autant frappée par la crue, les turricules de vers de terre n’ont même pas bougé ! Plus d’images et de commentaires concernant cette crue et son impact sur les sols ici : https://jardinonssolvivant.fr/episode-cevenol-crues-erosion-etsols-vivants/ Les turricules n’ont pas bougé suite aux épisodes de pluies... La revue du potager permacole n°5 41 1 cm C’est la quantité de sol qu’est capable de créer la nature en un siècle. Protégeons nos sols de l’érosion ! La revue du potager permacole n°5 42 Vers de terre, matière organique fertilisante comme la consoude et mulch désherbants : voici les trois amis du jardinier sur sol vivant ! Alors, comment remplacer au moins en partie le travail mécanique par du travail biologique ? Je vous livre ici quelques pistes de réflexion : - Le travail des vers des terres, des termites (en milieu tropical) et des racines est tout à fait capable d’aérer le sol ; - Le désherbage est facilité par des techniques d’occultation avec des bâches ou des mulchs organiques ; - Le lit de semence peut être réalisé en mélangeant les graines à semer à du terreau ou du compost bien mûr ; - La fertilisation se gère très bien en amenant des matières naturelles riches en azote (fientes, déchets de cuisine, urine…) ; - Les amendements sont très vite incorporés dans un sol bien pourvu en vers de terre ; - Le réchauffement du sol peut être géré en amont par un épais mulch organique en automne afin d’empêcher le sol de se refroidir, ou bien il faut tenir compte du fait que nos sols La revue du potager permacole n°5 43 Préparation d’un sol enherbé grâce à une technique d’occultation. Ici, l’herbe est simplement recouverte de cartons et de foin avant d’être mise en culture directement à travers le mulch, aucun travail du sol n’est réalisé sur ces planches ! restent froids plus longtemps en implantant les cultures plus tard que les voisins qui ont un sol nu et travaillé. - L’économie d’arrosage obtenue avec un binage est encore plus marquée avec la mise en place d’un mulch : un binage vaut deux arrosages, un paillage en vaut dix ! Tout ceci peut être mis en place soit dans un jardin directement cultivé en zéro travail du sol soit dans un jardin où l’on maintient une certaine dose de travail du sol. Dans ce dernier cas, il est souhaitable de se contenter de travailler avec des outils à dents (grelinette, fourche bêche…) en évitant de retourner le sol et en le travaillant toujours lorsqu’il est bien ressuyé. Notons qu’en dissertant sur la réduction du travail du sol, j’ai parlé de mulch, de racines et donc empiété sur les deux chapitres suivants. Il est en effet important de garder à l’esprit que la réduction du travail du sol ne peut se faire sans les techniques que je vais présenter à présent. Classification des matières par leur teneur en azote Les matières moyennement riches en azote (algues, fumiers, compost, tontes, tailles de haies, foin…) ont à la fois un effet fertilisant à moyen terme et un effet d’amendement. En effet, leur décomposition libère des éléments nutritifs pour les végétaux tout en agissant sur les propriétés du sol (structure, teneur en matières organiques, activité biologique). Les matières pauvres en azote (BRF, paille, feuilles mortes…) ont surtout La revue du potager permacole n°5 44 un effet sur le sol et peuvent à contrario avoir un effet négatif sur les plantes à cause de la captation de l’azote du sol par les micro-organismes qui les décomposent. Les deux premières catégories, matières riches et moyennement riches en azote, sont particulièrement intéressantes au printemps alors que la végétation a besoin d’être stimulée dans sa croissance. La troisième catégorie, constituée des matières pauvres en azote, est surtout adaptée à l’automne où l’effet de captation de l’azote du sol de ces matières n’est pas L’urine nourrit très rapidement les plantes : les éléments fertilisants sont directement accessibles ! gênant. Classification des matières par leur teneur en sucre, cellulose et lignine Les matières les plus riches en sucres (tontes, tailles de haies…) sont d’excellents stimulants de l’activité bactérienne, indispensables à la stabilité de la structure du sol et à la nutrition des végétaux. Les matières les plus riches en cellulose (foin, feuilles mortes, tontes, tailles de haie…) sont particulièrement intéressantes pour attirer et nourrir les vers de terre et ainsi bénéficier de leurs rôles d’ingénieur de l’écosystème. Les matières plus riches en lignine (le bois, la paille…) attireront plus les champignons, eux aussi très efficaces pour stabiliser la structure du sol et produire des humus stables. Classification des matières par leur vitesse de décomposition Enfin, la vitesse de décomposition va discriminer des matières à la décomposition rapide (tontes, fientes, herbes, feuilles…) qui stimulent fortement l’activité biologique et des matières à décomposition lente, voire très lente, qui seront utiles pour du paillage destiné à rester en place plusieurs années (paillette de lin ou de chanvre, écorces…) ou encore à la réalisation d’un lit de semence (certains composts bien mûrs notamment). Les matières organiques peuvent donc remplir des rôles divers et variés et indispensables au bon fonctionnement d’un jardin « sol vivant ». La revue du potager permacole n°5 45 La production de biomasse in situ : un gain de temps et d’énergie ! Toutefois, le défaut de cette approche est qu’elle nécessite de déplacer des matières. Cela est souvent coûteux en énergie et fait déplacer de la fertilité de la parcelle où ces matières ont été produites vers votre jardin. Afin de limiter au maximum ces deux inconvénients, il convient de produire un maximum de biomasse sur place en gérant la fertilité avec les plantes qui poussent directement dans le jardin. C’est ce que je vous propose de voir tout de suite. La gestion de la fertilité par les plantes Les plantes ont un impact positif sur la fertilité du sol aussi