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N°5-La-revue-du-potager-permacole

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N°5
janv/fév
2021
LE POTAGER
permacole
C U L T I V E R
S O N
Q U O T I D I E N
Biodiversité
Comment rater
à coup sûr votre
hôtel à insectes !
Dossier
Les bases du
jardinage sol vivant
Forêt-jardin
L’akébie, une liane
d’avenir !
Potager
Les fèves au jardin
et en cuisine
Édito
Chers lecteurs, chères lectrices,
En ce début d’année, c’est l’occasion de repartir sur de
bonnes bases ! Ainsi, nous vous proposons dans ce
numéro un dossier sur les bases du jardinage sur sol
vivant, écrit par Gilles Domenech, co-fondateur du réseau
Maraîchage sur sol vivant !
De nombreux conseils, et une vision éclairée du monde
des plantes et des mécanismes à l’oeuvre sous nos pieds
vous attendent dans ce dossier !
Par ailleurs, ce début d’année est aussi l’occasion de
mettre en lumière l’initiative de notre rédactrice Nini,
ainsi que de dizaines d’autres personnes, qui ont, courant
novembre, entamé une grève de la faim.
Pour quelle raison ? Pour taxer les activités spéculatives,
afin de redistribuer un budget pour sauvegarder la biodiversité et la santé des humains !
L’heure est grave pour notre société. D’un côté la nature
s’effrite de jour en jour, et d’un autre c’est l’économie qui
s’effondre petit à petit en raison de la crise sanitaire.
Nous envoyons un message fort de soutien aux entreprises, forcées pour certaines de mettre la clé sous la
porte...
Le jardin devient encore plus, en ces temps difficiles,
un haut lieu de réflexion, et un exutoire certain à cette
ambiance anxiogène qui règne sur le monde depuis
maintenant près d’un an...
Notre souhait pour cette année 2021 ? Que nous semions,
plantions, créions de beaux espaces, utiles écologiquement et socialement ! C’est aujourd’hui que se crée le
monde de demain. Faisons ainsi les bons choix, et croyons
ensemble à un monde meilleur pour nos enfants...
Du nouveau dans ce numéro !
Nous accueillons dans ce numéro Julie et Angelo de la chaîne Youtube «Le potager du
Ferron». Bienvenue à eux, et voici leur présentation !
Nous sommes Julie et Angelo, trentenaires, et avons une fille de 5 ans
(bientôt). Nous vivons dans un petit village de notre belle campagne bourguignonne en Saône-et-Loire.
Après avoir été commerçants pendant près de 8 ans, nous avons décidé
de franchir le cap et avons radicalement changé de vie.
Un retour aux sources, une prise de conscience, une envie d’indépendance
et de liberté ont motivé notre démarche.
Une vie simple et une quête d’autonomie alimentaire, manger sainement ,
etc… sont désormais notre but.
C’est donc à travers notre chaîne YouTube que nous avons trouvé le moyen
de partager et transmettre ce chemin de vie !
https://www.youtube.com/channel/UCHUcoxE8Js15nCG8ls6E9bQ
La revue du potager permacole n°5 3
Sommaire
Le potager permacole n°5 - janvier/février 2021
Sommaire
dynamique sur
ordinateur :
cliquez sur les
titres pour être
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l’article en
question !
05
17
35
51
57
63
Les travaux de
saison
Dossier : les bases
du jardinage sol
vivant
L’akébie, une liane
fruitière d’avenir
Comment rater son
hôtel à insectes
Créez vos boules
de graines
Les fèves au
jardin et en
cuisine
74
Ne faites plus
chou blanc avec
ce chou !
La revue du potager permacole n°5
Les
travaux
de saison
La revue du potager permacole n°5 5
Texte : Guillaume Desfaucheux
LES SEMIS/PLA NTATIONS
Janvier
Février
Sous abri : laitue, carotte, radis, pois
En extérieur : plantes vivaces si le sol
n’est pas gelé, semis de pommier
Sous abri : carotte, laitue, persil, radis
En pépinière sous abri : chou d’été,
oignon blanc, poireau
En extérieur : ail, oignon, échalote,
fèves, pois
Soignez votre
rhubarbe
Pour les fans de cette plante, vous pouvez la
soigner en ce moment ! Début février, déposez
à son pied entre 3 et 5 kg de compost mûr ou
semi-mûr, et recouvrez le tout d’une épaisse
couche de feuilles mortes, de résidus de taille
ou autre paillage carboné ! Ce rempart contre
le soleil lui permettra de garder un sol frais et
humide, ses conditions favorites !
Vous êtes en panne d’inspiration concernant les
variétés ? Nous avions abordé le sujet dans la
revue de mai/juin 2020.
La revue du potager permacole n°5
6
Mes semis ne
germent pas
Pour les motivés et les pressés qui se lancent dans
des semis précoces, la germination n’est pas toujours
facile à atteindre. Faire germer ses graines à la maison
avant de les mettre dans la serre est une méthode
qui fonctionne bien pour hâter la germination. Comme
repère, fixez-vous 15 degrés pour les salades, 20 degrés
pour la plupart des plantes et légèrement plus pour
les poivrons, aubergines... Cela dit, ne soyez pas trop
pressé si vous n’êtes pas équipé contre le froid. Préférez
attendre pour lancer vos plants, ou achetez-les au
producteur du coin : c’est moins de stress et d’attention !
Butter le thym
Votre pied de thym se dégarnit ? C’est le
moment de le butter ! Rapportez de la terre
sur les côtés et au centre de la touffe. Ce geste
permettra à la plante de refaire des racines, et
de se refaire une jeunesse. L’automne prochain,
si vous souhaitez le multiplier, vous pourrez
venir couper les marcottes qui se seront
formées au cours de l’année et replanter les
jeunes plants plus loin.
La revue du potager permacole n°5 7
© Michael Wolf
Couvre-sols
d’ombre
Pas facile de cultiver dans les zones
d’ombre ! S’il existe des arbustes couramment cultivés à l’ombre, comme les
amélanchier, les groseilliers, les cassis,
les framboisiers du Japon, il n’est pas
toujours facile de trouver des couvre-sols
comestibles.
Voici quelques suggestions de plantes
couvre-sols qui se plairont très bien à
l’ombre !
• L’alliaire, dont on consomme les racines,
les feuilles, et les tiges.
• L’asaret du Canada, Asarum canadense,
dont on consomme les rhizomes.
• Gaultheria procubens, le Thé du Canada.
Les fruits sont comestibles bien que peu
intéressants. Ils sont souvent transformés
en gelée. C’est surtout les feuilles que l’on
utilise pour faire du thé.
Il existe également des couvre-sols plus
communs :
• l’ail des ours,
• le sedum spectabile qui s’en sort bien à
l’ombre,
• la mélisse,
• les menthes,
• le fraisier des bois
Asaret du Canada
La revue du potager permacole n°5
8
Le brocoli à
jets pourpres
Voici une variété que nous avons largement
adopté au potager permacole : le brocoli à
jets pourpres !
Il se sème au printemps, vers le mois de
mai et se repique au jardin en début d’été.
Mis à part de l’eau et un peu de compost, il
ne demandera pas grand-chose : ce brocoli
est très long à se développer, et prend une
bonne taille en fin de saison. Dès la moitié
du mois de février, il commencera à former
des jets, qui se consomment de la même
manière que du brocoli. Vous pourrez
échelonner vos récoltes sur environ 6
semaines.
Notre recette préférée est aussi la plus
simple : faites cuire les jets à la vapeur, et
accompagnez-les, une fois refroidis, avec
de la vinaigrette à l’huile de noisette. Succès
garanti ! Et pour les plus gourmands, on
pourra les consommer avec une pointe de
beurre...!
Enfin, les jets non-consommés pourront
être laissés sur la plante, les fleurs qui
suivront attireront de nombreux insectes...
La revue du potager permacole n°5 9
Des carottes toute
l’année, c’est possible !
Vous avez toujours souhaité avoir des carottes du jardin toute l’année ?
C’est l’occasion de se lancer ! Pour en avoir 10/12 mois de l’année,
seulement 3 semis sont nécessaires avec si possible deux variétés
minimum. On pourra réaliser d’autres semis mais ceux-ci seront
«en option», comme les semis d’automne qui sont plus difficiles à réussir.
• Début/mi-février : sous abri, châssis, tunnel, serre. Semez une variété
précoce comme la carotte ‘Touchon’, ‘Amsterdamer à forcer’. Récolte à partir
de mi-mai. N’hésitez pas à utiliser un voile de forçage supplémentaire.
• Mi-mars/début avril : en extérieur. Utiliser la même variété que le semis
précédent ne posera pas de problème, ces carottes se récolteront de fin juin
jusqu’en automne sans problème.
• Mi-mai à début juin : en extérieur, utilisez une variété de conservation,
comme la ‘Chantenay’, ‘De Colmar’, etc. Selon le climat et le mode de
conservation, vous en récolterez jusqu’en mars/avril !
Aller plus loin : lepotagerpermacole/prégermination
Bouturez les arbustes fruitiers tels que les cassis, groseilles,
etc. Ils apporteront des récoltes supplémentaires, et des
fleurs/fruits pour la biodiversité.
Offrez un paillage carboné comme des tailles d’arbres à vos
fruitiers, les plus jeunes en priorité.
Épandez du compost.
Nettoyez et réparez vos outils ! Resserrez les boulons,
aiguisez les lames... Ce petit entretien prolongera leur durée
de vie.
Faites l’inventaire de vos semences pour repérer les espèces
qu’il vous manque.
La revue du potager permacole n°5 10
Les premières
laitues de la
saison !
C’est à cette période, vers la mi-janvier,
que nous semons généralement notre
première série de laitue de l’année.
Ces premiers semis sont délicats, nous
les faisons germer à la maison, et dès que
les plantules germent, nous les mettons
en véranda ou sous la serre, protégées
par un petit voile supplémentaire.
Comme cela, elles ont moins de chance
de s’étioler que si elles restaient à la
maison. Ces laitues arriveront à maturité
légèrement après celles plantées en
automne, de quoi faire le relais !
Si vous souhaitez une verdure avec un
peu plus de pep’s, n’hésitez pas à semer
du cresson alénois qui viendra rehausser
vos salades composées ! Il est, de plus,
très vigoureux et très précoce.
La revue du potager permacole n°5 11
Nettoyez le verger : les feuilles
mortes et les fruits momifiés
restants peuvent être emmenés au
potager, afin d’éviter la survenue
de maladies comme la tavelure du
pommier.
Plantez de l’ail si vous ne l’aviez
pas fait en automne, ce n’est pas
trop tard !
Taillez les framboisiers, et profitez-en pour déterrer des rejets.
Mettez vos pommes de terre
précoces à germer un bon mois
avant la plantation. Vous gagnerez
du temps sur la récolte !
Rangez vos tuyaux d’arrosage si ce
n’est pas déjà fait pour les protéger
du gel. Protégez également les
tuyauteries extérieures.
Supprimez les rejets aux pieds
des fruitiers comme les pruniers.
Reposez-vous ! C’est l’hiver... Une
période parfaite pour prendre du
recul et prendre soin de soi !
Protégez le grain des poules !
Si vous avez des poules, vous vous êtes peut-être confronté au problème du stockage du
grain. Ce dernier attire les rongeurs dans la maison/le lieu de stockage. Pour se prémunir
contre leur présence, n’hésitez pas à récupérer un vieux réfrigérateur, ou congélateur, en
déchetterie ou auprès de vos proches. Vous pourrez y stocker votre grain en toute sécurité.
