Dysthyroïdies et grossesse

Telechargé par Khedim MED SOUADI
Dysthyroïdies
et
grossesse
Philippe
Caron
CHU
Larrey,
service
d’endocrinologie,
maladies
métaboliques
et
nutrition,
pôle
cardiovasculaire
et
métabolique,
31059
Toulouse,
France
Correspondance
:
Philippe
Caron,
CHU
Larrey-Toulouse,
service
d’endocrinologie,
maladies
métaboliques
et
nutrition,
pôle
cardiovasculaire
et
métabolique,
24,
chemin
de
Pouvourville,
TSA
30030,
31059
Toulouse,
France.
Disponible
sur
internet
le
:
9
novembre
2011
Les
dysfonctionnements
thyroïdiens
sont
fréquents
chez
la
femme,
avec
des
particularités
au
cours
de
la
grossesse.
En
effet,
il
existe
une
augmentation
des
besoins
en
iode
liée
à
l’augmen-
tation
de
la
clairance
rénale
de
l’iode
et
au
transfert
transpla-
centaire
de
l’iode
inorganique
vers
le
foetus.
Dans
le
même
temps,
l’activité
fonctionnelle
de
la
glande
thyroïde
maternelle
est
augmentée
du
fait
de
l’augmentation
de
la
concentration
plasmatique
de
la
Thyroxine
Binding
Globuline
(TBG),
de
l’action
TSH-like
de
l’hormone
gonadotrope
chorionique
(hCG)
et
de
l’apparition
de
l’activité
de
la
désiodase
placentaire
de
type
III
[1].
D’autre
part,
il
existe
une
suppression
partielle
de
l’activité
immunologique
maternelle
qui
entraîne
une
diminution
de
la
production
des
anticorps
antithyroïdiens
et
en
particulier,
des
anticorps
anti-récepteur
de
la
TSH,
avec
un
rebond
immunolo-
gique
après
l’accouchement
expliquant
les
rechutes
de
la
mala-
die
de
Basedow
et
les
épisodes
de
thyroïdite
silencieuse
du
Maladie
thyroı¨dienne
en
ligne
sur
/
on
line
on
www.em-consulte.com/revue/lpm
www.sciencedirect.com
Dossier
thématique
Presse
Med.
2011;
40:
11741181
ß
2011
Elsevier
Masson
SAS.
Tous
droits
réservés.
1174 Mise au point
Key
points
Thyroid
dysfunctions
and
pregnancy
Advances
in
understanding
the
physiology
of
the
thyroid
function
in
normal
pregnancy
have
highlighted
the
impor-
tance
of
the
consequences
of
abnormal
thyroid
function
on
mother
and
fetal
outcomes.
Thyroid
diseases
are
common
in
young
women
of
child-
bearing
age
while
management
of
thyroid
diseases
is
rela-
tively
straightforward.
For
each
thyroid
dysfunction
(hypothyroxinemia,
hypothyr-
oidism,
hyperthyroidism,
postpartum
thyroiditis),
the
issues
with
the
obstetric
complications
of
the
mother
and
the
fetus
are
considered.
Indeed,
early
recognition
of
thyroid
diseases
during
pregnancy
and
appropriate
management
has
the
potential
to
improve
outcome
for
the
mother
and
the
fetus.
Points
essentiels
Les
acquisitions
récentes
en
physiologie
thyroïdienne
au
cours
de
la
grossesse
normale
permettent
d’expliquer
les
conséquences
de
toute
altération
de
la
fonction
thyroïdienne
au
cours
de
la
grossesse
avec
ses
possibles
retentissements
maternels
et
foetaux.
Les
dysfonctionnements
thyroïdiens
sont
fréquents
chez
les
femmes
jeunes
en
âge
de
procréer
et
leurs
traitements
sont
le
plus
souvent
bien
codifiés.
Pour
chaque
dysfonctionnement
thyroïdien
(hypothyroxiné-
mie,
hypothyroïdie,
hyperthyroïdie,
thyroïdite
du
post-partum),
les
possibles
complications
obstétricales
chez
la
mère
et
chez
le
foetus
sont
rappelées.
Un
diagnostic
précoce
des
dysfonctionnements
thyroïdiens
au
cours
de
la
grossesse
et
leur
traitement
adapté
améliorent
les
conséquences
tant
maternelles
que
foetales.
tome
40
>
n812
>
décembre
2011
doi:
10.1016/j.lpm.2011.09.008
post-partum.
