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ETHIQUE, DEONTOLOGIE ET COMMUNICATION cours 2020 ucao 1

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Éthique, déontologie et communication
SOMMAIRE
Introduction
I – Approche définitionnelle du champ éthique
1 - Éthique
2 - Morale
3 - Déontologie
4 - Droit
II – L’éthique de la communication
1 – Définition et origine
2 – Le statut ambigu de l’éthique de la communication
3 – Contraindre, réguler et responsabiliser : aspects de la déontologie
III - Problèmes d’éthique et de déontologie dans certains médias
1 – Cas des TIC
2 – La communication publicitaire
3 – Droits et devoirs du journaliste professionnel ivoirien
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Bibliographie
MAIGRET Eric (sous le direction) Communication et médias, Les notices de la documentation française
Code de déontologie du journalisme professionnel en Côte d'Ivoire, OLPED.
L’OLPED, pionnier de l’autorégulation des médias en Afrique, Programme médias pour la démocratie en Afrique, avec l’appui
de la Commission de l’union européenne
KOUA Saffo Mathieu, Environnement juridique des médias en Côte d'Ivoire, Cours, Université Félix Houphouët-Boigny, 2014
VIRET Emile, Ethique de l’information : enjeux et problèmes, Master2 pro AIGEME, Université Paris 3, Cours D9CTO
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Dr KOUA Saffo Mathieu, Tél. 44 34 02 34, [email protected]
Enseignant-chercheur, Université Félix Houphouët-Boigny, Cocody Abidjan
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Morale, éthique, déontologie et droit sont toutes des règles de conduite quelque fois mal définis
ou même confondus. Notre objectif ici, consiste, d’une part, à démêler ces concepts en précisant
leurs acceptions intrinsèques ; et d’autre part, à les explorer dans leurs conjugaisons multiples
soit entre eux soit avec d’autres concepts connexes dans le processus communicationnel.
L’objectif de ce cours est d’abord, de permettre à l’étudiant de comprendre que les textes de
droit ne peuvent suffire à eux seuls à réguler les activités professionnelles ou plus généralement
la société des Hommes.
En effet, le droit comporte des lacunes qui ont besoin d’être compensées par d’autres règles de
conduites, telles l’éthique et la déontologie.
Ainsi, le droit ne peut
- ni tout prévoir : ceci est particulièrement vrai pour Internet
- ni légiférer dans tous les domaines (la morale par exemple).
De surcroit, le droit ne peut éviter de donner matière à interprétation, et par là, rester ouverte
à toutes formes de détournements. Par exemple, Le Droit des médias, pas plus que le Droit en
général, n’est neutre : un certain de nombre de questions relèvent de choix politiques. 1
En définitive, le Droit s’avère n’être qu’un élément parmi tant d’autres règles (la déontologie,
les chartes professionnelles, l’éthique, etc.), de situations de fait (les rapports de forces, la
violence, etc.) et d’influences culturelles, politiques et économiques (la culture, les pressions en
tout genre). Ne parler que de droit peut aussi donner l’impression qu’il y a des règles fixes,
valables partout et pour tous.
Ensuite, à l’issue de ce cours, l’étudiant doit être à mesure de maitriser les principes d’éthique
et de déontologie ainsi que les concepts connexes que sont la morale et le droit entre autres,
dans leurs aspects théoriques ainsi que dans leur traduction sur le terrain : comment le
problème d’éthique et de déontologie se posent dans les médias en général (médias
traditionnels et TIC), mais aussi la diversité des solutions présentées dans différentes situations
et dans certains pays.
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Par exemple le choix entre ces deux formes de régulation que sont : d’une part, un ordre des journalistes où interviennent des
personnes extérieures à la profession (Conseil National de la Communication Audiovisuelle, par exemple) , d’autre part, un
organe composé quasi exclusivement de journalistes (Observatoire de la Liberté de la Presse, de l’Éthique et de la Déontologie).
Ce n’est pas une alternative purement technique basée sur la solution la plus efficace. Le choix dépend aussi des rapports de
forces entre les journalistes, qui souhaitent rester indépendants, et d’autres pouvoirs tentés d’intervenir pour contrôler la presse.
Autres exemples de rapports de forces : l’existence de sociétés de rédacteurs dans les rédactions ou la reconnaissance d’une «
clause de conscience » qui sont des conquêtes de la profession.
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Introduction
L’importance des médias dans les sociétés modernes est telle que, dans beaucoup de
domaines, ils s’imposent aux citoyens et aux consommateurs dans leurs processus de
décision. Ainsi pour ses achats, le consommateur a besoin d’information pour une
meilleure décision ; tout autant en politique, les citoyens se doivent de disposer d’un
certain nombre d’informations sur les candidats pour faire les choix les plus
intelligents. Sur les marchés économiques et financiers, les consommateurs et les
investisseurs demandent des informations avant de choisir des produits ou des titres.
La disponibilité de l’information se révèle être ainsi un déterminant crucial dans
l’efficience des marchés économiques et politiques. Dans la plupart des pays, les
consommateurs et les citoyens se procurent les informations dont ils ont besoin à
travers les médias.
Ils se posent dès lors quelques questions fondamentales : est-il souhaitable que les
médias soient publics ou privés ? Devraient-ils jouir d’un monopole ou se faire
concurrence ? Quelle morale professionnelle devrait guider leur action quotidienne ?
Quel encadrement juridique doivent-ils jouir pour mieux jouer leur rôle de pilier de la
démocratie ? Etc.
À la lueur de ces questionnements, il s’avère qu’un encadrement s’impose. Mais à
l’évidence le droit seul ne peut suffire à cela.
Ainsi, dans leur travail quotidien, les journalistes sont tenus aux respects d’autres
règles, d’autres principes : la déontologie et l’éthique. Le journaliste est en effet
quotidiennement confronté à des choix qu’il est impossible de trancher par des textes
de lois (faut-il donner telle information qui concerne la vie privée d’autrui ? Faut-il
traiter ou taire certains sujets ? Peut-on publier telle ou telle photo ? …). En principe,
le journaliste doit vivre dans cette incertitude. Son métier relève de ce que l’on
appellerait « l’éthique de la responsabilité » : agir continuellement dans l’ambigüité et
dans le doute, où la conscience et l’éthique constituent les derniers points de repère.
Communiquer est l’une des plus belles activités qui soit : c’est aider ses contemporains
à connaître et à comprendre le monde qui les entoure, exercer sa liberté d’expression
et aider tout un chacun à formuler en toute liberté leurs jugements. Activité d’autant
plus belle qu’elle est indissociable d’une certaine forme de responsabilité pour celui
qui l’exerce : on ne communique pas n’importe comment, les formes qu’il faut
respecter sont partie intégrante de l’activité de communication. C’est ainsi que
l’activité du journaliste est traditionnellement dotée de règles de conduite (éthique,
déontologie, droit…) qui permettent, dans leur rigueur, la fiabilité dans la restitution
de l’information.
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Ainsi, les principales règles déontologiques que les journalistes s’imposent ou
devraient s’imposer, partent d’abord de cette exigence : ‘’ne pas dénaturer
l’information, ne rien affirmer qui n’ait été recoupé, vérifié, ne pas confondre les faits
et leur interprétation, ne pas soumettre leur liberté d’expression à quelque pression
que ce soit, politique, économique ou religieuse, ne pas manipuler la réalité’’.
Même si les nouveaux médias posent, en des termes apparemment différents, les
mêmes problèmes, l’information qui circule de plus en plus vite réclame les mêmes
garanties, alors même qu’elles ne disposent plus des règles qui encadraient les anciens
supports. Comment faire pour éviter les embardées, même involontaires ?
Les notions d’éthique et de déontologie cohabitent avec ces autres que sont la morale
et le droit. Elles participent toutes des règles de conduite en société mais ne recouvrent
pas la même réalité. En pratique, pour certaines, elles tissent des relations entre elles
pour mieux encadrer le domaine de la communication.
Le plan de ce cours est constitué de trois parties articulées comme suit : d’abord une
introduction aux notions d’éthique et de déontologie élargie à celles connexes que
sont la morale et le droit en tant que règles de conduite.
Ensuite, dans une seconde phase, nous abordons l’éthique de la communication.
Pour terminer, nous évoquerons les problèmes d’éthique et de déontologie dans
certains médias.
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Dr KOUA Saffo Mathieu, Tél. 44 34 02 34, [email protected]
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I – CHAMP DEFINITIONNEL
11 - L’ETHIQUE
✓ Étymologie : du grec ethikos, moral, de ethos, mœurs. Le mot « éthique »
signifie science de la morale et des mœurs, art de diriger sa conduite. C'est une
discipline philosophique qui réfléchit sur les finalités, sur les valeurs de
l'existence, sur les conditions d'une vie heureuse, sur la notion de "bien" ou sur
des questions de mœurs ou de morale.
✓ L'éthique peut également être définie comme une réflexion sur les
comportements à adopter pour rendre le monde humainement habitable. En
cela, l'éthique est une recherche d'idéal de société et de conduite de l'existence.
✓ Dans une troisième approche, l'éthique correspondrait à une appréciation ou
application des concepts de bien et du mal dans des conditions ou situations
données. Autrement dit, l'éthique ne serait que l'application de certains
principes moraux en un temps et dans des circonstances données.
L’éthique invite le professionnel à réfléchir sur les valeurs qui motivent son action et à
choisir, sur cette base, la conduite la plus appropriée.
Ainsi l’éthique fait appel à des valeurs, à la conscience que peut avoir chacun de ce qui
est noble ou infâme, bien ou mal, à faire ou ne pas faire. Relevant de la conscience, elle
échappe (en principe) à toute sanction. Chacun se sentira fautif ou pas selon ses
convictions morales, philosophiques ou religieuses, par exemple. Cette référence à des
valeurs pose deux problèmes : l’universalité et l’unicité.