La revue du potager permacole n°5 12
Arrosez votre
serre...
En hiver, toute la serre n’est pas toujours
occupée par des cultures. Néanmoins, ce n’est
pas pour autant qu’il faut oublier d’arroser ces
zones non cultivées !
Dès que la terre sèche, n’hésitez pas à mettre
quelques arrosoirs sur le sol, afin de garantir à
la vie du sol un peu d’eau. Cela évitera à votre
sol de se tasser, même si le meilleur remède
contre le tassement est la mise en place d’un
engrais vert, ou mieux encore, de cultures
nourricières !
... et prenez-en
soin
La bâche de votre serre n’est plus transparente ?
Les dépôts de végétaux et autres algues s’y développent aisément, surtout en bas des bâches.
Rincez la bâche en frottant à l’éponge. N’utilisez
pas de produit pour le nettoyage, plutôt de l’eau
chaude. Cette tâche est importante à réaliser, car
en laissant votre bâche s’opacifier, vous perdrez
en rayon lumineux.
Et qui dit moins de lumière, dit moins de photosynthèse. Et par conséquent, moins de récoltes !
La revue du potager permacole n°5 13
Le chop and drop
Avez-vous déjà entendu parler du chop and
drop ? En français, couper/hacher et déposer. Il
s’agit d’une méthode que nous utilisons de plus
en plus au potager permacole.
Le principe est simple : plutôt que de s’ennuyer
à rechercher des sources d’approvisionnement
de matière organique, on réfléchit à la produire
sur place. Et si possible, le plus près possible !
En jardin-forêt, la mise en place est simple :
on taille nos plantes, et on dépose ces tailles
directement au sol afin de recréer cette litière
forestière tant recherchée.
Eh bien, au potager, la méthode est aussi
parfaitement transposable ! Nous la testons
maintenant de plus en plus, grâce aux arbustes
et arbres du potager, mais également grâce à
des plantes productrices de biomasse comme
la consoude ou le miscanthus.
L’entretien est simple, mais nécessite d’être
présent toutes les deux/trois semaines pendant
la saison pour se lancer dans une séance de
chop and drop ! Ce peut être avant la récolte
par exemple, nous hachons la consoude en
la disposant au pied des légumes, et nous
récoltons. Ici, des tomates destinées à faire des
sauces pour l’hiver !
Nous vous préparons un article plus complet
sur le sujet, qui sortira dans l’année 2021.
La revue du potager permacole n°5 14
Enrichir son sol sans acheter de
matière organique
Nous sommes nombreux à avoir du mal à se procurer de la matière organique, notamment de la
paille et du foin. Cela n’est pas un problème ! Quand on entend parler paillage à longueur de temps,
on pense trop souvent à ces deux matières organiques. Et pourtant, un jardin naturel peut aussi
être enrichi grâce aux plantes spontanées, aux couverts végétaux, aux épluchures de cuisine, aux
tailles d’arbres et d’arbustes (même non broyées, nous pratiquons cette méthode !). Ainsi, fougères,
aiguilles de pin, tailles grossières, feuilles mortes peuvent être utilisées pour couvrir le sol et diminuer
les besoins en désherbage. D’ailleurs, dans un petit potager, on aura tout intérêt à ne presque plus
pailler : les cultures, omniprésentes, peuvent occuper le sol toute l’année ou presque. On se contentera de remettre rapidement en culture après les récoltes ! Si vos déchets sont trop riches en carbone
(uniquement des tailles d’arbres par exemple) et que vous sentez que les cultures «patinent» un peu
sur votre sol, peut-être peu fertile, n’hésitez pas à compléter par de l’urine ou du sang séché/corne
broyée à petite dose. Ces fertilisants naturels vous le rendront tout au long de la saison !
Aller plus loin :
lepotagerpermacole/
matière-organique
La revue du potager permacole n°5 15
Le laurier-tin pour s’enivrer de bon matin !
Nous adorons cet arbuste, attirant un nombre important d’insectes volants différents. Tous les
ans, entre février et mars, il nous offre son exquise floraison parfumée, détectable à plusieurs
mètres de distance. De plus, son feuillage est persistant ! Il peut ainsi aisément remplacer le
laurier cerise ou le thuya dans des haies persistantes, avec d’autres arbustes à la floraison décalée
comme l’arbousier. À eux deux, ils produisent du nectar à des périodes où il est difficile d’en
trouver : en automne et en fin d’hiver.
À méditer pour votre prochaine installation de haie persistante...!
La revue du potager permacole n°5 16
Texte : Nini Maass
Comment rater votre
hôtel à insectes !
Pleins de bonnes intentions en voulant aider la biodiversité, nous
commettons parfois des erreurs. Dans cet article sur le ton de la
dérision (et de l’autodérision ! ), découvrez les 17 conseils de Nini
pour rater votre hôtel à insectes à coup sûr !
out d’abord, qu’est-ce que les humains appellent un “hôtel à insectes” ? On est
T
d’accord pour dire que c’est une boîte en bois plus ou moins grande et profonde, avec
un toit qui protège de la pluie et des compartiments garnis d’un tas de matériaux.
Cette construction sera installée verticalement dans notre jardin ou sur le domaine public
(parc, école, bord de route, entrée de village..) et enverra un signal visible de loin : ”Ici, on agit
pour la biodiversité”. La boîte aura dans la plupart des cas l’apparence d’un naïf chalet au toit
pentu, d’où sans doute l’appellation d’hôtel qui a eu le succès que l’on connaît.
Ce faisant, les humains escomptent être actifs face à l’effondrement de la biodiversité, offrir
le gîte à de nombreux animaux en danger d’extinction et faire leur modeste mais néanmoins
importante part. Ça, c’est pour la théorie et le conte de fées. La réalité est hélas moins simple
et rose.
La revue du potager permacole n°5 17
Tenir compte des besoins
fondamentaux
Faut-il rappeler que les insectes ne
sont ni des humains ni des mammifères, et qu’ils n’ont donc évidemment pas tout à fait les
mêmes besoins que nous ? C’est un truisme, certes, mais au vu de certains sites qui nous
enjoignent de dorloter des abeilles sauvages, on est en droit de se poser la question*.
À ce propos, je me souviens de quand j’étais une petite fille et que je tricotais assidûment
et avec beaucoup d’amour des couvertures pour ma tortue terrestre et que je me faisais un
plaisir de bien la border le soir dans sa boîte. J’ai compris plus tard que j’étais la seule à en
tirer du plaisir… un bonheur entaché de déception, car mon reptile souillait constamment
sans sourciller la couette imposée. La grondais-je alors? Sans doute.
Nous ne sommes plus des enfants qui vont mettre des barrettes aux chats... Le temps
presse. La grande extinction de masse des insectes est en cours, soyons les plus efficaces
possible, en connaissance de cause. La meilleure façon que je connaisse, c’est de s’intéresser aux insectes (vaste programme) et à leurs besoins.
Mais que fabriquent les insectes dans ces hôtels ?
Il est plutôt rare que les hyménoptères - abeilles, guêpes, fourmis et frelons - s’abritent
dans ces ouvrages. De même, les coccinelles, papillons et chrysopes ne sont globalement
pas séduits par une hibernation en ces lieux. Il m’est tout de même arrivé de voir de temps
en temps la petite bouille velue d’une osmie ou d’une anthophora près de la sortie d’une
tige creuse, par une journée d’orage ou en cas de nuit fraîche au printemps.
* https://www.lesdorloteurs.fr/
La revue du potager permacole n°5 18
Vision assez rare : une abeille solitaire (Anthophora sp.) patiente dans sa galerie par une froide journée de mai. Hortus
Girasole en Autriche. Le nichoir est en bois dur et sec.
La revue du potager permacole n°5 19
En fait, plutôt que des hôtels, ce sont des nichoirs, à la rigueur on peut parler d’ “hibernoirs”
pour quelques espèces. On y trouve essentiellement des pontes d’abeilles et de guêpes. Dans
la longueur des galeries, ces animaux vont aménager des cellules cloisonnées individuelles à
la queue leu leu contenant les œufs et de quoi nourrir les futures larves.
Un clin d’oeil à Paul Watzlawick
Modestement et à ma manière, je voudrais rendre hommage au livre de Paul Watzlawick
(auteur de ‘Faites vous-même votre malheur’ - Editions Points) qui a drôlement influencé
ma vie en direction du sourire et de l’autodérision. Ses conseils à contresens sont pleins
d’ironie et d’amour. Il peut être un peu cruel et inconfortable de se retrouver face à ses
erreurs, et je n’ai pas de honte à dire ici que j’en
ai fait aussi. C’est ainsi ! Voilà comment vous allez
pouvoir rater votre hôtel à insectes en beauté,
et ne pourrez imputer la faute à personne qu’à
vous-même.
1. Poisons à gogo
Les produits en -ide sont drôlement efficaces,
et ceux utilisés en bio aussi. Inutile d’espérer
la venue des petites bestioles butinantes en
installant un hôtel à insectes dans un endroit
arrosé de cochonneries.
De même, utiliser des bois traités, des peintures
toxiques ou des garnitures imbibées de produits
suspects aurait un résultat bien décevant.
C’est une évidence, mais je tenais à le redire ici.
Normalement à l’abri des regards, voici
l’intérieur d’un nichoir à hyménoptères. On
voit bien les galeries, la suite des cocons certains sont vides, d’autres sont parasités
par des mouches, peut-être Cacoxenus
indagator que l’on reconnait à ses fientes
orange. Les parasites font partie de la biodiversité. Observation : Hortus Girasole en
Autriche.
2. Un jardin bien propre
Un gazon tondu impeccable au cordeau, des
haies taillées qui ne fleurissent jamais, pas
d’arbres fruitiers mais des thuyas et cyprès de
Leyland en monospécifique ? Allez, on laisse
tomber l’idée d’un hôtel à insectes. Ce n’est
guère accueillant.
La revue du potager permacole n°5 20
Un beau gazon !
Vous l’aurez compris, ceci est à éviter. Et en particulier ces
petits robots qui ne laissent pas une seconde de répit à
votre gazon ! Bien évidemment, il est intéressant de se garder une zone bien propre et sans fleur pour les enfants,
pour recevoir nos proches et manger tranquillement dehors.
Néanmoins, rappelons-nous que nous ne sommes pas seuls
à vouloir profiter de notre extérieur !. Ainsi, n’oublions pas de
partager l’espace avec les autres êtres vivants du lieu : ils en
ont cruellement besoin par les temps qui courent !
La revue du potager permacole n°5 21
Joli et jaune, agréable pour les humains,
mais rien pour les insectes : la corête
du Japon (Kerria japonica) est le parfait
exemple de ce qu’il vaut mieux ne pas
implanter dans un jardin de biodiversité.
De même pour le forsythia, à droite.
3. Fleurs exotiques, stériles, hybrides
Peu de fleurs à pollen et nectar à 300 m à la ronde ? Un potager “patates et tomates” ? On a
beau acheter des plants année après année, des roses à fleurs doubles, des kerrias pompons
jaunes, des pivoines froufroutantes, des forsythias, des seringats doubles... Ces fleurs ne
servent strictement à rien pour la biodiversité. Si, pour le plaisir des yeux, mais les abeilles et
autres butineurs n’en ont rien à fiche, pire, ils s’épuisent en essayant de récolter le peu qui est
là. Les visiteurs des nichoirs seront rares, avec peu d’espèces.
