Projet d’amélioration des ressources propres de la commune de Korhogo DIARASSOUBA Mahamadou COULIBALY Vazoumanan Université Peleforo Gon Coulibaly de Korhogo Département de géographie (Licence 3) 2019 Résumé La gestion des collectivités territoriales s’appuie essentiellement sur le tandem diagnostic-étude prospective. Ce management nécessite la participation et la prise en compte de facteurs capables de générer des ressources en vue d’un développement local harmonieux. Or cette logique ne paraît toujours pas évidente pour les acteurs communaux. Aider les mairies notamment celle de Korhogo à mieux cerner l’économie communale et à créer des ressources propres à l’effet de financer le plan de développement communal est notre objectif premier à travers ce travail. Summary The management of local authorities is based primarily on the diagnostic-prospective study tandem. This management requires the participation and consideration of factors capable of generating resources for harmonious local development. However, this logic still does not seem obvious to the municipal actors. Helping town halls, in particular that of Korhogo, to better understand the municipal economy and to create their own resources in order to finance the municipal development plan is our primary objective through this work. 1 Introduction Amorcée timidement depuis l'indépendance, la politique de décentralisation en Côte d’Ivoire a connu sa vitesse de croisière en 1980 avec la communalisation et s’est renforcée en 2001 et 2011. Elle constitue en fait un instrument d'aménagement du territoire avec pour objectifs la maîtrise des problèmes que connaissent les villes et la participation active des populations au développement local. Pour réaliser ce développement local, l’Etat met à la disposition des communes des ressources financières dont certaines proviennent de la fiscalité locale. Mais, les ressources des communes demeurent insuffisantes au regard de leurs besoins. Nonobstant, les recettes allouées par l’Etat et l’aide des partenaires, les communes doivent face aux défis du développement local, être à même de générer des ressources propres en mettant en valeur les potentiels humain et économique locaux existants pour combattre les facteurs générateurs de pauvreté. A l’instar de toutes les deux cent une (201) communes de Côte d’Ivoire, la commune de Korhogo connaît des difficultés à générer des ressources propres pouvant dynamiser son véritable développement. De ce fait, quelles sont les difficultés rencontrées par la commune de Korhogo dans la collecte des ressources ? La commune exploit-elle pleinement et à bon escient les potentialités dont elles disposent ? Dans le présent travail, il s’agira pour nous de mettre en place un projet d’optimisation des ressources internes de la commune de Korhogo, cela à travers une étude diagnostique et prospective de l’économie communale. Mots clés : Korhogo, projet d’amélioration, commune, ressources propres Introduction Timidly initiated since independence, the decentralization policy in Côte d’Ivoire reached cruising speed in 1980 with municipalization and was reinforced in 2001 and 2011. It is in fact a regional planning instrument with objectives control of the problems faced by cities and the active participation of populations in local development. To achieve this local development, the state makes financial resources available to municipalities, some of which come from local taxation. However, the resources of the municipalities remain insufficient in relation to their needs. Notwithstanding, the revenues allocated by the State and aid from partners, the municipalities must face the challenges of local development, be able to generate their own resources by highlighting the existing local human and economic potential to combat the generating factors. Of poverty. Like all two hundred and one (201) municipalities in Côte d’Ivoire, the municipality of Korhogo is experiencing difficulties in generating own resources that can boost its real development. Therefore, what are the difficulties encountered by the municipality of Korhogo in collecting resources ? Does the municipality fully and wisely exploit the potentialities at its disposal ? In this work, for us, it will be a question of setting up a project to optimize the internal resources of the municipality of Korhogo, through a diagnostic and prospective study of the municipal economy. Keywords: Korhogo, improvement project, municipality, own resources 2 I- Présentations 1- Présentation du projet La clé de capacité d’investissement d’une commune repose sur son aptitude à dégager une épargne destinée à autofinancer les équipements. C’est pourquoi, la gestion communale requiert un savoir et un savoir faire appropriés, au regard de la complexité des problèmes à résoudre et du contexte de rareté des ressources. De là, il s’impose la mise en œuvre de projets servant de boîte à outils et de référentiels capables de doter les communes de moyens nécessaires au développement local. Dans le présent projet, nous avons opté pour la commune de Korhogo, l’une des communes phares du Nord de la Côte d’Ivoire. L’objectif est de contribuer à changer le regard des acteurs communaux sur le potentiel financier interne de la commune en mobilisant et gérant les ressources financières propres. Ce projet permettra non seulement d’identifier les difficultés qui entravent la bonne exécution du budget communal et un meilleur recouvrement des recettes communales, mais mieux il favorisera l’agrandissement de l’assiette fiscale en assurant une excellente capitalisation des ressources. A terme, il mettra en lumière les activités économiques existantes, ainsi que les potentialités et opportunités de la commune de Korhogo. 