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responsabilité financière de son achat. Ce comportement est
rare dans la population française, en comparaison notamment
avec les pays voisins du Nord de l’Europe. Deux facteurs
concourent au faible développement de cette pratique. D’une
part le mouvement d’« empowerment »
[11, 12]
qui soutient dans
les pays anglo-saxons les pratiques de « managed care », de « col-
laborative care » est beaucoup moins développé en France.
D’autre part, l’absence de remboursement hors prescription
médicale préalable et le coût plus élevé de ces médicaments par
rapport à ceux de prescription constituent à notre avis les freins
majeurs.
Pour le pharmacien
[12]
, la délivrance d’un ou plusieurs
médicaments de PMF exige une bonne connaissance de la
pharmacie clinique, lui permettant la reconnaissance de la
plainte, la connaissance des signes rendant préférable un avis
médical, une délivrance adaptée et le conseil thérapeutique.
L’enseignement de la pharmacie clinique au cours des études de
pharmacie pourrait être renforcé mais surtout une formation
professionnelle continue dans ce domaine est indispensable. De
plus, l’acte de délivrance idéal est long et exige de la confiden-
tialité. Les conditions matérielles de l’organisation des pharma-
cies en France ne sont pas toujours adaptées. Un espace de
confidentialité, une meilleure accessibilité et un affichage des
prix de ces médicaments devront accompagner un éventuel
développement de ce marché.
Pour le médecin il existe deux obstacles majeurs à la prescrip-
tion de ces médicaments. Le premier est la méconnaissance par
le corps médical des médicaments composant cette classe. Fort
peu de ces médicaments sont catalogués dans le Vidal, principal
dictionnaire en France des spécialités pharmaceutiques, les
monographies sont rares
[13, 14]
, les réseaux de visite des
laboratoires commercialisant ces médicaments sont dirigés
principalement vers le pharmacien. Le second est la demande
par le malade de médicaments remboursés. Un développement
de la pratique d’automédication serait contemporain d’un
changement radical de l’attitude du médecin, orientant son rôle
vers des pratiques d’information, d’éducation thérapeutique,
d’aide à la prévention
[15]
.
■Risques de l’automédication
Le terme automédication a en France une connotation
négative. Le drame de la thalidomide commercialisée hors
prescription par les laboratoires Grunenthal en Allemagne est à
notre avis pour beaucoup dans cette image. Rappelons que dans
tous les autres pays où elle était commercialisée avec prescrip-
tion médicale obligatoire, l’incidence des accidents n’a pas été
profondément différente. L’erreur était une erreur d’évaluation
initiale. Les remèdes ont été une modification profonde de la
législation pharmaceutique internationale, dont une inscription
sur liste presque systématique pour tous les nouveaux principes
actifs.
Les risques d’un mésusage en automédication existent : usage
en automédication de médicaments listés antérieurement
prescrits, erreurs de conditionnement, abus médicamenteux, de
psychotropes notamment, dopage, usage chez la femme
enceinte
[16, 17]
.
Le risque globalement le plus reproché à l’automédication est
celui de perte de chance. À notre connaissance ce risque n’a
jamais été évalué de manière scientifique. La prescription
médicamenteuse ne garantit nullement dans notre contexte
sanitaire la qualité du dépistage. Les conditions actuelles
d’autorisation de ces médicaments doivent apporter de bonnes
garanties en termes de santé publique ; en particulier les
indications retenues pour un usage en automédication doivent
comporter un risque de perte de chance le plus faible possible.
La délivrance pharmaceutique est une autre sécurité.
Deux risques actuellement sont mal évalués. Le risque de
surdosage est accru par la dénomination de la spécialité : un
patient peut absorber sous des dénominations différentes
plusieurs doses d’un même principe actif. Ce risque est réel,
notamment avec le développement des marques « ombrelle »
(déclinaison d’une gamme de produits ayant le même principe
actif) même si l’agence française veille à ce que cette informa-
tion soit clairement mentionnée sur les notices et dans les
conditionnements. Le risque d’interaction médicamenteuse
existe également, interaction notamment entre les médicaments
prescrits et non prescrits
[18]
.
■Avenir de l’automédication
Le développement d’un comportement d’automédication
dans la population n’est pas une fin en soi. Il a pour objectif
de développer l’initiative des patients dans des domaines
définis, ce faisant de soulager dans le domaine du soin primaire
le praticien d’un certain nombre de prises en charge et donc de
lui offrir la possibilité de recentrer son action sur la prévention,
l’éducation thérapeutique et la prise en charge de pathologies
lourdes.
Une grande part du conseil thérapeutique sur ces indications
bien définies sera déléguée au pharmacien. La responsabilisation
financière du patient est un gage de bonne observance et
diminuera sans doute le gaspillage.
Les moyens de ce développement seront apportés par le
délistage (ou exonération) de principes actifs médicamenteux
d’efficacité prouvée et pourront être accélérés par des procédures
de déremboursement sur des classes pharmacothérapeutiques.
Les conséquences financières de cette évolution pour le
patient seront peut-être limitées par des prises en charge
partielles ou totales de certains de ces médicaments par des
assurances complémentaires.
■Références
[1] Bader JP. Réflexions sur le bon usage du médicament. Concours Méd
1995;117(1839-42, 1912-4, 1980-2, 2049-51, 2113-7):1758-60.
[2] Bowen D. Nonprescription drug regulation in the United States. Drug
Inf J 2000;34:323-7.
[3] Soller RW. The over-the-counter scientific/regulatory paradigm. Drug
Inf J 1999;33:799-804.
[4] Ministère desAffaires Sociales et de la Solidarité.Avis du 27 mai 2005
aux fabricants concernant les demandes d’autorisation de mise sur le
marchédesmédicamentsdeprescriptionmédicalefacultative.Bulletin
Officiel n°2005-8.Annonce n°32.
[5] European Commission. A guideline on changing the classification for
the supply of a medicinal product for human use. 2005.
[6] Hanser E. Surveillance des effets indésirables des médicaments non
prescrits. [thèse de doctorat en médecine], UER Pierre et Marie Curie,
2000.
“Points essentiels
Recommandations aux pharmaciens
Les bonnes questions lors de la délivrance d’un
médicament de PMF :
• Pour qui ce médicament ?
• Quels sont les symptômes ?
• Ça dure depuis quand ?
• Quels autres médicaments prenez-vous (prend-il ou
–elle) ?
Conduite à tenir concernant l’automédication lors
d’une consultation médicale
• Demander au patient s’il prend un (des) médicament(s)
non prescrit(s).
• Se renseigner sur leur composition (boîte, notice,
pharmacien, fabricant).
• Vérifier l’absence de cumul de dose d’un principe actif
avec d’autres médicaments prescrits ou non.
• Apprécier les risques d’interaction médicamenteuse.
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Automédication
4Traité de Médecine Akos