4. Acheter un hôtel à insectes prêt à l’emploi et
plein de défauts
On a vraiment l’embarras du choix, c’est impressionnant. En général, ils cumulent les mauvais
points, je vous propose de lire les points 5 à 12 et de les vérifier. Le prix que vous payez ne
donne que peu d’informations sur la qualité du produit, il y en a de forts mauvais qui coûtent
bonbon. En général, quand même, les pires sont les moins chers.
La revue du potager permacole n°5 22
Un hôtel à insectes tel qu’on peut en acheter en jardinerie. Il
est dehors depuis un an, et toujours rien. Ce qui est garanti,
c’est la déception !
La revue du potager permacole n°5 23
Une mention spéciale pour ce
compartiment rempli de bouts de
gaines plastique, diamètre 13mm,
ouverte des deux côtés.
Espace public, village cévenol.
5. Tiges creuses inadaptées
Les tiges creuses (bambou, roseau, paille...) sont le must dans un nichoir à insectes. Voici les
principaux points auxquels il faudra veiller si vous visez un naufrage en règle.
- les tiges sont ouvertes des deux côtés, comme un tuyau. Les insectes caulicoles (nichant
dans les tiges creuses) mettent déjà beaucoup d’énergie à obturer la tige une fois la ponte
réalisée. Ils éviteront ce genre d’espace.
- les tiges ont un diamètre inférieur à 2 mm ou supérieur à 10 mm. Les insectes passeront
leur chemin.
- les tiges ont moins de 10 cm de long. Il est possible qu’une osmie prenne la peine de
venir y pondre, mais au détriment du nombre de cellules. Avec 10 cm, on a une moyenne de
8 cellules, à 14 cm de longueur, on passe à 12 cellules.
6. Paille, laine de bois, etc
Voilà qui n’est pas cher et qui remplit bien les compartiments. Quelques forficules (perceoreilles) viendront peut-être et seront bienheureux, car ce sont des chapardeurs de pollens
La revue du potager permacole n°5 24
Mais que viennent faire toutes ces
pommes de pin ici ? Rien du tout, en fait.
En installant les
abris à forficules loin des
nichoirs à
hyménoptères,
on les empêche d’aller
croquer les
larves et
chouraver le
pollen.
et croqueurs de larves d’hyménoptères. Placer des lieux douillets d’accueils
de forficules tout près des nichoirs est une démarche intéressante pour qui
veut mettre en péril le couvain. Pour peu que l’installation soit à moins de
50 cm (voir point 15) du sol, on aura les moisissures en prime.
7. Pommes de pin
On en comprend bien les avantages : ça a de la gueule, un capital
sympathie non négligeable, fait penser à Noël, pas cher et occupe le
compartiment avec élégance. Les études documentées le prouvent : les
insectes rechignent et passent leur chemin. Les coccinelles iront passer
l’hiver ailleurs et y débusquer une petite araignée sera déjà formidable.
Tout le monde s’en fiche, de ces pignes.
La revue du potager permacole n°5 25
Ici, on a percé dans la tranche : les
craquelures arrivent vite et le couvain
risque de moisir. Certaines abeilles vont
colmater les fissures.
Vite fait, mal
fait. Cet hôtel
à insectes est
installé depuis
deux ans. Pas
une visite, et
pour cause. Vu
les échardes,
tant mieux pour
les insectes qui
auraient été
tentés !
8. Percer dans du bois tendre et dans la tranche
Il est bien plus aisé et moins cher de percer des galeries dans du bois tendre
comme le sapin ou l’épicéa. Encore plus fun : couper des rondelles dans des
branches de moyen diamètre et de percer directement dans la tranche. Vite
fait, mal fait.
Non seulement les bords en seraient hérissés d’échardes fatales pour
l’insecte ailé qui tenterait d’y pondre, mais ces bois se fendent rapidement à
la saison humide, faisant pourrir et moisir beaucoup de larves. C’est radical.
9. La brique creuse
En voilà une idée de recyclage incongrue ! Ces briques ont des trous totalement dénués d’intérêt pour les insectes et vous en aurez immédiatement
La revue du potager permacole n°5 26
À gauche : ces briques sont peut-être
jolies, mais n’accueillent aucun insecte
particulier malheureusement...
À droite : posez bien les coquilles au sol
pour qu’elles soient utilisées.
la preuve : pas un chat. Ni une abeille d’ailleurs… Les galeries sont ouvertes des deux côtés,
trop grandes, manifestement mal pratiques. Certains rattrapent le coup en y glissant des tiges
creuses (voir point 5).
10. Les coquilles d’escargot
Il y a des abeilles solitaires qui nichent effectivement dans les coquilles d’escargot vides,
et pour qui a vu le documentaire de Jan Haft **, leur débrouillardise et habileté suscitent
l’admiration. Condition ? Elles doivent être au contact du sol, sinon, ces petites bêtes ne les
verront pas.
11. Le compartiment papillon
Bien des fiches pratiques proposent de prévoir des compartiments creux avec une fente pour
que papillons ou chrysopes viennent y passer l’hiver en toute sécurité. Que nenni ! Que la fente
soit horizontale ou verticale, peinte en rouge ou en bleu, peu importe. Il est extrêmement rare
d’y voir ce genre d’insectes. Les guêpes sociales sont éventuellement séduites. Seulement,
on ne les tolère pas forcément…
** Jan Haft, les abeilles sauvages .......https://youtu.be/wUYBm1VWe-U
La revue du potager permacole n°5 27
Au milieu, le fameux abri à papillons, ici doté d’un petit
fermoir. Vous aurez peu ou pas de visites, ou alors peut-être
un petit nid de guêpes polistes.
La revue du potager permacole n°5 28
12. Les oiseaux et les fourmis disent merci !
Certains oiseaux comme le pivert repèrent bien vite les tiges creuses remplies
de pollen et de larves et se feront une joie d’aller les piller. C’est ce qui m’est
arrivé la première année.
Aussi, installer un nichoir tout près d’une fourmilière ou du passage des fourmis
leur plaira énormément et leur fournira de riches collations.
Photo : cette petite osmie se décarcasse-t-elle en vain ? Sans grillage de protection, certains oiseaux vont se régaler de larves bien
grasses. Pensez, si vous le pouvez, à protéger ces aménagements
avec du grillage
La revue du potager permacole n°5 29
Construction
imposante,
sans doute
trop. Noter les
briques où l’on
a glissé des
tiges creuses,
non protégées
des oiseaux.
13. Big is beautiful ?
On peut voir les choses en grand, en très grand même. Les humains ont
cette tendance… Genre HLM pour insectes. Dans un premier temps, ça peut
fonctionner. Mais assez rapidement, tout un tas de parasites vont trouver le
coin très charmant et en profiter, au grand dam des insectes que l’on voulait
protéger et observer.
14. Pieds humides
Posée directement sur le sol ou à moins de 50 cm, lors de fortes pluies, la
construction prend l’eau directement ou par éclaboussement. De nombreux
matériaux pourrissent ou se fendillent.
La revue du potager permacole n°5 30
15. Nichoir mal orienté
Un nichoir mal orienté a peu de chances
d’attirer des bzzz. Celui-ci tourne le dos
au soleil et se cache derrière un figuier.
Il ne sera que très peu visité !… On fait le
jeu des 7 erreurs ?
Photo : Cet hôtel à insectes installé dans mon village cévenol est
exposé plein Nord, la végétation
bloque les pistes d’envol, et les
compartiments sont un flop total.
Médaille d’or !
La revue du potager permacole n°5 31
16. tiges à moelle dans le mauvais sens
Disposez les tiges à moelle (ronce, sureau…) en fagots et horizontalement et vous n’y verrez
personne. Dans la nature, les abeilles rubicoles (qui nichent dans les tiges à moelle) sont par
instinct attirées par des tiges plus ou moins isolées et verticales.
17. Il fait si froid dehors…
Soucieux par les températures frisquettes d’hiver, vous décidez de rentrer tout ce beau petit
monde au chaud à la maison. Les larves vont immédiatement sentir le redoux, se croire au
printemps, se métamorphoser et sortir. Sauf qu’il n’y aura rien à butiner…
Il vaut mieux une bonne conception que de bonnes
intentions !
Une grande partie des explications trouvées sur des sites à l’allure pourtant sérieuse, parfois
même des sites de protection de l’environnement - que je ne citerai pas - regorgent de
conseils qui ne reposent sur aucune information valable concernant la biologie des insectes,
et sont repris gaiement en un paresseux
copier-coller.
En fait, c’est simple ! Revenons aux besoins
fondamentaux des insectes, comme la
bonne plage de température, la bonne
combinaison de luminosité et d’humidité,
l’air, la protection vis-à-vis des prédateurs,
l’accès à une nourriture adaptée, la possibilité de trouver un(e) partenaire pour la
reproduction, et évidemment des endroits
pour pondre oeufs et larves et les conditions optimales pour que ceux-ci arrivent à
l’âge adulte.
Alors, inutiles, les nichoirs
et hibernoirs pour insectes ?
Oui et non.
Nous pouvons retrouver notre capacité
d’émerveillement en famille en observant le
Tige à moelle qui a trouvé preneur : une
abeille ou guêpe rubicole. Disposées isolément et verticalement, ces tiges seront vite
habitées. Hortus Girasole en Autriche.
La revue du potager permacole n°5 32
Cette guêpe-coucou
aux couleurs
merveilleuses a sa
place dans les hôtels
à insectes, même si
elle vit au détriment
des larves des
hyménoptères que
nous voulons attirer.
fascinant spectacle des hyménoptères comme
celui d’une abeille coupeuse de feuilles allant
et venant dans la galerie, chargée de son petit
rouleau végétal. Cela n’a pas de prix.
Mais il serait dommage de penser que cela
suffirait à inverser la tendance actuelle.
Que ce soit en milieu urbain ou non, il est
indéniable que les biotopes propices aux insectes
se font rares, et qu’il est urgent d’y remédier en
modifiant les designs de nos jardins et parcs.
Bien trop souvent, il manque cruellement de quoi
butiner.
La revue du potager permacole n°5 33
9 points pour réussir son hôtel à insectes
1
Pour nos petits coloca-terres, il faut du local, du sauvage, du pollen et du nectar à
.............gogo.
2
Un jardin-fouillis avec des zones refuges, des habitats variés, zones maigres, sèches,
............sols nus par endroits… voir les jardins-hortus en trois zones en visitant le site Web
3
Pour les insectes caulicoles : tiges creuses horizontales, perçages dans l’écorce
.............perpendiculaire à la fibre dans du bois dur et sec, galeries propres et sans échardes,
.............longueur +/- 14 cm, diamètre 2-10 mm.
4
Pour les insectes rubicoles : tiges à moelles disposées verticalement et isolément, une
.............longueur de 30 cm est parfaite.
5
Nichoirs à 50 cm du sol, exposition Sud, Sud-Est, sans végétation devant. Si possible
.............abrité des vents dominants et de la pluie.
6
Placer un grillage à 5 cm des tiges creuses pour éviter la rapine des oiseaux.
7
Il vaut mieux plusieurs petits nichoirs que des HLM à insectes trop vite parasités.
