Medina de el kairouan
aperçu historiques :
Première ville musulmane fondée au Maghreb, Kairouan a joué un rôle prépondérant dans
l'évolution de l'histoire et de la diffusion de la civilisation arabo-musulmane. Elle est
demeurée la capitale et l'un des plus brillants foyers de la culture arabo-musulmane du
Maghreb durant cinq siècles.
La valeur et l'authenticité de ses monuments, la richesse et la variété de ses trésors
archéologiques, font encore de cette ville un véritable musée vivant des arts et de la
civilisation arabo-musulmane. Les riches formes architecturales de ses monuments et la
diversité de leur répertoire ornemental reflètent le rôle qu'a joué Kairouan dans l'élaboration,
le mûrissement et la diffusion de l'art musulman.
L'École kairouanaise a inspiré et a servi de modèle à tous les édifices musulmans du Maghreb
et du bassin occidental de la Méditerranée. De nos jours, la médina de Kairouan compte
parmi les rares villes musulmanes qui a su jalousement préserver son patrimoine.
A ce titre, Kairouan a été inscrite le 7 décembre 1988 par l'UNESCO sur la Liste du Patrimoine
Mondial.
La Médina de Kairouan Patrimoine de l'Humanité
La Médina de Kairouan constitue un véritable musée en plein air et toujours vivant de l'art et
l’architecture arabo-musulmans par ses monuments (plus d’une centaine), ses souks, ses
maisons et ses ruelles qui restent encore un convaincant témoignage de son prestigieux
passé.
Depuis le 9/12/1988, la médina de Kairouan a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial
par la commission de l’UNESCO en répondant à 5 sur les six critères d’évaluation (Critères
d'inscription : I II III V VI).
1. «La Grande Mosquée est l'un des monuments majeurs de l'islam» et un «chef-
d'œuvre de l'architecture universelle» (I).
2. «La Grande Mosquée a servi de modèle à plusieurs mosquées maghrébines; en
particulier pour ce qui concerne les motifs décoratifs. «La Mosquée des Trois Portes
(866) est la plus ancienne des mosquées à façade sculptée de l'islam [...]» (II).
3. «... Kairouan offre un témoignage exceptionnel sur la civilisation des premiers siècles
de l'Hégire en Ifriqiya (III).
4. L'architecture musulmane traditionnelle de Kairouan, associée à sa configuration
spatiale, est «devenue vulnérable sous l'effet des mutationséconomiques et constitue
un patrimoine précieux...» (V).
5. «Kairouan est l'une des villes saintes et des capitales spirituelles de l'islam» (VI).
1) Toponymie
Kairouan = Al-Quayrawan (terme qui signifie place d’armes) , appelée «ville aux trois cent
mosquées», est l’une des plus grandes villes saintes de l’islam.
C’est la première capitale politique et intellectuelle de la Tunisie musulmane « Ifriqiya ».
2) Site et situation
Géographiquement Kairouan se trouve: entre: 8,60-8,70 Est et 39,60-39,70 Nord. Elle est à
60m d’altitude par rapport au niveau de la mer.
C'est une région de plaines steppiques dominées à l’ouest, au nord et au sud par des jebels
d’altitude médiocre de 400 à 700m en moyenne: (Jebel Naara, Jebel Touila, Jebel Boudinar,
Jebel Ouesslat …) et entourée de l’est par une série de sebkha (Sidi el-Heni, el-Kalbiyya,
Chrita).
Elle se situe au centre du pays. La ville est à 60km de la côte (loin de la mer, sous contrôle
byzantin), au centre du pays, dans une plaine (loin des montagnes restées berbères).
D’où la fondation du Quayrawan (ville-camp) obéit en premier lieu à des considérations
d’ordre stratégique.
3) Aperçu historique
«Kairouan est la mère et la capitale des contrées,la plus grande ville du Maghreb de par son
étendue et son peuplement, la plus aisée et la mieux conçue. Sa population est fière, le
commerce y est des plus prospères et les impôts des plus importants».
C’est en ces termes qu’al–Idrissi célèbre Kairouan dans son livre «Nuzhat al-Muchtaq».