12 - MORALE
Elle est l'ensemble des valeurs supérieures qui conduisent chacun à différencier le bien
du mal et qui fondent les conduites humaines (tout au moins pour les individus
conscients de leurs devoirs et responsables de leurs actes).
La morale est immanente au comportement humain (= fait partie de la nature
humaine), contrairement à la déontologie, fruit d'une réflexion professionnelle.
La morale trouve son fondement dans la culture (coutumes et traditions), et dans les
textes considérés comme sacrés (Bible, Coran, etc.). À la différence du droit, les règles
de morale ne sont pas toutes codifiées ; elles servent de gisement dans l’élaboration
de la règle de droit.
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13 - LA DEONTOLOGIE
En effet, la déontologie (du grec deon, - ontos, ce qu'il faut faire, devoir, et logos,
discours, parole) est la science morale qui traite des devoirs à remplir. Le terme «
déontologie » signifie théorie des devoirs, en morale.
La déontologie est l'application de l'éthique sous forme de devoirs et d’obligations
auxquelles doivent se soumettre les membres du groupe.
Le code de déontologie est donc une déclaration écrite de l’entreprise mentionnant
ses principes, ses règles de conduite, ses positions morales, ses codes de pratiques et
sa philosophie en matière de responsabilité envers ses parties prenantes. Il s’agit
parfois de textes, parfois de coutumes internes à une entreprise.
Comme les règles de droit, les règles déontologiques s’appliquent de manière
identique à tous les membres du groupe, dans toutes les situations de la pratique. Une
autorité est chargée de les faire respecter et d’imposer des sanctions en cas de
dérogation.
Origine du terme : C'est en 1825 que le mot « déontologie » apparaît pour la première
fois en langue française, dans la traduction de l'ouvrage du philosophe utilitariste
anglais Jeremy Bentham intitulée ‘’l'Essai sur la nomenclature et la classification des
principales branches d'Art et Science’’. Il écrit : « L’éthique a reçu le nom plus expressif
de déontologie ».
14 - LE DROIT
Le droit est fait de règles de conduites, générales et obligatoires, égales pour tous,
élaborées et sanctionnées par l’autorité publique, pour assurer l’ordre dans la société,
le respect et l’équilibre des droits et des libertés de chacun.
Explicitement, c’est sous la forme de lois (loi ordinaire, loi constitutionnelle ou
fondamentale…) et de règlement (décret, arrêté, ordonnance) que ces règles de droit
se matérialisent dans la société.
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II - NOTIONS D’ETHIQUE DE LA COMMUNICATION
Introduction : origine et controverses
15.1. Le statut ambigu de l’éthique de la communication : paradoxes et conflits
A - Un croisement de logiques incompatibles
B - Difficile indépendance
C - Conflits de liberté
15.2. Contraindre, réguler, responsabiliser : grandeur et misère de la déontologie
A - La double tâche de la déontologie : réguler, normaliser
B - Les limites de la réponse déontologique
Entre des principes trop généraux pour s’appliquer uniformément et le silence du droit,
se situe l’éthique de la communication. À première vue, les médias n’échappent pas à
la vague de l’éthique qui a saisi récemment la plupart des secteurs d’activité.
Mais par leur nature particulière, liée à la spécificité de la matière première que
constitue l’information, les médias ont en réalité depuis longtemps développé une
réflexion sur les principes et les limites de leurs pratiques professionnelles. Chartes,
Codes, Déclarations sont désormais présents partout, fixant un ensemble de règles
déontologiques auxquelles chacun doit se soumettre.
Préciser la nature exacte de ces engagements éthiques permet néanmoins d’en
présenter les conditions de possibilité comme les limites.
II.1/ Définition et origine
A/ Définition
L’expression « éthique de la communication » recouvre plusieurs réalités sans doute
corrélées, mais distinctes cependant.
1er sens, elle désigne un questionnement qui, depuis quelques décennies, traverse de
façon récurrente le monde des médias, confronté à une crise de confiance et qui
suscite une réflexion sur le statut des médias, le sens et la valeur de leur mission, les
principes et les valeurs autour desquels ils pourraient ou devraient organiser leurs
pratiques et réguler leur action, et ce sont les axes majeurs de cette réflexion qui, pour
l’essentiel, délimitent le champ de l’éthique de la communication.
2è sens, l’expression désigne un discours, qui s’organise autour des thèmes et
questions que suscite l’émergence (ou l’importation) d’un souci éthique dans le
secteur de la communication ; discours d’autocritique souvent, et plus souvent encore
d’autojustification, il témoigne de la manière dont les acteurs considèrent et gèrent la
dimension éthique de leur activité, et de la conscience qu’ils prennent de ses multiples
enjeux.
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3è sens, le plus usuel, l’expression désigne l’ensemble des mesures, dispositions et
dispositifs par lesquels les acteurs s’efforcent de et/ou s’engagent à honorer, dans une
certaine mesure au moins, les exigences éthiques de leur activité ; en ce sens restreint,
l’éthique de la communication recouvre à peu près la déontologie des médias, et
définit alors un cadre normatif censé réguler et normaliser un ensemble de pratiques
et de conduites propres aux secteurs particuliers de l’information et de la
communication.
Sous chacun de ces chefs, l’éthique de la communication est aujourd’hui au cœur d’un
large débat social et alimente des controverses qui sont souvent bien loin d’être closes
(critique des dérives de la télévision par exemple). En cela, elle continue d’apparaître
comme un champ de problèmes que nous tenterons de clarifier ci-dessous.
o D’abord, il s’agira de préciser quelque peu le statut ambigu de l’éthique de
la communication, en clarifiant les raisons à la fois structurelles et
contextuelles de cette ambigüité ;
o Puis, nous tenterons d’évaluer la portée et les limites de la réponse
déontologique à l’interrogation éthique qui se déploie dans le champ de la
communication, pour autant que cette réponse peut, à plusieurs égards
paraître réductrice ;
B/ Origine et controverses
À l’origine, il y a l’éthique des entreprises et des affaires. Il est évident que le domaine
de l’information et de la communication constitue un secteur clé de l’économie des
sociétés modernes. En cela, le mouvement de réflexion qui se déploie autour de
l’éthique de la communication n’est qu’une spécification à ce secteur particulier d’un
autre mouvement de grande ampleur (et très en vogue) de la réflexion contemporaine,
à savoir l’éthique de l’entreprise et des affaires. On peut en effet, sans simplifier à
l’excès, distinguer trois attitudes principales face à cet ample mouvement dont la
récurrence, depuis la naissance aux Usa de la ‘’business ethics’’ dans les années
soixante, atteste assez l’importance.
a) . Pour les uns, les plus optimistes dira-t-on, ce regain d’intérêt, pour les
questions éthiques émanant du monde économique, est l’indice d’une
redéfinition des rapports entre l’éthique et l’économie.
 D’une part, on s’avise que l’éthique et le profit ne sont pas nécessairement
incompatibles (‘’placements éthiques’’, ‘’investissements socialement
responsables’’, etc.)
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 D’autre part, on réalise que l’impact social de l’activité de l’entreprise va
au-delà de la simple participation à la production de richesses et à l’offre
d’emplois. L’entreprise devenue ‘’citoyenne’’ ou ‘’socialement responsable’’,
tend désormais à intégrer à sa stratégie de nouvelles préoccupations à la fois
sociales et environnementales et elle est de surcroît tenue de rendre compte
de son action, relativement à ce type de préoccupations, par le biais, par
exemple, d’un bilan social.
b) . Pour les autres, à l’évidence plus sceptiques, cette préoccupation éthique,
en dépit des aménagements auxquels elle peut donner lieu, reste un
phénomène relativement périphérique, pour autant que le seul impératif
ayant en toute circonstance force de loi, reste, malgré tout, l’impératif
économique.
c) Pour les plus radicaux, cet engouement éthique n’est guère qu’un effet de
mode, et la communication éthique des entreprises, rien de plus qu’un effet
d’annonce, visant au mieux à rassurer consommateurs, salariés, actionnaires
et investisseurs et au pire, à atténuer l’impact de pratiques parfois plus que
douteuses, voire à en masquer l’existence sous une image consensuelle et
valorisante. En d’autres termes, il ne s’agit qu’une affaire d’intérêt bien
compris.
Pour une large part, on doit admettre que l’éthique de la communication souffre des
mêmes contradictions que l’éthique de l’entreprise et des affaires, parfois même de
manière exacerbée. C’est que les paradoxes et conflits résultant de l’imbrication des
sphères de l’éthique et de l’économie semblent, ici plus qu’ailleurs constitutifs.
II.2/ Le statut ambigu de l’éthique de la communication : paradoxes et conflits
A/ Premier motif de tension : un croisement de logiques incompatibles
Nul n’ignore que les médias sont avant tout des industries : comme toutes les autres,
les industries de l’information et de la communication sont soumises aux contraintes
de productivité, de compétitivité et de rentabilité sans le respect desquelles aucune
viabilité durable n’est envisageable sur un marché libre et concurrentiel. Ici et ailleurs,
souscrire aux impératifs du marché est donc une simple question de survie
économique.
Mais, et c’est ici que les difficultés commencent ; nul n’ignore non plus que les médias
sont plus qu’un secteur clé de l’économie. Ils sont encore, et peut-être surtout un
rouage essentiel du fonctionnement des sociétés démocratiques.
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Du même coup, les médias se trouvent par nature pourrait-on dire, placés au
croisement de deux logiques à la fois légitimes et incompatibles :
• d’une part, une logique économique,
• d’autre part, une logique de service public qui tient à leur statut et plus encore à
leur mission (véritable institution, ils garantissent en leur incarnant certaines des
libertés fondamentales sur lesquelles la démocratie repose).
B/. Deuxième motif de tension : difficile indépendance
Il est clair que les médias ne peuvent pleinement jouer leur rôle de garants de la
démocratie que sous la condition d’être indépendants.
