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REFACE
Ne nous leurrons pas. Nous sommes à la veille d’une évolution
essentielle et en quelque sorte révolutionnaire dans l’histoire des
réseaux de télécoms dans notre pays : la mutation du haut débit vers le
très haut débit rendue possible grâce à l’implantation de la fibre dans le
réseau d’accès. L’enjeu est de taille : il s’agit ni plus ni moins du
renouvellement, structurant pour les quelques décennies à venir de la
boucle locale fixe, aujourd’hui en cuivre.
Ce phénomène a déjà démarré dans plusieurs régions du monde, en prenant toutefois des
formes assez différentes selon les caractéristiques des réseaux en place et les
circonstances locales. Partout néanmoins, il s’agit moins d’une évolution que d’une vraie
rupture, dans le montant des investissements envisagés et leur horizon d’amortissement,
dans les services et les usages rendus ainsi possibles. Cette mutation aura des
conséquences très importantes sur l’industrie, les opérateurs, les collectivités locales, mais
également sur le développement de l’économie de la connaissance et la compétitivité de nos
entreprises françaises.
Si elle était prévisible, cette évolution arrive finalement dans notre pays plus rapidement que
prévu, même si bien sûr beaucoup d’obstacles demeurent à un déploiement harmonieux et
homogène. En effet, jusqu’ici, le scepticisme était plutôt de mise sur la maturité du marché et
du contexte réglementaire : les usages ne semblaient guère au rendez-vous pour justifier un
tel investissement et certains opérateurs annonçaient qu’ils n’investiraient pas sans avoir
l’assurance d’un monopole, même provisoire.
Comme souvent depuis quelques années en France, le marché et le dynamisme des
opérateurs nous ont surpris.
On ne peut s’empêcher de souligner que cet élan constaté aujourd’hui sur le très haut débit
est dans la lignée du dynamisme du marché sur le haut débit, principalement fondé sur
l’innovation et la concurrence permises par le dégroupage et qui fait de notre pays un leader
en terme d’offres de Voix sur broadband et d’offres triple-play.
Il convient également de souligner que ce qui se passe en France est assez différent de ce
qui se passe chez nos voisins européens où on assiste souvent à un déploiement du type
FTTC+VDSL. En Europe, la France semble aujourd’hui un des seuls pays à envisager
d’emblée un déploiement FFTB voire FTTH. C’est d’ailleurs ce qui conduit nos homologues
européens à évoquer « l’exception française » car en effet cette situation pose des
problèmes, notamment réglementaires, assez spécifiques.
Quelle action publique ?
Il s’agit pour les pouvoirs publics, Etat, régulateur, mais aussi collectivités locales
d’accompagner ce déploiement afin qu’il ait lieu dans les meilleures conditions pour notre
pays. Pour cela il convient tout d’abord d’identifier les goulots d’étranglement techniques et
économiques afin d’y remédier au mieux. En voici quelques uns.
Tout d’abord la mutualisation des infrastructures passives est clé : le génie civil, voire les
câbles, comptent pour 50% à 80% du coût et sont éminemment partageables entre les
opérateurs. Sa faisabilité est en train d’être investiguée par l’ARCEP.
En outre, la partie terminale de la boucle en fibre présente toutes les caractéristiques
d’une infrastructure non substituable et difficilement réplicable, bref d’un monopole naturel. Il
est essentiel de permettre son ouverture, tout en garantissant un retour raisonnable sur
investissement, si nous voulons éviter la reconstitution de monopoles locaux qui
constitueraient une sérieuse régression de la qualité de la concurrence qui s’est développée
depuis quelques années sur le haut débit. Il est hors de question de devoir déménager pour
changer d’opérateur.