bien via les restitutions aériennes que souterraines. Leur système racinaire a donc autant d’importance que leur biomasse aérienne. Dans votre jardin, vous avez toutes sortes de plantes qui sont amenées à participer à l’optimisation de la fertilité de votre sol : les cultures bien entendu, mais aussi les plantes spontanées, les couverts végétaux (engrais verts), les arbres et arbustes et les plantes à biomasse. Commençons par ces dernières car leur utilisation est à la limite avec le chapitre précédent. La revue du potager permacole n°5 46 Culture de choux de Milan implantés en fin de printemps sous un mulch de foin posé directement sur le chiendent et pas arrosés de l’été (en HauteLoire, cela dit…). Même une fois la pomme récoltée, il reste beaucoup de feuillage pour nourrir le sol ! Cultiver des plantes à biomasse pour améliorer la fertilité du sol En effet, si l’on cultive sur une zone du jardin des plantes à biomasse pour pailler d’autres zones du jardin, on exporte de la fertilité de la première zone vers les autres, il y a donc un transfert de fertilité qui devra être compensé d’une manière ou d’une autre. Sinon, la zone peut être volontairement appauvrie pour créer une zone maigre Toutefois, cette approche permet déjà de s’affranchir du transport de matières issues de l’extérieur. Ici, le plus intéressant est d’implanter des végétaux vivaces supportant des fauches pluriannuelles. Les plantes de prairie comme la luzerne, le trèfle violet, le lotier, les fétuques, etc. sont ici particulièrement intéressantes. La consoude est également une bonne candidate pour ce type de pratique. Utiliser les cultures en place pour fertiliser le sol du potager Les cultures ont l’avantage d’être présentes dans tous les jardins, bien évidemment ! Si certaines d’entre elles sont assez stressantes pour le sol dans la mesure où leur récolte exporte beaucoup plus de matière qu’elle La revue du potager permacole n°5 47 n’en laisse (carottes, radis, navets, salades, courges…), d’autres ramènent beaucoup de résidus une fois la récolte terminée (tomates, choux , pois, fèves, artichauts, maïs…). Donner de la place à ces cultures et choisir des variétés à fort développement végétatif permet de produire beaucoup de matière organique localement, dont l’effet sur le sol est très positif. Néanmoins, les effets des cultures sont limités car leur vocation première n’est pas de gérer la fertilité mais de produire des récoltes. Il ne faut donc pas aller vers l’implantation de végétaux avec comme unique objectif l’amélioration du sol ! Utiliser les couverts végétaux pour améliorer la fertilité À l’inverse des cultures implantées dans le but d’obtenir des récoltes, les couverts végétaux ont pour seul objectif d’améliorer le sol ! J’évite d’utiliser ici l’expression « engrais vert » qui focalise trop sur la fertilisation alors que l’effet de ces plantes va bien au-delà. L’idée est ici d’implanter un couvert dans le laps de temps entre deux cultures (on peut aussi l’implanter dans une culture encore en place un peu avant la récolte). Cela permet de structurer le sol avec les racines, de produire de la biomasse, de couvrir et protéger le sol, de concurrencer l’enherbement, éventuellement de fixer de l’azote avec les légumineuses, et de produire des fleurs et attirer les pollinisa- La revue du potager permacole n°5 48 teurs si on laisse le couvert jusqu’à floraison. Les plantes qui composent ces couverts ne sont pas des plantes spéciales qui enrichissent le sol car toutes les plantes enrichissent le sol du fait de la captation de l’énergie solaire expliquée en tout début d’article. Le choix des espèces ici est basé sur quatre aspects : - Sur leur rusticité au froid et/ou au sec, - Sur leur facilité d’implantation par un simple semis à la volée, - Sur leur capacité à produire de la biomasse aérienne et souterraine, - Et sur leur capacité à structurer le sol avec leurs racines pivotantes ou fasciculées. Les plantes qui correspondent à ces critères sont majoritairement dans les familles des légumineuses (féverole, pois, vesce, lupin, fenugrec, trèfles …), des graminées (seigle, avoine, orge, sorgho, moha…) et des crucifères (moutardes, radis, navettes, colza…), mais on retrouve aussi ces critères chez d’autres plantes (phacélie, tournesol, nyger…). Les plantes spontanées sont aussi un bon moyen d’améliorer la fertilité du sol, éventuellement en les utilisant en couvert spontané. Cependant, cela exige une excellente connaissance de ces plantes et donc une grande expérience de jardinage. Par exemple, Pierre Besse, maraicher du réseau maraîchage sur sol vivant, en activité depuis 1990 (!), laisse se développer à l’automne des couverts spontanés de gaillet grateron, luzerne d’Arabie et lamier pourpre. Ceci est extrêmement intéressant car il n’a pas besoin d’implanter des couverts sur ses parcelles, mais cette possibilité est offerte par une grande expérience de terrain. Cette solution est donc à utiliser avec prudence car les risques de se faire envahir sont bien réels. Néanmoins, c’est aussi celle qui se rapproche le plus d’une culture permanente, notion emblématique de la permaculture ! Magnifique floraison d’un couvert de Trèfle incarnat. La revue du potager permacole n°5 49 Nous intégrons des arbres partout, même s’ils ne sont pas toujours destinés à produire des fruits, comme ce pêcher spontané dans la serre que nous taillons régulièrement. Il nous offre d’autres avantages et ne gêne pas les cultures ! Enfin les ligneux (arbres et arbustes), indépendamment de leur production éventuelle de fruits comestibles, sont très intéressants pour plusieurs raisons. D’une part, leurs systèmes racinaires profonds sont capables de mobiliser des éléments nutritifs depuis les couches profondes du sol et de les ramener en surface via la chute de leurs feuilles . D’autre part, leur production de bois, une fois taillé, broyé ou déposé tel quel, fournit un amendement ligneux