Tumeurs Surrénales et Hyperfonctionnements : Diagnostic et Imagerie

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Tumeurs sécrétantes
et hyperfonctionnements surrénaliens
V. Chabbert, P. Otal, J. Amar, V. Lannareix, T. Lemettre, G. Canevet, F. Joffre
Les hyperfonctionnements surrénaliens sont largement dominés chez l’adulte par l’hypercortisolisme ou
syndrome de Cushing, les hyperaldostéronismes, et le phéochromocytome et/ou paragangliome. Les
syndromes adrénogénitaux sont exceptionnels. Le scanner est l’examen de première intention après les
explorations biologiques. Le scanner multicoupes montre des performances supérieures à l’imagerie par
résonance magnétique (IRM) en termes de détection lésionnelle. L’analyse des densités sans contraste et
du « lavage lésionnel » fait du scanner un outil efficace pour la caractérisation des adénomes. Il est le plus
souvent suffisant pour le bilan d’extension des adénocarcinomes surrénaliens. L’IRM autorise un meilleur
contraste spontané que le scanner, utilise les séquences de déplacement chimique pour la recherche des
adénomes et améliore le bilan d’extension des lésions volumineuses dans certains cas. Les autres outils
diagnostiques comprennent le cathétérisme des veines surrénaliennes et l’imagerie fonctionnelle telle que
la scintigraphie au MIBG (méta-iodo-benzylguanidine).
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Mots clés : Glandes surrénales ; Tumeurs hypersécrétantes ; Scanner ; Imagerie par résonance magnétique
Plan
Introduction 1
Imagerie des syndromes de Cushing 2
Généralités 2
Syndromes de Cushing ACTH-dépendants 2
Syndromes de Cushing ACTH-indépendants 2
Imagerie des syndromes adrénogénitaux 6
Hyperaldostéronismes primaires 6
Généralités 6
Imagerie 7
Cathétérisme sélectif des veines surrénaliennes 10
Attitude pratique 11
Imagerie des phéochromocytomes et des paragangliomes 12
Généralités 12
Imagerie 12
Stratégie d’exploration face à une suspicion
de phéochromocytome ou paragangliome 15
Conclusion 15
Introduction
La glande surrénale est constituée du cortex et de la médul-
laire. Le cortex est lui-même constitué de trois zones distinctes
histologiquement : la zone glomérulée, la zone fasciculée et la
zone réticulée. Chacune de ces zones a une spécificité histochi-
mique
[1]
. La zone glomérulée sécrète les minéralocorticoïdes
(principalement l’aldostérone) ; la zone fasciculée sécrète
les glucocorticoïdes ; la zone réticulée produit les hormones
androgènes et œstrogènes. La médullaire sécrète les
catécholamines telles que l’adrénaline, la noradrénaline et la
dopamine.
L’exploration des hyperfonctionnements surrénaliens s’envi-
sage soit à partir de signes fonctionnels, soit après la découverte
d’un incidentalome surrénalien ; en effet, entre 10 et 20 % des
incidentalomes surrénaliens sont responsables d’anomalies
fonctionnelles paucisymptomatiques. Une enquête clinicobiolo-
gique comprenant des tests biologiques appropriés est de fait la
première étape dans l’exploration de ces hyperfonctionnements.
Le scanner surrénalien sans et avec injection de produit de
contraste iodé est l’examen de première intention
[2]
car il
associe les qualités de détection lésionnelle (scanners multicou-
pes permettant des collimations millimétriques) et de caractéri-
sation tissulaire (acquisitions sans injection d’iode, puis avec
injection d’iode au temps portal et enfin acquisition tardive
10 minutes après l’injection). L’imagerie par résonance magné-
tique (IRM) a l’avantage d’être non ionisante, de proposer un
contraste spontané supérieur à celui du scanner, des plans de
coupe multiples, des séquences de déplacement chimique utiles
à la différenciation bénin-malin
[2]
. La scintigraphie au NP59
(iode 131 6 bêta iodométhyl 19 norcholestérol) peut être utilisée
lorsqu’une lésion corticale est suspectée. La scintigraphie au
méta-iodobenzylguanidine (MIBG) et l’octréoscanner sont utiles
au bilan lésionnel des tumeurs à cellules chromaffines. La
tomographie par émission de positrons au (18F) fluoro-2-deoxy-
D-glucose (FDG) ne s’envisage pas dans ce cas particulier.