Ces
données
physiologiques
expliquent,
toute
ou
partie
des
particularités
des
dysfonctionnements
thyroïdiens,
telles
que
l’hypothyroxinémie,
l’hypothyroïdie
et
la
thyrotoxi-
cose,
qui
atteignent
les
femmes
au
cours
de
la
grossesse
et
dans
le
post-partum
[24].
Carence
iodée
et
grossesse
Les
besoins
quotidiens
en
iode
sont
variables
selon
l’âge,
le
sexe
et
l’état
physiologique
[5]
:
ils
atteignent
200
à
300
mg/j
au
cours
de
la
grossesse
et
en
période
d’allaitement
maternel
(tableau
I)
[6].
Cette
augmentation
des
besoins
en
iode
au
cours
de
la
gros-
sesse
est
secondaire
à
:
une
stimulation
de
la
synthèse
des
hormones
thyroïdiennes
liée
à
l’augmentation
de
la
TBG
sous
l’effet
des
estrogènes
au
cours
des
premières
semaines
de
grossesse,
à
l’effet
de
l’hCG
avec
son
pic
en
fin
de
premier
trimestre
de
grossesse
et
à
l’apparition
de
la
désiodase
placentaire
qui
augmente
la
clairance
métabolique
de
la
thyroxine
;
une
augmentation
de
la
clairance
rénale
de
l’iode
sous
l’effet
de
l’hyperoestrogénie
et
au
passage
transplacentaire
d’une
fraction
de
l’iode
inorganique
maternel
au
cours
de
la
seconde
partie
de
la
grossesse,
afin
d’assurer
la
synthèse
des
hormones
thyroïdiennes
par
la
glande
thyroïde
foetale.
En
France,
les
études
épidémiologiques
mettent
en
évidence
la
présence
d’une
carence
iodée
modérée
au
cours
de
la
grossesse
[7,8]
(encadre
´1).
Les
conséquences
d’une
carence
iodée
sont
variables
selon
l’importance
du
déficit
en
iode
et
l’âge
de
la
population
[9].
Au
cours
de
la
grossesse,
la
carence
en
iode
est
associée
à
une
augmentation
de
la
pathologie
thyroïdienne
morphologique
(goitre
et
nodule)
et
fonction-
nelle
(dysthyroïdies).
En
effet,
une
carence
iodée
même
modérée
(50
à
100
mg/j)
entraîne
:
chez
la
mère
[1,10],
une
hypothyroxinémie,
une
sécrétion
préférentielle
de
T3,
une
augmentation
du
rapport
molaire
de
T3
sur
T4,
une
augmentation
de
la
concentration
de
TSH
au
cours
de
la
seconde
moitié
de
la
grossesse
qui
reste
le
plus
souvent
dans
les
limites
de
la
normale,
mais
qui
est
responsable
d’une
stimulation
de
la
thyroïde
avec
une
augmentation
de
la
concentration
de
thyroglobuline
et
du
volume
thyroïdien
maternel.
Cette
hypertrophie
thyroïdienne
est
corrélée
à
l’importance
de
la
carence
iodée
au
cours
de
la
grossesse
[7]
et
elle
n’est
que
partiellement
réversible
après
l’accouchement
;
elle
récidive
à
chaque
grossesse
et
est
un
facteur
de
goitrigenèse
chez
la
femme
[1]
;
chez
le
foetus,
la
glande
thyroïde
est
plus
sensible
à
la
carence
en
iode
que
la
thyroïde
maternelle
ce
qui
entraîne
l’apparition
d’un
goitre.
Une
hypothyroïdie
foetale
peut
être
liée
à
un
déficit
du
passage
transplacentaire
de
T4
maternelle
au
cours
de
la
première
partie
de
la
grossesse
et
à
un
défaut
de
production
de
T4
par
la
thyroïde
foetale
après
la
16
e
semaine
de
grossesse.
L’hypothyroxinémie
(diminution
de
la
concentration
de
T4
libre
avec
une
TSH
normale)
et
l’hypothyroïdie
(augmentation
de
la
TSH
avec
une
T4l
normale
ou
diminuée)
secondaires
à
la
carence
en
iode
peuvent
être
responsable
de
troubles
du
développement
neuro-intellectuel
du
foetus
et
d’un
crétinisme.
En
effet,
les
hormones
thyroïdiennes
ont
un
rôle
important
dès
les
premières
étapes
du
développement
du
cerveau
chez
l’homme
(tableau
II).