8
Vous aurez bientôt la joie de voir de nombreuses espèces d’abeilles et de guêpes
.............solitaires ainsi que leurs cleptoparasites naturels. Il n’y a pas de “bons” et de “méchants”
.............insectes, tout est lié.
9
Et puisqu’on parle d’hyménoptères, n’oublions surtout pas que 75 % (au moins) d’entre
.............eux nichent dans le sol et ne connaîtront jamais nos magnifiques hôtels 5 étoiles.
.............Pensons à elles, laissons des espaces avec le sol à nu.
La revue du potager permacole n°5 34
Texte : Gilles Domenech
Dossier
Les bases du
jardinage sol vivant !
En ce début d’année, nous vous proposons de reprendre les
bases du jardinage sol vivant, une façon de jardiner promue par
Gilles Domenech. Vous êtes prêt ? Suivez le guide !
out d’abord, qu’est-ce que j’appelle jardiner sur « sol vivant » ? Rien qu’à propos du
T
nom, les scientifiques me rétorqueront à raison qu’un sol mort, cela n’existe pas.
Qu’il y a toujours au moins une activité bactérienne même dans le plus dégradé des
sols. Bien sûr, cela est vrai. Néanmoins, entre un sol matraqué depuis 50 ans par des labours
profonds et des traitements chimiques à répétition et le sol d’une vieille prairie ou d’une forêt
à humus très actif, il y a quand même une sacrée différence.
Cultiver sur sol vivant, c’est donc chercher à s’approcher le plus possible de ces sols très
actifs sur le plan biologique, afin de retrouver l’ensemble des fonctionnalités assurées par
l’activité biologique.
Dans cet article, je vous propose justement de découvrir comment développer, dans nos
jardins, ces fonctionnalités bienfaitrices pour rendre nos sols vivants et fertiles.
Dans les écosystèmes de prairie ou de forêt, le bon fonctionnement est dirigé par deux
principes clés :
1.
C’est la plante qui « fait » le sol ;
2.
C’est la vie du sol qui gère la fertilité.
La revue du potager permacole n°5 35
« Est-ce la plante qui fait le sol,
ou le sol qui fait la plante ? »
Qu’est-ce que cela
implique ?
Lorsque je dis que la plante fait le sol,
il serait plus précis de dire qu’elle fournit au sol l’énergie et la matière organique. En effet,
c’est la plante qui capte l’énergie solaire, qui la transforme en énergie chimique permettant
la formation et le maintien des molécules organiques (sucres, celluloses, protéines, lignine,
huiles…). Ensuite, cette énergie est distribuée dans le sol et en surface par les chaînes
alimentaires qui partent toutes de la plante, soit via l’herbivorie, soit via la décomposition
des débris végétaux.
Les trois principaux flux de matière et d’énergie de la plante vers le sol sont :
1.
La litière de surface, c’est-à-dire la chute des feuilles en forêt, ou plus généralement
le retour au sol des parties aériennes des plantes : feuilles, tiges, fleurs, fruits…
2.
La litière souterraine, c’est-à-dire la décomposition des racines qui meurent dans la
terre ;
3.
Et enfin – excusez-moi pour le gros mot – la rhizodéposition, c’est-à-dire la libération
dans le sol de composés facilement dégradables par les racines vivantes des plantes. Il
s’agit d’exsudats, de cellules mortes… qui stimulent très fortement l‘activité microbienne au
voisinage immédiat des racines, zone que l’on appelle aussi rhizosphère.
La revue du potager permacole n°5 36
Les trois principaux flux de matière et d’énergie de la plante vers le sol
1. Litière de surface
2. Litière souterraine
3. Rhizodéposition
Illustration : Johanna Batoufflet
La revue du potager permacole n°5 37
Vous pourriez me dire mais si la plante fait le sol, l’inverse est aussi vrai ( j’y viens juste
après), c’est l’histoire de l’œuf et de la poule ! C’est vrai… et pas tout à fait. En effet s’il existe
des plantes sans sols (voir sur les dunes littorales ou à la surface des rochers par exemple),
il n’existe pas de sol sans plante, ou alors c’est un sol dont la végétation a été détruite et qui
se dégrade à vitesse grand V !
Et bien sûr le sol a un impact sur la plante, via l’activité biologique. Cette dernière lui confère
de nombreux avantages :
- Elle structure le sol,
- Le stabilise,
- Elle décompose les matières organiques, libérant les éléments nutritifs qu’elles contiennent,
- Elle aide fortement la nutrition minérale des plantes grâce à de nombreux mécanismes
impliquant aussi bien des micro-organismes que des champignons symbiotiques ou même
des vers de terre. C’est pourquoi un sol
biologiquement très actif est très accueillant
pour la majorité des végétaux, et notamment
nos végétaux cultivés !
Mais à présent, comment cultiver en respectant ces deux principes clés qui sont,
pour rappel :
1.
C’est la plante qui « fait » le sol ;
2.
C’est la vie du sol qui gère la fertilité.
Techniquement, cela implique déjà de
respecter au mieux la vie du sol en évitant
de la perturber avec un travail du sol inapproprié et en lui donnant toute la nourriture
nécessaire à son développement.
La joubarbe est une de ces plantes capables de se développer sans sol à la surface des rochers, de simples anfractuosités
dans ceux-ci lui suffisent pour plonger ses
racines ! Cette plante illustre la capacité de
certains végétaux pionniers à se développer en l’absence de sol.
Cela implique donc une triple réflexion
incluant le travail du sol, les apports
organiques et la gestion des plantes qui
poussent sur la parcelle. Voyons ces trois
points dans la suite de cet article.
La revue du potager permacole n°5 38
Le travail du sol
Même si une tendance dans les
milieux permacoles et « sols vivants
», dont je fais partie, invite au zéro
travail du sol, cet objectif n’est pas non
plus incontournable. Ce qui est par
contre nécessaire est de se demander
pourquoi nous travaillons le sol
depuis des millénaires et pourquoi et
comment s’en passer ou le réduire.
Mais alors, pourquoi travaillons-nous
le sol ?
Non, ce n’est pas par ignorance, mais
bien parce que le travail du sol rempli
tout un panel de rôles indispensables
à la conduite des cultures : aération,
décompaction, désherbage, affinage
du lit de semence, fertilisation
via la minéralisation des matières
organiques, réchauffement du sol,
incorporation des amendements,
réduction de l’irrigation (un binage vaut
deux arrosages) …
Photo : un léger travail du sol est
parfois intéressant, il ne faut pas se
l’interdire ! L’important est de
comprendre pourquoi on le fait.
La revue du potager permacole n°5 39
Tous ces rôles sont essentiels et la conclusion est qu’il
faut travailler le sol !!! Oui, vous avez bien lu… Mais il
y a deux manières de le travailler : l’une mécanique,
l’autre biologique !
Le travail mécanique a en effet des conséquences
parfois négatives sur le sol, en particulier lorsque le
travail est profond, réalisé avec des outils rotatifs et/
ou avec retournement du sol et lorsqu’il est fait dans
des conditions défavorables. Ces conséquences vont
d’une détérioration de sa structure, une perte de
matières organiques et d’activité biologique, jusqu’à
une perte du sol lui-même via l’érosion qui est la
dégradation la plus grave que peut subir un sol !
Ceux qui ont lu mon article de septembre sur l’azote
ajouteront qu’un travail du sol en automne augmente
le pic de minéralisation des nitrates et donc le risque
de pollution des eaux par ces derniers.
La revue du potager permacole n°5 40
Le non-travail du sol comme facteur de
résilience face aux aléas climatiques
Le 13 septembre 2015, sud Ardèche, un épisode
cévenol centennal vient de submerger la petite
vallée de Claysse. Les champs cultivés voient les
premiers centimètres de terre littéralement emportés par la crue et mettent à jour une semelle de
semis en forme de tôle ondulée : le semis du blé en
2014 a été fait dans de mauvaises conditions (très
humides), ce qui a provoqué un tassement juste en
dessous de la zone de semis, la terre au-dessus de
cette semelle ayant une structure très instable n’a
pas résisté. À l’inverse dans une prairie permanente
située à quelques centaines de mètres et tout autant
frappée par la crue, les turricules de vers de terre
n’ont même pas bougé !
Plus d’images et de commentaires concernant cette
crue et son impact sur les sols ici : https://jardinonssolvivant.fr/episode-cevenol-crues-erosion-etsols-vivants/
Les turricules n’ont pas
bougé suite aux
épisodes de pluies...
La revue du potager permacole n°5 41
1 cm
C’est la quantité de sol qu’est
capable de créer la nature en un
siècle. Protégeons nos sols
de l’érosion !
La revue du potager permacole n°5 42
Vers de terre, matière organique
fertilisante comme la consoude et mulch
désherbants : voici les trois amis du
jardinier sur sol vivant !
Alors, comment remplacer au moins en partie le travail mécanique par du travail biologique ?
Je vous livre ici quelques pistes de réflexion :
-
Le travail des vers des terres, des termites (en milieu tropical) et des racines est tout
à fait capable d’aérer le sol ;
-
Le désherbage est facilité par des techniques d’occultation avec des bâches ou des
mulchs organiques ;
-
Le lit de semence peut être réalisé en mélangeant les graines à semer à du terreau ou
du compost bien mûr ;
-
La fertilisation se gère très bien en amenant des matières naturelles riches en azote
(fientes, déchets de cuisine, urine…) ;
-
Les amendements sont très vite incorporés dans un sol bien pourvu en vers de terre ;
-
Le réchauffement du sol peut être géré en amont par un épais mulch organique en
automne afin d’empêcher le sol de se refroidir, ou bien il faut tenir compte du fait que nos sols
La revue du potager permacole n°5 43
Préparation d’un
sol enherbé grâce
à une technique
d’occultation. Ici,
l’herbe est simplement recouverte de
cartons et de foin
avant d’être mise
en culture directement à travers le
mulch, aucun travail
du sol n’est réalisé
sur ces planches !
restent froids plus longtemps en implantant les cultures plus tard que
les voisins qui ont un sol nu et travaillé.
-
L’économie d’arrosage obtenue avec un binage est encore
plus marquée avec la mise en place d’un mulch : un binage vaut deux
arrosages, un paillage en vaut dix !
Tout ceci peut être mis en place soit dans un jardin directement cultivé en
zéro travail du sol soit dans un jardin où l’on maintient une certaine dose
de travail du sol. Dans ce dernier cas, il est souhaitable de se contenter
de travailler avec des outils à dents (grelinette, fourche bêche…) en
évitant de retourner le sol et en le travaillant toujours lorsqu’il est bien
ressuyé.
Notons qu’en dissertant sur la réduction du travail du sol, j’ai parlé de
mulch, de racines et donc empiété sur les deux chapitres suivants. Il est
en effet important de garder à l’esprit que la réduction du travail du sol
ne peut se faire sans les techniques que je vais présenter à présent.
Classification des matières par leur teneur en azote
Les matières moyennement riches en azote (algues, fumiers, compost,
tontes, tailles de haies, foin…) ont à la fois un effet fertilisant à moyen
terme et un effet d’amendement. En effet, leur décomposition libère des
éléments nutritifs pour les végétaux tout en agissant sur les propriétés
du sol (structure, teneur en matières organiques, activité biologique).
Les matières pauvres en azote (BRF, paille, feuilles mortes…) ont surtout
La revue du potager permacole n°5 44
un effet sur le sol et peuvent à contrario
avoir un effet négatif sur les plantes à cause
de la captation de l’azote du sol par les micro-organismes qui les décomposent.