produit sur place. Et bien sûr, cela ouvre l’énorme dossier de l’agroforesterie que je ne vais pas aborder ici ! Pour conclure, si je résume mon approche de la culture sur sol vivant, celle-ci tient en deux principes clés : C’est la plante qui fait le sol et c’est la vie du sol qui gère la fertilité, Et trois approches techniques : Raisonner voire supprimer le travail du sol, apporter des matières organiques, gérer la fertilité par les plantes. Ceci se décline ensuite de mille manières en fonction de votre sol, de votre climat et bien sûr de vous ! La revue du potager permacole n°5 50 Texte : Amandine Zajakala Cette recette est issue du futur livre d’Amandine : « EcoloMe, - de déchets, + de budget ! » qui sortira en mai prochain. Nous vous tiendrons informé de sa sortie aux éditions Terre vivante ! Créer ses boules de graines Au cœur de l’hiver, alors que le froid se fait de plus en plus sentir et que les jardins et autres potagers sont de plus en plus vides, il est plus que temps de penser à nourrir les oiseaux ! n effet, d’après de nombreuses associa- E tions, les oiseaux des jardins ont de plus en plus besoin d’assistance pour se procurer, en période de grands froids prolongés, la nourriture nécessaire à leur survie. Et pour cause, la destruction des milieux naturels a engendré une véritable chute des populations d’oiseaux depuis plusieurs décennies. Cette destruction prend des formes multiples : réduction des zones de pousses libres à la végétation spontanée, des zones herbeuses non cultivées, des forêts, des mares, des populations d’insectes, l’intensification des monocultures… Il devient ainsi urgent et d’utilité publique d’agir chacun à son niveau pour aider les oiseaux et endiguer cette 6e extinction de masse. La revue du potager permacole n°5 51 Amarante et fenouil offrent des graines très appréciées des oiseaux : cultivez ces plantes dans votre jardin et vous ferez des heureux ! Pour cela, plusieurs solutions sont à notre disposition. Une végétation accueillante Pour aider les oiseaux l’hiver prochain, laissez-leur, dès ce printemps, une zone de pousse libre dans un coin calme de votre jardin. La végétation spontanée va s’y épanouir tout autant que la faune. Un véritable refuge, îlot de biodiversité. Nourrir les oiseaux avec des graines Si vous vivez sous un climat rude voir montagnard, vous pouvez commencer ce nourrissage dès le début de l’hiver et le continuer jusqu’à l’arrivée du printemps. Dans mon cas, le véritable froid ne se fait sentir qu’en toute fin d’année. C’est alors à ce moment que je me décide à agir pour la biodiversité et la préservation des populations d’oiseaux du jardin. Bien entendu, je n’attends pas d’avoir besoin de graines pour aller en acheter dans un quelconque magasin choisi au hasard dans la précipitation. Non, au contraire ! La revue du potager permacole n°5 52 En prévision de cette période difficile où la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) recommande le nourrissage des oiseaux, j’im- En période de froid prolongé, les boules de graines sont d’une aide précieuse pour les oiseaux : ils ne refuseront pas cette petite attention ! plante au printemps et à l’été des cultures nourricières pour les oiseaux granivores. Ces cultures nourricières peuvent être: l’amarante, l’aster, la centaurée noire, le chénopode blanc, les cosmos, les graminées sauvages, l’avoine, les oeillets d’Inde, les tournesols, le maïs dur (qu’il faudra préalablement concasser) l’aneth ou bien encore les blettes, les betteraves et les carottes qu’on laisse monter en graine. Grâce à ces cultures anticipées, je me constitue un stock de graines «plusquebio», saines et EcoloMiques (bonnes pour la planète car produites sur place et bonnes pour le portefeuille, car sans coût financier) que j’engrange durant tout l’automne. Ces graines locales, que je laisse volontiers se répandre au sol en saison, constituent une réserve précieuse l’hiver venu, une fois récoltées. Pour éviter d’utiliser les boules de graines industrielles aux filets plastiques problématiques (qui peuvent se révéler être de véritables pièges pour les oiseaux mais aussi pour d’autres animaux), à la graisse en trop grande quantité et aux graines et céréales souvent traitées et parfois inappropriées, je vous propose aujourd’hui une alternative faite maison. La revue du potager permacole n°5 53 Matériel : • Une casserole ou un saladier. • Une cuillère à café et une à soupe. • Un plat et une grille à disposer dessus. • Des supports pour la préparation : coquilles ..de noix, coquilles d’escargots, pommes de pin, demi-coques d’écorce d’orange, d’avocat ou de clémentines. • En fonction du support choisi, vous pouvez avoir besoin en plus d’un pique pour percer les écorces de fruits ou de ficelle pour créer des suspensions. Recettes : Dans une casserole à feu doux, ou dans un saladier au micro-ondes, faites fondre la graisse végétale. Si vous souhaitez utiliser du maïs dur du jardin, concassez-le avant de l’ajouter à la matière grasse. Ajoutez-y tous les autres éléments. Le mélange doit former une matière homogène, majoritairement composée de graines avec un minimum d’huile. Une fois toutes les graines, fruits secs et fruits séchés enrobés d’huile, vous pouvez passer au remplissage de vos supports. Dans le cas de demi-coques d’écorces de fruits, percez préalablement 2 trous opposés à l’aide du pique et passez-y une ficelle afin de pouvoir suspendre cette mangeoire végétale à un arbre. Dans le cas d’une pomme de pin, attachez son sommet avec une ficelle pour pouvoir l’accrocher ultérieurement. Remplissez donc vos écorces, coques, coquilles et enrobez votre pomme de pin avec un maximum de graines. Laissez s’égoutter vos créations sur une Concernant les supports pour accueillir le mélange, laissez libre cours à votre imagination ! grille au-dessus d’un plat. Une fois figées, installez-les dans différents endroits de votre jardin, toujours en hauteur, La