Antiquités orientales
Mésopotamie
Auteur(s) :
Nicolas Benoit
Prince du royaume indépendant de Lagash à la fin du IIIe millénaire, Gudea est connu pour sa piété et son intense activité de
bâtisseur de temples. Cette statuette constitue le seul exemplaire complet d'une série de représentations en diorite de ce
prince, alternativement debout ou assis. Une inscription gravée sur le pagne indique qu'elle était consacrée au dieu
Ningishzida.
Une statue de Gudea complète
Cette statue provient des fouilles de Tello (ancienne Girsu), capitale du royaume de Lagash, d'où elle fut exhumée en deux temps : E.
de Sarzec trouva la tête en 1877 ; le Capitaine Cros, son successeur, découvrît le corps en 1903. Les fouilleurs français possédaient
alors bon nombre de ces statues en diorite, au corps massif, représentant un personnage tantôt assis, tantôt debout. Aucune d'entre
elles n'était cependant complète : les corps étant acéphales, les têtes isolées. C'est à L. Heuzey qu'il revint d'assembler les deux
fragments de notre statue, la première et seule représentation complète de ce prince que l'inscription gravée sur son pagne a permis
d'identifier comme Gudea, patesi de Lagash vers le milieu du XXIIe siècle av. J.-C.
Gudea, prince de Lagash
Le règne de Gudea, ainsi illustré par cette série de représentations, est par ailleurs relativement bien connu. Suite à la chute de la
domination d'Agadé, des cités du Sud mésopotamien établirent des dynasties indépendantes : Gudea succéda à son beau-père Ur-
Ba'u, fondateur de la seconde dynastie de Lagash. Il se consacra à l'édification de temples pour les grands dieux de Girsu : Ningirsu et
Nanshe, Ningishzida et Geshtinanna. La statuaire correspondant à son règne, surtout constituée de ses propres représentations, est
empreinte de cette piété qui contraste avec les thèmes belliqueux de l'art de la période akkadienne. Ainsi, l'inscription que porte la
statuette la consacre au dieu Ningishzida, dont on sait par ailleurs qu'il était patron personnel de Gudea ; elle énumère ensuite les
temples édifiés par le prince en terminant par le sanctuaire du même Ningishzida construit dans le centre le plus ancien de la cité, où
était érigée notre statuette.
Une représentation royale
Coiffé d'un turban royal orné de bouclettes stylisées, le visage glabre de Gudea est calme et souriant ; ses yeux en amandes sont
dominés par de grands sourcils conventionnellement figurés en arêtes de poissons. Il porte un manteau drapé et orné de franges, déjà
connu de la période akkadienne, laissant apparaître un bras à la musculature marquée ; ses mains sont jointes en signe de piété.
L'attitude tranquille et puissante du prince est renforcée par l'aspect sombre de la diorite, commune à toutes ses représentations. Cette
pierre possédait déjà une connotation régalienne aux époques précédentes, et l'on sait par un texte que Gudea, soucieux de la
pérennité de l'oeuvre, en imposait lui-même l'emploi, l'important à grands frais de la région du Golfe. Les proportions, enfin, étonnent
par leur fantaisie : la tête, du fait de l'absence de cou, semble démesurée et engoncée dans un corps trop petit. L'indéniable qualité de
la facture excluant par ailleurs l'hypothèse d'une maladresse de l'auteur, il faut voir dans cette singulière silhouette une tradition
sculpturale propre à l'époque ou encore le résultat d'une contrainte technique liée à l'utilisation de blocs de pierre à l'état naturel.
Bibliographie
- HEUZEY Léon, "Une statue complète de Goudéa", in Revue d'Assyriologie et d'Archéologie Orientale, 6, Leroux, 1904, pp. 18-22.
- THUREAU-DANGIN François, "Nouvelle inscription de Goudéa", in Revue d'Assyriologie et d'Archéologie Orientale, 6, Leroux, 1904,
pp. 23-25.
- PARROT André, Sumer, Gallimard, coll. "L'Univers des Formes", 1960, p. 204, ill. 251.
- Portraits du louvre : choix d'oeuvres dans les collections du Louvre, catalogue d'exposition, Tokyo, Musée national d'art occidental, 18
septembre - 1er décembre 1991, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1991, p. 46.