Or dans certains cas, ils sont tenus sous la tutelle de l’État (surtout dans les pays non
démocratiques). Mais aussi dans la plupart des démocraties libérales, leur contrôle est
(dans une large mesure) progressivement passé du secteur public au secteur privé.
Dans ce dernier cas, les tendances récentes à la concentration ont eu pour effet
qu’aujourd’hui la plupart des grands médias occidentaux appartiennent à quelques
grands groupes industriels, et (logique de marché oblige), tirent de la publicité une part
importante de leur financement.
On peut alors légitimement se demander si passer de la tutelle de l’État à la tutelle
d’intérêts économiques constitue véritablement un pas important en direction de
l’indépendance : d’autant plus qu’une nouvelle tension apparaît alors, entre
l’information comme bien public que leur mission les envisage(rait) à promouvoir, et
l’information comme marchandise que leur mode de fonctionnement les contraint
souvent à privilégier.
C/. Troisième motif de tension : conflit de liberté
Dans le cadre de leur mission de garants de la démocratie, les médias ont pour devoir
d’informer ; cela ne signifie pas qu’il faille tout divulguer (protection de la vie privée
par exemple).
On constate que bien souvent, pour des raisons économiques, les médias sont en proie
à des dérives (confusions entre devoir d’informer et complaisance racoleuse).
Conclusion
Ainsi limité d’un côté par les contraintes économiques et de l’autre par ce que les
moralistes d’antan auraient nommé les faiblesses de nature humaine, l’éthique de la
communication se voit en quelque sorte sommée de faire en permanence la preuve de
sa crédibilité et surtout, de son effectivité. Ceci explique sans doute que ce soit dans la
forme privilégiée de la déontologie qu’elle se manifeste avant tout.
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II.3/ Contraindre, réguler, responsabiliser : aspects de la déontologie
 Pourquoi la déontologie ?
En philosophie morale, on distingue habituellement deux domaines, celui de l’axiologie
(ou théorie des valeurs), et celui de la déontologie (ou théorie des devoirs) ; les deux
diffusant ensemble le cadre normatif auquel on se réfère, dès lors que les attitudes,
conduites et actions sont évaluées d’un point de vue moral.
Les grandes philosophies morales du passé s’accommodaient fort bien d’une part, de
leur prétention à l’universalité, d’autre part, de leur attachement à une soumission
inconditionnée au devoir. Mais en se résignant alors à faire fi de la diversité des
cultures et des conceptions de l’homme qu’elles véhiculent, et au mépris souvent de
la considération de la particularité des situations dans lesquelles l’agent a, à
déterminer sa conduite.
Dès lors cependant que l’on s’avise que l’agent n’est jamais l’homme en tant
qu’homme, mais un individu particulier, appartenant à une culture donnée, engagé
dans un secteur particulier d’activité et faisant face à une situation singulière, on est
tenu d’introduire dans l’analyse, ces éléments de particularité, et de prendre en
compte les multiples conditions et contraintes qui viennent peser sur les choix d’action
de l’agent. Ce faisant, on passe de l’éthique fondamentale aux éthiques appliquées
dont la caractéristique majeure est le caractère sectoriel, donc toujours particulier et
conditionné, des règles et devoirs qu’elles prescrivent. Ce domaine des éthiques
appliquées est précisément ce qu’on nomme aujourd’hui du terme générique de
déontologie.
 Alors, pourquoi l’éthique de la communication prend-t-elle
prioritairement la forme de la déontologie des médias ?
Comme le remarque Henri Pigeat (Médias et déontologie, Puf, 1997), le « besoin » de
déontologie naît de la conscience d’une double lacune :
 D’un côté, on ne peut pas tout confier à la loi, et cela pour deux raisons :
 D’une part elle ne saurait anticiper toutes les situations possibles (ceci est
particulièrement vrai à propos d’Internet, où la volatilité des contenus, la
dilution des responsabilités et le caractère transfrontalier du réseau rendent
extrêmement difficile l’imputation en cas de délit avéré) ;
 D’autre part, elle ne peut éviter de donner matière à interprétation et par là,
de rester ouverte à tous les détournements possibles.
D’un autre côté, on ne peut pas non plus s’en remettre simplement au libre arbitre
de chacun, car c’est ouvrir la porte à tous les arbitraires et à tous les abus possibles.
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La tâche de la déontologie est précisément de pallier cette double insuffisance, sur
un mode et dans des limites qu’il nous faut tenter de préciser.
A). La double tâche de la déontologie : réguler, normaliser
a) - Réguler
Là où la loi s’avère impuissante à simplement contraindre, on peut tenter de réguler.
Sans perdre de vue que l’impuissance de la loi peut être de deux ordres :
✓ Le vide juridique 1 : la loi ne peut contraindre là où elle n’a pas encore statué.
Dans le domaine qui nous intéresse ici, l’apparition des médias audiovisuels
et plus près de nous, le développement du réseau Internet 2, ont à plusieurs
reprises, créé une telle situation de vide juridique. On peut y remédier, soit
par un simple aménagement de l’appareil législatif et réglementaire existant,
soit par son extension.
✓ L’impuissance à statuer (de la loi) : parce que les questions soulevées ne
relèvent tout simplement pas de sa compétence, ce qui est le cas dès lors
que les questions de moralité prennent le pas sur les questions de simple
légalité.
Dès lors, on voit bien que la déontologie ne se contente pas de suppléer plus ou moins
maladroitement aux carences passagères du droit ; elle a, à mi-chemin de l’éthique
fondamentale dont elle s’alimente, et de l’ordre purement juridique qu’elle prolonge
et complète, un domaine propre, qui lui confère une légitimité, et une relative
autonomie.
✓ Configuration des textes déontologiques
Elle (la déontologie) prend en charge les interrogations et les problèmes d’ordre
éthique que suscite pour l’agent, le fait de s’engager dans une activité donnée, en
tenant compte à la fois des contraintes propres au secteur concerné, des attentes
sociales auxquelles ses représentants sont tenus de souscrire, et des principes et des
1/ En principe il n’y a jamais eu de vide juridique à propos d’Internet entre autres. L’affirmer revient à accréditer l’idée selon
laquelle le Droit est démuni dès un nouveau phénomène survient. Ce qui est méconnaitre le Droit. Rappelons que le Droit est
un système de grands principes qui s’appliquent à des situations décrites abstraitement. Le Droit veille à embraser une même
réalité large dans un même corps de règles pour éviter les disparités de régime.
Ainsi de nombreuses dispositions existant déjà en Droit ivoirien s’appliquent donc déjà à Internet, sans l’ombre d’une
adaptation. D’autres au contraire, nécessiteraient une modification pour être applicables à Internet.
Cependant, on peut dire qu’il n’y a pas de Droit de l’Internet. Compte tenu de la préexistence de règles qui ont vocation à
s’appliquer au phénomène Internet, il est impossible d’identifier un Droit de l’Internet à proprement parler. Il serait préférable
de décrire l’Internet comme un phénomène accueillant un certain nombre de règles de Droit. La matière, si Droit de l’Internet
il y a, il est donc très largement transversal. L’illusion du vide juridique parait donc persister lorsqu’on cherche une base juridique
ivoirienne à l’aide du mot Internet.
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valeurs à l’aune desquels leur attitude et leur conduite sont évaluées, par les pairs
autant que par le public (consommateurs). C’est ce qui explique que les textes
déontologiques (Chartes, Codes, Déclarations, etc.), quels que soient par ailleurs les
secteurs d’activité auxquels ils sont relatifs, présentent certains caractères
transversaux et récurrents :
▪ D’abord, ils ont valeur d’engagement pour ceux qui y souscrivent, c’està-dire en droit, tous les professionnels d’un secteur donné ;
▪ Ensuite, ils articulent trois grands types d’énoncés :
i. Le rappel des principes et valeurs dont les acteurs concernés se
réclament, et qu’ils s’engagent à respecter ;
ii. La proscription des attitudes et comportements jugés
éthiquement répréhensibles (exemple : « ne pas user de
méthodes déloyales pour obtenir des informations, des
photographies ou des documents ») ;
iii. La prescription des attitudes et comportements jugés
éthiquement acceptables et recommandables (exemple : « le
journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte
professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa
conviction ou à sa conscience »).
b) - Normaliser
Au-delà de la fonction de régulation, la déontologie assure également l’importante
tâche de normaliser les attitudes, comportements et conduites des acteurs engagés
dans un secteur d’activité donné.
 A une échelle locale : par exemple renforcer l’identité d’un journal, d’une radio ou
d’une chaîne, par la création d’un « esprit maison » que la référence à des valeurs
communes et l’adhésion à des normes communes de comportement permettent de
garantir et de promouvoir.
 A une échelle globale ensuite, favoriser la régulation par la standardisation (relative)
des attitudes, conduites et comportements que la référence à des normes et valeurs
communes, permet, là encore, de promouvoir, au-delà des inévitables (et sans doute
inéluctables) spécificités et particularismes locaux ; c’est ainsi par exemple que la
Déclaration de l’Unesco sur les médias avait explicitement pour objectif de fournir un
cadre général de référence susceptible de guider le travail des comités locaux chargés,
en l’adaptant aux particularités d’un pays et/ou d’un média, de rédiger un code ou une
charte déontologique.
B). Les limites de la réponse déontologique
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De ce qui précède, on voit clairement que la position de la déontologie est une position
de compromis, où il s’agit de faire droit à l’exigence éthique, tout en tenant compte
d’une triple impossibilité :
✓ Impossibilité d’abord d’un attachement inconditionnel au commandement
éthique. Dès lors que l’action n’est plus évaluée à l’aune de la seule moralité,
mais à celle de son efficacité pratique dans un contexte déterminé d’action, on
ne peut plus prendre pour seul critère d’évaluation la stricte conformité à la
règle.
✓ Impossibilité ensuite d’une régulation exclusivement juridique ou légale,
puisque, ainsi qu’on l’a vu, la loi ne saurait statuer sur tout et en toute
circonstance.