revue du potager permacole n°5 54 Avec un peu d’imagination et quelques moules, il est possible de faire de belles «boules» de graisse. Les enfants adoreront cette activité, n’hésitez pas à leur proposer ! On pourra retirer le surplus de graisse après qu’elle soit figée. à l’abri des prédateurs (notamment des chats). Gardez bien à l’esprit que la matière grasse ne doit être qu’un liant qui va permettre à la préparation de se solidifier et de former un bloc. Elle ne doit pas être en grosse quantité. La majeure partie du mélange doit être constituée de graines. Les apports nutritifs y sont nombreux et ont un grand intérêt pour les oiseaux, contrairement à la graisse végétale uniquement composée de lipides. Concernant le mélange de graines, céréales, fruits secs et fruits séchés, faites-en fonction des ressources à votre disposition. L’idéal étant grosso modo aux alentours d’un tiers de graines (de tournesol par exemple), un tiers de céréales (d’avoine par exemple) et un tiers de fruits séchés (comme les raisins secs par exemple). N’oubliez pas d’apporter de l’eau à côté des mangeoires et de la renouveler souvent afin qu’elle ne croupisse pas ou ne gèle. Les oiseaux apprécient également de pouvoir picorer une pomme fraîche suspendue à un arbre : ce sera l’occasion de leur offrir vos fruits qui commencent à s’abîmer ! La revue du potager permacole n°5 55 Et sinon... des graines seules suffisent ! Si vous ne vous sentez pas de vous lancer dans de telles expériences en cuisine, il reste aussi le choix très simple de ne mettre que des graines aux oiseaux ! Ils s’en sortent très bien comme cela. Pensez à multiplier les mangeoires pour que les oiseaux ne s’agglutinent pas tous au même endroit. Et n’oubliez pas : ne les nourrissez pas en excès, car cela peut avoir des conséquences sur leur faculté à se reproduire... Préférez intervenir en priorité lors des périodes de grands froids. Pour aller plus loin sur ce dernier point : https://www.zoom-nature.fr/le-nourrissage-hivernal-affecte-la-reproduction-des-mesanges-bleues/ La revue du potager permacole n°5 56 Texte : Fabrice Desjours L’akébie, une liane fruitière à découvrir ! Grâce à son potentiel nourricier, son caractère semi-persistant et sa floraison à couper le souffle, l’akébie mérite toute sa place dans nos jardins ! Fabrice nous fait découvrir cette liane d’avenir... Contexte écologique Les lianes, des plantes herbacées ou ligneuses capables d’utiliser arbres ou supports pour se hisser dans les hauteurs, sont une forme végétale de grande importance dans la nature. Idem en agroforêt. Complexifiant le système, elles accroissent favorablement les paramètres environnants (hygrométrie, degré d’ombrage), elles freinent les vents, forment des passerelles le long des ourlets boisés comme dans les hauteurs de la canopée. En plus de produire de la nourriture et de stocker du carbone, elle augmente la fertilité du site tout en lui donnant une richesse visuelle inégalée. Par ailleurs, bien des espèces de lianes nourricières ou médicinales peuvent être introduites avec succès en jardin-forêt. La revue du potager permacole n°5 57 Descriptif Voyons de plus près aujourd’hui Ici, une fleur d’akebia quinata fécondée l’Akébie à 5 feuilles (Akebia quinata), et l’Akébie à trois feuilles (Akebia trifoliata), deux lianes fruitières, accessoirement capables de s’hybrider entre elles tout en donnant une descendance fertile, et appartenant à l’étonnante famille des Lardizabalacées. L’Akébie à 5 feuilles et l’Akébie à trois feuilles sont des lianes persistantes à semi-persistantes, en fonction de la froidure du climat. Originaires des forêts tempérées asiatiques (Japon, Chine, Corée), ces plantes, généralement diffusées pour un usage ornemental, présentent effectivement, selon l’espèce, un beau feuillage décoratif à 3 ou 5 folioles et des fleurs odoriférantes apparaissant au printemps et exhalant un parfum vanillé aux notes de fleurs d’oranger dirons certains. Les plantes adultes peuvent mesurer jusqu’à 12 mètres. Leur moyen de grimpe est assuré par l’aspect volubile des pousses, enroulant le support et capables d’enserrer et de distordre les rameaux du jeune arbre porteur. De par leur aspect foisonnant, voire envahissant, les lianes peuvent nécessiter, selon le contexte et l’usage, un certain degré de taille et d’intervention pour être contenues. Les restes de taille sont une ressource alors bienvenue : les feuilles et branches coupées peuvent servir d’amendements aux clairières potagères sous forme broyée ou être données aux chèvres, moutons qui en sont friands. La revue du potager permacole n°5 58 Les fruits se consomment de diverses façons, vous devrez simplement éviter de consommer les graines. Fait amusant : lorsqu’ils sont mûrs, les fruits s’ouvrent pour vous prévenir ! Consommation Fait bien moins connu : les akébies sont aussi des légumes-fruits comestibles prometteurs dont le potentiel commercial à grande échelle se concrétise depuis des années en Asie. Les fructifications en forme de concombre épais sont portées par grappe de 2 à 6. Leur couleur varie du blanc pur au pourpre bleu selon les variétés. Les fruits mûrissent en fin d’été, de la fin août à octobre, selon l’exposition, la latitude et la génétique du plant. À cette époque, les fruits s’ouvrent spontanément sur toute leur longueur. On consomme la pulpe juteuse et sucrée du fruit, fade ou aromatique selon le cultivar et la maturité. Cette pulpe est aussi riche en vitamine C que le kiwi et source de 17 acides aminés (Liu and Qian, 2002 ; Wang et al, 2004). Le fruit lui-même (mésocarpe) se mange cuit, et présente une texture fondante et un goût légèrement amer d’endive cuite. Les fruits peuvent aussi se faire frire, en tempura. Les jeunes pousses cuites d’Akebia trifoliata et d’Akebia quinata se consomment à la manière de brèdes, excellentes avec du riz en sauce sucrée salée. Les jeunes pousses servent également à la confection d’un