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Commentaire Notre-Dame de Paris, Victor Hugo, chapitre IV, livre huitème

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Commentaire sur l’extrait du roman « Notre-Dame de Paris » de Victor Hugo
L’amour est la seule fatalité véritable selon le romantisme. Ce dernier, courant artistique du
XIXe siècle, a pour but de sortir des normes imposées par le classicisme, son prédécesseur. Il
privilégie tout ce qui emporte l’homme hors de ses limites, comme l’imagination et la sensibilité à
l’harmonie et la mesure du classicisme. Le romantisme joue sur les contrastes, sur l'opposition du
beau et du laid, de l’ombre et de la lumière, du sublime et du grotesque, du bien et du mal, etc...
C’est d’ailleurs ces contrastes qui caractérisent l’univers du poète, dramaturge et romancier Victor
Hugo. C’est ce qu’il a mis en lumière via son roman gothique Notre-Dame de Paris (1831) : Frollo,
un prêtre dévoile ses sentiments interdits à Esmeralda et lui révèle qu’il peut la sauver si elle
accepte de l’aimer. Dans ce récit tragique, pathétique et élégiaque en focalisation interne, le
narrateur est extradiégétique et observe la scène du point de vue d’Esmeralda. Il sera donc judicieux
de se demander en quoi la déclaration d’amour que fait Frollo à Esmeralda suscite la terreur et la
pitié du lecteur. Nous verrons d’un côté comment cette déclaration inspire la terreur chez le lecteur,
et de l’autre, comment elle fait naître chez lui la pitié.
Victor Hugo, via les souffrances et la folie qu’apporte à Frollo sa déclaration d’amour,
suscitera la terreur du spectateur.
Son désir pour Esméralda lui provoque une terrible souffrance. Tout d’abord, l’amour qu’il
porte à Esmeralda ne lui apporte que de la douleur car il est ronger par la jalousie. En effet, il traite
Phoebus avec les adjectifs « misérable » et « imbécile »(l.7) pour exprimer à quel point il le
considère comme un moins que rien, et la synecdoque « une livrée de soldat »(l.5-6) ne fait que
confirmer la haine qu’il lui porte. Rien que d’entendre le nom de Phoebus de la bouche d’Esmeralda
c’est douloureux pour lui, comme le révèle la comparaison hyperbolique : « comme si tu broyais
entre tes dents toutes les fibres de mon cœur »(l.20). Ensuite, le désir qu’il a pour Esmeralda le
consume. En effet, les nombreuses hypallages de son corps :« vos artères qui bouillonnent », « votre
coeur qui crêve » (l.11) montrent bien au lecteur que le corps de Frollo se détruit à petit feu.
L’hypallage hyperbolique «ce corps dont la forme vous brûle »(l.8) décrit bien le feu du désir qui le
dévore. Enfin, son amour pour Esmeralda lui afflige un violent supplice car il agît comme un
bourreau sur lui. Ainsi, il décrit son désir pour elle métaphoriquement comme de « véritables
tenailles rougies au feu de l’enfer »(l.9) et la phrase hyperbolique : « bienheureux celui qu’on scie
entre deux planches, et qu’on écartèle à quatre chevaux »(l.9-10) nous montre bien à quel point il
est torturé, et cette image ne peut qu’horrifier encore plus le spectateur. Il personnifie ses
« artères », son « cœur », sa « tête » et ses « dents »(l.11) en « tourmenteurs acharnés »(l.12) pour
montrer que même son propre corps le trahi et le torture. Par conséquent, le lecteur mesure à quel
point la passion de Frollo à Esmeralda est un calvaire, source de tourments.
Sa passion pour Esmeralda le fait sombrer dans la folie. Premièrement, il ne contrôle plus
son corps. En effet, via l’antithèse « torture-moi », « caresse-moi » (l.14), on comprend qu’il perd la
tête et se contredit. Il perd aussi le contrôle de son corps, comme en témoigne la personnification de
son corps : « vos dents qui mordent vos mains » (l.11-12) où le lecteur comprend que c’est le corps
de Frollo qui à pris possession de lui, et qui dirige. Et les points de suspension à la ligne 23 et la
présence du conditionnel (l.23-27) prouvent bien qu’il s’égare et rêve a voix haute. Deuxièmement
sa passion le pousse tellement à la folie qu’il devient un meurtrier. Ainsi, Esmeralda ne cesse de le
lui rappeler grâce aux adjectifs « assassin »(l.42) et « monstre »(l.42) et à la périphrase euphémique
« vous avez du sang sous les ongles » (l.29) précédé de l’apostrophe « mon père » pour rappeler au
spectateur que Frollo est un prêtre et qu’il a normalement juré de vivre hors du péché, ce qui rend
son crime encore plus effroyable. Dernièrement, il devient tellement fou qu’il prend du plaisir à
tuer. En effet, l’interjection exclamative « Oh ! »(l.40) qui exprime son allégresse, ainsi que la
métaphore « je vivais jusqu’au bout du poignard »(l.40) exprime bien à quel point tuer Phoebus a
été pour lui un bien-être qui épouvante encore plus le lecteur. Par conséquent, le lecteur comprend à
quel point son désir pour Esmeralda l’a fait perdre la raison et l’a rendu esclave de son propre corps.