✓ Impossibilité enfin de laisser toute licence au libre arbitre de chacun, d’une part,
parce que l’intention la plus pure produit parfois des effets désastreux ; d’autre
part, parce que les intentions, comme chacun le sait, ne sont pas toujours
pures…
Le pari de la déontologie consiste à soutenir que l’exigence éthique ne devient effective
(c'est-à-dire ne cesse d’être un pur idéal) qu’en se contextualisant, et qu’adapter le
devoir aux contraintes de la situation n’est pas oublier l’éthique, mais faire preuve
simplement de prudence. Pari audacieux, qui vaut à la déontologie les principaux griefs
qu’on fait valoir à son encontre : retenons en trois :
 Les principaux griefs faits à la déontologie
a) . L’éthique au risque de la sectorisation
Le premier grief concerne la sectorisation de l’éthique qu’implique la déontologie ;
car le particularisme auquel on se résigne alors s’inscrit en faux contre la prétention à
l’universalité qui caractérise l’éthique traditionnelle ou la morale).
Sectoriser l’éthique, c’est alors se résigner non seulement à la diversité des devoirs,
mais encore au fait que les devoirs ne s’adressent pas également à tous. Avec cette
conséquence paradoxale que ce qui est devoir aux yeux des uns puisse parfois devenir
une faute aux yeux des autres : par exemple, qu’un journaliste préserve l’anonymat
d’un informateur pour garantir sa sécurité, peut le mener à se voir accusé d’entraver
le cours d’une instruction.
À ces objections, on peut cependant répondre, d’une part, que si de tels paradoxes (on
parle à leur propos de conflits éthiques ou de conflits de devoirs) ne sont pas à exclure,
ils sont l’exception plutôt que la règle. Et d’autre part, que la déontologie permet aussi
de réconcilier, dans une certaine mesure, l’universalité et l’exigence éthique, avec la
particularité des contextes d’action. Car des devoirs qui diffèrent par leurs contenus
peuvent procéder de l’attachement à un seul et même principe. Soit par exemple, le
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principe du respect de la dignité de la personne unanimement reconnu comme
fondamental par les différents codes déontologiques de quelque secteur que ce soit.
Sectoriser l’éthique ne signifie donc pas nécessairement ramener l’exigence éthique
au rang d’une simple disposition technique.
b) . La déontologie ou l’alibi éthique ?
Le deuxième grief à l’endroit de la déontologie consiste à remarquer que du
compromis à la compromission, il n’y a parfois qu’un pas, et que du discours aux
actes, la conséquence n’est pas toujours directe ; car la relation de dépendance que la
déontologie pose entre l’exigence éthique d’un côté, et les exigences d’un secteur
d’activité de l’autre, vaut dans les deux sens ; idéalement, il s’agit de plier un secteur
d’activité aux exigences de l’éthique ; dans les faits, on peut parfois se demander si l’on
accommode pas plutôt l’exigence éthique aux exigences d’un secteur.
c). La question de l’efficacité
D’où et c’est le 3ème grief, la question de l’efficacité de la déontologie. Car force est de
constater qu’à quelque niveau que l’on se place, international ou national,
gouvernemental ou non gouvernemental, les instances qui se voient confier la tâche
d’élaborer les codes déontologiques et de veiller au respect des engagements qui y
sont souscrits, ne sont pas toujours investies d’un véritable pouvoir coercitif, ou de
sanction. Sans doute sur ce point précisément, la situation est très inégale selon les
secteurs, et selon les professions : celles par exemple qui, comme les médecins ou les
avocats, s’organisent en Ordres, échappent en grande partie à ce reproche.
Dans de telles conditions, on comprend que l’on cherche d’autres voies pour s’assurer
de l’efficacité de la déontologie ; pour l’essentiel, il n’y en a deux :
✓ D’un côté, on mise sur la pluralité et la diversification des instances régulatrices
ou de contrôle, qu’elles soient simplement consultatives, ou investies d’un
véritable pouvoir de sanctions, et que leur sphère de compétence soit
internationale (Unesco, …) ou simplement locale.
✓ D’un autre côté, on tend de plus en plus à privilégier la responsabilité des
agents, quel que soit leur niveau d’intervention et d’implication, plutôt que la
proscription et/ou la répression.
***
III/ LES PROBLEMES D’ETHIQUE ET DE DEONTOLOGIE DANS LES MEDIAS
Nous évoquerons ici quelques exemples tels que les TIC, la publicité mais aussi le
journalisme.
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III.1 – Éthique, déontologie et nouveaux médias (Internet, téléphonie mobile…)
Le besoin d’une réflexion éthique semble s’imposer avec force croissante dans le
domaine du numérique ; il s’agit de se questionner sur les enjeux éthiques liés aux
développements technologiques. La question éthique ne s’impose pas dans tous les
domaines et surtout pas de la même façon.
L’arrivée massive de ces nouveaux médias (Internet en première ligne mais aussi
téléphonie mobile et autres) fait émerger de nouveaux enjeux et de nouvelles
problématiques.
L’évolution rapide des canaux d’information a causé un vide juridique profond que les
spécialistes peinent à combler, d’autant plus que la majorité des questions soulevées
ne sont pas de la compétence de la loi mais relèvent plutôt de la moralité, autrement
dit de l’éthique.
Face à ces mutations, plusieurs attitudes sont possibles : de la plus optimiste à la plus
sceptique. La nouvelle configuration de la société de l’information soulève en effet
autant d’espoirs que de craintes. Du point de vue de l’éthique de l’information, nous
sommes amenés à nous poser quelques questions. Tout d’abord, en quoi les médias
contribuent-ils au développement des libertés démocratiques ? Ensuite, quelles sont
les dérives courantes des secteurs de l’information ? Enfin, l’instauration d’un code
d’éthique ou cadre normatif destiné à réguler les pratiques des secteurs de
l’information serait-il à même de solutionner les défis spécifiques de l’ère digitale et
des médias participatifs ?
11 - Enjeux
La mise en place d’une société de l’information reposant sur les nouveaux médias
participatifs représente un enjeu majeur dans la mesure où elle encourage l’évolution
vers une société plus inclusive, plus démocratique, plus libre et plus transparente. Il
s’agit là, de valeurs morales phares.
A/ La société de l’information au service de l’inclusion
Le premier enjeu de la société de l’information est la démocratisation de l’accès à la
connaissance. En ce sens, elle est au service de l’inclusion.
Les nouvelles technologies contribuent en premier lieu à gommer les frontières et à
multiplier les canaux d’information. Celle-ci circule désormais en temps réel et en tout
lieu. Ainsi, un billet publié sur un blog sera immédiatement accessible à la terre entière.
Espace inégalable de mutualisation des savoirs, l’Internet est à juste titre considéré
comme la plus grande bibliothèque du monde et est en ce sens un outil précieux pour
l’accès à l’éducation et à l’information.
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De plus, les nouvelles technologies permettent de toucher une population dispersée
qui était jusqu’alors exclue des canaux traditionnels de l’information (via les SMS par
exemple).
B/ La société de l’information au service de la démocratie participative
Si tout le monde peut potentiellement avoir accès à l’information, il convient de
constater que, plus encore, tout le monde peut désormais participer et informer. En ce
sens, la société de l’information est un outil essentiel au service de la démocratie
participative.
Grâce aux nouveaux médias, tout témoin d’un fait divers ou d’un événement peut
devenir informateur. De cette manière, chacun, en principe sans discrimination, peut
contribuer et s’exprimer en dehors des canaux traditionnels d’information.
Depuis toujours, les médias représentent un contre-pouvoir important et sont en cela
un pilier de la démocratie. De nos jours, les rôles des médias traditionnels et des
nouveaux médias sont de plus en plus imbriqués, les journalistes utilisant
régulièrement les réseaux sociaux pour y trouver des informations, les blogueurs
cherchant généralement à attirer l’attention des médias. Avec ces nouveaux médias,
les journalistes ne sont donc plus les seuls vecteurs de l’information.
C/ La société de l’information au service de la liberté et de la transparence
Ainsi, lorsque les médias traditionnels sont tenus par les autorités politiques, les
nouveaux médias peuvent permettre l’expression des idées d’opposition ou
dissidentes. Ils ne sont donc pas un outil au service d’une majorité mais ils permettent
l’expression d’une opinion pluraliste. La société de l’information est en ce sens au
service de la liberté et de la transparence.
D’abord, les nouveaux médias contribuent largement à la transparence des
informations ; WikiLeaks en est le parfait exemple3.
Comme l’illustre cet exemple, l’Internet crée un espace de liberté sans égal. Son
potentiel de diffusion de l’information irrite les dictateurs et rend inefficaces les
méthodes traditionnelles de censure. Ainsi, un gouvernement qui souhaite priver sa
population de l’accès à l’information s’expose de fait à une large contestation
3
En effet, ce site divulgue, de manière anonyme, non identifiable et sécurisée, des documents témoignant d'une réalité sociale et politique,
voire militaire, qui nous serait cachée, afin d'assurer une transparence planétaire. Les documents sont ainsi soumis pour analyse,
commentaires et enrichissements « à l’examen d’une communauté planétaire d’éditeurs, relecteurs et correcteurs wiki bien informés ».
Selon son fondateur, Julian Assange, l'objectif à long terme est que WikiLeaks devienne « l'organe de renseignements le plus puissant au
monde ».
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internationale et à l’exacerbation des rancœurs de ses dissidents. Par ailleurs, il existe
toujours un moyen de contourner l’interdiction et de faire circuler une information 4
De plus, il ne faut pas négliger le fait que les médias d’information représentent un
moteur important de l’économie et que leur interdiction représente pour un État un
manque à gagner non négligeable5.
