Rachis, 1992, vol. 4, 6, pp. 347-348 ARTICLE ORIGINAL
MÉDECINE LÉGALE ET RADIOLOGIE INTERVENTIONNELLE
RACHIDIENNE
Quelques réflexions nées de l'expertise judiciaire
FORENSIC MEDICINE AND SPINE INTERVENTIONAL RADIOLOGY
some remarks coming trom coronaryexpertise
M.THIBIERGE, EA CABANIS, E. THIBIERGE, MT IBA-ZIZEN, A. LOPEZ, L. PICARD
et la Société d'Imagerie Médico-Légale
Service de Neuroradiologie (Pr E.A. Cabanis), C.H.N.O. des XV-XX, 28, rue de Charenton, 75571 Paris Cédex 12.
RESUME
Les auteurs explicitent les règles médico-légales en
matière de radiologie interventionnelle :
• Consultation initiale préalable, pour information
éclairée avec éléments statistiques, réception du consen-
tement écrit du patient ou de sa famille.
• Indications thérapeutiques conformes aux données
actuelles de la science.
• Acte médical personnalisé utilisant un matériel per-
formant et un personnel qualifié.
• Surveillance au décours du geste interventionnel,
dans J'immédiat et ultérieurement.
• Assurance.
Mots clés: Neuroradiologie interventionnelle. - Médico-légal. -
Recherche.
Un éclairage médico-légal nous est demandé quant à la
nucléolyse cervicale par la chymopapaïne ou
Chymodiactine®. Certaines équipes hospitalières prati-
quent ainsi la nucléolyse cervicale depuis près de 5 ans, et
ont publié leurs résultats[3]. Elles ont demandé aux
Laboratoires Boots-Dacour* d'étendre les indications de la
chymopapaïne à l'étage cervical. Les laboratoires estimant
les risques de la nucléolyse bien supérieurs à l'étage cervi-
cal qu'à l'étage lombaire ont répondu qu'il était impossible
d'étendre l'indication de la nucléolyse à l'étage cervical, ou
de reprendre le dossier en vue d'une extension des condi-
tions de mise sur le marché (A.M.M.)[4].
L'avis que nous proposons repose d'abord sur des notions
juridiques. Le problème apparaît essentiellement lié à la
responsabilité médicale et à l'éthique.
• Boots-Pharma depuis 1991.
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SUMMARY
The authors explain the forensic rules with respect to
interventional radiology:
Preliminary first consultation in order to give detailed
information with statistical components, receipt of the
patient's orfamily's consent.
Therapeutical indications in accordance with present
scientific data.
• Personalized medical treatment using efficient equip-
ment and qualified personnel.
• Surveillance during the intervention, short and long
term follo-up.
• Insurance.
Key words: Interventional neuroradiology. -Forensic. -Investigation.
En l'absence de jurisprudence établie, l'avis de l'auxiliaire de
justice qu'est l'expert judiciaire n'a de valeur que relative et
consultative. Seul un magistrat, dans un cas d'espèce, pourra
se prononcer sur le droit et sur le fond. Lui-seul pourra
notamment déterminer le cadre exact qu'il retient pour l'exer-
cice d'un tel geste de radiologie interventionnelle.
Nous serons amenés à envisager successivement deux
cadres possibles :
- celui des actes médicaux courants en pratique hospitalière,
- celui de la recherche biomédicale sur les êtres humains.
DANS LE CADRE DES ACTES MÉDICAUX
HOSPITALIERS COURANTS
Les règles de responsabilité sont d'abord d'ordre adminis-
tratif ou civil, parfois d'ordre pénal ou disciplinaire.
MÉDECINE LÉGALE ET RADIOLOGIE lNTERVENTIONNELLE RACHIDIENNE
Selon les règles de la responsabilité civile, le médecin doit
à ses patients une obligation contractuelle de moyens
conformes aux données actuelles de la science. Il doit aussi
obtenir leur consentement et leur assurer la continuité des
soins. Pour qu'un malade obtienne des dommages et intérêt
de son médecin, il faut qu'il puisse prouver à la fois la faute
de celui-ci, son propre préjudice, un lien de causalité entre
les deux[5].
Dans le cadre de la responsabilité administrative, le malade
peut demander des dommages intérêts à l'Hôpital lorsqu'il
est victime d'une complication[2, 4].
Une notion de faute lourde était requise jusqu'à un arrêt du
Conseil d'État en avril 1992 pour les actes médicaux réputés
difficiles. Une faute simple suffit désormais. L'erreur d'indi-
cation engage la responsabilité administrative de l'hôpital.