Les hyperfonctionnements surrénaliens sont largement
dominés chez l’adulte par l’hypercortisolisme ou syndrome de
Cushing, les hyperaldostéronismes et le phéochromocytome
et/ou paragangliome
[3]
. Les syndromes adrénogénitaux de
l’adulte sont exceptionnellement rencontrés et dominés par les
tumeurs virilisantes de la surrénale chez la femme
[3]
.
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1Radiodiagnostic - Urologie-Gynécologie
Imagerie des syndromes
de Cushing
Généralités
Les syndromes de Cushing représentent l’ensemble des signes
cliniques et biologiques résultant d’une sécrétion inappropriée
d’hormones glucocorticoïdes. Cette affection évoquée clinique-
ment doit être confirmée par un bilan hormonal qui oriente
vers l’étiologie.
On distingue deux catégories d’affections :
les syndromes de Cushing adrenocorticotrophic hormone (ACTH)
dépendants où l’hypersécrétion d’ACTH peut être hypophy-
saire (il s’agit de la maladie de Cushing) ou bien ectopique
(Fig. 1);
les syndromes de Cushing ACTH-indépendants, secondaires à
une pathologie de la corticosurrénale ; il faut également citer
dans ce cadre les apports iatrogènes de glucocorticoïdes.
L’imagerie participe au bilan étiologique et repose sur les
examens suivants : IRM hypophysaire ; scanner et IRM des
surrénales ; cathétérisme sélectif du sinus pétreux ; scintigraphie
au NP59.
Syndromes de Cushing ACTH-dépendants
La majorité des syndromes de Cushing (jusqu’à 85 % des cas)
sont liés à une production excessive d’ACTH par un adénome
hypophysaire (maladie de Cushing) ou bien sont liés à une
source ectopique (15 % des cas des syndromes de Cushing
ACTH-dépendants) (Fig. 1)
[1]
. L’IRM met en évidence l’adé-
nome hypophysaire ; en cas de normalité, il est possible de
réaliser un cathétérisme sélectif des sinus pétreux avec dosages
sélectifs étagés de l’ACTH pour confirmer l’origine hypophysaire
du dysfonctionnement
[4]
. Les surrénales sont normales ou
montrent un aspect d’hyperplasie bilatérale
[1]
. Un épaississe-
ment supérieur ou égalà6mmdesfeuillets des surrénales est
considéré comme pathologique. Une hyperplasie marquée serait
évocatrice d’une sécrétion ectopique en partie liée à la durée de
l’hyperstimulation des surrénales par l’ACTH (Fig. 1)
[1, 5]
. Dans
12 à 15 % des cas, l’hyperplasie est macronodulaire, les nodules
variant de quelques millimètres à plusieurs centimètres
[6]
partir d’une population de 53 patients porteurs d’un syndrome
de Cushing ACTH-dépendant, Sohaib et al.
[7]
ont montré que
les surrénales étaient élargies dans 70 % des cas. De plus,
l’épaisseur des feuillets des glandes était en moyenne plus élevée
dans le groupe des sécrétions ectopiques d’ACTH que dans le
groupe des maladies de Cushing. Il existerait une corrélation
entre l’épaisseur moyenne des feuillets des surrénales et le taux
d’ACTH et la valeur moyenne de la cortisolémie du matin ; ceci
expliquerait l’élargissement plus marqué des surrénales en cas
de sécrétion ectopique d’ACTH puisque celle-ci y est plus élevée.
Le développement des nodules semble également lié de manière
positive au taux d’ACTH : les nodules de plus de 10 mm de
diamètre sont plus nombreux (30 %) dans les cas de sécrétion
ectopique d’ACTH que dans les cas de maladie de Cushing
(18 %). La scintigraphie au NP59 montre une fixation bilatérale
du marqueur qui peut dans certains cas être asymétrique ; les
surrénales sont par ailleurs soit normales en taille, soit augmen-
tées de volume
[8]
. La sécrétion ectopique d’ACTH provient le
plus souvent de tumeurs malignes telles que les carcinomes
pulmonaires à petites cellules, les tumeurs carcinoïdes (Fig. 1),
les tumeurs pancréatiques, les cancers médullaires de la thyroïde
et les thymomes
[1, 4]
.
Syndromes de Cushing ACTH-indépendants
Ils représentent environ 20 à 25 % des syndromes de
Cushing
[4]
. L’imagerie aide à déterminer si cette hypersécrétion
est uni- ou bilatérale (Fig. 2) afin d’adapter au mieux le
traitement
[4]
. Les syndromes de Cushing iatrogènes les plus
fréquents ne posent généralement pas de problème
diagnostique.
