La composition de ce tableau méritera probablement d’être analysée avec plus de soin,
notamment en ce qui concerne les jeux des regards. Cela donnera peut-être lieu à quelque
révélation d’importance. En attendant il conviendra de s’interroger sur le sens que le peintre a
voulu conférer à son oeuvre : a-t-il voulu nous dire, en figurant le Christ parmi les habitants
de Limoux, à côté d’une vieille femme, que le Christ a vécu à Limoux ou dans ses alentours et
y a fini sa vie ?
Impossible de répondre avec certitude à cette question.
L’église de l’Assomption renferme d’autres œuvres pour le moins troublantes. Certaines
stations du chemin de croix, par exemple, présentent des détails bien singuliers. Avant de
relever quelques-unes de ces anomalies, il me faut signaler une particularité de ce chemin de
croix : il a été réalisé par plusieurs personnes différentes dans les années 1850/1860 (les dates
figurant sur les stations vont de 1857 à 1860). On trouve les noms de Léopold Petiet (station
III), du Père Vidal, vicaire de l’Assomption (station IV), de Cestanet (station VII), de
Stanislas Pons (station IX), de l’abbé Gabbe (station XII)…
A la station XI, laquelle nous montre Jésus en train d’être crucifié, l’artiste (anonyme) a
peint au premier plan une pelle et une pioche. Je n’ai jamais vu un tel détail ailleurs, et si l’on
peut lui trouver une justification (l’auteur a-t-il voulu figurer les instruments avec lesquels on
a creusé le trou, non visible sur la station, où la croix va être enfoncée ?) force est de constater
que, dans la région de Rennes-le-Château, ce genre de détail n’est pas sans éveiller quelques
soupçons.
D’autant que ce n’est pas la seule «bizarrerie» de ce chemin de croix. La dernière
station, celle de la mise au tombeau, présente cette particularité de nous montrer Jésus non
couché dans la tombe, mais comme assis sur celle-ci. Il est bien sûr censé être mort, ses yeux
sont clos, et deux hommes soutiennent son corps, tandis que Marie-Madeleine, agenouillée
devant lui, le considère avec tendresse ― et non avec désespoir comme c’est habituellement
le cas. L’étrange parallèle que cette dernière station, nous montrant Jésus maintenu assis sur
ce tombeau aux allures de trône de pierre, offre avec la première, nous montrant Pilate assis
sur son trône, semble laisser deviner une volonté symbolique.
Concernant ces deux stations, je ne saurais affirmer avec certitude qu’elles gardent bien
un secret. Ce qui m’y inciterait, ce serait la station XIII, qui, elle, est manifestement codée.
Face à Jésus, portant sa croix, se trouve sa mère, agenouillée, et, à côté d’elle, une autre
femme, tendant un voile à Jésus. Le voile que cette seconde femme tient nous autoriserait à
voir en elle Véronique, si, précisément, celle-ci n’était représentée à la station suivante ! Cette
femme n’est donc certainement pas Véronique ― que tous les chemins de croix ne
représentent qu’une seule fois. Le peintre qui a réalisé cette station semble signifier assez
clairement qu’un secret entoure cette femme. Un homme murmure quelque chose à l’oreille
de Jésus qui considère la femme au voile du regard, ignorant totalement sa mère qui tend
pourtant ses mains vers lui. Le voile qu’elle tient renverrait donc non à Véronique, mais
devrait être dès lors considéré comme un symbole du secret.
Quant à la nature de celui-ci, il pourrait bien être lié au plus singulier détail de cette
station : la présence d’une source d’eau vive au premier plan. En effet, partant des pieds du
personnage féminin au voile, un filet d’eau assez important vient se rassembler en une flaque
d’eau bleue devant la Vierge. Le personnage féminin au voile serait-il Marie-Madeleine, et le
peintre aurait-il voulu faire une allusion très explicite à la Source de la Madeleine ?
Je ne me risquerai pas de répondre par l’affirmative à la question, mais je crois
néanmoins qu’elle mérite d’être posée et d’être analysée…
Enfin, et pour en finir avec l’église de l’Assomption, un dernier tableau mérite d’être
signalé. Il s’agit d’une crucifixion se trouvant dans une chapelle latérale. Dans le fond du
tableau, l’artiste a peint un paysage composé de montagnes. Or, l’on voit dans l’une d’elles,
juste au dessus de la tête de Marie-Madeleine, laquelle étreint le pied de la croix, s’ouvrir une
3