2- Présentation de la commune de Korhogo Créée par la loi n° 85-1085 du 17 Octobre 1985, la commune de Korhogo est située au Nord de la Côte d’Ivoire à environ 648 km d’Abidjan, la capitale économique. C’est à la fois, une commune, un chef-lieu de sous-préfecture et de département, mais également le chef-lieu de la région du Poro. Elle occupe une superficie de 700 km2 avec une population 214 471 habitants (UVICOCI). La commune de Korhogo est une constellation d’espace urbanisé, de villages et de campements situés à la périphérie de la ville dans un rayon de 20 km. Ainsi, le périmètre communal de Korhogo englobe dans ses limites les villages de : Lenivogo, Kafigué, NabougnoNkaha, Bounonkaha, Katiofi, Takali, Zonkitakaha-Dioula ; M'Bromakaha, Torgo, Gozan-Vogo, Nignanigakaha, Gnambélégué, Bafimé, Klokakaha Kassienrin, ZonkitakahaSénoufo, Prognonkaha et la ville de Korhogo. Ses villes frontalières sont : M’Bengué et Tengréla au nord, Dikodougou et Mankono au sud, Ferké et Ouangolo à l’Est, Boundiali à l’Ouest. Elle est dirigée depuis octobre 2018 par COULIBALY Lanzeni. 3 3- Présentation des activités économiques de la commune Les activités menées sont diverses. Nous avons les activités formelles qui se concentrent sur les sociétés, services et les activités informelles parmi lesquelles on peut citer le commerce, le transport, l’artisanat, le tourisme. II- Etude diagnostique de l’économie communale de Korhogo 1- Les limites de la gouvernance locale La gestion communale à Korhogo révèle des insuffisances en termes de compétences, de maitrise des systèmes, de procédures et méthodes, mais aussi d’équipements adéquats pour être à la hauteur des enjeux du développement local. Ces insuffisances concernent notamment la corruption, le manque de lisibilité dans la gestion du budget communal. Toutes choses qui provoquent une rupture de confiance entre la municipalité et les populations. Aussi, plusieurs activités surtout informelles comme le petit commerce, l’artisanat et le transport ne sont pas prises en compte parmi les ressources. Ce qui fait des pertes au niveau des recettes de la commune. A cela il faut ajouter les cas de corruption et de complaisance qui sont des facteurs de perte des ressources communales. Notre enquête montre également qu'une grande partie de la population ignore l'existence des taxes sur le territoire communal, ce qui se ressent négativement sur le taux de recouvrement. Il faut souligner que la sensibilisation n'a pas encore fait un grand effet sur le comportement des populations. Enfin, l’analyse montre un réel conflit de compétence entre structures étatiques quant à la gestion des domaines (terrain urbain, droit foncier… Conséquences, certains acteurs préfèrent se cacher pour mener leurs activités. Ce qui fait que les recettes communales sont sous exploitées. 4 2- Recette des marchés de la ville : un potentiel sous-exploité Les outils d’identification des contribuables sont insuffisants ou inactifs. L’absence de recensement exhaustif explique des déficiences d’organisation dans la répartition des emplacements, une difficulté d’identification des occupants, un manque de maitrise du nombre d’emplacements. Ce qui veut dire qu’il y a des progrès à effectuer dans le recensement de la matière imposable. 3- La non régularité des paiements Un autre constat est le non paiement des taxes par les contribuables. A l’analyse, la grande majorité n’est pas à jour de leurs devoirs fiscaux, ce qui pourrait expliquer un faible taux de recouvrement. Ils avancent comme motifs de non paiement, l’ignorance du bien fondé des taxes et d'autres trouvent les taux élevés. En outre, certains contribuables s'acquittent de leur devoir fiscal sans être sûr de la bonne utilisation des fonds. Ce qui dénote d’une part du manque de confiance entre la municipalité et les contribuables et d’autre part cela montre que la plupart des contribuables n'ont pas les informations sur l'exécution du budget communal. 4- L’occupation anarchique du domaine public A Korhogo, le domaine public est anarchiquement occupé. Il n’est pas rare de voir des manifestations matrimoniale et funèbre s’organisées sur les voies publiques sans informer préalablement les services de la mairie. Ce qui constitue un manque à gagner pour la commune. En outre, les droits de stationnement sont une taxe trop limitée aux taxis. En effet, les redevables de cette taxe sont difficiles à appréhender à cause de leur mobilité. Pour le moment, les recettes dites de « stationnement » sont en fait des redevances ou des permis de stationnement qui reposent presque uniquement sur les droits payés (droits non perçus constamment) par les taxis. Or le constat est tout autre, en ce sens qu’on observe régulièrement des poids lourds ou autres véhicules stationner sans être inquiétés par les agents de la mairie. 