Adénome surrénalien
Il représente 10 à 20 % des syndromes de Cushing et touche
plus souvent la femme que l’homme
[4]
. Le diamètre est le plus
souvent autour de 20 à 25 mm
[1]
. En scanner, l’aspect est
variable : il peut avoir des densités spontanément faibles comme
tout adénome ou bien des densités identiques au parenchyme
avoisinant. Le rehaussement après injection d’iode est le plus
souvent modéré et homogène
[1]
. En IRM, le signal est typique-
ment bas en pondération T1 et intermédiaire voire hyperintense
en pondération T2
[1]
. Sur les séquences de déplacement
chimique, le signal peut chuter en opposition de phase (de
43,7 % en moyenne dans l’étude de Rockall et al.)
[9]
.La
surrénale controlatérale est habituellement normale ; elle peut
être atrophique du fait du rétrocontrôle du cortisol sur
l’ACTH
[1]
. La scintigraphie au NP59 montre une hyperfixation
unilatérale du côté de la lésion
[8]
. Dans cette indication, la
scintigraphie au NP59 présente une sensibilité et une spécificité
de 100 %
[10]
. Quoique l’aspect soit assez évocateur, il n’est pas
possible de trancher sur la nature bénigne en cas de volumi-
neuse tumeur. Le traitement chirurgical est de toute façon la
règle
[4]
.
Adénocarcinome surrénalien
Il représente 10 à 15 % des syndromes de Cushing. Il s’agit
généralement de volumineuses lésions, le plus souvent supé-
rieuresà6cmdediamètre (Fig. 3), hétérogènes, polylobées,
hypervascularisées, présentant des remaniements nécrotiques et
parfois des calcifications
[1, 4]
. Cependant, environ 16 % de ces
lésions sont inférieuresà6cmetressemblent à un adénome
surrénalien (Fig. 4)
[1]
. Le scanner permet un bilan préthérapeu-
tique complet : la tumeur est hétérogène avant et surtout après
Figure 1. Tumeur carcinoïde pulmonaire située dans le lobe moyen (flèche) sécrétant de l’adrenocorticotrophic hormone (ACTH) responsable d’une
hyperplasie bilatérale des surrénales.
A. Scanner thoracique montrant un macronodule hypervascularisé du segment interne du lobe moyen.
B, C. Scanner sans contraste montrant une hypertrophie bilatérale des surrénales.
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Tumeurs sécrétantes et hyperfonctionnements surrénaliens
2Radiodiagnostic - Urologie-Gynécologie
injection d’iode ; des calcifications sont spontanément visibles ;
les zones de nécrose souvent centrales ne se rehaussent pas et
restent hypodenses. On doit rechercher un envahissement de la
veine rénale gauche, de la veine cave inférieure, des reins, du
pancréas, du foie et des autres organes de voisinage ainsi que les
métastases (hépatiques, pulmonaires) (Fig. 3). Le scanner est
également utile dans la surveillance postopératoire, à la recher-
che notamment de récidive locale, de localisations secondai-
res
[4]
. En IRM, l’adénocarcinome est le plus souvent hypo-
intense en pondération T1, hyperintense et hétérogène en
pondération T2 (Fig. 4) ; le rehaussement après injection de
gadolinium est superposable à celui observé en TDM. Les plans
coronaux et sagittaux permettent mieux que la TDM le bilan
locorégional, notamment vis-à-vis du foie et de la veine cave
inférieure
[1]
.LePET-scan, technique prometteuse dans le bilan
d’extension des pathologies néoplasiques, a récemment montré
sur une série de 27 patients dont sept adénocarcinomes surré-
naliens une hyperfixation des lésions malignes surrénaliennes,
qu’elles soient primitives ou secondaires
[11]
.
Autres causes plus rares
L’hyperplasie nodulaire pigmentée se voit chez l’enfant et
l’adulte jeune
[1]
. Elle est de transmission familiale (autosomi-
que dominante). Les signes cliniques sont modérés et le délai
entre le début des symptômes et le diagnostic est relativement
long. Cette entité peut être de transmission familiale et
associée à d’autres anomalies : myxomes cardiaques, anoma-
lies de pigmentation cutanée, tumeurs testiculaires (syndrome
de Carney). Macroscopiquement, les surrénales sont le siège
de nodules sombres voire noirs du fait de la présence de
lipofuscine
[1, 9]
. Le tissu surrénalien entre les nodules peut
être atrophique. Les nodules n’excèdent généralement pas
5 mm de diamètre. Ils peuvent atteindre1à2cmchez
l’adulte. Chez l’enfant et l’adulte jeune, ces nodules, de par
leur petite taille, peuvent ne pas être visualisés. Chez le sujet
plus âgé, la TDM et l’IRM les détectent. En IRM, ces nodules
ont un signal inférieur au tissu surrénalien avoisinant en
pondération T1 et T2. Dans un cas de l’étude de Rockall et
al.