Les deux premières catégories, matières
riches et moyennement riches en azote,
sont particulièrement intéressantes au
printemps alors que la végétation a
besoin d’être stimulée dans sa croissance.
La troisième catégorie, constituée des
matières pauvres en azote, est surtout
adaptée à l’automne où l’effet de captation
de l’azote du sol de ces matières n’est pas
L’urine nourrit très rapidement les plantes :
les éléments fertilisants sont directement
accessibles !
gênant.
Classification des matières par leur teneur en sucre, cellulose et lignine
Les matières les plus riches en sucres (tontes, tailles de haies…) sont d’excellents stimulants
de l’activité bactérienne, indispensables à la stabilité de la structure du sol et à la nutrition
des végétaux.
Les matières les plus riches en cellulose (foin, feuilles mortes, tontes, tailles de haie…) sont
particulièrement intéressantes pour attirer et nourrir les vers de terre et ainsi bénéficier de
leurs rôles d’ingénieur de l’écosystème.
Les matières plus riches en lignine (le bois, la paille…) attireront plus les champignons, eux
aussi très efficaces pour stabiliser la structure du sol et produire des humus stables.
Classification des matières par leur vitesse de décomposition
Enfin, la vitesse de décomposition va discriminer des matières à la décomposition rapide
(tontes, fientes, herbes, feuilles…) qui stimulent fortement l’activité biologique et des
matières à décomposition lente, voire très lente, qui seront utiles pour du paillage destiné
à rester en place plusieurs années (paillette de lin ou de chanvre, écorces…) ou encore à
la réalisation d’un lit de semence (certains composts bien mûrs notamment). Les matières
organiques peuvent donc remplir des rôles divers et variés et indispensables au bon
fonctionnement d’un jardin « sol vivant ».
La revue du potager permacole n°5 45
La production de biomasse in situ :
un gain de temps et d’énergie !
Toutefois, le défaut de cette approche est qu’elle nécessite de déplacer des matières. Cela
est souvent coûteux en énergie et fait déplacer de la fertilité de la parcelle où ces matières
ont été produites vers votre jardin.
Afin de limiter au maximum ces deux inconvénients, il convient de produire un maximum de
biomasse sur place en gérant la fertilité avec les plantes qui poussent directement dans le
jardin. C’est ce que je vous propose de voir tout de suite.
La gestion de la fertilité par les plantes
Les plantes ont un impact positif sur la fertilité du sol aussi bien via les restitutions
aériennes que souterraines. Leur système racinaire a donc autant d’importance que leur
biomasse aérienne.
Dans votre jardin, vous avez toutes sortes de plantes qui sont amenées à participer à
l’optimisation de la fertilité de votre sol : les cultures bien entendu, mais aussi les plantes
spontanées, les couverts végétaux (engrais verts), les arbres et arbustes et les plantes à
biomasse.
Commençons par ces dernières car leur utilisation est à la limite avec le chapitre précédent.
La revue du potager permacole n°5 46
Culture de choux
de Milan implantés en fin de
printemps sous
un mulch de foin
posé directement
sur le chiendent
et pas arrosés de
l’été (en HauteLoire, cela dit…).
Même une fois la
pomme récoltée,
il reste beaucoup
de feuillage pour
nourrir le sol !
Cultiver des plantes à biomasse pour améliorer la fertilité du sol
En effet, si l’on cultive sur une zone du jardin des plantes à biomasse
pour pailler d’autres zones du jardin, on exporte de la fertilité de la
première zone vers les autres, il y a donc un transfert de fertilité qui
devra être compensé d’une manière ou d’une autre. Sinon, la zone peut
être volontairement appauvrie pour créer une zone maigre Toutefois,
cette approche permet déjà de s’affranchir du transport de matières
issues de l’extérieur. Ici, le plus intéressant est d’implanter des végétaux
vivaces supportant des fauches pluriannuelles. Les plantes de prairie
comme la luzerne, le trèfle violet, le lotier, les fétuques, etc. sont ici
particulièrement intéressantes. La consoude est également une bonne
candidate pour ce type de pratique.
Utiliser les cultures en place pour fertiliser le sol du potager
Les cultures ont l’avantage d’être présentes dans tous les jardins, bien
évidemment ! Si certaines d’entre elles sont assez stressantes pour le sol
dans la mesure où leur récolte exporte beaucoup plus de matière qu’elle
La revue du potager permacole n°5 47
n’en laisse (carottes, radis, navets, salades,
courges…), d’autres ramènent beaucoup de
résidus une fois la récolte terminée (tomates,
choux , pois, fèves, artichauts, maïs…). Donner
de la place à ces cultures et choisir des variétés
à fort développement végétatif permet de
produire beaucoup de matière organique localement, dont l’effet sur le sol est très positif.
Néanmoins, les effets des cultures sont limités car leur vocation première n’est pas de gérer la
fertilité mais de produire des récoltes. Il ne faut donc pas aller vers l’implantation de végétaux avec
comme unique objectif l’amélioration du sol !
Utiliser les couverts végétaux pour améliorer la fertilité
À l’inverse des cultures implantées dans le but d’obtenir des récoltes, les couverts végétaux ont
pour seul objectif d’améliorer le sol ! J’évite d’utiliser ici l’expression « engrais vert » qui focalise
trop sur la fertilisation alors que l’effet de ces plantes va bien au-delà. L’idée est ici d’implanter
un couvert dans le laps de temps entre deux cultures (on peut aussi l’implanter dans une culture
encore en place un peu avant la récolte). Cela permet de structurer le sol avec les racines, de
produire de la biomasse, de couvrir et protéger le sol, de concurrencer l’enherbement, éventuellement de fixer de l’azote avec les légumineuses, et de produire des fleurs et attirer les pollinisa-
La revue du potager permacole n°5 48
teurs si on laisse le couvert jusqu’à floraison. Les plantes qui composent ces couverts ne
sont pas des plantes spéciales qui enrichissent le sol car toutes les plantes enrichissent le
sol du fait de la captation de l’énergie solaire expliquée en tout début d’article.
Le choix des espèces ici est basé sur quatre aspects :
- Sur leur rusticité au froid et/ou au sec,
- Sur leur facilité d’implantation par un simple semis à la volée,
- Sur leur capacité à produire de la biomasse aérienne et souterraine,
- Et sur leur capacité à structurer le sol avec leurs racines pivotantes ou fasciculées.
Les plantes qui correspondent à ces critères sont majoritairement dans les familles des
légumineuses (féverole, pois, vesce, lupin, fenugrec, trèfles …), des graminées (seigle,
avoine, orge, sorgho, moha…) et des crucifères (moutardes, radis, navettes, colza…), mais on
retrouve aussi ces critères chez d’autres plantes (phacélie, tournesol, nyger…).
Les plantes spontanées sont aussi un bon moyen d’améliorer la fertilité du sol, éventuellement en les utilisant en couvert spontané. Cependant, cela exige une excellente connaissance de ces plantes et donc une grande
expérience de jardinage.
Par exemple, Pierre Besse, maraicher
du réseau maraîchage sur sol vivant,
en activité depuis 1990 (!), laisse se
développer à l’automne des couverts
spontanés de gaillet grateron, luzerne
d’Arabie et lamier pourpre. Ceci est extrêmement intéressant car il n’a pas besoin
d’implanter des couverts sur ses parcelles,
mais cette possibilité est offerte par
une grande expérience de terrain. Cette
solution est donc à utiliser avec prudence
car les risques de se faire envahir sont
bien réels. Néanmoins, c’est aussi celle
qui se rapproche le plus d’une culture
permanente, notion emblématique de la
permaculture !
Magnifique floraison d’un couvert de
Trèfle incarnat.
La revue du potager permacole n°5 49
Nous intégrons des arbres partout,
même s’ils ne sont pas toujours destinés
à produire des fruits, comme ce pêcher
spontané dans la serre que nous taillons
régulièrement. Il nous offre d’autres
avantages et ne gêne pas les cultures !
Enfin les ligneux (arbres et arbustes), indépendamment de leur production éventuelle de fruits
comestibles, sont très intéressants pour plusieurs raisons. D’une part, leurs systèmes racinaires
profonds sont capables de mobiliser des éléments nutritifs depuis les couches profondes du sol
et de les ramener en surface via la chute de leurs feuilles . D’autre part, leur production de bois,
une fois taillé, broyé ou déposé tel quel, fournit un amendement ligneux produit sur place. Et bien
sûr, cela ouvre l’énorme dossier de l’agroforesterie que je ne vais pas aborder ici !
Pour conclure, si je résume mon approche de la culture sur sol vivant, celle-ci tient en
deux principes clés :
C’est la plante qui fait le sol et c’est la vie du sol qui gère la fertilité,
Et trois approches techniques :
Raisonner voire supprimer le travail du sol, apporter des matières organiques, gérer la
fertilité par les plantes.
Ceci se décline ensuite de mille manières en fonction de votre sol, de votre climat et bien sûr de
vous !
La revue du potager permacole n°5 50
Texte : Amandine Zajakala
Cette recette est
issue du futur livre
d’Amandine :
« EcoloMe, - de déchets,
+ de budget ! » qui
sortira en mai
prochain.
Nous vous tiendrons
informé de sa sortie
aux éditions
Terre vivante !
Créer ses
boules de
graines
Au cœur de l’hiver, alors que le froid
se fait de plus en plus sentir et que
les jardins et autres potagers sont
de plus en plus vides, il est plus que
temps de penser à nourrir les oiseaux !
n effet, d’après de nombreuses associa-
E
tions, les oiseaux des jardins ont de plus en
plus besoin d’assistance pour se procurer,
en période de grands froids prolongés, la nourriture nécessaire à leur survie. Et pour cause, la
destruction des milieux naturels a engendré une
véritable chute des populations d’oiseaux depuis
plusieurs décennies. Cette destruction prend
des formes multiples : réduction des zones de
pousses libres à la végétation spontanée, des
zones herbeuses non cultivées, des forêts, des
mares, des populations d’insectes, l’intensification des monocultures… Il devient ainsi urgent et
d’utilité publique d’agir chacun à son niveau pour
aider les oiseaux et endiguer cette 6e extinction
de masse.
La revue du potager permacole n°5 51
Amarante et fenouil offrent des graines
très appréciées des oiseaux : cultivez ces
plantes dans votre jardin et vous ferez
des heureux !
Pour cela, plusieurs solutions sont à notre disposition.
Une végétation accueillante
Pour aider les oiseaux l’hiver prochain, laissez-leur, dès ce printemps, une zone de pousse
libre dans un coin calme de votre jardin. La végétation spontanée va s’y épanouir tout
autant que la faune. Un véritable refuge, îlot de biodiversité.
Nourrir les oiseaux avec des graines
Si vous vivez sous un climat rude voir montagnard, vous pouvez commencer ce nourrissage
dès le début de l’hiver et le continuer jusqu’à l’arrivée du printemps. Dans mon cas, le
véritable froid ne se fait sentir qu’en toute fin d’année. C’est alors à ce moment que je me
décide à agir pour la biodiversité et la préservation des populations d’oiseaux du jardin.
Bien entendu, je n’attends pas d’avoir besoin de graines pour aller en acheter dans un
quelconque magasin choisi au hasard dans la précipitation. Non, au contraire !