12 - Difficultés
Si les enjeux de la société de l’information sont cruciaux, les risques de dérive ne le
sont pas moins. De nombreux problèmes ont émergé parallèlement à l’avènement des
nouveaux médias et touchent tout aussi bien la question de la fiabilité (des stratégies
de manipulation peuvent être mises en place) et de l’objectivité des données que celle
de leur protection et de leur sécurisation.
A/ La question de la fiabilité et de l’objectivité des données
La démocratisation des nouveaux médias sociaux rend de plus en plus essentiel et
épineux le travail de vérification de l’information par les professionnels des médias.
Comment attester de la véracité d’une information et faire le tri dans la masse des
renseignements dont nous disposons via les nouveaux médias ? Ainsi, « Dans un
monde de communication et d’informations, ce qui se perdait en route,
paradoxalement, c’était le réel. »6
Par ailleurs, de nombreuses dérives des secteurs de l’information sont liées au fait que
les médias représentent une véritable industrie et que les profits en jeu sont
considérables. Ils entrent dans une logique propre à celle de l’entreprise, à savoir une
logique qui s’appuie sur des contraintes de productivité, rentabilité et compétitivité.
De ce fait, il n’est pas étonnant que de nombreux dérapages aient lieu et que ces
contraintes économiques se heurtent à des considérations d’ordre éthique. Ainsi, la
course au scoop et à l’audimat incite parfois les professionnels de l’information à
privilégier une information plutôt qu’une autre jugée « moins rentable ». Ainsi, par
exemple, un enfant pris en otage dans une école représente une information beaucoup
plus captivante que le déraillement d’un train en Inde ayant causé plus d’un millier de
4
Comme l’illustre la légende des « mooncakes » utilisés en Chine pour coordonner la révolte des Han contre la dynastie mongole Yuan :
des messages codés étaient dissimulés à la surface de ces sucreries dont se régalait la population Han. Aujourd’hui, grâce aux nouveaux
médias, contourner la censure est beaucoup plus aisé.
5 Par exemple, fin 2011, le gouvernement égyptien de Hosni Moubarak avait ordonné la coupure totale de l’Internet dans son pays pendant
5 jours. Cette interruption a selon l’OCDE coûté près de 90 millions de dollars à l’Égypte.
6 François Taillandier écrivait ainsi dans son ouvrage Time to Run.
Dans son roman Utopia, Jean-Christophe Ruffin présente une société totalitaire qui se présente sous les traits d’un État parfaitement
démocratique dans lequel toutes les opinions s’expriment, toutes les informations circulent. Or, la masse des opinions et des informations
réduit la portée et l’impact desdites opinions et informations, à tel point que cela finit par tuer l’essence même de l’information. N’est-ce
pas là un des risques majeurs auxquels s’expose notre société de l’information ?
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victimes. De cette manière, la tentation est grande de divulguer des informations
considérées comme « illégitimes » et de tomber dans « la complaisance racoleuse ».
De plus, toute information est soumise à une interprétation personnelle qui diverge
sensiblement d’un individu à un autre. Par exemple, les interprétations d’une
caricature par son auteur d’une part et par son lecteur d’autre part, peuvent être aux
antipodes, comme nous avons pu le constater lors de l’affaire des caricatures du
prophète Mahomet par un journaliste danois en 2005. « L’objectivité n’existe pas.
L’exigence, c’est l’honnêteté. », aimait à dire Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal
Le Monde, à ses jeunes recrues. Mais peut-on préjuger de l’honnêteté des journalistes
et autres informateurs ? Le meurtrier norvégien de juillet 2011 n’avait-il pas
l’impression d’agir en toute bonne foi pour le bien de l’humanité ? N’est-il pas
dangereux de faire confiance au libre-arbitre et à l’honnêteté des individus œuvrant
dans les sphères de l’information ? Le fameux proverbe ne dit-il pas que « l’enfer est
pavé de bonnes intentions » ?
B/ Les nouvelles stratégies de manipulation des masses
Plus encore, si le Web est utilisé par les dissidents pour contrebalancer un pouvoir
étatique autoritaire, cet outil est également utilisé par les autorités pour relayer la
propagande officielle et renforcer la surveillance et le contrôle des populations. Certes,
les nouveaux médias rendent caduques les méthodes traditionnelles de censure mais
les autorités savent généralement s’en accommoder. Les nouvelles stratégies des
régimes autoritaires ne reposent plus sur le simple blocage mais désormais sur la
manipulation et la propagande en ligne7.
Plus subtile peut-être, une autre stratégie de manipulation revient à rediriger les sites
de l’opposition vers des sites semblables dans leur forme mais plus conformes dans le
fond à la vision des autorités. La cyber police est un instrument aujourd’hui
incontournable des États, et en premier lieu des États totalitaires. Plus près de nous, le
fait que les grands groupes médiatiques appartiennent à l’appareil étatique peut
également susciter quelques craintes.
C/ Les problèmes liés à la sécurité de l’information
7
Dans son livre intitulé « The Net Delusion », Evgeny Morozov, met en doute le rôle de l’Internet comme outil de démocratisation. Il considère
en effet que l’Internet est un outil utilisé pour le meilleur et pour le pire.
À ce jour, l’association Reporters Sans Frontières considère qu’un internaute sur 3 n’a pas accès à un Internet libre et qu’une soixantaine de
pays pratiquent la censure sous forme de filtrage ou de harcèlement des net-citoyens. La vitesse de la connexion est devenue pour les
spécialistes le baromètre de la situation politique et sociale d’un pays, la stratégie consistant à ralentir le débit de la bande passante en
période d’élections ou de manifestations comme cela s’est vu en Iran notamment. D’autres stratégies radicales consistent à brouiller ou à
couper le réseau de téléphonie mobile dans les zones concernées : la place Tahrir au Caire en a été la première victime.
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L’avènement des médias participatifs et la diffusion à grande échelle des informations
posent la question de la protection des données personnelles et confidentielles.
D’une part, on est en droit de se demander si toute information est bonne à divulguer.
Il est nécessaire de s’interroger sur le bien-fondé de la diffusion de certaines
informations confidentielles dans le cadre de poursuites judiciaires ou lorsqu’elles
exposent des victimes de conflits par exemple. Lorsque les médias diffusent les images
d’un homme menotté entouré d’une escadrille de policiers, la défense de l’accusé a
beau invoquer la présomption d’innocence, dans l’imaginaire collectif, l’accusé est déjà
coupable.
De la même manière, nous avons évoqué l’idéal de transparence à l’origine de la
création du site WikiLeaks. Or, cette transparence est-elle souhaitable lorsque
certaines informations sont susceptibles, comme le craignent certains intéressés, de
mettre à mal la sécurité de l’État ou de certaines personnes ?
D’autre part, le stockage de données confidentielles et le manque de certitude quant
à l’utilisation qui en est faite, fait redouter à certains spécialistes une exposition trop
forte aux nouveaux médias. L’engouement des jeunes pour Facebook et la somme des
informations qu’ils peuvent y partager n’est pas neutre. Lorsqu’en 2009, Mark
Zuckerberg, le fondateur du site, a montré lors du Forum économique mondial de
Davos comment le site pouvait être utilisé afin de sonder un groupe spécifique
d’utilisateurs et qu’il a indiqué qu’il souhaitait capitaliser sur la mine d’informations
qu’il possédait sur ses utilisateurs, les risques ont commencé à émerger dans l’esprit
du commun des mortels qui s’est largement opposé à la vente des bases de données.
Si dans l’idéal, la société de l’information se place au service de l’inclusion et de la
défense des libertés individuelles, dans les faits, une utilisation mal intentionnée de
ces outils peut contribuer à l’exclusion et à la stigmatisation de certains individus ou
groupes sociaux. Le stockage de données personnelles représente un risque majeur
en ce sens.
13 - Solutions
De l’importance de mettre en place un cadre normatif de référence éthique visant à
réguler les pratiques et éviter les dérives liées aux secteurs de l’information ; pour ce
faire, des solutions peuvent être envisagées, solutions qui reposent soit sur la
contrainte, soit sur la responsabilisation, soit enfin sur l’éducation.
A/ De l’importance d’une normalisation et d’une régulation des pratiques des médias
C’est fort de cette idée que le Conseil intergouvernemental du Programme «
Information pour Tous » (PIPT) de l’UNESCO a élaboré en octobre 2011 un code
d’éthique de la société de l’information, premier de son genre à énoncer un certain
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nombre de valeurs universelles et principes directeurs. Conscients des évolutions
récentes des médias d’information, les membres du Conseil accordent dans ce texte
une place centrale à l’Internet et estiment que « la société de l’information devrait
reposer sur des valeurs universelles, chercher à promouvoir le bien commun et éviter
les utilisations néfastes des TIC ».
Les différents axes de ce code d’éthique reprennent globalement les enjeux et les
risques que nous avons évoqués précédemment. En premier lieu, ils visent à réguler
les pratiques des secteurs des médias en prônant la défense et l’amélioration de
l’accessibilité de cet outil visant à permettre « l’édification d’une société des savoirs »
ainsi que l’exercice et la jouissance des libertés fondamentales. Ainsi, les États
concernés devraient considérer l’Internet comme un service public et participer
activement au décloisonnement numérique et à la liberté et la transparence de
l’information. Une participation active et non discriminatoire est en ce sens
encouragée.
La démocratisation de l’accès à l’information devrait par ailleurs passer par l’évolution
des normes technologiques et des méthodologies ainsi que par la création de contenus
éducatifs et culturels qui pourraient permettre de toucher et de représenter le plus
grand nombre, y compris les peuples parlant des langues minoritaires.
De plus, le code d’éthique considère que les États devraient garantir la liberté
d’association et de réunion, ainsi que les droits d’expression, de participation et
d’interaction. En contrepartie, il importe que la sécurité et la fiabilité des applications
et des données soit attestée et qu’un droit d’accès en ligne universel aux documents
publics et administratifs puisse témoigner de la transparence des activités et des
informations.