Cependant, le prestige de Kairouan est encore plus grand grâce au rayonnement de sa
civilisation et à la célébrité de ses hommes de science et de ses théologiens.
Kairouan qui a été construite et reconstruite sous les régimes qui s'y succédèrent, est un
exemple magnifique de la richesse architecturale islamique.
Considérée comme la quatrième ville sainte de l'Islam après la Mecque, Medine et Jérusalem.
Kairouan est aussi la quatrième ville construite par les musulmans après Al Basra (Bassorah),
Al Koufa en Irak et Al Foustat en Egypte.
2.1) Une naissance douloureuse
Okba Ibn Nafaca (Chef des troupes de la conquête arabe) fonda la ville de Kairouan en l’an
670, en pensant pouvoir assurer ainsi aux musulmans une présence pérenne au Maghreb.
Stratégiquement, le choix du site s'est révélé judicieux.
En effet, Kairouan se trouve à une journée de marche de la mer, encore sous la domination
de la flotte byzantine et à une journée de marche des montagnes dans lesquelles se
retranchaient les tribus berbères hostiles à l’Islam. La nouvelle ville constituait une tête de
pont placée sur la ligne de confrontation entre les musulmans et les Byzantins. Okba conçut le
plan de Kairouan en implantant en son milieu la grande Mosquée à côté de laquelle il
construisit le palais du gouvernement et jeta les bases de l’artère principale qui portera plus
tard le nom de «grand Simat» avant de procéder à la distribution des parcelles de terrain à
ses soldats. Kairouan devint une ville et les gens y affluèrent de partout. Ni la révolte de
Kusayla (64 H), ni la rébellion de la Kahena contre Hassen Ben No’man (78-82 H) ne parvinrent
à ensevelir le nouveau–né qui a vu le jour dans un environnement très hostile. La ville souffrit
des menées des berbères Kharijites qui se révoltèrent en prônant l’égalité entre les races, la
saccagèrent et massacrèrent sa population.
Elle résista, certes, aux assauts des troupes de Akacha le Kharijite, en 124H/742J.C, à El Baten,
mais succomba cependant devant les tribus Ouarfajouma qui avaient soumis la ville et
massacré un grande nombre de Khoraïchites parmi les nobles et les dignitaires arabes. C’est
alors que la protection de la ville s’imposa.
Ce fut l’œuvre de Mohamed Ben Al Ach’aath, le premier chef abbasside qui s’installa à
Kairouan et entreprit, en 144H/762J.C, de la protéger contre les envahisseurs par l’édification
d’un rempart large de dix bras. On y perça par la suite six portes : Bab Abi Rabi au sud, bab
Abdallah et Bab Nafi à l’est, Bab Lasram et Salam à l’ouest et bab Tunis au nord. Sept bastions
furent édifiés pour le contrôle et la détection des mouvements ennemis.
Le calife abbasside El Mansour écrivit à ce propos à El Aghlab Ibn Salem Temmimi, son
gouverneur en Ifriqiya, en lui recommandant «d’être juste envers ses sujets, de fortifier la
ville de Kairouan et ses défenses et d’organiser sa protection».
Certes, ces mesures n’avaient pas empêché les assauts contre la ville, elles avaient néanmoins
aidé à améliorer sa sécurité et à favoriser son urbanisation.
2.1) L’âge de la maturité
Kairouan connut sous le règne des Beni-al Muhallab une période de paix relative. Yazid Ben
Hatem entreprit les travaux de réaménagement et d’agrandissement de la Grande Mosquée,
ce qui constitue un critère de son essor et de son accroissement démographique. Il organisa
les souks et y installa les différents corps de métier.
Depuis la deuxième moitié du VIIIème siècle, Kairouan se préparait à devenir un important
centre arabo-musulman fortement peuplé sans prétendre devenir une grande capitale
luxueuse et opulente ; ses habitations restèrent modestes. Le mérite revient aux Aghlabites
de l’avoir propulsée au rang des grandes capitales de la Méditerranée.