Jusqu’à
la
fin
du
premier
trimestre
de
la
grossesse,
la
T4
foetale
est
exclusivement
d’origine
mater-
nelle
[11]
et
ce
transfert
de
la
T4
maternelle
vers
le
foetus
se
poursuit
pendant
toute
la
grossesse,
puisque
15
à
30
%
de
la
T4
mesurée
dans
le
cordon
ombilical
au
moment
de
la
nais-
sance
sont
d’origine
maternelle
[12].
D’autre
part,
la
désiodase
de
type
II
est
présente
dans
les
cellules
neuronales
dès
les
premières
semaines
de
vie
et
des
récepteurs
à
la
T3
ont
été
mis
en
évidence
dans
le
cerveau
du
foetus
humain
dès
la
huitième
semaine
de
grossesse.
Ainsi,
une
carence
iodée
modérée
entraîne
une
hypothyroxinémie
et
une
hypothyroïdie
respon-
sables
d’anomalies
du
développement
psychomoteur
et
intel-
lectuel
des
enfants
avec
des
déficits
dans
le
domaine
de
la
vision,
de
la
motricité,
des
capacités
de
perception
y
compris
1175 Mise au point
Tableau
I
Apports
recommandés
en
iode
selon
l’âge
Nouveau-nés
90
mg/j
Enfants
(un
andix
ans)
90
mg/j
Adolescents
150
mg/j
Adultes
150
mg/j
Grossesse-
allaitement
200
mg/j
Encadre
´1
Données
épidémiologiques
sur
les
ioduries
chez
les
femmes
enceintes
en
France
Midi-Pyrénées
1993
(n
=
347
femmes)
Iodurie
médiane
premier
trimestre
:
50
mg/L
Iodurie
médiane
neuvième
mois
:
54
mg/L
Iodurie
<
100
mg/L
:
75
%
Paris
1999
(n
=
51
femmes)
Iodurie
médiane
accouchement
:
48
mg/L
Limoges
2003
(n
=
92
femmes)
Iodurie
médiane
troisième
trimestre
:
58
mg/L
Iodurie
<
100
mg/L
:
76
%
Provence
Alpes
Côte
d’Azur
2003
(n
=
108
femmes)
Iodurie
médiane
deuxième
trimestre
:
59
mg/L
Iodurie
<
100
mg/L
:
86
%
Dysthyroïdies
et
grossesse
Maladie
thyroı¨dienne
tome
40
>
n812
>
décembre
2011
une
diminution
des
fonctions
du
développement
intellectuel
[1317].
Ainsi,
une
diminution
de
la
T4
libre
maternelle
à
la
12
e
semaine
de
grossesse
entraîne
une
altération
du
développe-
ment
neurocognitif
au
cours
de
la
première
année
de
vie
[18].
Il
existe
une
corrélation
entre
la
diminution
de
la
concentration
de
T4
libre
maternelle
à
la
12
e
semaine
de
grossesse
et
l’importance
du
déficit
des
capacités
psycho-intellectuelles
évaluée
au
cours
du
dixième
mois
de
la
vie.
Pop
a
également
montré
qu’une
hypothyroxinémie
maternelle
du
premier
tri-
mestre
de
la
grossesse
entraîne
des
troubles
du
développe-
ment
moteur
et
mental
chez
les
enfants
âgés
de
un
à
deux
ans
[19].
En
revanche,
la
correction
de
l’hypothyroxinémie
après
la
fin
du
premier
trimestre
de
la
grossesse
est
responsable
de
l’absence
d’anomalie
du
développement
moteur
et
mental,
témoignant
du
caractère
réversible
de
celles-ci
avec
la
correc-
tion
des
perturbations
des
paramètres
fonctionnels
maternels.
Enfin,
une
diminution
significative
du
QI
global
associé
a
des
troubles
neurologiques
à
type
d’hyperactivité
et
à
un
déficit
de
l’attention
ont
été
rapportés
chez
les
enfants
âgés
de
huit
à
dix
ans
nés
de
mères
ayant
eu
une
carence
iodée
modérée
au
cours
de
la
grossesse
(63
35
mg/L)
[20].