5- La mauvaise exploitation du foncier communal Le paiement de l’impôt foncier est loin d’être une tradition à Korhogo. Pis rares sont ceux qui se déclarent aux services de la mairie et de la construction en vue d’obtenir un titre foncier après l’acquisition d’un terrain. De plus, l’urbanisation diffuse à laquelle on assiste à Korhogo avec son corollaire d’occupation anarchique et de périurbanisation n’est guère maîtrisée par lesdits services. Par ailleurs, il existe un conflit de compétence entre la mairie, la préfecture et la construction quant à la gestion du foncier urbain. On ne sait réellement pas qui fait quoi. Or cet état de fait donne droit à un certain anarchisme dans l’acquisition des terrains urbains et dans l’attribution des titres fonciers. 6- La déclaration des biens taxables (la difficile maîtrise des matières imposables) On remarque que la majorité des contribuables restent encore réticents à la déclaration des biens et des activités, ce qui témoigne de la méconnaissance du bien fondé de la communalisation. Et cela fausse les prévisions fiscales. Un autre problème lié à la collecte des taxes est le taux élevé selon certains contribuables qui rechignent à se déclarer. 5 7- Les contraintes d'ordre humain, matériel et logistique L’analyse révèle un nombre réduit d'agents municipaux (nombre insuffisant), ce qui fait que le programme de sortie n'est pas respecté sur le terrain et limite par voie de conséquence les sorties pour le recouvrement. Une autre contrainte observée est que certains d'entre eux n'ont pas suffisamment été formés. Il y a aussi le manque de volontaires pour la collecte des droits et places du marché. Il faut noter l'insuffisance de véhicules pour le recouvrement. Le cas fréquent des tickets qui finissent sans lesquels aucune collecte ne peut se faire. III- Stratégies d’amélioration des ressources propres de la commune de Korhogo Pour l’amélioration des recettes, il n’y a ni solutions miracles ni solutions extrêmement sophistiquées, il s’agit de faire fonctionner la « chaîne fiscale » et de remédier à ses défauts (adressage, identification, évaluation, innovation, cohérences informatiques, …) 1- Le renforcement de la gouvernance locale Globalement, il s’impose de réorganiser les services financiers de la commune (multiplier les services de collecte avec des objectifs précis à atteindre), d’évaluer les performances de ces services de manière périodique, d’établir des programmes de formation des agents des communes chargées de la gestion des taxes communales, de formaliser dans un cadre spécifique un programme périodique de formation. A cela, il faut adjoindre la lutte contre le chômage par l’embauche du personnel communal facteur de réduction de la corruption et par ricochet d’une bonne perception des recettes communales. Eu égard au fait qu’aucune commune ne peut vire en autarcie, la mairie gagnerait à opter pour le jumelage avec d’autres communes, mêmes d’autres pays pour attirer des investissements. Au niveau du recensement des contribuables L’élaboration d’un fichier du contribuable, fichier qui doit régulièrement être mis à jour par des recensements. Ce fichier permettra non seulement de connaître les diverses taxes et impôts, mais aussi l'assiette et le suivi régulier des recouvrements. Il s’agit d’un recensement général de la matière imposable pour mieux maîtriser le gisement fiscal. A ce niveau, il faudrait obligatoirement faire un décompte systématique des occupants du marché par le recensement de tous les emplacements fixes et de tous les redevables au niveau des marchés et gares routières. Aussi procéder à l’identification des taxis motos qui constituent de nos jours le plus moyen de transport le plus prisé. Au niveau de la sensibilisation La meilleure stratégie est sans conteste, la sensibilisation en vue de vivifier au quotidien le sens civique ou le civisme fiscal. Elle doit être l’affaire de tous les acteurs y compris la population à travers notamment les mouvements associatifs. S’agissant des autres recettes recouvrées au comptant, une stratégie déjà expérimentée dans des communes et qui a donné des résultats probant mérite d’être adoptée. C’est le cas par exemple de la ville de Dakar au Sénégal avec 6 l’organisation de « la journée témoins de recettes ». La stratégie consiste à organiser périodiquement des opérations « coups de poing » de recouvrement devant même faire appel à un personnel temporaire notamment des étudiants. Ces opérations peuvent être menées de manière séquentielle (tous les trimestres ou semestres). Cette méthode a le double avantage d’améliorer le rendement, de soumettre les secteurs marchands à une évaluation permanente et de permettre d’épingler les contribuables