Une faute simple suffit pour les fautes de soins, de sur-
veillance, de négligence. Le défaut d'information du patient
sur les risques encourus engage la responsabilité civile
individuelle du praticien hospitalier.
La faute peut même être dans certains cas présumée,
comme l'établit le Conseil d'État, lorsqu'un malade hospita-
lisé pour une affection bénigne garde de graves séquelles.
Par ailleurs, en dehors de ces contextes de responsabilité
civile et administrative, c'est au malade et à lui-seul qu'in-
combe le choix de poursuites au pénal, pour coups et bles-
sures ou homicide involontaires, ou de poursuites devant la
juridiction disciplinaire pour manquement à un article du
code de déontologie.
LE CADRE
DE LA RECHERCHE BIOMÉDICALE
Il peut être invoqué par le magistrat suivant les données de la
loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des per-
sonnes se prêtant à la recherche biomédicale, dite Loi Huriet.
Selon le 1er alinéa de l'article 209, les essais, études, expé-
rimentations sur l'être humain en vues de l'acquisition de
nouvelles connaissances biologiques ou médicales sont
désignés sous les termes de "recherche biomédicale".
Ces recherches ne sont autorisées que sous conditions :
étude basée sur les dernières données actuelles de la scien-
ce sur le sujet, les risques encourus par le patient sont
proportionnés à celui du bénéfice individuel ou collectif
attendu et destinée à faire avancer les connaissances scien-
tifiques du moment.
Cette loi introduit 3 obligations essentielles:
- l'obligation de consentement écrit et éclairé du patient,
sur toute la procédure envisagée et sur les procédures alter-
natives,
- l'avis préalable du Comité de Protection des Personnes,
qui devra être mis en place dans les hôpitaux. Ses objectifs
sont proches de ceux du Comité d'Éthique,
- la couverture du risque lié à la recherche en responsabili-
té civile par une assurance spécialement souscrite.
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La loi prévoit aussi des sanctions pénales pour les
recherches biomédicales frauduleuses ou celles qui seraient
effectuées sans le consentement du malade; sans l'avis du
comité de protection des personnes ou sans assurance de
couverture en responsabilité civile de la recherche.
CONCLUSION
Le cas de la nucléolyse cervicale est un exemple, parmi les
médicaments dont l'utilisation médicale dépasse les indica-
tions. Le cas est particulier aussi, ici, car il s'agit d'une
contre-indication notifiée selon le laboratoire.
Le médecin est libre de ses prescriptions et de ses actes.
La réalisation d'un acte de radiologie interventionnelle
engage sa responsabilité médicale avec:
- au moins une obligation de moyens, d'information, de
SUIVI,
- et, si l'acte s'apparente à la recherche biomédicale, une
obligation de consulter le comité approprié, d'obtenir le
consentement du patient, de souscrire une assurance.
Il faut donc s'efforcer de distinguer parmi les activités
médicales hospitalières :
- les activités de soins,
- et les activités de recherche.
Des nouvelles obligations incombent aux hôpitaux (mise
en place de comité, assurances propres, financement, ...),
afin que soit possibles sans ambiguïté des essais cliniques
et des protocoles, à l'initiative des médecins hospitaliers et
de façon indépendante de l'industrie pharmaceutique.
L'hôpital doit pouvoir devenir un promoteur à part entière
de la recherche biomédicale.
BIBLIOGRAPHIE _
1 - BOUVENOT G.
Comités d'Éthique, Comités de Protection des Personnes, même com-
bat.
Rev. Rhum., 1991,58 (4), 239-240.
2 - CONGE E., HOUDART L.
La Responsabilité Hospitalière.
Journal d'information du service juridique de l'Assistance Publique de
Paris, nO8, sept. 1988.
3 - KRA USE D., TONGlO J., DRAPE J.L., MAITROT D.
Nucléolyse cervicale. A propos de 130 cas.
Rev. lm. Med., 1991,3: 485-486.
4 - Laboratoires Boots-Dacour
Lettre àla Rédaction propos de la nucléolyse cervicale).
Rev. lm. Med., 1991,3,487.
5 - LEMAITRE J.F., IMBERT J.L.
La Responsabilité Médicale.
P.U.F., Coll. Que sais-je ?, 2200,1985.
6- MOREAU J.
La Responsabilité Administrative.
P.U.F., Coll. Que sais-je ?, 2292, 1986.
7 - PICARD L.
Règles à appliquer en radiologie interventionnelle.
D.U. d'Imagerie Médico-Légale, Paris, 1990.
8 - Et les différents Codes.
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