La
prévention
de
la
carence
iodée
par
une
supplémentation
iodée,
de
100
mg/j
chez
les
femmes
en
période
d’activité
génitale
et
de
200
mg/j
au
cours
de
la
grossesse
et
de
l’allaite-
ment,
prévient
la
carence
iodée
et
ses
conséquences
morpho-
logiques
et
fonctionnelles
thyroïdiennes
tant
chez
la
mère
que
chez
le
foetus
[6,17,21].
Cette
prévention
de
la
carence
iodée
n’entraîne
pas
d’effets
indésirables
tant
chez
la
mère
que
chez
le
foetus
[2124].
En
effet,
une
supplémentation
(jusqu’à
une
posologie
de
300
mg/j
d’iodure
de
potassium)
n’entraîne,
ni
une
augmentation
du
taux
des
anticorps
antithyroïdiens
au
cours
de
la
grossesse
[25],
ni
de
la
fréquence,
de
la
durée
ou
de
la
sévérité
des
épisodes
de
thyroïdite
silencieuse
du
post-
partum
[26,27].
Au
total,
la
connaissance
du
retentissement
maternel
et
foetal
de
la
carence
iodée
même
modérée
au
cours
de
la
grossesse
devrait
permettre
d’en
prévenir
l’apparition
et
d’éliminer
ses
conséquences,
en
particulier,
sur
le
risque
de
goitre
chez
la
mère
et
sur
les
altérations
du
développement
neurocognitif
des
enfants.
Ainsi,
une
supplémentation
quotidienne
par
100
mg
d’iode
chez
toute
femme
en
période
d’activité
génitale
et
de
200
mg
d’iode
au
cours
de
la
grossesse
et
de
l’allaitement
devrait
être
proposée
à
toutes
les
femmes
qui
envisagent
une
grossesse,
dès
qu’elles
sont
enceintes
et
au
cours
de
l’allaitement
maternel
[6].
Hypothyroïdie
et
grossesse
Au
cours
de
la
grossesse,
la
prévalence
de
l’insuffisance
thy-
roïdienne
clinique
(TSH
élevée,
T4
libre
basse)
est
de
0,3
à
0,5
%
et
de
l’hypothyroïdie
sub-clinique
(TSH
augmentée,
T4
libre
normale)
de
2
à
3
%.
La
fréquence
de
l’hypothyroïdie
varie
selon
les
critères
de
définition,
l’apport
iodé
moyen
du
pays
et
le
contexte
clinique
du
patient.
Le
risque
d’hypothyr-
oïdie
en
particulier
sub-clinique
est
multiplié
par
trois
à
cinq
chez
les
patientes
ayant
une
affection
auto-immune
comme
un
diabète
de
type
1
[28].
Chez
les
femmes
ayant
une
hypothyroïdie,
une
grossesse
peut
être
marqué
par
des
complications
obstétricales
(augmentation
de
la
fréquence
de
l’hypertension
gravidique,
de
la
pré-éclamp-
sie,
de
l’anémie,
des
avortements
prématurés
et
des
hémor-
ragies
du
post-partum)
et
également
foetales
(retard
de
croissance
intra-utérin,
morbidité
et
mortalité
foetale
et
péri-
natale
accrue)
[29].
Ces
complications
obstétricales
sont
d’au-
tant
plus
fréquentes
que
l’hypothyroïdie
est
précoce
et
importante,
en
particulier
au
cours
d’une
thyroïdite
chronique
auto-immune.
Dans
tous
les
cas,
un
traitement
adapté
de
l’hypothyroïdie
au
cours
de
la
grossesse
diminue
le
risque
de
ces
complications
maternelles
et
foetales.
La
thyroxine
maternelle
joue
un
rôle
important
pour
le
déve-
loppement
du
cerveau
humain,
en
particulier
au
cours
du
premier
trimestre
de
la
grossesse
car
la
thyroïde
foetale
n’est
fonctionnelle
qu’après
16
à
18
semaines
de
gestation.
1176
Tableau
II
Rôle
des
hormones
thyroïdiennes
au
cours
du
développement
cérébral
humain
Étapes
Hormones
thyroïdiennes
Date
d’apparition
Formation
du
tube
neural
++
34
semaines
Développement
proencéphalique
++
23
mois
Prolifération
neuronale
+++
34
mois
Migration
neuronale
+++
35
mois
Organisation
neuronale
+++
5
mois
années
Myélinisation
+++
Naissance
années
Acquisition
de
l’intelligence
et
des
capacités
d’apprentissage
+++
Toute
la
vie
D’après
Volpé
JJ
(1997)
&
Rovet
J
(1999)
P
Caron
tome
40
>
n812
>
décembre
2011
Il
existe
une
diminution
des
capacités
intellectuelles
chez
les
enfants
nés
de
femmes
ayant
eu
une
hypothyroïdie
pendant
la
grossesse.