Enfin, les États concernés devraient s’assurer que les pratiques en cours respectent les
droits de l’homme et la vie privée, ainsi que la propriété intellectuelle. Pour ce faire, il
est essentiel qu’un environnement juridique inclusif adapté soit mis en place et
permette de lutter efficacement contre la cybercriminalité, le racisme et les autres
dérives que peuvent véhiculer ces médias.
B/ Responsabiliser ou contraindre ?
L’intérêt d’un tel code est clair. L’éthique, en répondant à la question commune «
Comment agir au mieux ? », permet d’énoncer des valeurs consensuelles et
universelles qui font sens dans nos sociétés modernes axées sur l’information
participative. Pour autant, le code d’éthique et les différentes instances de régulation
et de contrôle n’ont pas véritablement de pouvoir contraignant ou coercitif. Le Conseil
intergouvernemental de l’UNESCO entend ainsi privilégier la responsabilité des agents
plutôt que d’interdire et de réprimer. Il s’appuie donc sur le bon vouloir des États,
lesquels n’ont pour la majorité pas réellement besoin d’un tel cadre normatif pour
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évoluer dans le bon sens. En revanche, les États totalitaires tendent à rester
parfaitement insensibles à tant de bons sentiments.
Par conséquent, le principe de responsabilisation est-il suffisant ? Ne serait-il pas plus
efficace de créer un cadre juridique global ou un organisme de contrôle (sur le modèle
du Conseil supérieur de l’Audiovisuel en France par exemple) chargé de réguler les
pratiques et au besoin, de les réprimer ? Cette éventualité soulève de nouvelles
questions : d’abord, comment garantir l’indépendance d’un tel organisme ? En effet, si
l’activité de cet organisme a un caractère non lucratif ou non rentable, son
financement serait assuré par des subventions publiques, d’où la tentation de mettre
l’organisme au service de certains intérêts nationaux particuliers plutôt qu’au service
de l’intérêt collectif. Dans le cas contraire, où l’activité de l’organisme pouvait être
lucrative, elle serait soumise aux mêmes contraintes de rentabilité et de productivité
dont nous avons vu qu’elles pouvaient être néfastes à son action. Plus encore,
comment mettre en place un cadre juridique qui repose presqu’exclusivement sur des
questions morales ? En France, la mission du Comité consultatif national d’Éthique
n’est-elle pas de produire des avis et rapports sur les questions dont il est saisi et non
pas de sanctionner des pratiques ? La mise en place d’un cadre juridique global visant
à réguler les pratiques des secteurs de l’information et ayant un caractère contraignant
semble de ce fait assez peu réaliste.
Dans ce contexte, l’éducation aux médias apparaît donc comme l’unique rempart face
aux risques de dérive de la société de l’information. Ce n’est qu’en éduquant les
populations à ces pratiques que nous pourrons espérer responsabiliser ces derniers. La
réflexion nous ramène à la citation d’Alfred Sauvy mentionnée en introduction : « Bien
informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des sujets. ». La
crainte des régimes dictatoriaux face au déferlement des informations via le Web 2.0
et leur désir de maîtriser cet outil est bien compréhensible. La junte birmane n’avaitelle pas récemment refondu intégralement son système d’accès à l’Internet afin qu’en
cas de trouble, le pouvoir puisse couper les robinets d’accès à la population civile sans
que pour autant le gouvernement et l’armée ne soient touchés ?
L’analyse de l’éthique de l’information place donc celle-ci au cœur d’une démarche
vers plus de démocratie et plus de transparence, ce qui visiblement, n’est pas du goût
de tous.
Conclusion
L’éthique de l’information est une question primordiale dans nos sociétés en raison de
l’importance croissante que jouent désormais les médias participatifs. De nos jours,
chaque citoyen a potentiellement accès à l’information, mais, plus encore, il peut
pourvoir et contribuer à cette information. Cette évolution est riche d’enjeux, mais elle
pose aussi la question d’une normalisation à plus grande échelle. Chaque nouvel outil,
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chaque innovation dans le secteur de l’information amène autant de nouvelles
questions. En effet, si l’objectif initial de ces outils repose sur un fondement éthique,
l’utilisation qui en est faite échappe à tout contrôle et implique des risques bien difficiles
à gérer. Il en est d’ailleurs de même pour la plupart des innovations : lorsque Pierre et
Marie Curie découvrirent en 1898 le radium et le principe de la radioactivité, pouvaientils envisager que leur découverte serait utilisée des années plus tard pour fabriquer des
armes de guerre et de destruction massive ? L’instauration d’un code d’éthique de la
société de l’information n’est sans doute pas en mesure de solutionner l’ensemble des
défis spécifiques à l’ère digitale et des médias participatifs, mais il a au moins le mérite
d’exister.
***
13 – Des règles éthiques originaires du net
Les problèmes d’éthique et de déontologie dans l’Internet peuvent s’envisager
également en des termes autres.
Si l’on se réfère aux recommandations et autres sources, émises par les organes de
gouvernance de l’Internet, il existe bien une éthique de l’Internet qui prend la forme
de ce que l’on appelle couramment la « nethique ». Elle est l’éthique des internautes.
Première forme d’éthique du net, aujourd’hui elle est supplantée par une autre
éthique, l’éthique des marchands qui veulent rassurer l'internaute devenu
consommateur/client.
2
Certains ont même distingué « nethétiquette » et « nétique ». la
première étant constituée de règles de bienséance comportementale ;
la seconde faisant intervenir des éléments de moralité .
A/ Les néthiquettes
La seule source « officielle » que l’on s’accorde à reconnaître comme ayant défini la
« néthiquette » date de 1995 et a pris forme de RFC n°1855 : « nethiquette
guidelines ». Si elle est la première, elle n’est cependant pas la seule ou seul document
fixant une éthique comportementale sur l’Internet.
Mais de toutes ces sources, on peut définir l’apport de la néthiquette comme
constitutif d’un ensemble de règles de bienséance, de comportements et d’usage dans
l’utilisation des outils offerts à l’internaute. La néthiquette prend donc en compte les
spécificités de chacun des moyens de communication du net (discussion de groupes,
e-mail, FTP, telnet, web…). Ces règles peuvent être très générales (de type ‘’être poli’’,
‘’être tolérant’’…)
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La néthiquette est aussi :
- Un rappel des règles de droit applicables, notamment les droits d’auteur, droit
des tiers, la responsabilité…
- Un langage ou une forme écrite d’expression des sentiments (exemple : si vous
souhaitez marquer votre message d’un sourire, vous ajoutez un smiley, etc.)
B/ La nouvelle éthique marchande
Depuis 1995, date de présentation du draft de la RFC 1855, l’Internet a bien évolué. Le
web, à l’époque, la RFC ne faisait que l’aborder et le net s’est transformé en espace de
commerce électronique.
Pour tous, surtout pour les marchands, l’objectif est de rassurer et fidéliser l’internaute
acheteur. Du degré de confiance de l’acheteur, dépend sa consommation.
Pour ce faire, les sites marchands rivalisent d’astuces : ici on crée un site web dédié à
l’éthique commerciale sur le net, sous la bannière de tel ou tel groupe ; là on crée un
label de qualité fondé sur une éthique commerciale…
Trois éléments soulignent l’apport de l’éthique commerciale :
- L’éthique commerciale a le mérite de rappeler que l’internaute vendeur
respecte la loi ; donc est un commerçant responsable ;
- L’éthique commerciale peut comporter des règles complémentaires aux règles
de droit ou plus contraignantes, au bénéfice de l’internaute, comme par
exemple l’extension du délai de rétractation ou la création d’espace discussion
client/vendeur, etc.
- En affichant les règles éthiques de commerce en ligne, les sociétés qui les
violeraient pourraient voir leur image de marque sérieusement atteinte.
***
III.2/ Éthique et communication publicitaire
Depuis quelques décennies, les exigences de rentabilité et de profit, ainsi qu’une
concurrence toujours plus accrue dans un contexte de mondialisation, amènent la
publicité de type commercial à un développement sans précédent, accompagné de
nombreuses dérives. Pour vendre toujours plus, tous les moyens sont bons, ou
presque.
Cette situation génère des critiques surtout venant du secteur associatif anti-pub.
Dr KOUA Saffo Mathieu, Tél. 44 34 02 34, [email protected]
Enseignant-chercheur, Université Félix Houphouët-Boigny, Cocody Abidjan
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Tout d’abord, la publicité pousse souvent à la consommation de biens peu utiles
faisant croire au public qu’ils sont quasi indispensables. Elle incite à consommer,
ou plutôt à surconsommer d’une manière non-viable.
L’outil de la publicité donne également l’avantage aux grosses entreprises et
multinationales face aux petits producteurs, indépendamment de la qualité
respective de leurs produits. « Elle construit un système de prétendue
compétition, dans lequel ce n'est pas le meilleur qui gagne mais le plus riche. De
fait, même en publicité, le caractère « loyal » de la concurrence atteint ses
limites.
L’ampleur sans précédent atteinte par la publicité constitue une autre dérive.
Omniprésente, elle s’impose à nous dans l’espace public comme dans la sphère
privée, et il est impossible pour quiconque vivant en société de l’éviter.
Par ailleurs, la publicité, jouant de stéréotypes et créant des « modèles d’être
et de paraître », est souvent destructrice d’identité et de diversité culturelle. La
société civile lui reproche de diffuser des représentations fréquemment
éloignées de la réalité et d’entretenir une illusion : celle du bonheur par la
consommation.
On accuse généralement la publicité d’être mensongère, d’annihiler la réflexion
et de nous conditionner.
Etc.
Pour toutes ces raisons, la publicité commerciale, telle qu’elle est majoritairement
pratiquée, manquerait d’éthique et s’accorderait peu aux principes qui sous-tendent
l’économie sociale.