véreux. Sensibiliser les populations sur la distribution des avis d’imposition : il s’agit de leur faire prendre conscience de la nécessité de payer l’impôt, le rôle qu’elles doivent jouer (c’est-à-dire leurs responsabilités dans le développement de leur commune). Cette conscientisation autour de leurs droits et devoirs s’impose : les droits étant celui à la santé, à l'éducation, à la sécurité, il faut alors une contribution pour leur réalisation, d'où les devoirs à accomplir à travers les impôts. Pour parvenir à cela, il faut instaurer des programmes de sensibilisation où les autorités coutumières, religieuses, les personnes influentes dans la ville seront associées. Quand on arrivera à mobiliser la majorité autour de leurs devoirs, c'est elle naturellement qui convaincra les autres à y adhérer. De plus, la mise en place d’un Plan Communal de Développement Local (PCDL) comme c’est le cas aujourd’hui de la commune de Séguéla aiderait la municipalité de Korhogo à faire une étude prospective et ainsi mieux affiner sa gestion communale. A Séguéla, le Maire Lacina Doumbia a mis place un comité scientifique qui, à travers une participation citoyenne, identifie toutes les potentialités communales en vue non seulement d’agrandir l’assiette fiscale de la commune, mais mieux de projeter la commune dans l’avenir. Tout ceci passe par l’instauration : (1) d’un climat de confiance, (2) d’une Communication permanente, (3) du budget partagé à Korhogo. 2- L’organisation des marchés et des gares routières de la commune Les marchés doivent être organisés en zones et secteurs de collecte après avoir fait le recensement des installations. Ceci va permettre de maitriser le potentiel de recettes au niveau des marchés et gare routière. Il faudra éviter aussi la rupture fréquente du stock des tickets de marchés. Toutes choses qui permettront de stimuler et organiser les activités de ces structures pour mobiliser les ressources financières et fiscales nécessaires à la politique du développement local. 3- Droits d’occupation du domaine public et de stationnement : des potentialités à exploiter La mairie doit instaurer des droits d’occupation précaire temporaire et révocable du domaine public. Prélever comme il se doit : La taxe sur les entrées payantes aux manifestations sportives (la taxe sur la location ou l’exploitation de terrains et installations de sport) ; La taxe sur les spectacles et galas ; La taxe sur les établissements de nuit. La municipalité devra prendre l’attache régulière des forces de l’ordre pour le contrôle des véhicules. Certes, faire un recensement serait difficile mais constituer un fichier des véhicules serait d’une très grande utilité. Ceci n’est possible que si la commune se rapproche des services de transports terrestres pour une collecte d’informations sur les redevables. Au demeurant, la commune devra aménager des aires de stationnement pour les automobilistes. 7 4- Informatique et recouvrement de la fiscalité locale Le recouvrement par l’innovation technologique axé sur le « tout électronique » comme voie de sortie aux difficultés de gestion de la chaîne fiscale. Cela est possible : En Informatisant les activités par le développement d’un logiciel de gestion et de recouvrement mieux adapté En codifiant chaque contribuable pour un suivi aisé En Facilitant le recouvrement par la téléphonie mobile Par l’envoi mensuel de sms de rappel aux contribuables 5- une bonne gestion du foncier communal La mise en place de recettes non fiscales notamment les produits domaniaux, les frais de bornage et droits d’alignements. La révision du mode d’attribution des propriétés foncières pour plus de traçabilité de l’impôt foncier. Cela passe le respect du mode d’acquisition du terrain urbain. Procéder à une identification minutieuse des contribuables « fonciers » et cela à travers une synergie d’action entre l’équipe municipale et la direction régionale de la construction et de l’urbanisme. 6- La revalorisation des sites touristiques La revalorisation des sites touristiques pour apporter un plus à l'économie locale. En effet, des sites comme les tisserands de Waraniéné, le jardin public, la piscine municipale, le musée de Korhogo, sont à valoriser afin qu’ils deviennent une autre source de revenu pour la commune. Conclusion La commune de Korhogo en pleine expansion constitue une zone d’activités économiques et donc pourvoyeuse de ressources variées. Elle dispose d’activités diverses pouvant impulser son essor. Toutefois, l’étude diagnostique de l’économie communale révèle des difficultés qui entravent non seulement le recensement de la matière imposable, mais aussi un recouvrement efficace des recettes fiscales. Les dispositifs en la matière demeurent encore insatisfaisants, malgré les avancées indéniables. C’est pourquoi, la mise en place d’axes stratégiques sollicitant tant l’implication forte des autorités de la commune que des populations serait un gage de l’optimisation du rendement de la fiscalité locale. Cela ne sera possible que si les autorités municipales prennent des mesurent adéquates en posant des actes concrets. 8