La revue du potager permacole n°5 52
En prévision de cette période difficile où la
LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) recommande le nourrissage des oiseaux, j’im-
En période de froid prolongé, les
boules de graines sont d’une aide
précieuse pour les oiseaux : ils ne
refuseront pas cette petite attention !
plante au printemps et à l’été des cultures
nourricières pour les oiseaux granivores. Ces cultures nourricières peuvent être: l’amarante,
l’aster, la centaurée noire, le chénopode blanc, les cosmos, les graminées sauvages, l’avoine,
les oeillets d’Inde, les tournesols, le maïs dur (qu’il faudra préalablement concasser) l’aneth ou
bien encore les blettes, les betteraves et les carottes qu’on laisse monter en graine.
Grâce à ces cultures anticipées, je me constitue un stock de graines «plusquebio», saines et
EcoloMiques (bonnes pour la planète car produites sur place et bonnes pour le portefeuille,
car sans coût financier) que j’engrange durant tout l’automne. Ces graines locales, que je
laisse volontiers se répandre au sol en saison, constituent une réserve précieuse l’hiver venu,
une fois récoltées.
Pour éviter d’utiliser les boules de graines industrielles aux filets plastiques problématiques
(qui peuvent se révéler être de véritables pièges pour les oiseaux mais aussi pour d’autres
animaux), à la graisse en trop grande quantité et aux graines et céréales souvent traitées et
parfois inappropriées, je vous propose aujourd’hui une alternative faite maison.
La revue du potager permacole n°5 53
Matériel :
• Une casserole ou un saladier.
• Une cuillère à café et une à soupe.
• Un plat et une grille à disposer dessus.
• Des supports pour la préparation : coquilles ..de noix, coquilles d’escargots, pommes de pin,
demi-coques d’écorce d’orange, d’avocat ou de clémentines.
• En fonction du support choisi, vous pouvez avoir besoin en plus d’un pique pour percer les
écorces de fruits ou de ficelle pour créer des suspensions.
Recettes :
Dans une casserole à feu doux, ou dans un saladier au micro-ondes, faites fondre la graisse
végétale. Si vous souhaitez utiliser du maïs dur du jardin, concassez-le avant de l’ajouter à la
matière grasse. Ajoutez-y tous les autres éléments. Le mélange doit former une matière homogène, majoritairement composée de
graines avec un minimum d’huile.
Une fois toutes les graines, fruits secs et
fruits séchés enrobés d’huile, vous pouvez
passer au remplissage de vos supports.
Dans le cas de demi-coques d’écorces de
fruits, percez préalablement 2 trous opposés
à l’aide du pique et passez-y une ficelle
afin de pouvoir suspendre cette mangeoire
végétale à un arbre.
Dans le cas d’une pomme de pin, attachez
son sommet avec une ficelle pour pouvoir
l’accrocher ultérieurement.
Remplissez donc vos écorces, coques,
coquilles et enrobez votre pomme de pin
avec un maximum de graines.
Laissez s’égoutter vos créations sur une
Concernant les supports pour accueillir le
mélange, laissez libre cours à votre
imagination !
grille au-dessus d’un plat.
Une fois figées, installez-les dans différents
endroits de votre jardin, toujours en hauteur,
La revue du potager permacole n°5 54
Avec un peu d’imagination et quelques
moules, il est possible de faire de belles
«boules» de graisse.
Les enfants adoreront cette activité,
n’hésitez pas à leur proposer !
On pourra retirer le surplus de graisse
après qu’elle soit figée.
à l’abri des prédateurs (notamment des chats). Gardez bien à l’esprit que la matière grasse
ne doit être qu’un liant qui va permettre à la préparation de se solidifier et de former un bloc.
Elle ne doit pas être en grosse quantité. La majeure partie du mélange doit être constituée
de graines. Les apports nutritifs y sont nombreux et ont un grand intérêt pour les oiseaux,
contrairement à la graisse végétale uniquement composée de lipides.
Concernant le mélange de graines, céréales, fruits secs et fruits séchés, faites-en fonction des
ressources à votre disposition. L’idéal étant grosso modo aux alentours d’un tiers de graines
(de tournesol par exemple), un tiers de céréales (d’avoine par exemple) et un tiers de fruits
séchés (comme les raisins secs par exemple).
N’oubliez pas d’apporter de l’eau à côté des mangeoires et de la renouveler souvent afin
qu’elle ne croupisse pas ou ne gèle.
Les oiseaux apprécient également de pouvoir picorer une pomme fraîche suspendue à un
arbre : ce sera l’occasion de leur offrir vos fruits qui commencent à s’abîmer !
La revue du potager permacole n°5 55
Et sinon... des graines seules suffisent !
Si vous ne vous sentez pas de vous lancer dans de telles expériences en cuisine,
il reste aussi le choix très simple de ne mettre que des graines aux oiseaux ! Ils
s’en sortent très bien comme cela. Pensez à multiplier les mangeoires pour que
les oiseaux ne s’agglutinent pas tous au même endroit.
Et n’oubliez pas : ne les nourrissez pas en excès, car cela peut avoir des conséquences sur leur faculté à se reproduire... Préférez intervenir en priorité lors des
périodes de grands froids.
Pour aller plus loin sur ce dernier point : https://www.zoom-nature.fr/le-nourrissage-hivernal-affecte-la-reproduction-des-mesanges-bleues/
La revue du potager permacole n°5 56
Texte : Fabrice Desjours
L’akébie,
une liane fruitière à découvrir !
Grâce à son potentiel nourricier, son caractère semi-persistant
et sa floraison à couper le souffle, l’akébie mérite toute sa place
dans nos jardins ! Fabrice nous fait découvrir cette liane d’avenir...
Contexte écologique
Les lianes, des plantes herbacées ou ligneuses capables d’utiliser arbres ou supports pour se
hisser dans les hauteurs, sont une forme végétale de grande importance dans la nature. Idem
en agroforêt.
Complexifiant le système, elles accroissent favorablement les paramètres environnants (hygrométrie, degré d’ombrage), elles freinent les vents, forment des passerelles le long des
ourlets boisés comme dans les hauteurs de la canopée.
En plus de produire de la nourriture et de stocker du carbone, elle augmente la fertilité du site
tout en lui donnant une richesse visuelle inégalée. Par ailleurs, bien des espèces de lianes
nourricières ou médicinales peuvent être introduites avec succès en jardin-forêt.
La revue du potager permacole n°5 57
Descriptif
Voyons de plus près aujourd’hui
Ici, une fleur d’akebia quinata
fécondée
l’Akébie à 5 feuilles (Akebia quinata), et
l’Akébie à trois feuilles (Akebia trifoliata), deux lianes fruitières, accessoirement capables de
s’hybrider entre elles tout en donnant une descendance fertile, et appartenant à l’étonnante
famille des Lardizabalacées.
L’Akébie à 5 feuilles et l’Akébie à trois feuilles sont des lianes persistantes à semi-persistantes, en fonction de la froidure du climat. Originaires des forêts tempérées asiatiques
(Japon, Chine, Corée), ces plantes, généralement diffusées pour un usage ornemental,
présentent effectivement, selon l’espèce, un beau feuillage décoratif à 3 ou 5 folioles et des
fleurs odoriférantes apparaissant au printemps et exhalant un parfum vanillé aux notes de
fleurs d’oranger dirons certains.
Les plantes adultes peuvent mesurer jusqu’à 12 mètres. Leur moyen de grimpe est assuré
par l’aspect volubile des pousses, enroulant le support et capables d’enserrer et de
distordre les rameaux du jeune arbre porteur. De par leur aspect foisonnant, voire envahissant, les lianes peuvent nécessiter, selon le contexte et l’usage, un certain degré de taille et
d’intervention pour être contenues. Les restes de taille sont une ressource alors bienvenue :
les feuilles et branches coupées peuvent servir d’amendements aux clairières potagères
sous forme broyée ou être données aux chèvres, moutons qui en sont friands.
La revue du potager permacole n°5 58
Les fruits se consomment de diverses
façons, vous devrez simplement éviter de
consommer les graines.
Fait amusant : lorsqu’ils sont mûrs, les
fruits s’ouvrent pour vous prévenir !
Consommation
Fait bien moins connu : les akébies sont aussi des légumes-fruits comestibles prometteurs
dont le potentiel commercial à grande échelle se concrétise depuis des années en Asie. Les
fructifications en forme de concombre épais sont portées par grappe de 2 à 6. Leur couleur
varie du blanc pur au pourpre bleu selon les variétés.
Les fruits mûrissent en fin d’été, de la fin août à octobre, selon l’exposition, la latitude et la
génétique du plant. À cette époque, les fruits s’ouvrent spontanément sur toute leur longueur.
On consomme la pulpe juteuse et sucrée du fruit, fade ou aromatique selon le cultivar et la
maturité. Cette pulpe est aussi riche en vitamine C que le kiwi et source de 17 acides aminés
(Liu and Qian, 2002 ; Wang et al, 2004).
Le fruit lui-même (mésocarpe) se mange cuit, et présente une texture fondante et un goût
légèrement amer d’endive cuite. Les fruits peuvent aussi se faire frire, en tempura. Les jeunes
pousses cuites d’Akebia trifoliata et d’Akebia quinata se consomment à la manière de brèdes,
excellentes avec du riz en sauce sucrée salée. Les jeunes pousses servent également à la
confection d’un substitut de thé.
La revue du potager permacole n°5 59
Culture
Idéalement, l’espèce requiert, de par son
habitat d’origine, une terre drainée, fraîche
et riche en humus. Une fois installées, les
plantes résistent à -15°, -20°C. Bien que
possédant des fleurs mâles et femelles sur
le même plant (monoécie), les sujets sont
autostériles et nécessitent donc la présence
de deux plants de variétés différentes pour
assurer une pollinisation croisée. Une pollinisation manuelle peut être recommandée au
départ d’un projet si les insectes pourvoyeurs
de pollen viennent à manquer, notamment
quand l’écosystème n’est pas suffisamment
densifié et habité par une faune diversifiée.
À la plantation, dans l’idéal, faire en toute
région une cuvette d’arrosage deux ans
durant. Dégager au départ le plant de toute
herbacée sur un mètre de large et pailler
abondamment (de cartons, paille, copeaux ou
BRF).
Exemple de variétés : « Shirobana »
à fleurs blanches, « Variegata » aux
feuilles panachées. Citons encore «
Purple Bouquet », « Cream Form », «
Espoir de Printemps », « Silver Bells »
ou « Big Fruit » de l’espèce Akebia
trifoliata, dont le fruit peut mesurer
jusqu’à 15 cm.
La revue du potager permacole n°5 60
Veillez aux limaces qui pourraient se
montrer friandes des jeunes pousses
de printemps. Sinon, aucun parasite ni
maladie ne lui sont connus. L’espèce, de par son comportement thermophile et sa faculté à
résister à la sécheresse une fois installée, est une liane alimentaire d’avenir dans le contexte
de dérèglement et de surchauffe climatiques.
Risque de confusion
Le fruit peut se confondre avec celui d’autres Lardizabalacées lianescentes tels que les fruits
d’Akebia longeracemosa ou bien encore avec ceux des genres proches comme Holboellia,
Sinofranchetia, Stauntonia, dont les fruits sont comestibles de la même manière.
Comment le multiplier
L’Akebie se multiplie par semis, marcottage ou bouturage.