Ziyadat-Allah 1er entreprit, dès 221H, la reconstruction de la Grande Mosquée afin de la
rendre digne du rôle spirituel qui avait toujours caractérisé la ville de Kairouan. Il agrandit la
salle de prière et la dota d’un «mihrab » en marbre ajouré. Puis, Abou Ibrahim Ahmed y
ajouta les galeries.
C’est le même prince, Abou Ibrahim, qui chargea son affranchi Khalaf (246 H/860) de
construire un bassin considéré comme l’un des ouvrages hydrauliques les plus importants du
monde musulman. Il constitue par ses dimensions exceptionnelles un témoignage de la
grandeur de la ville et de sa lutte contre la soif et la pénurie en eau.
Les sources historiques attestent que Kairouan atteint, avec les Aghlabites, son apogée et se
dote de ses plus beaux monuments.
Lorsque les Fatimides s’installèrent en Ifriqiya (296H/909J.C), ils n’accordèrent pas une
importance particulière à Kairouan qui opposa une résistance farouche aux chiites, les
contraignant à chercher refuge sur la côte en fondant la ville de Mahdia. Mais, rien n’atteste
que le développement de la ville fut ralenti. Al Muizz édifia même un aqueduc qui
approvisionnait les citernes de la ville en eau potable après avoir alimenté sa capitale Sabra.
Kairouan semble alors à l’apogée de son développement et son expansion: son diamètre
atteignit les 2 + 1/3 de miles (4 km environ) et l’on comptait une quinzaine d’artères émanant
toutes de la grande mosquée, engendrant une configuration circulaire, ce qui laisse supposer
que le plan de la ville s’est inspiré de celui de Baghdad, la ville ronde.
Al–Bakri souligne que «l’artère principale s'étendant dans la direction nord-sud, s’étalait de la
porte Abi Rabï à la grande mosquée sur une longueur de deux miles environ et de la mosquée
à la porte de Tunis sur une longueur de deux tiers de mile. Boutiques et métiers s’y
juxtaposaient. Quinze citernes situées extra-muros alimentaient la ville en eau et on y
dénombra plus que quarante huit bains maures. On rapporte que, à l’occasion de la fête d’Al
Achoura, neuf cent cinquante bêtes furent égorgées ; parmi les merveilles de Kairouan, on
peut signaler l’importance de son oliveraie qui est exploitée en exclusivité pour les besoins de
la ville en bois sans subir le moindre dommage. »
Quel que soit le degré d’exagération de cette description, le nombre des habitants de
Kairouan à cette époque, pouvait atteindre les cent mille personnes environ. Ceci est d’autant
plus plausible que la ville constituait un nœud commercial reliant les deux extrémités du
monde musulman et un centre économique qu’abordaient les caravanes venant de
l’Andalousie et des gisements aurifères du pays de Gao. Ses ports accueillent les bateaux,
provenant de l’océan indien et de la mer d’Oman, chargés de marchandises orientales et
indiennes qu’elle distribue dans tout l’occident musulman.
Kairouan était entourée de villages populeux tels Sardaigne, Jeloula, Hosr et Sadah qui
l’approvisionnaient en denrées et produits agricoles.
D’autre part, la ville était devenue un des grands centres de fabrication des tissus, de la
céramique et de la poterie. Elle pouvait ainsi répondre aux critères qui l’habilitaient à devenir
une des plus grandes villes de l’époque. II est probable qu’elle soit devenue, à côté de
Cordoue et du Foustat, l’une des plus grandes métropoles de la Méditerranée.
2.1) La décadence
Le départ de Al Muizz pour L’Egypte, en 361H/972J.C, chargé des trésors de l’Ifriqiya et
accompagné de ses plus habiles artisans, n’entama pas cet immense édifice, n’eurent été les
coups durs subis par la ville plus tard. En effet, les choses se gâtèrent à la suite des rivalités
entre Sanhaja et Zanata et de la lutte pour le pouvoir au Maghreb entre Zirides et
Hammadites, ce qui entraîna la mobilisation de toutes les énergies et la dilapidation de toutes
les ressources du pays, rendant difficile la lutte contre les chrétiens qui s’assurèrent la
domination des voies maritimes en Méditerranée. Les ressources de Kairouan et de l’Ifriqiyya
s’amenuisèrent. Ceci coïncida avec les années de sécheresse et de famine dont la plus sombre
fut l’année 395H. Ar-Raqiq note à ce propos : «Une calamité se répandit à cette époque en
Ifriqiyya. Les demeures et les mosquées de Kairouan furent désertées, les fours et les
hammams s’immobilisèrent. A cette calamité se greffèrent des épidémies qui décimèrent la
population.»