substitut de thé. La revue du potager permacole n°5 59 Culture Idéalement, l’espèce requiert, de par son habitat d’origine, une terre drainée, fraîche et riche en humus. Une fois installées, les plantes résistent à -15°, -20°C. Bien que possédant des fleurs mâles et femelles sur le même plant (monoécie), les sujets sont autostériles et nécessitent donc la présence de deux plants de variétés différentes pour assurer une pollinisation croisée. Une pollinisation manuelle peut être recommandée au départ d’un projet si les insectes pourvoyeurs de pollen viennent à manquer, notamment quand l’écosystème n’est pas suffisamment densifié et habité par une faune diversifiée. À la plantation, dans l’idéal, faire en toute région une cuvette d’arrosage deux ans durant. Dégager au départ le plant de toute herbacée sur un mètre de large et pailler abondamment (de cartons, paille, copeaux ou BRF). Exemple de variétés : « Shirobana » à fleurs blanches, « Variegata » aux feuilles panachées. Citons encore « Purple Bouquet », « Cream Form », « Espoir de Printemps », « Silver Bells » ou « Big Fruit » de l’espèce Akebia trifoliata, dont le fruit peut mesurer jusqu’à 15 cm. La revue du potager permacole n°5 60 Veillez aux limaces qui pourraient se montrer friandes des jeunes pousses de printemps. Sinon, aucun parasite ni maladie ne lui sont connus. L’espèce, de par son comportement thermophile et sa faculté à résister à la sécheresse une fois installée, est une liane alimentaire d’avenir dans le contexte de dérèglement et de surchauffe climatiques. Risque de confusion Le fruit peut se confondre avec celui d’autres Lardizabalacées lianescentes tels que les fruits d’Akebia longeracemosa ou bien encore avec ceux des genres proches comme Holboellia, Sinofranchetia, Stauntonia, dont les fruits sont comestibles de la même manière. Comment le multiplier L’Akebie se multiplie par semis, marcottage ou bouturage. Avant d’être semées, les graines devront être stratifiées au froid humide trois mois durant. Stockées dans de bonnes conditions, elles conservent leur pouvoir germinatif pendant 3 ans. Pour la multiplier par marcottage, il suffit d’enterrer des portions de tiges dans la terre ou dans des pots à proximité de la liane. Ensuite, affranchissez les rameaux du plant mère dès que ceux-ci ont raciné. Pour la multiplier par bouturage, prélevez des boutures semi-aoutées l’été et mettez-les à l’étouffée dans un substrat humide et aéré. La revue du potager permacole n°5 61 Utilisation en jardin-forêt La liane peut être guidée sur un arbre support en situation ensoleillée à mi-ombragée, ou encore sur une treille ou toute autre structure portante prenant place dans une clairière aménagée pour des temps de repos ou de réception. Elle peut aussi être une espèce implantée dans un jardin-forêt commercial pour peu que le produit soit proposé aux consommateurs après un atelier culinaire, par exemple lors d’une journée porte ouverte, et que le circuit d’écoulement ait été bien pensé en amont (réseau de restaurateurs, vente en AMAP, produits transformés...) Autres usages L’akébie peut être utilisée en guide de plante fourragère : liane à biomasse utilisée pour nourrir les ovins, les caprins. Elle est également utilisée pour le tressage : les rameaux tressés peuvent servir en artisanat. Enfin, les akébies sont aussi des lianes ayant un long passé médicinal en orient. Alors, bonne plantation ! Et puis à terme, bonne cueillette et bon appétit ! La revue du potager permacole n°5 62 Texte : Olivier Puech La fève de la graine à l’assiette ! Du vert, du bon, de la biomasse, de la fertilité pour le sol, du visuel qui en impose, des ravageurs parfois… Voilà tout ce qu’il me vient à l’esprit quand je me remémore les souvenirs liés à cette culture de fèves. omme tout bon jardinier, j’ai parfois C été désemparé devant une invasion de pucerons. Nous y reviendrons, il y a moyen de cohabiter avec eux et espérer de belles récoltes. Comme tout bon jardinier, j’ai appris à valoriser cette culture. D’abord en sachant cuisiner les graines autant que les cosses pour optimiser les récoltes. Ensuite, en sachant le rôle qu’elle va jouer pour notre sol, car, nous le verrons, la fève est un formidable « engrais vert ». Enfin, j’ai appris à valoriser cette culture en recyclant toute sa biomasse en paillage de surface ou en compost. Au final la boucle est bouclée, il ne reste rien des graines semées. Ah si, justement ! On pourra laisser quelques plants La revue du potager permacole n°5 63 sécher et récupérer notre semence de départ. Entre la graine semée et la graine récoltée, toute une histoire que j’ai à vous raconter… La fève produit énormément de biomasse ! Un atout de taille dans un jardin naturel, où l’on cherche à enrichir constamment notre sol. Le semis La fève se sème à une période de l’année où les timings de plantation sont les plus divergeant entre les différents climats. Dans le Sud et l’Ouest, l’hiver se termine assez vite et la fève qui n’a besoin que de 6° ou 7° pour germer pourra se semer dès le début du mois de février. D’ailleurs, de nombreux jardiniers avertis ont semé à l’automne pour avoir des récoltes plus précoces encore. La fève résiste à de petites gelées. Ici au potager, j’étale toujours mes plantations entre quelques graines semées mi-novembre et d’autres entre mi-février et mi-mars. À l’inverse, dans les régions les plus rigoureuses, la fève attendra la mi-mars, parfois même début avril pour rejoindre la pleine terre. Tant que la graine n’aura pas germé (10 à 20 jours entre le semis et la germination), un gel n’aura pas d’incidence. La graine sera protégée sous terre. Par contre, une fois la culture germée, sortie de terre, elle pourra supporter des gelées allant jusqu’à -5°, mais au-delà, cela risque de lui être fatal. La revue du potager permacole n°5 64 Alors, selon votre position géographique, semez entre mi-février et mi-avril, que la terre ne soit pas trop