En
1999,
Haddow
et
al.
rapportaient
une
diminution
des
performances
intellectuelles
chez
les
enfants
âgés
de
sept
à
neuf
ans
nés
de
mères
ayant
eu
une
hypothyroïdie
(moyenne
de
TSH
à
13
mU/L)
au
cours
du
deuxième
trimestre
de
la
grossesse,
soit
non
diagnostiquée
et
non
traitée,
soit
traitée
de
façon
inadéquate
[30].
L’hypothyroïdie
était
secondaire
à
une
thyroïdite
chronique
auto-immune
chez
77
%
des
pa-
tientes.
Le
quotient
intellectuel
(QI)
des
enfants
nés
de
femmes
hypothyroïdiennes
non
traitées
était
significativement
diminué
(100
versus
107),
alors
que
le
QI
des
enfants
nés
de
femmes
hypothyroïdiennes
traitées
était
comparable
à
celui
des
enfants
nés
de
femmes
euthyroïdiennes
(111
versus
107).
À
noter
que
19
%
des
enfants
nés
de
mères
ayant
eu
une
hypothyroïdie
au
cours
de
la
grossesse
avaient
un
QI
inférieur
à
85
(5
%
pour
les
enfants
nés
de
femmes
euthyroïdiennes).
Enfin,
il
existe
une
corrélation
entre
la
sévérité
de
l’hypothyroïdie
maternelle
et
la
diminution
du
QI
chez
les
enfants
âgés
de
sept
à
neuf
ans
attestant
d’une
relation
entre
la
présence
d’une
hypothyroïdie
au
cours
de
la
première
moitié
de
la
grossesse
et
l’apparition
des
anomalies
du
développement
intellectuel
de
ces
enfants
[31].
Le
diagnostic
d’une
hypothyroïdie
est
facile
chez
les
femmes
ayant
un
antécédent
thyroïdien
personnel
(thyroïdectomie,
traitement
par
iode
radioactif,
prise
de
médicaments
inter-
férant
avec
la
fonction
thyroïdienne)
ou
familial.
Au
cours
de
la
grossesse,
l’hypothyroïdie
est
surtout
secondaire
à
la
thyroïdite
auto-immune
chronique,
plus
fréquente
chez
les
femmes
qui
ont
une
autre
affection
auto-immune
telle
qu’un
diabète
de
type
1
[28].
Le
diagnostic
d’hypothyroïdie
doit
être
évoqué
devant
une
asthénie,
une
chute
des
cheveux,
une
sècheresse
cutanée,
un
goitre
ou
un
bourrelet
pseudomyotonique.
Le
diagnostic
est
confirmé
par
une
augmentation
de
la
concentra-
tion
de
la
TSH,
alors
que
la
concentration
de
la
T4
libre
reste
le
plus
souvent
dans
les
limites
normales
(hypothyroïdie
sub-
clinique).
Le
diagnostic
d’une
hypothyroïdie
au
cours
de
la
grossesse
impose
un
traitement
précoce
et
rapide.
La
dose
substitutive
de
lévothyroxine
(1,6
à
2,0
mg/kg
par
jour
pour
une
hypothyroïdie
clinique,
1
mg/kg
par
jour
pour
une
hypothyroïdie
sub-clinique)
doit
être
prescrite
d’emblée
et
un
dosage
de
la
TSH
doit
être
réalisé
après
quatre
à
six
semaines.
La
posologie
de
lévothy-
roxine
sera
adaptée,
afin
de
maintenir
la
concentration
de
la
TSH
inférieure
à
2,5
mU/L
pendant
le
premier
trimestre
de
la
grossesse
et
inférieure
à
3
mU/L
au
cours
des
deuxième
et
troisième
trimestres
de
la
gestation
[3],
afin
d’optimiser
le
traitement
substitutif
et
prévenir
ainsi
les
conséquences
d’une
hypothyroïdie
maternelle
sur
le
développement
cérébral
foetal.
D’autre
part,
les
besoins
en
lévothyroxine
augmentent
chez
près
de
80
%
des
femmes
qui
ont
une
hypothyroïdie
connue
avant
la
grossesse
[2,3,32].