La notion d’éthique dans l’activité publicitaire nécessite d’amblée quelques
questionnements : selon quels critères pourrait-on qualifier une publicité d’éthique ?
quel contrôle appliquer à l’éthique de la publicité ? est-ce la forme ou le contenu de la
publicité ; etc.
A/ Selon quels critères pourrait-on qualifier une publicité d’« éthique » ?
Aucun auteur ni aucun organisme ne semble avancer de définition. Nous pourrions
argumenter qu’une publicité est « éthique » si elle promeut des produits (plus) «
éthiques » ou des modes de vie (plus) durables (« éthique » du produit).
Nous pourrions également avancer que l’éthique d’une publicité renvoie au respect de
tel ou tel critère de forme, d’honnêteté et de transparence (« éthique » de la manière
dont le produit est promu).
La difficulté principale restera de poser la limite entre ce qui est éthique et ce qui ne
l’est pas. Par exemple, la promotion d’un produit nocif pour l’environnement par le
biais d’une communication honnête et transparente en fait-il une publicité éthique ?
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L’examen plus concret de tentatives de publicité « éthique » révèle l’ampleur de la
difficulté d’établir une telle frontière.
Selon le Jury d’Ethique Publicitaire, l’« éthique » d’une publicité équivaut à la
conformité de son message aux règles de l’éthique publicitaire telles qu’elles sont
établies dans les lois et les codes d’autodiscipline. Faire de la publicité « éthique »
signifierait ainsi faire de la publicité qui ne soit pas illégale ni contraire aux codes du
secteur ?
Cette définition reste donc très limitée.
L’éthique renvoie à ce qui est « bon » pour l’homme pris au sens large (individu,
société, monde), elle renvoie à la manière d’agir au mieux pour le bien de tous. De ce
fait, ne devrions-nous pas être en droit d’attendre d’une publicité « éthique » qu’elle
respecte au moins les principes « éthiques » relevant de la protection de
l’environnement et des espèces naturelles, et ceux relevant des droits humains (qu’ils
soient consommateurs ou travailleurs) ?
o Régies publicitaires dites « éthiques »
Parmi les différentes structures qui composent le monde de la publicité, nous trouvons
les régies publicitaires. Leur fonction est de vendre des espaces publicitaires (presse
écrite, médias audiovisuels, affichages, internet…) à des organismes annonceurs,
généralement en fonction d’une stratégie de communication qu’elles définissent avec
l’annonceur. Elles sont, soit indépendantes, soit intégrées à une structure plus large
(groupe publicitaire, agence de communication, etc.) et se financent en prélevant une
commission sur les prestations facturées aux annonceurs.
Depuis peu, nous assistons à l’apparition, en France, de régies publicitaires dites «
éthiques », « solidaires », « écologiques », « citoyennes », les dénominations variant
allégrement. De quoi s’agit-t-il exactement ? Souvent autoproclamées, elles ne
répondent pas à un cahier des charges précis.
Exemple :
Nous en avons identifié deux, spécialisées dans le support d’internet :
✓ Régie D-Side (www.agent-influence.com) D-Side n’est pas une régie à part
entière, mais constitue le pôle « développement durable » d’une régie
publicitaire classique (Influence). Ce pôle met en relation « des annonceurs
éthiques, référents sur les questions de société, d’environnement, de
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développement durable » et des sites internet plus ou moins influents dans ce
domaine. La spécificité « éthique » de D-Side relève, d’une part, de sa pratique
de filtrage des annonceurs. Ceux-ci doivent respecter une Charte d’engagement
en matière d’environnement et de développement durable (charte très « light
», comme ils le reconnaissent eux-mêmes) et l’éditeur a le choix de refuser les
annonces qui ne lui conviennent pas. Son caractère « éthique » relève, d’autre
part, d’un tarif variant en fonction de la « valeur écologique et sociale » de
l’annonceur.
Il est compréhensible que des régies publicitaires classiques, comme Influence,
à la recherche de rentabilité et de profit et donc à l’affût de nouveaux filons,
s’intéressent au créneau prometteur du développement durable. Mais est-ce
cohérent de vendre de l’« éthique » dans une structure qui vise le profit et qui
n’a, par ailleurs, rien d’éthique ?
Plusieurs expériences existent surtout œuvres de groupes associatifs ou mixtes
qui ne semblent pas concluantes.
Par ailleurs, l’existence-même d’une structure éthique à part entière pose le
problème de compatibilité… « On ne peut pas être solidaire gratuitement ».
***
III.3/ Aspects de l’éthique et de la déontologie du journalisme en Côte d'Ivoire
Nous évoquerons essentiellement la déontologie du journaliste professionnel ivoirien
d’une part, puis l’Observatoire de la liberté de la presse de l’éthique et de la
déontologie (OLPED) d’autre part.
1/ Déontologie ou droits et devoirs du journaliste professionnel en Côte d'Ivoire
Le premier code de déontologie ivoirien a été adopté en 1992 par l’Union nationale
des journalistes de Côte d'Ivoire (UNJCI) elle-même créée en 1991. À l’initiative de la
Fondation pour les médias en Afrique de l’Ouest (MFWA), une ONG sous régionale
basée à Accra, au Ghana, un nouveau code de déontologie a vu le jour le 23 février
2012 à Abidjan.
Le précédent code comportait 15 règles déontologiques dont 6 droits et 14 devoirs.
L’actuel code compte 32 dispositions dont 22 devoirs et 10 droits.
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Code de déontologie de 2012
Préambule
Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est l’une des libertés
fondamentales de tout être humain. De ce droit du public à connaître les faits et les
opinions, et du devoir du journaliste à rechercher avec persévérance et détermination
la vérité, procède l’ensemble des devoirs et des droits du journaliste. La responsabilité
du journaliste vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à
l’égard de son employeur et des pouvoirs publics.
La mission d’informer du journaliste tire son essence de la liberté dans sa responsabilité.
Cette mission comporte nécessairement des limites que le journaliste lui-même
s’impose spontanément.
Pour que ces droits soient respectés dans l’exercice du métier de journaliste, il est
nécessaire que les conditions concrètes de l’indépendance et de la dignité
professionnelle soient réalisées et respectées. Tel est l’objet du présent code qui définit
les droits et devoirs du journaliste.
Les devoirs du journaliste professionnel
Les devoirs essentiels du journaliste dans la recherche, la rédaction, le commentaire de
l’information qu’il met à la disposition du public sont les suivants :
Article premier
Respecter les faits, quelles qu’en puissent être
les conséquences pour lui-même, et ce, en
raison du droit que le public a de connaître la
vérité et du devoir que le journaliste a de
rechercher avec persévérance et détermination
la vérité.
Art.2
Ne publier que les informations dont l’origine, la
véracité et l’exactitude sont établies.
Toute reproduction d’un article et/ou d’une
production d’un autre confrère est soumise :
a) au
respect
strict
des
règles
professionnelles,
éthiques
et
déontologiques, et des textes en
vigueur ;
b) à l’obligation de donner toutes les
informations (titre de publication,
auteur, date complète,
numéro
d’édition et adresse de localisation du
site web) qui permettent de référencer
avec précision ledit article.
Art.3
Art.4
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Défendre en tout lieu et toute circonstance, la
liberté qu’il a de commenter et de critiquer, en
tenant le scrupule et le souci de la justice, de
l’équité et de l’équilibre comme règle non
négociable dans la publication et la publication
de ses informations.
Art.5
Ne pas user de méthodes déloyales pour
obtenir des informations, des photographies ou
des documents, ni confondre son rôle avec
celui de policier.
Art.6
Ne jamais confondre le métier de journaliste
avec celui de publicitaire ou de propagandiste ;
n’accepter aucune consigne directe ou indirecte
des annonceurs, des autorités administratives
ou politiques.
Ne jamais accepter d’offrir ses services pour
faire de la publicité clandestine ou déguisée
dans un média.
Art.7
Tenir pour règle éthique et déontologique
inviolable, le scrupule et le souci de marquer
(sans ambiguïté) la différence entre tout ce qui
relève de la communication (publireportage,
publi-interview, interview tiroir-caisse…) et
l’information.
Art.8
Respecter la sacralité du fait et la liberté du
commentaire en séparant (sans ambigüité et
par des moyens professionnels reconnus) l’un
de l’autre.
Art.9
Être indépendant des forces économiques,
politiques, syndicales et religieuses.
Art.10
Refuser
toute
pression.
Assumer
la
responsabilité pleine et entière de tous ses
écrits. N’accepter de directive rédactionnelle
que des responsables de la rédaction, et cela
seulement quand cette directive est conforme
au strict respect de l’éthique et de la déontologie
journalistiques.
Art.11
Ne jamais publier d’image sans s’être
préalablement assuré qu’elle ne viole pas la
présomption d’innocence, ne porte pas atteinte
à la dignité et à l’honneur, ne participe pas de la
manipulation de l’information et de la
désinformation, n’expose pas l’intégrité
physique et morale du ou des sujets.
Indiquer avec précision les sources de toute
illustration publiée et/ou diffusée.
Art.12
Refuser tout avantage en numéraire ou en
nature quelle qu’en soient la valeur et la
provenance pour services rendus.
Art.13
Ne jamais révéler les circonstances dans
lesquelles le journaliste a connu le fait qu’il
rapporte, et ce, pour la protection de la source
de l’information qu’il a pu recueillir.
À l’exception notable des sources que
l’anonymat permet de sécuriser, ne jamais
d’information dont le fournisseur réclame ou
exige l’anonymat ou n’est ni identifié ni
identifiable.
Art.14
S’abstenir de toute atteinte à l’éthique sociale :
incitation à la haine, au tribalisme, à la
xénophobie, à la révolte, à la violence et aux
crimes et délits ; outrage aux bonnes mœurs,
apologie de la guerre, des crimes contre
l’humanité.
Art.15
Respecter la vie privée des personnes. Le droit
de la personne de protéger sa réputation et son
intégrité doit être respecté. Éviter de publier des
informations qui violent l’intimité de la vie
privée.