gorgée d’humidité et que les premières journées avec un peu de douceur (10/15°) commencent à pointer le bout de leur nez. Deux façons se présentent pour implanter nos graines. Espacées de 10 à 15 centimètres, individuelles, ou en poquets de 3 ou 4 graines qu’on espacera alors de bien 30, 40 centimètres. Ici elles se plaisent énormément et il m’arrive que les pieds atteignent ma hauteur. Non, je ne suis pas si petit que cela ! Ce sont les pieds qui sont fort vigoureux et qui montent à plus d’1.50 m. Je vous conseille ainsi d’envisager un tuteurage, surtout si vous êtes en région ventée. On pourra encercler un rang avec des fils bien tendus entre des piquets ou encercler avec un grillage type « grillage à mouton ». Elles pourront tenir sans aide de tuteur, mais on aura comme une épée de Damoclès à craindre un fort coup de vent et voir sa culture couchée au sol. Dans l’idéal, espacez vos semis, une ligne de 25 graines tous les 15 jours et vous aurez déjà de très belles quantités, de quoi vous offrir plusieurs repas familiaux. Les variétés Elles ne sont pas en dizaines de milliers comme pour les tomates, mais suffisantes pour déjà nous offrir de l’originalité ou de la productivité selon nos envies, nos priorités. La plus connue est la fève d’Aguadulce, une garantie de belles récoltes, des cosses très imposantes, des plants costauds et verdoyants. La fève longue de Séville se classe juste derrière, une autre garantie de belles récoltes. Viennent ensuite des variétés plus originales. Il me vient de suite à l’esprit la fève « Crimson Flowered ». Regardez sur la photo, la couleur juste sublime de sa floraison. C’est tout simplement un véritable spectacle au potager qui annonce une nouvelle saison. La fève ‘Crimson Flowered’ : un vrai bijou de la nature ! Avouez qu’avec cette variété, le potager est tout de suite sublimé ! La revue du potager permacole n°5 65 J’en suis émerveillé. Je revois le soleil du soir se refléter dans ses fleurs. D’ailleurs je pense refaire cette variété cette saison. Trois ans que je ne l’ai pas semée au potager et clairement elle me manque. De petite taille, elle n’aura pas besoin de tuteur. En contrepartie, la productivité sera moindre. Autres variétés, cette fois-ci aux grains somptueux, la « Grano Violetto » aux couleurs pourpres, violettes. Cette fois-ci ce n’est pas la floraison, mais les grains qui sont ainsi colorés. Enfin, la Karmazyn, aux grains rosés. Ces deux variétés sont très gourmandes et offrent une diversité de couleurs toujours agréables à contempler. D’autres variétés encore, The Sutton, Express, Red Epicure, Stéréo, Robin Hood, Luz de Otono (semis en août pour récolte d’automne!), Hangdown Grünkernig… Parcourez les sites de semenciers sur le net à leur recherche et craquez au gré de vos envies. Elles ont toutes une bonne raison d’être au cœur de vos potagers. Les ravageurs Cette culture est constamment associée aux pucerons. Je ne sais pas s’il existe un jardinier qui ait fait des fèves sans en avoir. Et parfois, ils sont si nombreux que l’on ne voit pas l’ombre d’une récolte… Cela m’est arrivé, notamment les premières années. J’ai traité un peu au savon noir ( j’ai extrêmement de mal à traiter avec quoi que ce soit au potager, je ne fais aucun traitement depuis des années). J’ai parfois étêté les plants pour enlever la cime, là où les pucerons font la java ! Mais souvent j’ai laissé aussi cette population envahir de nombreux plants dans l’espoir d’attirer des prédateurs, dans l’espoir d’un équilibre futur. Les pucerons ne causent pas de problèmes aux fèves, jusqu’à un certain stade d’invasion... En effet, c’est ce qu’il se passe depuis quelques années. Les pucerons sont de moins en moins présents (ce serait mentir La revue du potager permacole n°5 66 de dire qu’ils sont absents) et ne dérangent que très peu cette culture. Connaissez-vous les allomones ? Les fèves sont capables d’en sécréter. Ce sont des hormones qui sont comme un cri de S.O.S, sécrétées par les plants de fèves. Elles appellent à l’aide se sentant attaquées. Évidemment si l’on traite, si l’on s’agite à tout tuer, supprimer, alors il n’y aura point de S.O.S, point de prédateurs attirés, point d’équilibre à espérer. C’est peut-être enjolivé ce que je vous témoigne, mais je reste convaincu que de ne pas trop agir « contre » ces ravageurs permettra la mise en place d’un équilibre naturel les prochaines saisons. À vous de trouver « votre » équilibre entre savon noir, étêtage, ou non-agir. La revue du potager permacole n°5 67 + de 90% C’est le pourcentage de pucerons d’une colonie que peuvent réussir à détruire les guêpes parasitoïdes en une année ! Jamais 100%, car ils pensent aux générations futures : pas folle la guêpe ! Il faut avouer que ce chiffre est tout juste impressionnant et donne envie de ne pas intervenir sur les pucerons et de se concentrer sur l’accueil de ces guêpes ! Bien entendu, pour arriver à de tels résultats, le jardin doit être un havre de paix pour la biodiversité et offrir des habitats de choix pour ces précieux auxiliaires...! Le seul inconvénient de ces régulations naturelles et qu’elles n’arrivent pas aussi vite qu’on le souhaiterait dans la saison. La revue du potager permacole n°5 68 La récolte et la dégustation Les semaines, les mois passent sans trop La cueillette est un pur moment de bonheur et on récolte rapidement plusieurs centaines de grammes. de travail du jardinier. La culture est très autonome. Inutile de tailler, d’effeuiller quoi que ce soit. Début avril pour les plus chanceux, début juin pour les plus au froid, la récolte se présente. Combien de fois m’a-t-on demandé « mais quand faut-il les récolter ? ». Plusieurs stades de maturité offriront plusieurs façons de s’en régaler. Premièrement, sitôt que les cosses sont très légèrement bombées, lorsque l’on sent à peine les grains en dessous. On pourra en prélever quelques-unes et les consommer crues. Inutile alors d’enlever la peau