L’augmentation
de
la
posologie,
variable
selon
les
patientes,
ne
semble
pas
liée
à
une
diminu-
tion
de
l’absorption
intestinale
de
la
lévothyroxine
(une
théra-
peutique
martiale
fréquemment
prescrite
doit
être
prise
au
moins
trois
heures
après
la
prise
de
lévothyroxine).
Elle
résulte
de
l’augmentation
des
besoins
en
hormones
thyroïdiennes
pendant
toute
la
gestation
(augmentation
de
la
TBG,
transport
transplacentaire
de
T4,
activité
de
la
désiodase
de
type
III
placentaire).
En
fait,
l’augmentation
des
besoins
en
lévothy-
roxine
est
précoce
et
corrélée
avec
l’importance
de
la
diminu-
tion
de
la
réserve
thyroïdienne
fonctionnelle
maternelle.
Ainsi,
chez
les
femmes
qui
ont
une
hypothyroïdie
périphérique
et
qui
ont
un
traitement
par
lévothyroxine,
un
dosage
de
la
TSH
doit
être
réalisé
dès
que
la
grossesse
est
confirmée
et
l’augmenta-
tion
de
la
dose
de
lévothyroxine
doit
être
précoce
(25
mg/j
si
la
posologie
prégestationnelle
était
inférieure
à
100
mg/j,
50
mg/
j
si
la
posologie
prégestationnelle
était
supérieure
à
100
mg/j)
[33].
Un
dosage
de
la
TSH
sera
réalisé
toutes
les
quatre
à
six
semaines,
afin
d’optimiser
le
traitement
substitutif.
Après
l’accouchement,
les
besoins
en
lévothyroxine
diminuent
et
redeviennent
comparables
à
ceux
d’avant
la
grossesse.
Il
n’existe
pas
de
contre-indication
à
l’allaitement
maternel
chez
les
patientes
poursuivant
un
traitement
substitutif
par
lévothy-
roxine,
avec
si
possible,
une
prise
de
lévothyroxine
après
les
tétées.
Un
dépistage
de
l’hypothyroïdie
par
un
dosage
de
la
TSH
(
T4l)
pourrait
être
réalisé
[3],
au
mieux
avant
le
début
de
la
gros-
sesse
ou
au
cours
du
premier
mois
de
gestation,
chez
les
femmes
qui
ont
un
antécédent
personnel
ou
familial
de
dys-
thyroïdie,
des
signes
cliniques
d’hypométabolisme
ou
un
goi-
tre,
une
affection
auto-immune
comme
un
diabète
de
type
1,
des
antécédents
d’infertilité
ou
de
fausses
couches
spontanées,
des
antécédents
de
radiothérapie
de
la
tête
et
du
cou.
Cepen-
dant,
ce
dépistage
ciblé
ne
dépisterait
qu’un
tiers
des
hy-
pothyroïdies
et
sa
généralisation
à
toutes
les
femmes
qui
envisagent
une
grossesse
pourrait
être
proposé
[34]
après
la
prévention
systématique
de
la
carence
en
iode.
Hyperthyroïdie
et
grossesse
Une
hyperthyroïdie
serait
présente
chez
1
à
3
%
des
femmes
enceintes,
mais
seules
0,1
à
0,4
%
des
grossesses
sont
associées
à
une
thyréotoxicose
clinique,
dont
la
cause
la
plus
fréquente
est
la
maladie
de
Basedow
[35].
Ainsi,
la
grossesse
peut
survenir
chez
une
femme
en
cours
de
traitement
pour
une
maladie
de
Basedow,
elle
peut
survenir
chez
une
femme
aux
antécédents
de
maladie
de
Basedow
traitée
radicalement
par
chirurgie
ou
iode
radioactif,
plus
rarement
le
diagnostic
de
la
maladie
de
Basedow
est
fait
pendant
la
grossesse.
Au
cours
du
premier
trimestre
de
gestation,
les
signes
cliniques
de
thyré-
otoxicose
peuvent
s’aggraver
(effet
TSH-like
de
l’hCG),
alors
que
l’on
constate
une
amélioration
de
la
thyréotoxicose
pen-
dant
la
deuxième
moitié
de
la
grossesse
liée
à
une
diminution
du
taux
des
anticorps
anti-récepteurs
de
la
TSH
[1].