[9]
, ces nodules montraient une chute de signal en opposi-
tion de phase.
L’hyperplasie macronodulaire est la forme la plus rare de
syndrome de Cushing ACTH-indépendant. Elle est plus particu-
lièrement retrouvée au Japon à l’âge adulte
[1, 12]
. Les surrénales
sont nettement augmentées de taille ; des macronodules
pouvant atteindre jusqu’à 5 cm de diamètre déforment massi-
vement les contours de la glande (Fig. 5) et sont associés à de
multiples micronodules
[12]
. Au plan macroscopique, les macro-
nodules sont de couleur jaune. Le parenchyme restant est
d’analyse difficile : les avis divergent concernant l’aspect
hyperplasique, ou au contraire normal ou atrophique de ce
dernier, ce critère n’étant pas de toute façon utilisé pour le
diagnostic anatomopathologique
[12]
. Ces remaniements
contrastent avec une symptomatologie clinique modérée pour la
plupart des patients. Doppman et al.
[12]
ont décrit les caracté-
ristiques TDM et IRM de cette entité. En TDM, la majorité des
surrénales (11 patients sur 12) étaient déformées par des
Figure 2. Hyperplasie surrénalienne et syndrome de Cushing. Macronodules bilatéraux (flèches) et hypertrophie modérée du reste de la surrénale gauche.
A, B. Scanner sans contraste. Nodule droit de 28 × 14 mm, mesuré à 9 UH, nodule gauche de 27 × 15 mm, mesuré à 12 UH.
C, D, E. Scanner après injection de produit de contraste iodé à 1 minute. Rehaussement modéré des deux nodules : 41 UH pour le droit et 49 UH pour le
gauche.
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3Radiodiagnostic - Urologie-Gynécologie
Figure 3. Volumineux adénocarcinome surrénalien droit (flèches blanches) sécrétant du cortisol, envahissant le foie, déplaçant le rein droit vers le bas et
l’avant (étoile blanche), associé à une thrombose tumorale de la veine surrénalienne droite (étoile noire) et de la veine cave inférieure (étoile noire). Thrombose
cruorique de la veine ovarienne droite (flèche blanche). Adénomégalies rétropéritonéales (flèche noire).
AàL.Scanner après injection de produit de contraste iodé au temps artériel et portal. Reconstructions maximum intensity projection (MIP) en coronal (I) et axial
(H) montrant la vascularisation de la masse : les artères surrénalienne droite, hépatique et phrénique droite (flèches noires) vascularisent la masse. La veine cave
inférieure en regard des veines hépatiques est libre, de même que son abouchement dans l’oreillette droite.
J, K, L : métastases ganglionnaires thoraciques et cervicothoraciques gauches (étoile blanche).
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Tumeurs sécrétantes et hyperfonctionnements surrénaliens
4Radiodiagnostic - Urologie-Gynécologie
Figure 3. (Suite) Volumineux adénocarcinome surrénalien droit (flèches blanches) sécrétant du cortisol, envahissant le foie, déplaçant le rein droit vers le bas
et l’avant (étoile blanche), associé à une thrombose tumorale de la veine surrénalienne droite (étoile noire) et de la veine cave inférieure (étoile noire).
Thrombose cruorique de la veine ovarienne droite (flèche blanche). Adénomégalies rétropéritonéales (flèche noire).
M. Échographie abdominale. Rapports de la masse avec le rein droit et le foie (flèches blanches). Les limites sont nettes avec le rein, floues avec le foie. Le
thrombus dans la veine cave inférieure (étoile noire) apparaît flottant.
Figure 4. Adénocarcinome surrénalien gauche en imagerie par résonance magnétique et syndrome de Cushing.
A. Séquence en écho de spin en apnée pondérée en T2. La masse surrénalienne gauche (flèche) est en hyposignal par rapport au foie et aux reins.
B, C. Séquence de déplacement chimique en opposition de phase (B) et en phase (C) : absence de chute de signal de la masse alors que le foie stéatosique
voit son signal chuter.
D. Séquence en apnée, écho de gradient, pondérée en T1 : la lésion est en isosignal aux reins et discret hyposignal par rapport au foie.
E. Séquence en apnée en écho de gradient pondéré T1 avant injection de gadolinium et après saturation du signal de la graisse.
F, G, H. Même type de séquence qu’en E après injection de gadolinium. Rehaussement homogène de la lésion, en isosignal par rapport aux reins.
Reconstruction coronale (H).
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