des graines, on croquera directement. Si vraiment vous cherchez le goût ultime, le nectar de cette culture, vous pourrez enlever la peau toujours plus fade que la graine et vous en régaler. En les récoltant si jeunes, vous pourrez tout autant consommer les cosses (longue enveloppe renfermant 3, 4 ou 5 fèves selon les variétés). Attention, elles noircissent très vite, dépérissent dans les heures qui suivent. Il faut prévoir de les cuisiner directement après récolte. La recette qui fait de loin l’unanimité est un velouté de cosses de fèves. La revue du potager permacole n°5 69 Je vous donne rapidement la liste des ingrédients : 1 kilo de fèves, une patate, 3 gousses d’ail, deux petits oignons, sel, poivre, 10 cl de crème, quelques pignons, 1,5 litre de bouillon (à ajuster selon la consistance désirée). Tout se joue ensuite dans la puissance que vous souhaitez donner au velouté. Un peu plus « passe-partout », on insistera sur les pommes de terre et la crème. Un peu plus « fort de fèves », on diminuera les quantités de crème et pommes de terre. On fait revenir les oignons, l’ail dans un faitout, on ajoute les patates, les cosses de fèves et on laisse cuire 20 minutes dans le bouillon de volaille. On retire le jus en fin de cuisson pour le garder de côté. On ajoute la crème liquide et vient le moment de mixer tout cela dans le faitout. On se servira du jus pour en rajouter pendant le mixage jusqu’à la consistance souhaitée du velouté. Tout le jus et on aura comme une soupe. Très peu de jus et on aura comme une purée. Là aussi c’est à vous d’adapter selon vos préférences. Au final, voilà un velouté très puissant en goût. Les pignons de pins (légèrement grillés à la poêle) viendront donner un côté craquant, croquant (oui, ça fait un peu « Top Chef » là !). La revue du potager permacole n°5 70 Autre stade de récolte, on laisse un peu plus grossir les graines. Les bombements sous la cosse commencent à bien se voir, le vert de la cosse commence à pâlir. À ce stade, on pourra toujours consommer les cosses comme vu précédemment. Concernant les graines, certains jardiniers, les plus délicats, aimeront enlever la peau des graines qui commencent à être trop dure. Pour cela rien de mieux que d’ébouillanter vos graines 30 secondes, la peau s’enlèvera bien plus facilement. Pour la consommation des graines, on pourra encore les manger crues, mais elles commencent à devenir un peu fades, un peu dures. On préfèrera les cuire une bonne dizaine de minutes. Libre à vous ensuite de les manger à la croque au sel, en salade avec d’autres récoltes du potager, je pense aux radis par exemple ! À ce stade de maturité, au Maghreb notamment, il est de coutume de les cuisiner en tajine. Merci aux nombreux abonnés de cette belle contrée de m’avoir souvent fait connaître leur coutume. Tout est consommé, les graines avec leur peau, tout autant que les cosses. Nous avons essayé en famille et effectivement… Que dire si ce n’est que je ne suis pas prêt d’oublier de semer des fèves encore cette année ! Enfin, dernier stade de récolte une fois que les cosses de fèves sont très développées, très bombées avec des graines bien costaudes à l’intérieur. La couleur des cosses va maintenant commencer à brunir par endroit, de belles couleurs allant du vert pâle au marron foncé. À ce stade, il sera difficile de consommer les fèves crues. On pourra tenter de cuisiner les cosses, mais elles seront souvent tachetées, abîmées, en fin de vie. On préfèrera ainsi consommer uniquement les graines sans la Les fèves crues sont délicieuses lorsqu’elles sont cueillies jeunes. Plus les graines gagneront en maturité, plus on aura tendance à les manger cuites ! peau et sans les cosses, après cuisson d’une bonne quinzaine de minutes. Les recettes ne manquent pas à consommer chaudes ou froides ! La revue du potager permacole n°5 71 N’oubliez pas d’intégrer les légumineuses dans vos rotations de culture : elles sont de précieuses alliées d’une bonne fertilité ! Plus qu’une récolte, un engrais ! La fève est une légumineuse, quelle aubaine ! Elle aura la capacité de stocker de l’azote atmosphérique au travers de ses racines, ses nodosités. Une fois la culture terminée, les racines laissées en terre, les plants hachés menus et laissés à même le sol, votre terre aura gagné quelques grammes d’azote au m². Mieux que quelconque engrais du commerce, mieux que quelconque amendement, les fèves vont non seulement vous nourrir, mais nourrir tout autant votre sol. Ce serait presque une raison en soi de les cultiver ! D’ailleurs, il existe un engrais vert, la fèverole, peu éloigné de cette culture, spécialement dédiée à cet intérêt de nourrir et améliorer le sol. Oui parce que la fève va nourrir, mais aussi améliorer la structure de votre sol. Je me souviens remonter une motte de terre entourant un plant de fèves une fois la culture terminée. La motte s’effritait entre mes mains tellement cette culture génère des racines puissantes, vigoureuses, profondes. Mieux qu’un passage au motoculteur, mieux qu’un coup de grelinette, cette culture décompacte les sols les plus lourds. La revue du potager permacole n°5 72 Conclusion Je ne veux pas vous vendre du rêve. Si vous souhaitez une culture productive pour peu de place, peu de temps en cuisine, ne semez pas des fèves. Contentez-vous de tomates, courgettes, concombres, et autres légumes fruits. À l’opposé, si vous voulez savoir ce que c’est que de croquer du vert, si vous avez un peu de temps en cuisine, si la productivité n’est pas toujours votre priorité « number one », si vous êtes prêt à accepter d’héberger de la biodiversité, pucerons et leurs prédateurs, si vous êtes décidé à améliorer votre sol et à le préparer pour les cultures qui suivront, partez à l’aventure et semez la fève. Vous en serez le roi, la reine, de l’avoir non pas trouvé dans votre galette, mais récolté de votre terre ! La revue du potager permacole n°5 73 Texte : Julie et Angelo - Le potager du Ferron Ne faites plus chou blanc avec ce chou vivace ! La revue du potager permacole n°5 74 Chacun d’entre nous rêve d’avoir du chou sans maladies, sans attaques en tout genre et sans disparitions inquiétantes de dizaines de plants installés avec amour au potager. Oui, c’est le but ultime de cette culture d’hiver ! Nous vous proposons alors de cultiver un chou avec lequel vous n’aurez plus besoin de faire de semis, ni même d’acheter de plants ! C’est le fameux Chou Daubenton autrement appelé, à raison, le chou à mille têtes. Le chou Daubenton ? Le chou Daubenton (Brassica Oleracea) est un chou vivace et rustique (-15°) qui reste en place au potager, dans les meilleures conditions, entre 5 et 7 ans. Laissé libre d’évoluer, il formera un petit arbuste buissonnant haut de 80 cm à 1 m 20. Comme on peut le voir sur la photo, le chou Daubenton dans notre potager évolue bien et a maintenant 2 ans. Étonnamment, il a longtemps été cultivé uniquement pour nourrir le bétail. C’était en effet un chou fourrager très facile à produire. Aujourd’hui, il est particulièrement recherché et apprécié par les jardiniers à la recherche de nouveauté, mais également par de grands chefs. Pourquoi cultiver ce chou Daubenton ? Nous cultivons un potager depuis quelques années et, il faut l’avouer, la culture du chou n’est pas la plus facile. En effet, puisque nous n’utilisons pas de protection (tunnel, voilage, etc.) et que nous ne menons pas d’autres interventions, cultiver des choux classiques est une mission délicate. Alors plutôt que de s’embêter et perdre une partie ou la totalité de nos plants (issus de nos propres semis) et voir le travail de plusieurs mois disparaître en quelques jours, nous avons souhaité trouver LA solution. La revue du potager permacole n°5 75 Nous voilà alors avec ce chou, que nous ne connaissons pas encore. Un plant unique, tout petit et nous devons le dire, peu engageant. Deux petites années plus tard, il est devenu touffu, magnifique et très productif. Ce légume perpétuel est pour nous une belle découverte : avoir du chou facilement, sans travail, et qui en plus est peu sensible aux attaques et maladies est totalement dans notre esprit et vision du potager sur le chemin de l’autonomie alimentaire. Comment le consommer ? Nous aimons consommer la plupart de nos légumes crus, dont le chou Daubenton. Nous en cueillons les feuilles au fur et à mesure des besoins (autre avantage) que nous consommons crues, en mélange dans une salade, en jus …. Ou cuites à la manière des épinards. Par ailleurs, plus vous allez récolter et plus le chou sera productif ! La revue du potager permacole n°5 76 Faites-le pour elles ! Si, finalement, vous n’accrochez pas avec cette culture, pensez à vos poules ! Elles adorent ce chou, et ce dernier possède un avantage de taille : son port naturel, étalé et proche du sol. En effet, les poules et les canards n’ont alors aucun mal à se servir d’eux-mêmes : un pas de plus vers le poulailler autonome... Si vous installez des plants directement au poulailler, il faudra simplement le protéger la première année, pour le laisser se développer tranquillement. La revue du potager permacole n°5 77 Ce chou est d’une facilité déconcertante à multiplier ! Au potager permacole, nous coupons des tronçons de 2 cm de branche pour faire des boutures. Comment le cultiver et le reproduire ? Ce chou est plutôt facile et ne demande pas grand-chose. Nous devons vous le dire, notre petit plant a pas mal bourlingué à travers le potager et s’est malgré tout bien adapté à chaque fois au changement. Il préférera un endroit ensoleillé et un sol frais. Nous l’avons installé juste à côté du bassin, tout comme un autre plant issu de nos boutures. On peut l’arroser par temps très sec, ou bien le laisser faire. Il peut aussi, malgré sa rusticité, souffrir du froid ! Le reproduire est un vrai jeu d’enfant ! Chaque année, ou tous les 2 ans, nous refaisons des boutures pour toujours avoir du chou en place au potager. Un peu plus vieux, il aura tendance à se marcotter très facilement (lorsque les branches basses touchent le sol). Ne fleurissant que très rarement et ne produisant donc pas de graines, le bouturage reste la seule solution. Durant l’été, on cherche sur une tige des jets d’environ 10cm que l’on coupe et que l’on met simplement dans un godet avec du terreau. On peut les mettre directement en terre, mais attention aux escargots et limaces… Il n’y a plus qu’à attendre le printemps pour installer les nouveaux plants au potager !!! Vous l’aurez donc compris, pour parvenir à de belles récoltes sans aucune (ou presque) intervention, nous ne cultivons pas de choux « traditionnels » pommés, mais uniquement le chou Daubenton et le chou Kale, qui lui aussi produit à profusion et a un goût surprenant. Le Potager est aussi une grande histoire de partage et de transmission alors n’hésitez pas à partager un maximum vos boutures ! La revue du potager permacole n°5 78 Merci pour votre lecture ! Nous espérons que ce numéro vous a plu. N’hésitez pas à nous faire part de vos impressions, suggestions ou questions en nous écrivant ! Par ailleurs, si vous souhaitez apparaître dans la revue, au travers d’un témoignage inspirant, faitesnous signe ! Enfin, si cette revue peut intéresser certaines personnes de votre entourage, n’hésitez pas à leur partager ce numéro : la personne pourra peut-être alors choisir de s’abonner. Merci pour votre soutien ! Nous vous donnons rendez-vous sur les réseaux sociaux ou notre site internet en attendant le prochain numéro ! Crédits photos : Nini Maass, Fabrice Desjours, Le potager d’Olivier, Guillaume Desfaucheux,Amandine Zajakala;Julie et Angelo - Le potager du Ferron;Yulia2700;Manfred Richter;u_3heuehh9;Benjamin Nelan;Ngo Minh Tuan;Natfot;Alexas_Fotos;DatWuschel;rottonara;MrGajowy3;Alina Kuptsova Contactez-nous facilement : [email protected] Suivez-nous sur les réseaux sociaux ! N° ISSN : 2682 - 003X