Par
ailleurs,
1177 Mise au point
Dysthyroïdies
et
grossesse
Maladie
thyroı¨dienne
tome
40
>
n812
>
décembre
2011
il
existe
une
augmentation
de
la
TBG
et
une
réduction
du
pool
iodé
intra-thyroïdien
qui
pourraient
également
contribuer
à
l’amélioration
de
l’hyperthyroïdie
au
cours
de
la
grossesse.
En
revanche,
la
maladie
de
Basedow
récidive
fréquemment
après
l’accouchement.
Au
cours
d’une
grossesse,
une
thyréotoxicose
peut
être
mar-
quée
par
des
complications
maternelles
(hypertension
gra-
vidique,
pré-éclampsie,
fausse
couche
spontanée
tardive,
anémie,
infections,
insuffisance
cardiaque,
rare
crise
thyréo-
toxique)
et
foetales
(anencéphalie,
imperforation
anale,
fente
labiopalatine,
retard
de
croissance
intra-utérin,
hypotrophie
foetale,
rare
mort
in-utéro).
Ainsi,
il
est
nécessaire
de
contrôler
rapidement
toute
thyréotoxicose
au
cours
de
la
grossesse
pour
prévenir
ces
complications
maternelles
et
foetales.
Le
diagnostic
d’hyperthyroïdie
peut
être
difficile
au
cours
de
la
grossesse.
En
effet,
les
signes
de
thyréotoxicose
(tachycardie,
labilité
émotionnelle,
troubles
de
l’appétit,
thermophobie,
pal-
pitations,
troubles
digestifs)
sont
comparables
aux
signes
liés
à
la
grossesse.
Cependant,
deux
signes
seraient
particulièrement
évocateurs
:
l’absence
de
prise
de
poids,
voire
un
amaigrisse-
ment
paradoxal
et
une
tachycardie
permanente.
Le
diagnostic
d’hyperthyroïdie
est
confirmé
par
le
dosage
de
T4
libre
aug-
mentée
et
l’abaissement
de
la
TSH.
Le
diagnostic
de
maladie
de
Basedow
repose
sur
la
mise
en
évidence
d’un
goitre
homogène
et
vasculaire,
des
signes
d’orbitopathie
ou
un
myxoedème
préti-
bial
et
la
présence
des
anticorps
anti-récepteurs
de
la
TSH.
L’échographie
cervicale
peut
compléter
l’examen
clinique,
alors
que
la
scintigraphie
thyroïdienne
est
contre-indiquée.
La
thyrotoxicose
gestationnelle
transitoire
représente
la
forme
la
plus
fréquente
d’hyperthyroïdie
(2,4
%).
Ce
diagnostic
est
évoqué
chez
toute
femme
enceinte
sans
antécédent
personnel
digestif
ou
thyroïdien,
le
plus
souvent
il
s’agit
d’une
grossesse
gémellaire,
avec
des
vomissements
incoercibles
du
premier
trimestre
de
la
grossesse,
une
perte
de
poids
supérieure
à
5
%
du
poids
du
corps
et
des
troubles
ioniques
ou
hépatiques
pouvant
imposer
une
réhydratation
parentérale.
Il
n’existe
pas
de
goitre
ou
de
signe
d’auto-immunité
thyroïdienne.
Le
bilan
hormonal
confirme
l’hyperthyroïdie.
En
règle,
les
symptômes
cliniques
et
les
dosages
hormonaux
thyroïdiens
se
normalisent
parallèlement
à
la
diminution
du
taux
d’hCG,
avec
une
restauration
de
l’euthyroïdie
entre
16
et
20
semaines
de
grossesse.
Une
forme
familiale
de
thyrotoxicose
gestation-
nelle
a
été
rapportée
à
une
mutation
du
gène
codant
le
récepteur
de
la
TSH
entraînant
une
hypersensibilité
du
récep-
teur
de
la
TSH
à
l’hCG
[36].
Classiquement,
le
traitement
d’une
hyperthyroïdie
basedowi-
enne
repose
sur
le
repos,
les
bêtabloqueurs
et
les
antithyroï-
diens
de
synthèse
[35,37]
:
carbimazole
(Néomercazole
W
)
et
son
métabolite
actif
ou
thiamazole
(Thyrozol
W
),
le
propylthiou-
racile
(PTU
ou
Proracyl
W
)
et
le
benzylthiouracile
(Basdène
W
).
