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et des remerciements à Dieu pour lui avoir permis de revenir sain et sauf.
Mais nous n’en savons pas plus sur les motivations profondes de son
départ ou les enseignements tirés de son voyage.
Le juif Yehuda al Harizi effectua son premier voyage hors d’Espagne
peu de temps après le retour d’Ibn Yubayr à Grenade, en 1190. Il semble
qu’il n’alla pas plus loin que la Provence. Mais entre 1216 et 1230, il
quitta Tolède, se rendit en Provence d’où il s’embarqua pour Alexandrie
où il séjourna six ans. Il visita ensuite Le Caire, Jérusalem, Damas, Homs,
Alep, Rakka, Mossoul, Bagdad et poursuivit jusqu’à Bassora, avant de
revenir en Espagne en passant par l’Égypte, la Grèce et l’Italie du Sud9.
Dans le Sefer Taḥkemoni (Livre de celui qui rend sage), les souvenirs et
impressions de voyage forment la base de la plupart des cinquante cha-
pitres en partie inspirés par des recueils d’al-Hariri et al-Hamadani ou
d’auteurs juifs espagnols10. Le but avoué d’al-Harizi, qui maîtrisait entre
autres l’espagnol, l’hébreu, l’arabe et le syriaque, était l’exaltation de la
langue hébraïque qui était devenue “l’esclave de la langue arabe”11. Il
relate dans le chapitre 46 son périple en Orient et offre, dans le chapitre
26, une définition du voyage en exposant ses inconvénients et ses avan-
tages. Car multiples sont les désavantages:
La marche rend perplexe. Le voyage est source de tristes aventures, la séparation,
source de crainte, et le voyageur qui quitte son pays pour se rendre là où il le désire,
son âme sera rassasiée de malheurs [...] Il se fatiguera à la marche, il souffrira à la
montée comme à la descente [...] et après tous ces malheurs et ces pérégrinations
amères, s’il n’a pas trouvé de réponse à sa question, sa fatigue aura été vaine. C’est
ce que rencontre tout voyageur qui quitte son logis, comme l’oiseau migrateur qui
quitte son nid: quand il est frappé à la tête, il préfère la mort à la vie,
mais plus grands sont ses fruits:
9 Schwab, M., Al-Harizi et ses pérégrinations en Terre Sainte (vers 1217), “Archives
de l’Orient Latin”, 1 (1881), pp. 231-244. Viers, R., Juda Al-Harizi, troubadour juif
et voyageur en Méditerranée (Espagne, 1170-1235), “Cahiers de la Méditerranée”,
35-36/1 (1987), pp. 49-78. Cano Pérez, M. J., Los relatos de viajes en la literatura
hispanohebrea, dans A través del Mediterráneo. La visión de los viajeros judíos,
cristianos y musulmanes, cit., pp. 13-30, en part. pp. 15-21.
10 Navarro Peiro, Á., El uso del elemento religioso en las narraciones hispanohebreas,
dans Del pasado judío en los reinos medievales hispánicos: afinidad y distancia-
miento, eds. Moreno Koch, Y., Izquierdo Benito, R., Cuenca, Ediciones de la Uni-
versidad de Castilla-La Mancha, 2005, pp. 231-246.
11 Lévy, A., Juda al-Harizi, “Revue des Études Juives”, 59 (1910), pp. VII-XXV.