Avant d’être semées, les graines devront être stratifiées au froid humide trois mois durant.
Stockées dans de bonnes conditions, elles conservent leur pouvoir germinatif pendant 3 ans.
Pour la multiplier par marcottage, il suffit d’enterrer des portions de tiges dans la terre ou
dans des pots à proximité de la liane. Ensuite, affranchissez les rameaux du plant mère dès
que ceux-ci ont raciné.
Pour la multiplier par bouturage, prélevez des boutures semi-aoutées l’été et mettez-les à
l’étouffée dans un substrat humide et aéré.
La revue du potager permacole n°5 61
Utilisation en jardin-forêt
La liane peut être guidée sur un arbre support
en situation ensoleillée à mi-ombragée, ou
encore sur une treille ou toute autre structure
portante prenant place dans une clairière
aménagée pour des temps de repos ou de
réception. Elle peut aussi être une espèce
implantée dans un jardin-forêt commercial
pour peu que le produit soit proposé aux consommateurs après un atelier culinaire, par exemple
lors d’une journée porte ouverte, et que le circuit d’écoulement ait été bien pensé en amont (réseau
de restaurateurs, vente en AMAP, produits transformés...)
Autres usages
L’akébie peut être utilisée en guide de plante fourragère : liane à biomasse utilisée pour nourrir les
ovins, les caprins.
Elle est également utilisée pour le tressage : les rameaux tressés peuvent servir en artisanat.
Enfin, les akébies sont aussi des lianes ayant un long passé médicinal en orient.
Alors, bonne plantation !
Et puis à terme, bonne cueillette et bon appétit !
La revue du potager permacole n°5 62
Texte : Olivier Puech
La fève de la
graine à
l’assiette !
Du vert, du bon, de la biomasse, de
la fertilité pour le sol, du visuel qui en
impose, des ravageurs parfois…
Voilà tout ce qu’il me vient à l’esprit
quand je me remémore les souvenirs
liés à cette culture de fèves.
omme tout bon jardinier, j’ai parfois
C
été désemparé devant une invasion
de pucerons. Nous y reviendrons, il y
a moyen de cohabiter avec eux et espérer de
belles récoltes.
Comme tout bon jardinier, j’ai appris à valoriser
cette culture. D’abord en sachant cuisiner les
graines autant que les cosses pour optimiser les
récoltes. Ensuite, en sachant le rôle qu’elle va
jouer pour notre sol, car, nous le verrons, la fève
est un formidable « engrais vert ».
Enfin, j’ai appris à valoriser cette culture en
recyclant toute sa biomasse en paillage de
surface ou en compost. Au final la boucle est
bouclée, il ne reste rien des graines semées. Ah
si, justement ! On pourra laisser quelques plants
La revue du potager permacole n°5 63
sécher et récupérer notre semence de
départ. Entre la graine semée et la graine
récoltée, toute une histoire que j’ai à vous
raconter…
La fève produit énormément de
biomasse ! Un atout de taille dans
un jardin naturel, où l’on cherche à
enrichir constamment notre sol.
Le semis
La fève se sème à une période de l’année où les timings de plantation sont les plus divergeant
entre les différents climats. Dans le Sud et l’Ouest, l’hiver se termine assez vite et la fève qui
n’a besoin que de 6° ou 7° pour germer pourra se semer dès le début du mois de février.
D’ailleurs, de nombreux jardiniers avertis ont semé à l’automne pour avoir des récoltes plus
précoces encore. La fève résiste à de petites gelées. Ici au potager, j’étale toujours mes plantations entre quelques graines semées mi-novembre et d’autres entre mi-février et mi-mars.
À l’inverse, dans les régions les plus rigoureuses, la fève attendra la mi-mars, parfois même
début avril pour rejoindre la pleine terre. Tant que la graine n’aura pas germé (10 à 20 jours
entre le semis et la germination), un gel n’aura pas d’incidence. La graine sera protégée sous
terre. Par contre, une fois la culture germée, sortie de terre, elle pourra supporter des gelées
allant jusqu’à -5°, mais au-delà, cela risque de lui être fatal.
La revue du potager permacole n°5 64
Alors, selon votre position géographique, semez entre mi-février et mi-avril, que la terre
ne soit pas trop gorgée d’humidité et que les premières journées avec un peu de douceur
(10/15°) commencent à pointer le bout de leur nez.
Deux façons se présentent pour implanter nos graines. Espacées de 10 à 15 centimètres, individuelles, ou en poquets de 3 ou 4 graines qu’on espacera alors de bien 30, 40 centimètres.
Ici elles se plaisent énormément et il m’arrive que les pieds atteignent ma hauteur. Non, je
ne suis pas si petit que cela ! Ce sont les pieds qui sont fort vigoureux et qui montent à plus
d’1.50 m.
Je vous conseille ainsi d’envisager un tuteurage, surtout si vous êtes en région ventée. On
pourra encercler un rang avec des fils bien tendus entre des piquets ou encercler avec un
grillage type « grillage à mouton ». Elles pourront tenir sans aide de tuteur, mais on aura
comme une épée de Damoclès à craindre un fort coup de vent et voir sa culture couchée au
sol. Dans l’idéal, espacez vos semis, une ligne de 25 graines tous les 15 jours et vous aurez
déjà de très belles quantités, de quoi vous offrir plusieurs repas familiaux.
Les variétés
Elles ne sont pas en dizaines de milliers
comme pour les tomates, mais suffisantes
pour déjà nous offrir de l’originalité ou de la
productivité selon nos envies, nos priorités.
La plus connue est la fève d’Aguadulce, une
garantie de belles récoltes, des cosses très
imposantes, des plants costauds et verdoyants. La fève longue de Séville se classe
juste derrière, une autre garantie de belles
récoltes.
Viennent ensuite des variétés plus originales. Il me vient de suite à l’esprit la fève «
Crimson Flowered ». Regardez sur la photo,
la couleur juste sublime de sa floraison. C’est
tout simplement un véritable spectacle au
potager qui annonce une nouvelle saison.
La fève ‘Crimson Flowered’ : un vrai bijou
de la nature ! Avouez qu’avec cette
variété, le potager est tout de
suite sublimé !
La revue du potager permacole n°5 65
J’en suis émerveillé. Je revois le soleil du soir se refléter dans ses fleurs. D’ailleurs je pense
refaire cette variété cette saison. Trois ans que je ne l’ai pas semée au potager et clairement
elle me manque. De petite taille, elle n’aura pas besoin de tuteur. En contrepartie, la productivité sera moindre. Autres variétés, cette fois-ci aux grains somptueux, la « Grano Violetto »
aux couleurs pourpres, violettes. Cette fois-ci ce n’est pas la floraison, mais les grains qui sont
ainsi colorés. Enfin, la Karmazyn, aux grains rosés. Ces deux variétés sont très gourmandes
et offrent une diversité de couleurs toujours agréables à contempler.
D’autres variétés encore, The Sutton, Express, Red Epicure, Stéréo, Robin Hood, Luz de Otono
(semis en août pour récolte d’automne!), Hangdown Grünkernig…
Parcourez les sites de semenciers sur le net à leur recherche et craquez au gré de vos envies.
Elles ont toutes une bonne raison d’être au cœur de vos potagers.
Les ravageurs
Cette culture est constamment associée
aux pucerons. Je ne sais pas s’il existe un
jardinier qui ait fait des fèves sans en avoir.
Et parfois, ils sont si nombreux que l’on ne
voit pas l’ombre d’une récolte…
Cela m’est arrivé, notamment les premières
années. J’ai traité un peu au savon noir ( j’ai
extrêmement de mal à traiter avec quoi que
ce soit au potager, je ne fais aucun traitement depuis des années). J’ai parfois étêté
les plants pour enlever la cime, là où les
pucerons font la java !
Mais souvent j’ai laissé aussi cette population
envahir de nombreux plants dans l’espoir
d’attirer des prédateurs, dans l’espoir d’un
équilibre futur.
Les pucerons ne causent pas de problèmes
aux fèves, jusqu’à un certain stade
d’invasion...
En effet, c’est ce qu’il se passe depuis
quelques années. Les pucerons sont de
moins en moins présents (ce serait mentir
La revue du potager permacole n°5 66
de dire qu’ils sont absents) et ne dérangent que
très peu cette culture.
Connaissez-vous les allomones ? Les fèves sont
capables d’en sécréter. Ce sont des hormones
qui sont comme un cri de S.O.S, sécrétées par
les plants de fèves. Elles appellent à l’aide se
sentant attaquées. Évidemment si l’on traite, si
l’on s’agite à tout tuer, supprimer, alors il n’y aura
point de S.O.S, point de prédateurs attirés, point
d’équilibre à espérer. C’est peut-être enjolivé ce
que je vous témoigne, mais je reste convaincu
que de ne pas trop agir « contre » ces ravageurs
permettra la mise en place d’un équilibre naturel
les prochaines saisons.
À vous de trouver « votre » équilibre entre savon
noir, étêtage, ou non-agir.
La revue du potager permacole n°5 67
+ de 90%
C’est le pourcentage de pucerons d’une
colonie que peuvent réussir à détruire
les guêpes parasitoïdes en une année !
Jamais 100%, car ils pensent aux générations
futures : pas folle la guêpe !
Il faut avouer que ce chiffre est tout juste
impressionnant et donne envie de ne pas
intervenir sur les pucerons et de se concentrer
sur l’accueil de ces guêpes !
Bien entendu, pour arriver à de tels résultats,
le jardin doit être un havre de paix pour la
biodiversité et offrir des habitats de choix pour
ces précieux auxiliaires...! Le seul inconvénient
de ces régulations naturelles et qu’elles
n’arrivent pas aussi vite qu’on le
souhaiterait dans la saison.
La revue du potager permacole n°5 68
La récolte et la dégustation
Les semaines, les mois passent sans trop
La cueillette est un pur moment de
bonheur et on récolte rapidement
plusieurs centaines de grammes.
de travail du jardinier. La culture est très
autonome. Inutile de tailler, d’effeuiller quoi que ce soit. Début avril pour les plus chanceux,
début juin pour les plus au froid, la récolte se présente. Combien de fois m’a-t-on demandé
« mais quand faut-il les récolter ? ». Plusieurs stades de maturité offriront plusieurs façons
de s’en régaler.
Premièrement, sitôt que les cosses sont très légèrement bombées, lorsque l’on sent à
peine les grains en dessous. On pourra en prélever quelques-unes et les consommer
crues. Inutile alors d’enlever la peau des graines, on croquera directement. Si vraiment vous
cherchez le goût ultime, le nectar de cette culture, vous pourrez enlever la peau toujours
plus fade que la graine et vous en régaler.
En les récoltant si jeunes, vous pourrez tout autant consommer les cosses (longue
enveloppe renfermant 3, 4 ou 5 fèves selon les variétés). Attention, elles noircissent très
vite, dépérissent dans les heures qui suivent. Il faut prévoir de les cuisiner directement
après récolte. La recette qui fait de loin l’unanimité est un velouté de cosses de fèves.
La revue du potager permacole n°5 69
Je vous donne rapidement la liste des ingrédients :
1 kilo de fèves, une patate, 3 gousses d’ail, deux petits oignons, sel, poivre, 10 cl de crème,
quelques pignons, 1,5 litre de bouillon (à ajuster selon la consistance désirée).