Parmi
ces
antithyroïdiens
de
synthèse,
on
prescrit
le
pro-
pylthiouracile
au
cours
du
premier
trimestre
de
la
grossesse
car
des
aplasies
du
scalp
(aplasia
cutis),
mais
aussi
d’excep-
tionnelles
atrésies
des
choanes
et
de
l’oesophage,
des
fistules
trachéo-oesophagiennes
et
des
anomalies
du
septum
inter-
ventriculaire
ont
été
rattachées
à
un
traitement
par
le
méthi-
mazole
pendant
les
deux
premiers
mois
de
grossesse
[38].
Du
fait
du
risque
hépatique
récemment
rapporté
au
cours
du
traitement
par
propylthiouracile
[39],
certains
auteurs
recom-
mandent
la
reprise
du
traitement
par
le
carbimazole
ou
le
thiamazole
au
cours
de
la
seconde
moitié
de
la
grossesse
chez
les
rares
patientes
qui
nécessitent
la
poursuite
d’un
traitement
par
antithyroïdien
de
synthèse.
Sur
le
plan
pratique,
le
pro-
pylthiouracile
doit
être
prescrit,
si
possible
en
première
inten-
tion
en
tant
que
traitement
d’une
thyréotoxicose
au
cours
du
premier
trimestre
de
la
grossesse.
Les
autres
antithyroïdiens
de
synthèse
peuvent
être
prescrit,
si
la
patiente
ne
tolère
pas
ou
a
eu
un
effet
secondaire
au
propylthiouracile
[3].
Le
traitement
par
les
antithyroïdiens
de
synthèse
(sans
adjonction
de
lévothyroxine)
doit
être
adapté,
afin
de
maintenir
la
concen-
tration
de
la
T4
libre
maternelle
à
la
limite
supérieure
de
la
normale
qui
entraîne
alors
une
euthyroïdie
foetale.
Les
antithy-
roïdiens
de
synthèse
franchissent
la
barrière
foetoplacentaire
et
peuvent
être
responsables
d’une
inhibition
de
la
synthèse
thyroïdienne
foetale,
d’une
hypothyroïdie
avec
un
goitre
et
d’un
retard
de
développement
psychomoteur.
La
surveillance
d’un
traitement
par
les
antithyroïdiens
de
synthèse
au
cours
d’une
grossesse
repose
sur
la
formule
numération
sanguine
hebdomadaire
au
cours
du
premier
mois.
Une
surveillance
hormonale
mensuelle
de
la
fonction
thyroï-
dienne
maternelle
est
indispensable
durant
la
totalité
de
la
grossesse
(l’arrêt
des
antithyroïdiens
de
synthèse
est
souvent
possible
au
cours
de
la
seconde
partie
de
grossesse),
mais
également
en
post-partum
(risque
élevé
d’exacerbation
de
l’hyperthyroïdie).
En
cas
d’allaitement,
on
peut
utiliser
avec
précaution
le
propylthiouracile
à
faible
dose
en
prenant
soin
de
le
prendre
immédiatement
après
une
tétée
et
en
surveillant
le
bilan
thyroïdien
de
l’enfant
[37].
En
revanche,
l’utilisation
de
l’iode
radioactif
est
formellement
contre-indiquée
durant
la
grossesse.
Une
thyroïdectomie
totale
peut
être
envisagé
au
cours
de
la
grossesse,
mais
elle
doit
être
réservé
aux
patientes
non
contrôlées
par
les
antithyroïdiens
de
synthèse
ou
ayant
un
effet
secondaire
grave
à
ces
médica-
ments
(agranulocytose).
Les
risques
sont
moindres
si
la
thy-
roïdectomie
est
réalisée
au
cours
du
deuxième
trimestre
de
la
grossesse.
La
présence
d’une
maladie
de
Basedow
au
cours
d’une
grossesse
expose
au
risque
d’une
dysthyroïdie
foetale
liée
au
passage
transplacentaire
des
anticorps
anti-récepteurs
de
la
TSH.
L’hy-
perthyroïdie
foetale
doit
être
évoquée
devant
un
retard
de
croissance
intra-utérin,
un
oligoamnios,
une
accélération
de
la
maturation
osseuse
ou
une
tachycardie
foetale
associée
à
un
goitre
foetal,
objectivable
en
échographie
dès
la
20
e
semaine
de
grossesse.
Une
fois
le
diagnostic
établi
par
le
dosage
des
1178
P
Caron
tome
40
>
n812
>
décembre
2011
1 / 8 100%

Dysthyroïdies et grossesse

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