Art.16
Se faire un devoir de rendre compte aux
usagers, en rectifiant toute information qui se
révèle fausse. Faire systématiquement droit au
droit de réponse et de rectification des usagers
dans le respect des textes en vigueur.
Art.17
S’interdire de plagiat, la calomnie, la diffamation
et les accusations sans fondement.
Art.18
Ne jamais solliciter la place d’un confrère, ni
provoquer son renvoi en offrant de travailler à
des conditions matérielles inférieures.
S’interdire toute
confraternité.
atteinte
à
l’esprit
de
Art.19
Se faire un devoir de ne jamais participer, dans
l’exercice du métier, à une entreprise de
manipulation de l’information et ou de
désinformation.
Art.20
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Se faire un devoir de donner des informations
de tous les horizons, de toutes les couches
sociales, sans distinction de race, d’ethnie, de
religion, d’appartenance politique ; cela dans le
strict respect des règles d’éthiques et de
déontologiques. Se concentrer sur les
informations importantes et intéressantes et les
rendre compréhensibles par les personnes
ordinaires.
ses pairs, à l’exclusion de toute ingérence
gouvernementale
ou
autre ;
tout
en
reconnaissant les textes en vigueur.
Art.21
N’accepter,
en
matière
d’honneur
professionnel, que la juridiction souveraine de
***
Art.22
Tout journaliste professionnel se fait un devoir
d’observer strictement les principes énoncés cidessus, par et pour un exercice libre et
responsable.
Les droits du journaliste professionnel
Article premier
Le libre accès à toutes les sources d’information
publique et le droit d’enquêter librement et en
toute responsabilité sur tous les faits qui
conditionnent la vie publique.
Le secret des affaires publiques ou privées ne
peut en cas être opposé au journaliste que par
exception prévue par la loi et en vertu de motifs
clairement exprimés.
Art.2
La protection des sources ; il doit toutefois se
faire le devoir de contrôler la qualité et
l’exactitude de l’information reçue.
La source s’entend de celle dont la volonté n’est
pas de manipuler, de porter atteinte à la
réputation, à l’honorabilité, à la dignité du
journaliste et de le pousser à la faute.
Le bénéfice d’un contrat de travail aux termes
précis et clairs définissant son statut et ses
engagements professionnels vis-à-vis de
l’entreprise de presse qui l’emploie ou avec
laquelle il collabore.
Art.7
Le refus de tout traitement salarial en-dessous
des barèmes fixés par les conventions
collectives en vigueur.
Art.8
Le refus de toute subordination contraire à la
ligne éditoriale de l’organe d’information qui
l’emploie ou avec lequel il collabore, de même
que toute subordination que n’implique pas
clairement cette ligne éditoriale.
Art.3
La possibilité de dénoncer une source
malveillante et d’informer le public des
manipulations et désinformations dont il a pu
être victime.
Art.4
L’acquisition d’une solide formation et d’une
toute aussi solide compétence dans son métier
et dans son domaine de spécialisation.
Art.5
Le bénéfice des dispositions de conventions
collectives, de formations régulières et d’un
plan de carrière, d’un contrat personnel
assurant la sécurité matérielle et morale de son
travail pour garantir son indépendance sur tous
les plans.
Art.6
Art.9
Le refus sans appel, en vertu de la clause de
conscience d’accomplir un acte professionnel
ou d’exprimer, par contrainte ou tout autre
moyen, une opinion contraire à sa conviction,
son honneur, sa réputation ou ses intérêts
moraux.
Art.10
La possibilité que le journaliste a, en cas de
conflit lié à la clause de conscience, de se délier
de ses engagements contractuels à l’égard de
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l’entreprise qui l’emploie ou avec laquelle il
collabore, dans les mêmes conditions et avec
les mêmes effets qu’un congédiement.
La possibilité d’évoquer la clause de
conscience en cas de changement avéré de
ligne éditoriale de l’entreprise qui l’emploie ou
avec laquelle il collabore et de se délier, en
conséquence,
de
ses
engagements
contractuels à l’égard de celle-ci, dans les
mêmes conditions et avec les mêmes effets
qu’un congédiement.
***
___________________________________________________________________________
OBSERVATOIRE DE LA LIBERTE DE LA PRESSE DE L’ETHIQUE ET DE LA DEONTOLOGIE
(OLPED)
Dans de nombreux pays, les professionnels de la presse se sont dotés de chartes ou de
codes de déontologie qui déterminent les droits et devoirs du journaliste. Le premier
Conseil de presse à se doter d’un code de déontologie est né en Suède en 1916. Et le
premier observatoire en Afrique de francophone a vu le jour en 1995 en Côte d'Ivoire ;
il s’agit de l’OLPED.
Dans la lignée de l’OLPED, un certain nombre d’observatoires sont apparus dans
d’autres pays africains, qui obéissent globalement aux mêmes objectifs, toujours sur le
principe de l’autorégulation de la profession. Il s’agit entre autres de :
-
l’ODEM du Benin (Observatoire de déontologie et d’éthique et de déontologie
dans les médias), créé en 1998 ;
le CRED (Conseil pour le respect de l’éthique et de la déontologie) au Sénégal
créé en 1999 ;
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32
-
l’ONAP au Burkina Faso et
ODEP au Mali (2000).
Plus récemment, des observatoires se sont également créés en Afrique Centrale :
- l’OMEC en RDC (2004) ;
- l’OMEC à Brazzaville ;
- l’OPB au Burundi ; Etc.
Le principe d’autorégulation doit être accepté par toute la presse (presse privée et
presse publique) pour être efficace.
En France, les règles déontologiques s’appliquent au niveau des entreprises de presse.
En 1993, les responsables du journal Le Monde estimaient que les principes
déontologiques ne pouvaient être définis que dans chaque rédaction qui en ressent la
nécessité.
Toutefois la Charte de Munich (Déclaration des droits et devoirs des journalistes)
signée le 25 novembre 1971 par l’ensemble des journalistes d’Europe occidentale
demeure pour les journalistes français, une référence en matière de déontologie.
Des dispositions concernant la déontologie figurent également dans la Convention
collective (accord qui se découle d’une négociation entre employeurs et salariés)
nationale de travail des journalistes.
Contrairement à la France qui ne possède pas de code de déontologie, l’Allemagne a
son Presse Kodex, la Grande Bretagne son Code Of Pratice…
Le premier Observatoire de la liberté de la presse, de l'éthique et de la déontologie
(OLPED) a été créé au cours du séminaire international organisé par l'UNJCI (L’union
national des journalistes de Côte d’Ivoire) en partenariat avec le ministère de la
Communication qui a réuni à Yamoussoukro, du 22 au 24 septembre 1995, plus de 200
journalistes ivoiriens, africains et occidentaux autour du thème : ‘’La responsabilité du
journaliste en période électorale’’.
L’observatoire de la liberté de la presse, de l’éthique et de la déontologie est un organe
de supervision, de contrôle de l’activité de la presse en Côte d'Ivoire. Cependant,
contrairement au Conseil National de la Presse, il n’est pas doté de pouvoirs
disciplinaires.
En adoptant le principe de l’autorégulation, l’Observatoire de la liberté de la presse, de
l’éthique et de la déontologie (OLPED), s’est donné deux objectifs principaux : réguler
les relations entre la presse et les pouvoirs publics, et rendre plus harmonieuses les
relations entre la presse et son public.
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La mise en place d’observatoires demande donc une situation préalable qui offre : une
certaine stabilité socio-politique ; des capacités d’organisation du secteur et/ou une
réelle représentativité des organisations professionnelles.
• L’organisation de l’OLPED
Composition
Il est composé de 15 membres : 8 journalistes, 5 directeurs de publication ou directeurs
généraux, 2 représentants de la société civile. Ils sont élus pour un mandat de 2 ans
renouvelable. Toutefois, le mandat du Président n’est renouvelable qu’une fois.
• Fonctionnement
L’OLPED peut être saisi par tout individu se sentant lésé dans son droit (Obstruction au
droit de réponse ; inexactitude d’une information ; atteinte à la vie privée) ou estimant
qu’il y a violation de la liberté de la presse ou des règles de l’éthique et de la
déontologie des journalistes. La saisie se fait par courrier uniquement.
L’Olped peut soit saisir ou être saisi par le Conseil National de la Presse ou la
commission d’attribution de la carte professionnelle de journaliste.
Le bureau de l’Olped se réunit une fois par semaine tous les jeudis de 11h30 à 14h à
son siège (maison de la presse).
Il édite un rapport annuel sur l’état de la liberté de la presse qui est diffusé le 3 mai,
journée mondiale de la liberté de la presse. C’est en 1993 que les Nations unies ont
décidé de faire du 3 mai de chaque année une journée mondiale de liberté de la presse
en reconnaissance du rôle fondamental que jouent les journalistes et la presse libre
dans le développement démocratique, le dialogue entre les peuples et la paix.
• Attribution de l’OLPED
-
-
Promouvoir et défendre la liberté de la presse ;
Protéger le droit du public à une information libre, complète, honnête et
exacte ;
Faire observer le code de déontologie des journalistes de Côte d'Ivoire ;
Veiller au respect des normes de l’éthique sociale en sanctionnant
notamment toute atteinte à la dignité humaine, toute incitation au
tribalisme, à a xénophobie, aux crimes et délits, à la révolte, à l’outrage,
aux bonnes mœurs, à l’apologie des crimes de guerre et des crimes
contre l’humanité ;
Veiller à la sécurité des journalistes dans l’exercice de leur fonction.
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• Moyen d’action
-
Dénonciation des violations du code de déontologie ;
La médiation ;
La formation des journalistes en matière d’éthique et de déontologie ;
Les correspondances ;
La saisine de la commission d’attribution de la carte d’identité de
journaliste professionnel pour le retrait ou le refus d’attribution de la
carte d’identité de journaliste professionnel.
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