I / Questionnements géographiques et pollution numérique
Partant de ses mutations à ses différentes appellations (espace, milieu, paysage,
œcoumène,…), l’objet d’étude de la géographie reste l’environnement. Toutefois, en intégrant
l’homme dans l’analyse géographique, Emmanuel Kant reprécise cet objet (la Terre comme
habitat, environnement, milieu de vie de l’être humain) et pose la problématique homme-nature
afin d’étudier les différentes interactions. Cette problématique s’est perpétrée à nos jours sous
le nom de problématique société-environnement. Bien que le nom ait changé, les
préoccupations n’en demeurent pas moins les mêmes ; c’est-à-dire quel rapport l’homme
entretient-il avec son habitat ? Quel est l’impact de sa seule présence ? Quel est l’impact de ses
actions sur l’environnement ? Toutes ces questions trouvent leur sens dans le tableau du monde
actuel, tableau dans lequel on peut voir comment à chaque poussée de son génie créateur
l’homme a marqué son emprunte dans la nature. En effet, de l’essor industriel contracté au
milieu du XVIIIe siècle à l’aube du XXIe siècle soit l’âge d’or de l’ère du numérique,
l’humanité fait face à une évolution sans cesse croissante marquée par une urbanisation et
industrialisation sans précédent.
En se positionnant comme « …la mesure de toute chose » comme le dit Protagoras,
l’homme opère des transformations de la nature qu’il juge utile pour son épanouissement mais
qui se révèlent nocifs pour l’environnement et l’homme lui-même. Toute cette nocivité se
résume aujourd’hui en une expression : la pollution. Cette notion est au centre des débats de la
géographie contemporaine, qui épistémologiquement parlant est devenue une science
écocidaire.
Dans la grande chronologie de cette notion polymorphe, la pollution dite numérique sert
d’argument pour affirmer l’anthropocène et vitaliser le débat épistémologique. En d’autres
termes, le numérique représente 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde
(ADEME, Greenpeace) et de fait participe à la matérialisation d’un éventuel écocide annoncé.
En fait, parmi les actes dégradateurs de l’homme l’avènement du numérique et des technologies
de l’information et des communications vient renforcer la posture anthropocentrique de
l’homme face à son berceau ; étant entendu que le numérique constitue aujourd’hui l’un des
piliers de développement pour tous les pays du monde.
Au regard de la forte consommation du numérique induit par la covid-19, le géographe
contemporain ne gagnerait-il pas à mener une étude sur cette forme de pollution dans un espace
donné ?