Tout se joue ensuite dans la puissance que vous souhaitez donner au velouté. Un peu plus
« passe-partout », on insistera sur les pommes de terre et la crème. Un peu plus « fort de
fèves », on diminuera les quantités de crème et pommes de terre.
On fait revenir les oignons, l’ail dans un faitout, on ajoute les patates, les cosses de fèves et
on laisse cuire 20 minutes dans le bouillon de volaille.
On retire le jus en fin de cuisson pour le garder de côté. On ajoute la crème liquide et vient
le moment de mixer tout cela dans le faitout.
On se servira du jus pour en rajouter pendant le mixage jusqu’à la consistance souhaitée
du velouté. Tout le jus et on aura comme une soupe. Très peu de jus et on aura comme une
purée. Là aussi c’est à vous d’adapter selon vos préférences.
Au final, voilà un velouté très puissant en goût. Les pignons de pins (légèrement grillés à la
poêle) viendront donner un côté craquant, croquant (oui, ça fait un peu « Top Chef » là !).
La revue du potager permacole n°5 70
Autre stade de récolte, on laisse un peu plus grossir les graines. Les bombements sous la
cosse commencent à bien se voir, le vert de la cosse commence à pâlir.
À ce stade, on pourra toujours consommer les cosses comme vu précédemment. Concernant
les graines, certains jardiniers, les plus délicats, aimeront enlever la peau des graines qui commencent à être trop dure. Pour cela rien de mieux que d’ébouillanter vos graines 30 secondes,
la peau s’enlèvera bien plus facilement.
Pour la consommation des graines, on pourra encore les manger crues, mais elles commencent
à devenir un peu fades, un peu dures. On préfèrera les cuire une bonne dizaine de minutes.
Libre à vous ensuite de les manger à la croque au sel, en salade avec d’autres récoltes du
potager, je pense aux radis par exemple !
À ce stade de maturité, au Maghreb notamment, il est de coutume de les cuisiner en tajine.
Merci aux nombreux abonnés de cette belle contrée de m’avoir souvent fait connaître leur
coutume. Tout est consommé, les graines avec leur peau, tout autant que les cosses. Nous
avons essayé en famille et effectivement…
Que dire si ce n’est que je ne suis pas prêt
d’oublier de semer des fèves encore cette
année !
Enfin, dernier stade de récolte une fois que les
cosses de fèves sont très développées, très
bombées avec des graines bien costaudes à
l’intérieur. La couleur des cosses va maintenant commencer à brunir par endroit, de belles
couleurs allant du vert pâle au marron foncé.
À ce stade, il sera difficile de consommer les
fèves crues. On pourra tenter de cuisiner les
cosses, mais elles seront souvent tachetées,
abîmées, en fin de vie. On préfèrera ainsi
consommer uniquement les graines sans la
Les fèves crues sont délicieuses lorsqu’elles
sont cueillies jeunes. Plus les graines
gagneront en maturité, plus on aura
tendance à les manger cuites !
peau et sans les cosses, après cuisson d’une
bonne quinzaine de minutes. Les recettes
ne manquent pas à consommer chaudes ou
froides !
La revue du potager permacole n°5 71
N’oubliez pas
d’intégrer les
légumineuses
dans vos
rotations de
culture : elles
sont de
précieuses
alliées d’une
bonne fertilité !
Plus qu’une récolte, un engrais !
La fève est une légumineuse, quelle aubaine ! Elle aura la capacité de stocker
de l’azote atmosphérique au travers de ses racines, ses nodosités. Une fois
la culture terminée, les racines laissées en terre, les plants hachés menus
et laissés à même le sol, votre terre aura gagné quelques grammes d’azote
au m². Mieux que quelconque engrais du commerce, mieux que quelconque
amendement, les fèves vont non seulement vous nourrir, mais nourrir tout
autant votre sol. Ce serait presque une raison en soi de les cultiver !
D’ailleurs, il existe un engrais vert, la fèverole, peu éloigné de cette culture,
spécialement dédiée à cet intérêt de nourrir et améliorer le sol.
Oui parce que la fève va nourrir, mais aussi améliorer la structure de votre
sol. Je me souviens remonter une motte de terre entourant un plant de fèves
une fois la culture terminée. La motte s’effritait entre mes mains tellement
cette culture génère des racines puissantes, vigoureuses, profondes. Mieux
qu’un passage au motoculteur, mieux qu’un coup de grelinette, cette culture
décompacte les sols les plus lourds.
La revue du potager permacole n°5 72
Conclusion
Je ne veux pas vous vendre du rêve. Si vous
souhaitez une culture productive pour peu de
place, peu de temps en cuisine, ne semez pas des
fèves. Contentez-vous de tomates, courgettes,
concombres, et autres légumes fruits.
À l’opposé, si vous voulez savoir ce que c’est que
de croquer du vert, si vous avez un peu de temps
en cuisine, si la productivité n’est pas toujours votre
priorité « number one », si vous êtes prêt à accepter
d’héberger de la biodiversité, pucerons et leurs
prédateurs, si vous êtes décidé à améliorer votre
sol et à le préparer pour les cultures qui suivront,
partez à l’aventure et semez la fève. Vous en serez
le roi, la reine, de l’avoir non pas trouvé dans votre
galette, mais récolté de votre terre !
La revue du potager permacole n°5 73
Texte : Julie et Angelo - Le potager du Ferron
Ne faites plus
chou blanc avec
ce chou vivace !
La revue du potager permacole n°5 74
Chacun d’entre nous rêve d’avoir du chou sans maladies, sans attaques en tout genre et
sans disparitions inquiétantes de dizaines de plants installés avec amour au potager. Oui,
c’est le but ultime de cette culture d’hiver !
Nous vous proposons alors de cultiver un chou avec lequel vous n’aurez plus besoin de
faire de semis, ni même d’acheter de plants !
C’est le fameux Chou Daubenton autrement appelé, à raison, le chou à mille têtes.
Le chou Daubenton ?
Le chou Daubenton (Brassica Oleracea) est un chou vivace et rustique (-15°) qui reste en
place au potager, dans les meilleures conditions, entre 5 et 7 ans. Laissé libre d’évoluer, il
formera un petit arbuste buissonnant haut de 80 cm à 1 m 20.
Comme on peut le voir sur la photo, le chou Daubenton dans notre potager évolue bien et a
maintenant 2 ans.
Étonnamment, il a longtemps été cultivé uniquement pour nourrir le bétail. C’était en effet
un chou fourrager très facile à produire. Aujourd’hui, il est particulièrement recherché et
apprécié par les jardiniers à la recherche de nouveauté, mais également par de grands
chefs.
Pourquoi cultiver ce chou
Daubenton ?
Nous cultivons un potager depuis quelques
années et, il faut l’avouer, la culture du chou
n’est pas la plus facile. En effet, puisque
nous n’utilisons pas de protection (tunnel,
voilage, etc.) et que nous ne menons pas
d’autres interventions, cultiver des choux
classiques est une mission délicate.
Alors plutôt que de s’embêter et perdre
une partie ou la totalité de nos plants (issus
de nos propres semis) et voir le travail de
plusieurs mois disparaître en quelques
jours, nous avons souhaité trouver LA
solution.
La revue du potager permacole n°5 75
Nous voilà alors avec ce chou, que nous ne connaissons pas encore. Un plant unique, tout
petit et nous devons le dire, peu engageant. Deux petites années plus tard, il est devenu
touffu, magnifique et très productif. Ce légume perpétuel est pour nous une belle découverte : avoir du chou facilement, sans travail, et qui en plus est peu sensible aux attaques et
maladies est totalement dans notre esprit et vision du potager sur le chemin de l’autonomie
alimentaire.
Comment le consommer ?
Nous aimons consommer la plupart de nos légumes crus, dont le chou Daubenton. Nous
en cueillons les feuilles au fur et à mesure des besoins (autre avantage) que nous consommons crues, en mélange dans une salade, en jus …. Ou cuites à la manière des épinards. Par
ailleurs, plus vous allez récolter et plus le chou sera productif !
La revue du potager permacole n°5 76
Faites-le pour elles !
Si, finalement, vous n’accrochez pas avec cette culture,
pensez à vos poules ! Elles adorent ce chou, et ce dernier
possède un avantage de taille : son port naturel, étalé et
proche du sol.
En effet, les poules et les canards n’ont alors aucun mal à se
servir d’eux-mêmes : un pas de plus vers le poulailler
autonome... Si vous installez des plants directement au poulailler, il faudra simplement le protéger la première année,
pour le laisser se développer tranquillement.
La revue du potager permacole n°5 77
Ce chou est d’une facilité déconcertante
à multiplier ! Au potager permacole,
nous coupons des tronçons de 2 cm de
branche pour faire des boutures.
Comment le cultiver et le reproduire ?
Ce chou est plutôt facile et ne demande pas grand-chose. Nous devons vous le dire, notre
petit plant a pas mal bourlingué à travers le potager et s’est malgré tout bien adapté à chaque
fois au changement. Il préférera un endroit ensoleillé et un sol frais. Nous l’avons installé juste
à côté du bassin, tout comme un autre plant issu de nos boutures. On peut l’arroser par temps
très sec, ou bien le laisser faire. Il peut aussi, malgré sa rusticité, souffrir du froid !
Le reproduire est un vrai jeu d’enfant ! Chaque année, ou tous les 2 ans, nous refaisons des
boutures pour toujours avoir du chou en place au potager. Un peu plus vieux, il aura tendance
à se marcotter très facilement (lorsque les branches basses touchent le sol). Ne fleurissant
que très rarement et ne produisant donc pas de graines, le bouturage reste la seule solution.
Durant l’été, on cherche sur une tige des jets d’environ 10cm que l’on coupe et que l’on met
simplement dans un godet avec du terreau. On peut les mettre directement en terre, mais
attention aux escargots et limaces…
Il n’y a plus qu’à attendre le printemps pour installer les nouveaux plants au potager !!!
Vous l’aurez donc compris, pour parvenir à de belles récoltes sans aucune (ou presque)
intervention, nous ne cultivons pas de choux « traditionnels » pommés, mais uniquement
le chou Daubenton et le chou Kale, qui lui aussi produit à profusion et a un goût surprenant.
Le Potager est aussi une grande histoire de partage et de transmission alors n’hésitez pas à
partager un maximum vos boutures !
La revue du potager permacole n°5 78
Merci pour votre lecture !
Nous espérons que ce numéro vous a plu. N’hésitez
pas à nous faire part de vos impressions, suggestions ou questions en nous écrivant !
Par ailleurs, si vous souhaitez apparaître dans la
revue, au travers d’un témoignage inspirant, faitesnous signe !
Enfin, si cette revue peut intéresser certaines
personnes de votre entourage, n’hésitez pas à leur
partager ce numéro : la personne pourra peut-être
alors choisir de s’abonner.
Merci pour votre soutien !
Nous vous donnons rendez-vous sur les réseaux
sociaux ou notre site internet en attendant le
prochain numéro !
Crédits photos : Nini Maass, Fabrice Desjours, Le potager d’Olivier,
Guillaume Desfaucheux,Amandine Zajakala;Julie et Angelo - Le
potager du Ferron;Yulia2700;Manfred Richter;u_3heuehh9;Benjamin Nelan;Ngo Minh Tuan;Natfot;Alexas_Fotos;DatWuschel;rottonara;MrGajowy3;Alina Kuptsova
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N° ISSN : 2682 - 003X
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