Ce tableau sombre prédit que Kairouan allait connaître, au début du Vème siècle de l’hégire,
une grave régression et annonce que cet édifice allait s’ébranler. Les invasions hilaliennes lui
portèrent le coup de grâce et la ville ne put résister, malgré l ’importance des remparts édifiés
par le prince El Muizz , devant la poussée des tribus hilaliennes, constituées par les Athbaj,
Riah et Sulaym qui la saccagèrent en l’an 449H/1057J.C et chassèrent ses populations. Depuis,
elle ne cessa de péricliter et le flambeau de la civilisation musulmane au Maghreb passa entre
les mains d’autres villes telles que Béjaïa, Fez et Tunis. Les voies commerciales désertèrent la
ville et Kairouan devint un simple vestige du passé.
2.1) Une renaissance relative
Cependant, Kairouan dont la renommée avait atteint les horizons les plus lointains, ne s’était
pas totalement effondrée. Son patrimoine, légué par ses savants et ses théologiens, lui permit
de perpétuer son souvenir et de devenir l’objet d’une vénération particulière. Les Hafsides lui
accordèrent une grande attention. Dès le VIIéme siècle, la ville fut de nouveau protégée par
des remparts d’une longueur de 3kms, mais ils couvraient à peine le un dixième de sa
superficie initiale au moment de son apogée. Al Mustansir et les princes qui lui avaient
succédé se sont occupés du sort de la Grande Mosquée, ils consolidèrent ses murs et
renouvelèrent ses plafonds. Mausolées, marabouts et coupoles, édifiés par des soufis, des
ascètes et des hommes de religion, se répandirent dans la ville lui offrant un cachet d’une
grande spiritualité.
Les habitants y affluèrent, des bédouins s’y installèrent. Les mosquées telles que la Mosquée
d’Ibn Khayrun et la mosquée Al Muallaq se réanimèrent. Les souks, tel le souk des citernes, se
réorganisèrent et les Kairouanais s’adaptèrent au contexte environnant. La ville se transforma
en centre de tannage, de pelleterie et de tissage : elle devint un marché commercial qui
approvisionnait l’arrière pays.
Alors que El Hassen El Ouazzan qui visita Kairouan en 1516, ne remarqua que la misère de ses
habitants qui s’adonnaient au tannage et à la maroquinerie, le Wazir al-sarraj (m.1736)
rapporte dans ses «hulal» à propos de Kairouan: «Nous ne connaissons pas de ville en
Ifriqiyya après Tunis,qui soit plus grande, ses habitants sont les plus savants, les plus habiles et
les meilleurs connaisseurs du négoce.»
Kairouan bénéficia de la sollicitude des Husseinites qui remédièrent à la négligence dont la
ville était l’objet à l’époque des gouverneurs ottomans et des Mouradites, à l’exception de
Hammouda Pacha qui édifia le mausolée du compagnon du prophète.
Si Mourad III se fâcha contre les Kairouanais et rasa leurs demeures, Husseïn Ben Ali prodigua
une attention particulière à Kairouan en reconstruisant ses remparts et en édifiant la Medersa
Husseinite. Ses successeurs suivirent son exemple en signe de reconnaissance pour la position
prise par la ville, lors de la rébellion de Ali Pacha. Le voyageur français Des Fontaines qui visita
la ville en 1784, note qu’elle était «la plus grande du royaume après Tunis. Elle est même
mieux bâtie et moins sale que celle-ci. Le commerce de Kairouan consiste principalement en
pelleteries que les habitants savent employer à divers usages. On y fait des brides, des selles,
des souliers à la mode du pays. Ils fabriquent aussi des étoffes de laine appelées baracan. Le
peuple y mène une vie plus heureuse que partout ailleurs. »
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