L’identification et la distanciation sont les deux mouvements par lesquels un spectateur doit
passer lors d’une pièce de théâtre classique. Victor Hugo s’en est inspiré pour écrire son roman.
Alors après que le lecteur ait repoussé le personnage de Frollo parce que sa déclaration d’amour l’a
terrifié. Il va s’identifier à Frollo et compatir pour lui.
Le lecteur, au travers du fait que Frollo sacrifierait tout pour Esmeralda et du fait qu’il ait
abandonner sa foi pour elle alors qu’elle le hait, peut s’apitoyer sur lui.
Frollo donnerait tout pour la femme qu’il aime. Tout d’abord, il sacrifierait sa liberté. En
effet, via l’antithèse aux lignes 5 et 6, Frollo dit clairement qu’il « regrett[e] de ne pas être roi,
génie, empereur, archange, Dieu pour lui mettre un plus grand esclave sous les pieds ». On peut
émettre l’hypothèse selon laquelle Frollo souhaiterait être quelqu’un d’influent et de riche pour que
son sacrifice soit plus important car simple prêtre qu’il est, son sacrifice n’est pas assez conséquent
selon lui et ne prouve pas à Esmeralda l’intensité de son amour. Ensuite, il serait prêt à renoncer à
sa dignité pour elle. En effet, il l’a supplie tout au long du texte au travers de phrases exclamatives
telles que « aie pitié de moi ! »(l.15) ou « Je t’en supplie […] ! »(l.19). Il l’a prie de l’épargner et de
l’aider. Et il se met à nu devant elle en lui dévoilant ses sentiments grâce à la répétition du verbe
« aimer » tout au long de son discours : « aimer une femme !»(l.2) ou encore « je t’aime !»(l.19). Il
perd aussi sa dignité lorsqu’il se traite de l’adjectif « misérable »(l.19). Enfin, il est prêt à s’offrir
lui, pour elle. En effet, il serait prêt à la suivre n’importe où, et il dit de manière antithétique que
« l’enfer où [elle] ser[a], c’est [son] paradis »(l.21). Il lui offrirait tout ce qui fait de lui un Homme,
comme en témoigne la gradation : «son sang, ses entrailles, sa renommée, son salut, l’immortalité et
l’éternité, cette vie et l’autre »(l.3-4). Donc, le lecteur mesure à quel point l’amour qu’il porte à
Esmeralda est si fort qu’il serait prêt à lui offrir tout ce qu’il possède.
La passion qu’il porte à Esmeralda est si forte qu’elle lui fait salir les idées auxquelles il a
donné sa vie. Tout d’abord, il parjure les vœux des prêtres. En effet, il blasphème le vœu de
pauvreté : il qualifie sa soutane dont il aurait dû être fier de porter, de l’adjectif « sale » (l.6). Il
renie ce pour quoi il a voué sa vie et il souhaiterait être riche, ce qui est contradictoire avec son vœu
de pauvreté, comme le prouve la gradation : « regretter de ne pas être roi, génie, empereur,
archange »(l.4-5). Et vouloir être « Dieu » en plus de ça, est une insulte à la religion chrétienne. Et il
blasphème le vœu de chasteté : il brûle de désir pour Esmeralda, comme en témoigne les hypallages
hyperboliques : « voir ce corps dont la forme vous brûle » et « ce sein qui a tant de douceur »(l.8).
Ensuite, il trahi la loi de Dieu. En effet, Dieu, dans ses dix commandements, dit que « Tu n’auras
pas d’autres dieux que moi ». Or, Frollo avoue qu’il l’idolâtre Esméralda et la considère au dessus
de Dieu, via la phrase superlative : « ta vue et plus charmante que celle de Dieu »(l.21-22). Enfin, il
commet le pire pécher pour un chrétien : il tue. En effet, Esmeralda évoque tout au long du texte
son crime via les adjectifs « assassin »(l.42) et « monstre »(l.42) et à la périphrase euphémique
« vous avez du sang sous les ongles », pour qu’il n’oublie pas son acte. Et c’est via la contamination
syncrétique « tâche éternelle » qu’elle montre à Frollo l’ampleur de son sacrilège. Par conséquent,
le lecteur plaint le pauvre Frollo qui a trahi tout ce pour quoi il a voué sa vie pour sa passion nonréciproque pour Esmeralda.
Donc, la déclaration d’amour de Frollo à Esmeralda va susciter l’effroi du lecteur au travers
des tourments et de la folie que va lui affliger l’amour qu’il porte à la jeune femme. Mais cette
déclaration va aussi émouvoir le spectateur qui va s’identifier au personnage de Frollo qui serait
prêt à tout sacrifier pour celle qu’il aime ainsi qu’abandonner ce à quoi il a consacré sa vie, alors
même que sa passion si intense n’est pas partagée. On peut comparer cet extrait de Notre-Dame de
Paris de Victor Hugo à l’extrait de la tragédie classique de Racine, Phèdre (1677) dans lequel
Phèdre voue un amour impossible à Hippolyte, son beau-fils, et se transforme en personnagerepoussoir qui, comme Frollo, inspire terreur et pité au spectateur.
Sebastien Sarah, 209
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